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Face au Général

La nuit fut courte pour le petit groupe. Malgré tout, Eiji et Andréa parvinrent tous les deux à dormir suffisamment de sorte qu'ils ne furent pas fatigués.

Le premier avait reçu un entraînement militaire depuis son enfance, il était donc capable de s'endormir à peu près n'importe où et n'importe quand. C'était l'une des premières choses qu'on apprenait aux jeunes gardes Higashito : un soldat en forme en vaux bien quatre.

Le second s'était tout simplement couché bien plus tôt, et après avoir vécu largement plus d'un siècle, lui aussi était capable de passer outre le stress des actes prochains.

Ophélie et Tahrren, quant à eux, subirent de plein fouet le manque de sommeil, et essayèrent par tous les moyens d'y remédier : ils puisèrent de l'eau fraîche dans le puits et se débarbouillèrent régulièrement le visage avec, et enchainèrent deux ou trois thés aux feuilles de khalfa, un buisson dont les infusions de ses feuilles sont réputées parfaites pour les lendemains difficiles malgré leur goût très amer.

Moins d'une heure après leur réveil, alors que le soleil se levait doucement depuis l'horizon et que les plus précoces sillonnaient les rues et vaquaient à leurs occupations, les quatre personnes qui s'apprêtaient à affronter une des plus puissantes cité-états du continent à eux seuls eurent une dernière réunion stratégique, qui s'apparentait davantage à un laïus d'encouragement de Tahrren.

"Bien. Nous y sommes enfin. Je n'ai pas à vous rappeler les enjeux de nos actions. Si nous échouons, c'est toute la région qui serait en danger. Pour commencer, nous nous devons convaincre la garde de laisser les nains marcher sur Ophélia. Et la seule personne capable d'y arriver, c'est toi, Ophélie. Tu étais une ancienne princesse, tu as déjà dirigé des troupes autrefois. Et tu t'es également entrainée auprès d'Andréa et Eiji. Aie confiance en toi, tu as largement les moyens d'y parvenir."

"Oui !" répondit brièvement Ophélie. Il était clair qu'elle n'était pas aussi optimiste que lui. Cependant, elle serra les poings et se fit une raison : elle n'avait d'autres choix que de réussir.

"Je le ferai. Non. J'y arriverai." Finit-elle par avouer, autant pour convaincre les autres que pour se convaincre elle-même.

Eiji hocha de la tête, tandis que Tahrren et Andréa, quant à eux, affichèrent un sourire confiant.

"Bien. Allons-y. Nous devons arriver comme convenu à la caserne pour leur réunion matinale."

Chacun d'entre eux s'affaira à ces mots de Tahrren. En moins de cinq minutes, ils étaient déjà sur la route en direction de la caserne de la garde.

Chaque matin, ils y organisaient une réunion. Différents sujets y étaient mentionnés et discutés, notamment quant aux incidents de la veille.

Contrairement aux quartiers religieux, les quartiers militaires étaient eux proches des quartiers résidentiels et ouvriers.

Cela démontrait une certaine dissociation des pouvoirs militaires qui, même si le Pape en était le chef suprême, il faisait surtout office de médiateur en cas de décision importante à prendre.

Au quotidien, c'est le général des armées qui dirigeait les troupes, aidé par ses sous-généraux. C'était envers eux que la confiance du peuple était dirigée, et étaient ceux que chevaliers débutants suivaient et aspiraient à devenir.

C'était donc le meilleur moment pour intervenir : une grande partie des dirigeants des armées serait présent.

En à peine quinze minutes de marche, ils arrivèrent face au gigantesque bâtiment. De forme rectangulaire, il accueillait une gigantesque cour en son sein, où les membres de la garde pouvaient s'entraîner sans y déranger les habitants.

L'entrée n'était pas strictement réservée aux militaires, mais rares étaient les civils qui pénétraient dans cette enceinte.

De ce fait, la présence d'Eiji et du petit groupe n'était pas vu d'un très bon oeil. Surtout qu'ils erraient dans les couloirs, un objet inconnus couvert d'un drap blanchâtre entre les mains, ce qui ne manquait pas de les rendre suspects.

Mais comme ils n'enfreignaient aucune loi, personne ne put leur dire quoi que ce soit.

Cependant, tout n'était pas rose pour eux pour autant. Bien que leur infiltration s'était bien déroulée, un problème majeur survint : ils n'avaient aucune idée d'où pouvait bien se dérouler cette réunion quotidienne.

Après une dizaine de minute d'errance, Eiji avança l'idée que les militaires étaient peut-être présents dans la cour. Ils se dirigèrent donc vers celle-ci.

Là, au milieu des arbres qui encerclaient quelques terrains de terre rosâtre, des dizaines de chevaliers assistaient à un discours, mené par quatre personnes. Andréa reconnut instantanément l'actuel général des armées et les sous-généraux qui l'entouraient.

"Nous y sommes." murmura-t-il.

"C'est à ton tour d'assurer, Ophélie." continua Tahrren.

Ils se tournèrent tous les trois vers elle. Hésitante et légèrement paniquée, elle ne peinait rien qu'à bouger ses lèvres pour leur répondre.

Eiji, la voyant ainsi, s'avança face à elle et apposa ses mains sur les épaules de la jeune femme.

"Ecoute, tu en es largement capable. Inutile de te mettre la pression. Nous sommes avec toi. Tu n'es pas seule. Fais comme nous avons dit : inutile d'être ferme et sévère. Joue sur la confiance. C'est toi qui a l'avantage. Après tout, c'est toi qu'ils vénèrent comme une déesse !" dit-il en ricanant légèrement.

Ophélie ne put s'empêcher de lui renvoyer son sourire.

"Oui ! Je te fais confiance, Eiji." Elle se tourna ensuite vers les deux autres. "Très bien, j'y vais."

"Courage." lui dit finalement Eiji, d'une petite tape dans le dos. Elle lança au groupe un dernier regard furtif avant de se diriger vers les chevaliers.

Ses camarades ne manquèrent pas de s'approcher également, mais maintinrent une certaine distance, afin de ne pas interférer avec son discours et accaparer l'attention des gardes.

Ces derniers étaient alignés en rangs face à leurs supérieurs. Elle leur passa donc à côté, laissant toutefois une certaine distance entre elle et eux. Certains la remarquèrent, et elle ne manqua pas d'attiser leur curiosité.

Cependant elle continua sa marche, son sceptre encore endrapé en main. Elle s'approcha des dirigeants jusqu'à être juste en face d'eux. L'un d'eux l'avait vraisemblablement remarqué depuis quelques temps, tandis que les autres furent stupéfaits qu'une personne ose s'approcher ainsi d'eux en pleine réunion, sans montrer le moindre signe de respect.

Le général descendit de son estrade, s'approcha d'elle et la dévisagea. Il scruta la jeune femme face à elle de la tête au pied. Vêtue d'une simple robe blanche bon marché que l'on pouvait trouver dans n'importe quelle boutique en ville, elle portait un étrange objet endrapé qui lui paraissait pour le moins suspect.

"Impertinente ! Qui es-tu pour interférer ainsi avec notre réunion quotidienne ?"

Ophélie s'offrit une grande inspiration avant de lui répondre. Dans son regard, aucune peur ni hésitation ne pouvait s'entrevoir.

"Mon nom est Ophélie. Ophélie d'Ortia !"

Rapidement, les militaires commencèrent à murmurer entre eux, ce qui ne manqua pas de provoquer un puissant brouhaha.

"Blasphème ! Notre Sainte est mort il y a 700 ans en protégeant notre royaume à tous et la vie de nos ancêtres. Comment une simple mécréante comme toi pourrait-elle prétendre être notre Sainte à tous. Qu'on la jette dans l'un de nos cachots !"

"Attendez ! J'ai de quoi prouver mon identité." dit-elle, fixant ardemment le général.

Face à un regard si soutenu, ce dernier ne put que lui laisser l'opportunité de s'exprimer.

"Soit. Montre-nous tes cartes. Si tu ne parviens à nous convaincre, bien que je doute que ce soit le cas, je t'écouterai."

Ayant reçu l'approbation du général, Ophélie retira le drap qui couvrait le sceptre, dévoilant la magnifique relique faite d'or et de lapis-lazuli.

"Le sceptre de la Sainte Originelle. Tu ne paies rien pour attendre. Si tu l'as volé ainsi, ce n'est pas seulement quelques jours aux cachots qui t'attendent !"

Le général semblait ne pas encore avoir réalisé, alors elle commença à incanter. Face à cela, l'un des sous-généraux se précipita vers elle et ordonna à tous ses gardes de l'arrêter. Rapidement, les dizaines de militaires présents sur place se mirent en branle, se dirigeant en direction d'Ophélie dans le simple but d'arrêter son sort.

"Attendez !" A cet ordre, tout le monde s'arrêta, comme si le temps fut mit sur pause. Après tout, personne ne pouvait discuter un ordre du général !

Il laissa Ophélie incanter sa magie, qu'elle termina après quelques secondes seulement. Enfin, de nombreux artéfacts de lumière brillèrent dans l'atmosphère les entourant. Ces artéfacts se dirigèrent vers les soldats.

Rapidement, les chevaliers ressentirent des changements dans leur corps. Ils se sentirent plus léger, plus fort, mais les blessures de certains se refermèrent également.

Face à cela, le général ne put que s'effondrer sur ses genoux. Affichant un visage en larmes que lui-même jugerait indigne d'un militaire, il parvint à peine à balbutier quelques mots.

"La-La bénédiction du Royaume d'Ortia. Et puis... Vous... Le Sceptre de la Sainte Originelle est normalement scellé par sa propre magie. Personne d'autre qu'elle ne peut le toucher. Encore moins l'utiliser."

Il se reprit rapidement, et s'agenouilla convenablement face à Ophélie.

"Sainte Originelle. C'est donc vous. Vous êtes de retour ! Veuillez pardonner mon impertinence. Je suis prêt à subir n'importe quel châtiment."

Ophélie s'approcha finalement de lui et lui tendit sa main.

"Général. Ce n'est pas en distribuant des châtiments que j'ai protégé le royaume autrefois. Et ce n'est pas aujourd'hui que je compte commencer. Général Ildrim. Le Royaume est en danger. En grand danger. Et j'ai besoin de vous pour le protéger. De vous tous ici présents."

Le général hésita à prendre sa main. Finalement, il s'y résolu. Il adopta de nouveau son habituel air grave et sévère.

"Tout ce que vous souhaiterez, Sainte."