Assis sur mon lit, jambes croisées, j'étais en pleine lecture d'une nouvelle section genjutsu tout juste déverrouillée dans mon encyclopédie du chakra.
'Un genjutsu de masse est plus difficile à mettre en place qu'un genjutsu qui se concentre sur une seule cible.
La nécessité d'affecter tous les systèmes nerveux ciblés au même instant et de la même façon exige la création d'un environnement où les cibles ont été exposés au chakra de l'individu exécuteur du genjutsu de façon identique.
C'est ensuite qu'intervient le déclencheur du genjutsu : il peut être gustatif, olfactif, auditif ou visuel.
Il faut cependant noter que les genjutsu de masse déclenchés grâce au touché – quoique existants - sont les plus difficiles à mettre en place, bien que plus potent et plus difficiles à s'en extraire pour la cible'.
J'avais toujours eu un biais personnel pour les genjutsu de type visuels, que le sharingan et sa rotation constante rendait toujours très facile à employer.
'Maîtriser parfaitement l'emploi d'un genjutsu par le biais des cinq sens sur une cible seule est un prérequis pour pouvoir apprendre à utiliser un genjutsu de masse. Cependant, au vu de la complexité pour un individu de parfaitement maîtriser l'influence psychique sur les cinq sens, il est autorisé pour quelqu'un possédant une excellente maîtrise d'un seul de ces sens de pouvoir en apprendre l'équivalent en genjutsu de foule'
En-dessous, la catégorie 'Genjutsu de masse : Visuels' était déverrouillée, l'écriture brillant d'un vert émeraude.
Je tournai la page précédente, revenant quelques chapitres plus tôt sur les quatre autres types de genjutsu. J'étais certes décent dans leur utilisation, mais ce n'était pas quelque chose qui sortait du commun non plus, à en croire l'encyclopédie du chakra.
Peut-être que si je prenais un peu de temps pour revoir les bases, alors je-
Mon téléphone sonna.
Le nom de mon père s'afficha en plein écran.
Je me redressai d'un mouvement souple, me frottant les yeux d'une main pour me réveiller, puis décrochait
- Shoto. Bonsoir.
Je tendis l'oreille au maximum pour essayer de comprendre où il se trouvait.
Tout était silencieux autour de lui, mis à part de petits crépitements irréguliers que j'imaginai être du bois dans la cheminée de son bureau.
- Bonsoir
Je me mordis l'intérieur de la joue, ne sachant pas quoi rajouter.
- Tu es parti tôt ce matin
Je tournai ma langue sept fois dans ma bouche, me demandant comment lui expliquer que j'avais passé la matinée au commissariat à regretter le meurtre de Touya sans qu'il me raccroche au nez.
- Je devais finir d'installer mes affaires au dortoir. Natsu et Léo m'avaient aidé, mais je pouvais pas les laisser finir seuls.
- Oui. Bien sûr.
Un silence gênant s'installa.
- Et toi ta journée ?
- Bien, bien. Ta mère est restée en état de choc un moment mais ça allait mieux ensuite.
Je hochai la tête sans savoir quoi dire d'autre.
- Natsuo et Fuyumi étaient très heureux de voir Touya. Ta sœur n'arrêtait pas de répéter que c'était un vrai miracle.
Un miracle, ou un manque de prévision de ma part.
- Tu es heureux ? Qu'il soit revenu, je veux dire
- Bien sûr. C'est mon fils.
Mon coeur tressauta.
Je visualisai mon père, ses cheveux grisonnants, ses petites lunettes rectangulaires sur le bout de son nez et le téléphone fixe collé à l'oreille alors qu'on lui annonçait que Touya venait de mourir.
L'imaginer pleurer par ma faute me faisait déjà mal.
- Je suis heureux qu'il soit rentré, tu sais, se confia-t-il doucement. Je me dis que c'est peut-être une deuxième chance pour moi. Pour nous tous.
Je le visualisai souriant doucement, les yeux perdus dans le vague.
Je regrettai plus encore de ne pas l'avoir tué avant qu'il revienne dans sa vie, parce qu'au moins il n'aurait pas plus souffert s'il n'avait jamais su qu'il était vivant.
- Est-ce que tu t'es demandé comment…
Ma voix sonna bizarre. Je me grattai la gorge, reprit calmement :
- Tu te rappelles, il y a onze ans ? On croyait que Touya était mort parce qu'on avait retrouvé un crâne d'enfant au milieu des flammes
Le silence me répondit, puis :
- Bien sûr que je me rappelle
J'attendis, mais il n'y eut rien d'autre.
- Et tu ne te demandes pas comment… ?
Je laissai ma question en suspens de peur de l'énerver.
C'était la première discussion cordiale que nous avions depuis des jours et qui n'impliquait pas de parler de la vidéo du hangar ou de Kenzei.
Sa famille nous avait d'ailleurs recontactés et s'était excusée pour tout ce qu'il se passait alors même qu'ils essayaient de faire entendre leur voix dans la presse pour me défendre.
Mon père leur avait dit que c'était honorable de leur part, mais qu'il valait mieux qu'ils ne s'en mêlent pas pour éviter que les médias ne les déchiquètent à leur tour.
Il avait ensuite rajouté quelques zéros au chèque qu'il leur envoyait annuellement et l'avait posté plus tôt qu'à l'accoutumée.
- Honnêtement ? Je n'ai pas envie de savoir
Il expira sèchement.
- Touya est mon fils, ma chaire et mon sang. Rien de ce qu'il a fait ou fera ne pourra y changer quoi que ce soit
C'était la philosophie avec laquelle il m'avait élevé, et je lui en avais toujours été plus que reconnaissant.
Même en sachant qu'il parlait de Touya, je ne pouvais m'empêcher d'être fier qu'il soit mon père.
- D'accord
Mon père était un meilleur homme que je ne le serai jamais.
Il était bon, juste, et il faisait de son mieux pour toujours offrir le meilleur à sa famille, même si le meilleur était de s'éloigner d'eux pour leur propre bien en sachant qu'il en souffrirait.
C'était parce qu'il était lui que je voulais essayer d'être un peu meilleur moi aussi.
- D'accord ?
Mais je ne pouvais pas être meilleur quand il s'agissait de Touya.
Même s'il n'était pas une menace pour moi en tant que personne, je savais qu'il n'hésiterait pas une seule seconde à blesser mon père pour m'atteindre.
Je ne pouvais pas le laisser en vie – pas si c'était pour passer mon temps à me demander ce qu'il avait prévu de faire à mon père et jusqu'où il irait.
- Je suis content que tu sois heureux
Je trouverai le moyen de tuer Touya d'une façon ou d'une autre sans qu'on le remonte jusqu'à moi.
- Tu sais, Shoto, je ne te force pas à bien t'entendre avec lui, surtout pas après ce qu'il s'est passé. Ni moi ni ta mère, ou tes frères et sœurs
- Je sais
- Ta mère avait dans l'idée de faire un repas tous ensemble, peut-être ce week-end. Est-ce que ça te dirait ?
L'image d'un repas autour d'une dinde rôtie avec mon père qui m'adressait à peine la parole ces temps-ci, celui qui aurait pu être mon meurtrier et les trois autres inconnus avec lesquels je partageais mon sang me sauta tout de suite aux yeux comme très cocace.
- Je… peut-être. Il faudrait que tu préviennes le principal pour moi
- Bien sûr
Nouveau silence.
J'attendis qu'il ajoute quoi que ce soit, en vain.
- Est-ce que c'est pour ça que tu m'as appelé ?
Même moi j'entendis la pointe de déception dans ma voix, et je m'en voulu aussitôt d'avoir ouvert la bouche.
- Non, non. Il y avait autre chose. Ca concerne Touya.
Evidemment que ça le concerne.
- Qu'est-ce qu'il a fait ?
- ...une vidéo de sa présence au Commissariat a fuité par une source inconnue. Elle a été envoyée à un journal et une importante somme a été demandée pour qu'ils en aient l'exclusivité, auquel cas elle serait retransmise au plus grand nombre. Heureusement ceux qui l'ont reçue ont comprit la gravité de la situation et ont contacté Nezu pour l'en informer, lequel m'a tout de suite appelé.
- Et donc ?
Mais je pressentais déjà ce qu'il allait me dire.
- Nous avons filmé une conférence de presse à huit clos il y a un moment où nous avons révélé l'existence de Touya
C'était la meilleure décision à prendre dans ce cas précis au l'information fuiterait dans tous les cas.
Au moins, de cette façon, on contrôlait l'impact premier qu'elle aurait sur le public, et en plus Endeavor apparaissait comme 'volontairement' transparent avec les citoyens.
- Est-ce qu'All Might a accepté de te soutenir publiquement ?
Il l'avait fait pour ma conférence à moi, du moins.
- … All Might est très occupé en ce moment. Je pense qu'il vaut mieux qu'il reste en dehors de tout ça
Sa réponse me semblait bizarre, mais je ne fis aucun commentaire dessus.
Le duo Endeavor et All Might avait été une surprise pour moi, mais j'y avais vite vu l'avantage qu'il représentait : rien qu'à Kamino la présence de mon père avait drastiquement changé la donne et empêché All Might de révéler sa condition au monde entier et de descendre abruptement du rôle de 'Symbole de la Paix'.
All Might aux côtés de mon père était aussi une bonne chose, puisque maintenant je ne voyais pas comment l'incident avec les Nomu High-End qui avait suivi après son ascension précipité pouvait avoir lieu.
Surtout depuis que Gigantomachia était mort et que la Ligue des Vilains était démantelée.
Même si mon père et All Might se comportaient de façon étrange en présence l'un de l'autre, je pouvais au moins compter sur le symbole de la paix originel pour surveiller les arrières de mon père.
- D'ici une minute à l'autre, toutes les chaînes du pays devraient retransm-
Il y eut un hurlement d'horreur qui dressa les poils sur ma nuque
En un shunshin et j'étais dans le salon en position de combat, mon téléphone toujours collé à l'oreille, le coutelas que je cachai sous mon coussin dans la main.
Recroquevillée au centre du salon, front contre sol, les mains sur les oreilles était une Momo Yaoyorozu hurlante à s'en déchirer les cordes vocales.
Les autres élèves se tenaient à distance d'elle, bras légèrement relevés comme pour se protéger de ses cris, échangeant des regards confus.
Je baissai mon couteau et me redressai lentement, essayant de comprendre ce qu'il se passait.
A mon oreille le téléphone grésilla.
- Shoto ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que c'est ?
Momo hurla plus fort, ses ongles grattant le sol frénétiquement jusqu'au point où ses doigts se mirent à saigner.
- Il y a une fille qui-
Et soudain Momo se tut et se retourna vers moi.
Il y avait la trace du carrelage sur son front comme un 'X' géant qui la marquait au fer rouge. Ses yeux étaient écarquillés, sa bouche ouverte en un cri silencieux.
Et puis elle se jeta en arrière, son cri strident explosant comme une déflagration dans tout le salon.
Une lumière rosâtre – comme lorsqu'elle utilisait son Alter – recouvrit sa gorge, amplifiant le cri jusqu'à ce qu'il devienne assourdissant.
Je reculai de plusieurs pas et elle en fit de même, rampant en arrière jusqu'à se coller sous l'écran de télé.
Les meubles se mirent à trembler comme si nous étions pris de séisme.
Dans la cuisine, un vase explosa.
Puis tous les verres se mirent à exploser dans les placards, les éclats fracassant les portières comme des éclats d'obus dans un champ de mines.
Quelqu'un dévala les escaliers à toute vitesse.
Je reconnu Jiro et me déplaçait subrepticement sur le côté pour la laisser passer, son épaule frôlant la mienne.
Elle se jeta aux côtés de Momo, lui serra les épaules et hurla pour se faire entendre :
- Momo ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je continuai à reculer, mon sang battant violemment à mes tempes, mes oreilles bourdonnant comme si mes tympans étaient sur le point d'exploser.
Du sang coulait des prises jack de Jiro, mais elle continuait à secouer Momo.
- Parle moi ! Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
Jiro força Momo à arrêter de me regarder puis se rapprocha d'elle, continuant à crier.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Puis, aussi brusquement qu'elle avait commencé, Momo se tut et éclata en sanglots.
J'observai la scène, surprit, incapable de comprendre ce qu'il venait de se passer.
Jira la serra contre elle, lui hurlant à voix basse que tout irait bien.
Je croisai le regard de Monoma qui s'était réfugié dans un coin du salon.
Il me montra la télé d'un signe du menton.
Dessus se trouvait le visage de Touya en gros plan, vêtu d'un costume à ce que je pensais être la conférence de presse dont mon père m'avait parlé.
Mon père était à côté, une main sur son épaule, le son de sa voix étouffé par les sanglots de Momo.
Puis une photo de moi au championnat utilisant mes flammes apparut à droite de l'écran, et soudain je compris.