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Loup D'Argent

Les deux hommes revinrent rapidement en ville. Ils se séparèrent, chacun vaguant à ses occupations. Eiji, en particulier, décida de visiter un peu la ville, notamment son marché. Il cherchait en particulier un nouveau sabre.

Bien qu'il en eût apporté un, il s'agissait d'un sabre d'acier de seconde main. Son arme principale avait été réduite en miette par Tahrren lors de leur affrontement à Ninakami. Partant à l'aventure, il souhaitait emporter un sabre digne de ce nom avant de quitter la région.

Pour cela, il traversait les ruelles du marché en quête de vendeurs d'armes. Bien que les marchands d'équipements en acier ne manquaient pas, tous ne vendaient pas des sabres et la qualité était rarement satisfaisante, surtout pour quelqu'un d'aussi exigeant qu'Eiji. En réalité, aucun membre de la garde de Ninakami n'aurait acheté d'arme ici. Après tout, l'arme d'un soldat, c'est son âme, sa ligne de vie. La plupart du temps, notamment sur un champ de bataille, si celle-ci est perdue ou brisée, cela signifie la mort du combattant.

Déçu, Eiji s'engagea par dépit dans une ruelle adjacente au marché. Là, les étals étaient moins nombreux, certains mêmes en mauvais états. Les affaires étaient présentées ci et là sans être ordonnées, un peu à l'image d'un bazar.

Au sol, assise sur un petit escalier, une jeune femme aux longs cheveux noirs jouait un magnifique air de biwa. Un air si doux et si léger qu'il avait le pouvoir de transporter l'esprit. Du coin de l'œil, Eiji aperçut, entre quelques-unes de ses mèches, ses sublimes yeux verts larmoyants. Il remarqua également son visage au traits boursouflé et rougeâtre.

Il ne put s'empêcher d'exploser, au moins intérieurement, de colère. Malheureusement, il ne pouvait rien y faire. Il ne pouvait résoudre toutes les injustices de ce monde à lui tout seul. Il serra fort ses poings et continua à s'enfoncer dans la ruelle.

Son regard vacillait de gauche à droite, cherchant ce pourquoi il était venu. Ce ne fut qu'après avoir passé quelques étals qu'il remarqua enfin des armes. Ces sabres étaient amassés dans un tonneau, seul un petit bout de lame dépassait. Leur fourreau était quant à lui posé sur une table juste à côté.

Eiji s'approcha de ces lames, souhaitant les examiner de plus prêt. La qualité était très variée. Certaines lames étaient déjà très abimées, tandis que d'autres semblaient avoir été forgées par un artisan de premier ordre.

Parmi toutes ces lames, une d'entre elle semblait particulièrement l'appeler. A chaque fois qu'il la regardait, son cœur battait la chamade et de légers frissons parcouraient son corps.

Il approchait sa main de l'arme. Une fois en main, il sentait comme une connexion avec elle. Il ressentit également un léger courant de mana qui affluait en lui. Inconsciemment, Eiji sourit. Il savait qu'il avait trouvé une perle rare. Il s'approcha du commerçant, assez âgé, dont les paupières étaient fermées.

"Vieil homme, combien pour cette lame ?"

Le vieux marchand ouvrit lentement les yeux.

"Trente pièces d'or." Marmonna-t-il.

Eiji n'essaya pas de marchander. En réalité, le prix était plutôt faible, même pour une arme en acier de moyenne qualité. Pour une lame de ce type, le commerçant aurait pu en demander vingt pièces d'or de plus qu'il n'aurait pas bronché.

Il sortit de sa sacoche trente pièces d'or. Sa bourse avait diminué de moitié, mais il ne regretta pas son achat. Il avait désespérément besoin de cette arme. Il avait également hâte de découvrir tous ses secrets.

Il retourna sans hésiter dans sa chambre, où il entreposa son nouveau sabre à côté de ses affaires. Ne sachant que faire de son ancien sabre, il décida qu'il le vendrait plus tard à un marchand du coin pour quelques pièces.

Enfin, il s'assit sur le sol. Pour le reste de la journée, il ne fit que méditer. Actuellement, il n'avait envie que d'une chose : devenir plus fort. Pour vaincre les immortels, venger sa sœur ; et sa mère. Il avait également hâte de savoir jusqu'à quel point il pouvait devenir fort.

Au soir, Tahrren et Eiji se retrouvèrent au rez-de-chaussée de l'auberge pour dîner. Ayano les accueillit avec un large sourire et son enjouement habituel. Mangeant de nouveau un repas chargé en viande, ils allèrent se coucher le ventre plein avant de se lever le lendemain aux premiers rayons de soleil, comme à leur habitude.

Le temps qu'ils enfilassent leurs armures, sortirent de l'auberge et franchirent les quelques centaines de mètres qui les séparaient de l'écurie où se reposaient leurs chevaux, ces derniers étaient déjà prêts à être monté.

Ils payèrent le palefrenier pour ses services, avant de quitter la ville sur leur cheval. Pendant trois jours ils traversaient les plaines de l'est, suivant le principal cours d'eau de la région : l'Elena.

Les courants de ce fleuve étaient rapides et imprévisibles. Les sédiments des sols constituants la cuvette étaient légers, ce qui engendrait des variations dans le dessin du lit et donc des chemins à proximité.

Cela rendait les traversées des plaines encore plus dangereuses, les glissements de terrains étant fréquents et inattendus, tout comme les crues régulières qui frappaient la région. C'est la raison pour laquelle les locaux appelaient le lit majeur du fleuve "Les Lamentations d'Elena".

A proximité de ce fleuve s'élevait une seule et unique montagne. Isolé du reste du monde, le mont Elena partageait son nom avec le fleuve. Mais à l'inverse de ce dernier, ses flans étaient incroyablement secs, balayés par des vents arides et chauds du sud ou plus froid du nord.

Eiji et Tahrren ne virent âme qui vive pendant ces trois jours. Ce n'est qu'au milieu du quatrième jour, alors que le soleil était à son zénith et que le mont Elena couvrait le ciel de sa cime enneigée, qu'ils aperçurent pour la première fois une caravane. Eiji pointa du doigt celle-ci.

"Tahrren, on aperçoit enfin quelqu'un ! Cela faisait longtemps. Même les refuges étaient vides…"

"Peu de personnes empruntent cette route. Généralement, les marchands empruntent le chemin longeant le Jardin des Saints, plus sûr et plus rapide, mais cela nécessite un laisser-passer que nous n'avons pas."

Les hommes s'approchaient rapidement de la caravane. Alors qu'ils n'étaient plus qu'à une centaine de mètre d'eux, Tahrren s'arrêta net.

"Attend, Eiji. Il y a quelque chose d'étrange."

En focalisant son regard sur la cible, Eiji le remarqua également. La caravane était à l'arrêt. L'un des chevaux tirant celle-ci gisait au sol aux côté d'une autre personne. Enfin, trois individus les entouraient, semblant paniqués. L'un était penché sur la personne au sol, tandis que les deux autres scrutaient les hautes herbes qui opposaient le fleuve.

"Approchons-nous lentement." Ordonna Tahrren.

Ils s'approchèrent au pas, gardant un œil sur les hautes herbes comme sur la caravane. Ses passagers remarquèrent rapidement leur présence.

Il s'agissait de deux hommes et deux femmes. Eiji reconnu rapidement l'une des femmes.

"Madame Watanabe ? Watanabe Tamiko ?"

Elle le reconnu également à son tour.

"Oh ! Eiji ! Par tous les dieux, merci ! Nous sommes sauvés !"

La femme, d'un âge moyen, retenait ses larmes. Sa tunique était couverte de boue et d'un peu de sang, qui n'était apparemment pas le sien.

"Que s'est-il passé ?" demanda Eiji.

Le visage de Tamiko pâlit rapidement, la terreur pouvait se lire sur ses yeux.

"Des… Des monstres ! Ils nous ont attaqués ! Nous fuyions Ninakami après que des Yeux Ensanglantés aient tué mon mari, mais ces abominations ont massacré l'un de nos chevaux, et ont commencé à essayer de renverser notre caravane ! Regardez. Ma fille ! Elle est tombée et depuis ne se réveille plus ! S'il vous plaît, aidez-nous !"

Tahrren descendit de son cheval et s'approcha de la jeune fille. Il s'accroupit à côté d'elle et observa ses signes vitaux.

"Elle respire encore, ne vous inquiétez pas pour elle. Parlez-moi plutôt de ces monstres."

Parmi les hommes de la caravane, l'un d'eux semblait être chevalier d'Ophélia. Il portait une armure d'acier, technique que ne maitrisaient pas les Higashito, ainsi qu'une épée aux reflets blanchâtres.

"C'était trois loups ! Trois loups géants, à la fourrure grise, aussi solide que l'acier. Les épées ne les transpercent pas, je ne peux rien faire contre eux. Je n'avais jamais vu de telles créatures !"

Tahrren tiqua à ces mots. Le regard sombre, il se releva et fit face à son apprenti.

"Eiji. Changement de plans. On se dépêche de rejoindre Ophélia."

"Ne pouvons-nous pas les aider ?"

Tahrren le regarda d'un air compréhensif et compatissant.

"Nous ne pouvons rien faire pour eux. Ils sont sains et saufs, c'est l'essentiel. De plus, les loups ne risquent pas de revenir. Ils sont déjà partis."

"Mais…"

"Eiji ! Ces monstres ne sont pas n'importe quels monstres. Je te l'ai dit. Normalement, aucun monstre ne rode dans les environs. Quelques prédateurs errent au nord du Jardin des Saints, là où l'influence divine s'estompe, mais ils ne s'approchent jamais des routes. J'en suis maintenance certains. Ces monstres sont nés sous l'influence de l'anima d'un immortel."

Eiji se tût. Il ne sût guère quoi répliquer.

"Remonte sur ton cheval. Nous devons nous dépêcher, quelques jours de route nous séparent encore d'Ophélia."

Tamiko se leva subitement et s'accrocha au bras de l'elfe.

"S'il vous plaît, vous ne pouvez pas nous laisser là ! Je vous paierai ! J'ai de l'argent sur moi, des bijoux et des pierres précieuses !"

Tahrren la repoussa.

"Je suis désolé. Nous ne pouvons pas nous occuper de vous. Si nous ne nous dépêchons pas, Ophélia pourrait bien connaître des tragédies similaires à Ninakami."

A ces mots, elle recula de quelques pas. Les larmes s'accumulèrent dans ses yeux. Elle s'agenouilla et poussa un puissant cri de désespoir.

"Eiji. En selle."

Bien qu'il souhaitât aider ces personnes, Eiji savait bien que là n'était pas la priorité. Sa famille. Ces tragédies pouvaient frapper Ophélia à tout moment. Il détestait les Ophéliens pour leur armée qui avait autrefois saccager les villes et les champs des Higashito. Mais le peuple n'y était pour rien.

Résigné, il monta sur son cheval. Les deux cavaliers s'élancèrent, et en quelques dizaines de secondes seulement, ils n'étaient pour les passagers de la caravane plus qu'un point à l'horizon.