Eshu était tentée. Mais tout cela lui semblait encore un peu obscur, presque trop beau pour être vrai.
- Pourquoi vous m'avez choisie moi ? Je suis pas une joueuse de haut niveau.
Antoine sembla surpris par la question, mais ne se départit pas de son sourire.
- Bonne question. Pour être franc, c'est parce que tu as des défauts.
Eshu accusa le coup, mais Antoine continuait sans se laisser distraire :
- Avoir des défauts c'est normal, et c'est pour cela qu'on pense pouvoir t'accompagner. Mais ce n'est pas le seul critère. Ce qui fait la différence pour nous, chez toi, c'est le plaisir que tu as à jouer, le fait de savourer tes parties quelle que soit la phase de jeu, la phase de sélection que tu passes, l'heure à laquelle tu joues.
- C'est comme ça que vous faites la sélection ? Des gens avec des défauts mais des gens qui aiment jouer ? Ca doit ratisser large votre sélection…
Julie et Antoine éclatèrent d'un rire franc.
- C'est sûr. Mais non, il n'y a pas que cela. On a d'ailleurs nos yeux sur des joueuses et joueurs qui n'ont pas ce plaisir du jeu, justement pour explorer ça avec eux.
- En gros vous avez pas vraiment de critère.
Antoine rit à nouveau.
- Voilà. On y va à l'instinct.
Eshu haussa les épaules.
- Au hasard quoi.
A ce moment là, quelque chose changea dans le regard d'Antoine. Une ombre.
Il souriait toujours, mais sa voix baissa d'un ton.
- Non, crois moi, à l'instinct. J'en ai déjà vu des athlètes. Et je sais repérer la flamme qu'il y a à l'intérieur. Je sais faire la différence entre celle qui va s'éteindre au moindre coup de vent, et celle qui peut renverser des villes. Et ni l'une ni l'autre ne m'intéresse. Celle qui m'intéresse c'est celle qui réchauffe et qui anime. Et je crois que toi tu as ça. Mais je crois que cette flamme, pour s'épanouir, elle a besoin qu'on la porte. Nous on peut faire ça. Sans pression. Pour découvrir. On peut t'accompagner, t'aider à t'améliorer jusqu'à ce que tu trouves ce que tu veux faire.
Il laissa un temps et s'avança au-dessus de la table, les yeux rivés dans ceux d'Eshu, qui n'osait plus bouger.
- Mais pour ça, Eshu, il faut que tu tentes le coup. Et ça, il n'y a que toi qui peut le faire. Moi, je ne peux que te demander : Veux-tu nous rejoindre ?