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[FR]Shoto Todoroki - Terroriste des Temps Modernes

« Un meurtrier de masse, l’appelait-on. Le terroriste des temps modernes » Je croyais que j’avais de la chance. Que j’étais différent. Que je pourrais vivre ma vie comme je l’entends. Mais les dés étaient joués depuis longtemps. « C’est amusant, tu ne trouves pas ? Je suis devenu tout ce qu’ils ont dit que je serai » -------- PATREON : patreon.com/Nar_cisseFR English version available on my account

Nar_cisse · Anime und Comics
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Chapitre 6 - Le Pont

Touya sautillait sur son siège, un immense sourire aux lèvres.

Il tenait son trophée doré à deux mains, le regardant à intervalles semi-réguliers pour s'assurer qu'il ne s'était pas envolé entre temps. La satisfaction qui émanait de son corps tout entier était palpable.

- Tou-tou, j'ai oublié comment tu as fais pour marquer le dernier but. Tu veux bien me raconter encore ?

Fuyumi était une gamine maligne.

Elle avait comprit à quel point tout ça – la victoire, le trophée, mais surtout le fait que la famille entière se soit déplacée pour le voir – comptait pour Touya, et elle n'hésitait pas à en redemander encore afin qu'il ait une bonne excuse pour se répéter.

Pour la cinquième fois depuis que nous avions quitté le stade, Touya nous raconta la façon grandiloquente dont il avait sauvé le match.

A chaque répétition la situation devenait plus désespérée, ses adversaires plus caricaturaux et sa victoire personnelle plus décisive.

Il aimait être au centre de l'attention, adorait la façon dont Natsuo le regardait de ses grands yeux brillants d'admiration, se délectait du fait que son père – le héros le plus jeune de l'histoire à avoir intégré le top 5 ! - soit venu le voir jouer entre deux patrouilles et qu'il ait pu frimer devant tous ses amis.

Pour la première fois depuis longtemps, Touya avait l'air vraiment heureux.

Personnellement je n'avais pas trop apprécié m'être fait réveillé aux aurores pour aller voir une bande de gamins à la coordination douteuse courir dans un stade boueux un dimanche, mais qu'importe.

Touya m'avait lâché depuis qu'il avait apprit que son équipe était sélectionnée pour la finale régionale et maintenant il me prêtait autant d'attention qu'à une plante morte.

Je ne m'en plaignais pas, au contraire : mieux valait ça plutôt que me faire scruter nuit et jour comme s'il réfléchissait au meilleur moyen de me faire disparaître sans laisser de traces.

Son comportement d'avant était une mauvaise passe, comme je m'en était douté. Il avait fait une crise d'adolescence un peu précoce mais pas de quoi fouetter un chat.

Rei l'écouta patiemment finir de parler sans jamais relever aucune des incohérences de son histoire (Quoi ? Alors que tout semblait perdu, Enji n'était pas tombé du ciel pour dire à Touya qu'en tant que héros il se devait de vaincre ses ennemis auquel cas la Terre serait perdue ?).

- Je rêve ou les bouchons n'avancent pas, murmura-t-elle à voix basse.

Elle se pencha en avant, frappant la vitre teintée nous séparant du chauffeur.

Il baissa la vitre.

- Excusez-moi, pourquoi est-ce qu'on avance pas ?

- Un carambolage, madame Todoroki. La moitié de la route est bloquée. J'ai bien peur que nous en ayons pour un moment.

Rei fronça les sourcils.

- Très bien merci

Elle se renfonça dans son siège alors que le chauffeur remontait la vitre.

Deux banquettes se faisaient face à l'arrière : sous la vitre se trouvaient Touya et Fuyumi et dos au coffre étaient Rei, Natsuo et moi dans cet ordre précis.

Chacun des enfants était calme pour le moment – Fuyumi jouait aux poupées, Touya idéalisait un peu plus les dernières heures de sa vie et Natsuo… Natsuo faisait ce que les gosses étranges de son âge faisaient – mais Rei savait bien que quatre enfants dans un espace confiné durant plusieurs heures ne pouvait résulter qu'en la mort de l'un d'entre eux aux mains des autres.

J'étais confiant de m'en sortir victorieux tant que Touya ne se jetait pas sur moi à la première occasion.

Ce gosse s'entraînait avec Enji depuis un moment et il savait frapper là où ça fait mal.

Fuyumi se tourna brusquement vers Rei.

- Maman j'ai faim

Rei se mit à fouiller dans son sac à main.

- Je crois que je dois avoir une barre de céréales quelque part…

Un mouvement brusque derrière la vitre teintée attira mon attention.

Une femme, un bébé dans les mains, dépassant notre voiture en courant, allant à contre-sens de la circulation.

Que… ?

Il y eut un cri étouffé.

Puis, tout à coup, des dizaines et des dizaines de personnes sorties de leurs voitures coururent sur le pont.

- Maman, qu'est-ce qui se passe ?

Même Touya s'était tu.

Nous regardions, abasourdis, une nouvelle vague de personnes fuir à toute allure.

- Ne bougez pas d'ici

Rei ouvrit la portière et sortit dehors.

Les hurlements de terreur nous assaillirent comme un tsunami.

J'étais figé, les yeux grands ouverts.

Rei, le visage anormalement calme, se glissa à nouveau dans la voiture.

Elle décrocha ma ceinture de sécurité et me porta.

- Enlevez-vos ceintures

Les trois enfants abdiquèrent sans broncher.

Natsuo éclata en sanglots.

Rei sourit et se pencha vers lui, essuyant du pouce les larmes qui roulaient sur ses joues.

- Hé là, pourquoi est-ce que tu pleures ?

Le garçon hoquetait, tétine en bouche.

- Tout va bien, d'accord ? C'est juste un petit jeu

Devant nous, sur notre droite, une voiture prit feu.

L'alarme des deux voitures alentours sonnèrent aussitôt.

- Tu fais confiance à Maman, hein ?

Il hocha la tête, les yeux brillants.

Rei tourna son attention vers Touya.

- Je veux que tu surveilles ton frère, d'accord ?

Le garçon, soudainement sérieux, hocha la tête.

- Fuyumi, tu ne me lâches pas la main

Rei essaya de se redresser mais Natsuo tira sur sa manche, refusant de la laisser partir.

Dehors notre chauffeur lançait des coups d'oeil paniqués par-dessus son épaule.

- Madame Todoroki, il faut y aller !

- Je suis juste là, Natsuo, d'accord ? Je n'irai nulle part

Mais le garçon refusa de la lâcher.

Rei serra les lèvres au point où elles en devinrent blanches. Me jetant un coup d'oeil en coin, elle finit par me redéposer sur le siège

- D'accord, d'accord

Elle prit Natsuo dans ses bras puis me sourit d'un air qui se voulait rassurant.

Il y eut un grésillement dehors, comme si on était en train de connecter un micro à un haut-parleur.

- Tu vas aller avec monsieur Hibami, d'accord ? Je serai tout près de toi, c'est promis

Je hochai la tête.

- Touya, ne quitte pas Shoto d'une semelle

- Comprit

Elle sortit de la voiture, Fuyumi et Touya derrière elle.

Le chauffeur me prit dans ses bras, me regardant à peine.

Ses yeux écarquillés étaient figés sur le golem de terre qui barrait la sortie du pont.

- On y va

La traversée était difficile parce que tout le monde avait quitté sa voiture et essayait de s'éloigner du géant, espérant pouvoir redescendre par l'autre côté du pont.

- Test micro, un deux, un deux

Je regardai par-dessus l'épaule du chauffeur.

Un homme en tenue de plombier, un casque de sécurité jaune sur la tête, était debout sur le toit d'un van abandonné, toussa dans le micro.

- Ça marche ce truc ? (Il tapa dessus) Votre attention s'il vous plaît

Un homme, attaché-case en main, bouscula Fuyumi en courant.

- Hé !

Rei stabilisa Fuyumi, s'arrêtant au milieu de la route. Nous étions à mi-chemin sur le pont.

Des gens couraient partout autour de nous, slalomant entre les voitures, créant un attroupement au centre du pont.

Touya poussait violemment tous ceux qui, dans leur hâte, s'approchaient trop près de notre groupe.

Les gens réagissaient à peine, le visage blême, la bouche entre-ouverte, la tête à demi-tournée vers le vilain au micro.

- Nous sommes à la recherche d'un-

Les gens, hystériques, se mirent à pousser des cris. Alors que nous nous étions remis à marcher, Rei nous arrêta d'une main. Des gens se battaient au centre du pont, se poussant, se marchant dessus.

Le micro grésilla.

- Votre-

La femme au bébé se retrouva acculée dans un coin, poussée par des hommes et des femmes voulant fuir, son enfant pleurant.

Le vilain hurla :

- Il y a une bombe sur ce pont et si vous ne faites pas ce que nous disons, nous la ferons sauter !

Tout le monde se figea.

Le gros de la population, agglutiné entre deux 4x4 au centre du pont, arrêta de se pousser pour avancer.

Rei se redressa, les yeux écarquillés.

Je sentais la panique me gagner.

Du calme, du calme. Rien ne te dis que c'est vrai. Pour ce que t'en sais, ils veulent juste nous faire peur pour récupérer les montres et les bijoux de tout le monde.

- Si vous faites ce que nous disons, il n'y aura pas de blessés.

Il planait un silence de mort.

Quelque part derrière nous, une vieille s'évanouit.

Le vilain déplia un morceau de papier jaunit de sa poche.

- On cherche un gosse… (Il baissa les yeux vers sa feuille) avec des cheveux rouges qui tirent sur le blanc. Et en tenue de foot, apparemment.

Touya ouvrit de grands yeux.

Rei, dos au groupe sur le centre du pont, colla Touya contre elle, retirant son foulard avant de le lui enrouler comme une baklava autour du visage et des cheveux.

Nous étions à moitié cachés derrière un corbillard sans occupants. De là où il était, le vilain ne pouvait pas le voir.

- Environ un mètre cinquante et des yeux bleus. (Il écrasa le papier dans sa main et le remit dans sa poche) Remettez le nous en main propre et vous aurez la vie sauve.

Il coinça le micro entre son oreille et son épaule et se mit à régler sa montre, un bip aigu se réverbérant dans les hauts parleurs.

- Je ne vous conseille pas de fuir de l'autre côté du pont. Nos collègues là-bas sont beaucoup moins sympathiques que nous

Et, aussitôt, un hurlement déchira l'air.

Une bourrasque de vent se leva, balayant toute la poussière du pont sur son passage.

Tout le monde se baissa, se couvrant le visage pour se protéger. Les jambes du chauffeur tremblaient.

Le coeur battant, je plissai les yeux pour y voir plus clair.

Un golem, plus grand et massif que le premier, se tenait de l'autre côté du pont.

Il avait des cornes qui le faisaient ressembler à un démon, et de la mousse recouvrait les rochers qui constituaient son corps. Il se frappa le torse de ses poings, comme un gorille qui voudrait effrayer un rival.

Même d'ici je pouvais voir ses petits yeux rouges vicieux qui brillaient anormalement.

Il hurla à nouveau pour ancrer à nouveau la terreur dans nos coeurs.

Un nouveau souffle, plus fort, balaya le pont.

Le vilain reprit son micro.

- Vous avez dix minutes pour nous le livrer

Le bip de sa montre, signe du compte à rebours, résonna jusqu'à l'autre bout du pont.

Il y eut un instant de flottement, une seconde durant laquelle personne n'osa bouger.

L'air était immobile, le temps figé.

Je croisai le regard de Rei. Puis de Touya.

Le garçon ouvrit la bouche.

Et puis un cri déchira le silence.

- C'est lui ! Il est là !

Je tournai les yeux vers la voix, à ma gauche, loin du centre du pont.

C'était la vieille de tout à l'heure, celle qui s'était apparemment évanouie, qui avait hurlé. Elle avait des yeux jaunes, fendus comme les prunelles d'un chat, et se tenait avec un déambulateur.

Il me fallut quelques secondes pour réaliser que c'était moi qu'elle pointait du doigt.

Le chauffeur tremblait.

Il recula, heurtant une voiture, comme si le regard de la vieille l'avait transpercé de part en part. Je pouvais sentir la moiteur de sa peau contre la mienne.

Le vilain au micro se cura l'oreille du petit doigt, indifférent.

Ma gorge était sèche, mon souffle coupé. Le sang battait comme un deuxième coeur à mes tempes.

Rei siffla entre ses dents :

- Hibami, revenez ici tout de suite !

Des gens nous regardaient. Me regardaient. Tout le monde.

- Il est là !

On s'agita dans la fourmilière du pont. La foule se désépaissit. Ils venaient vers moi.

- Hibami !

- Je ne- je-

Il bégaya.

Rei lança un furieux coup d'oeil à la ronde.

Et puis, sans crier gare, elle lâcha la main de Fuyumi et courut vers nous.

Sa main libre s'enroula autour de moi, me tirant à la sécurité de ses bras.

Mais c'était comme si le chauffeur s'était statufié et que ses doigts étaient devenus du roc sur mon corps.

Rei tira, et j'essayais moi-même de me redresser contre lui et d'aller vers elle.

Les yeux fous, le chauffeur regardait la foule et les golems et la foule avec une expression de terreur pure.

Rei le gifla.

La claque se répercuta comme un électrochoc général sur le pont.

Tous ceux qui étaient figés se remirent en marche, d'abord lentement, comme des zombies.

Une clameur, d'abord murmure, s'éleva du noyau dur de la foule.

Hibami me lâcha, enfin, et Rei me tira contre elle. Natsuo me regardait, la lèvre tremblante, se collant à Rei comme s'il aurait voulu se fondre avec elle et se cacher en elle.

Rei se mit à courir vers le centre du pont, loin des vilains.

Fuyumi s'agrippait à sa jupe à sa gauche et Touya, de mon côté, courait à son rythme. Un homme tendit des doigts hésitants vers nous, ses yeux terrifiés se posant sur moi.

Touya lui fonça dedans comme un bulldozer et le balança par terre.

Les gens les plus proches des vilains se réveillèrent, certains se mettant même à courir derrière nous.

- Arrêtez-là !

Les gens du centre du pont nous regardaient passer comme dans un rêve, hésitants à avancer, confus quand à la démarche à suivre.

Je vis notre reflet dans les lunettes d'un passant aux cheveux bouclés. Rei traversait comme une furie, quatre enfants serrés contre elle, l'expression sévère.

Des gens s'étaient mis à nous courir après.

Rei se glissa entre les deux 4x4, continuant à courir.

Son coeur tambourinait contre mon oreille.

C'est alors que je vis un grand homme à moitié dissimulé au bout du 4x4.

Le teint cireux, les lèvres entre-ouvertes, il tenait une batte de base-ball d'une main crispée.

Il la serra, la souleva légèrement, murmura à voix basse, la cacha derrière sa cuisse.

Il croisa mon regard.

Je vis la culpabilité passer comme un flash dans ses yeux.

J'ouvris la bouche.

- Ma-

Et soudain, Rei trébucha.

Le monde entier tangua.

J'eus à peine le temps d'écarquiller les yeux que mon crâne heurta le goudron tiède.

Le bras de Rei me relâcha.

Je roulai sur le côté, projeté par la puissance de l'impact.

Une douleur fulgurante, comme un coup de tonnerre, jaillit de mon épaule. Je poussai un gémissement de douleur, essayant d'immobiliser mon bras contre mon corps.

Une vague de chaleur balaya mon esprit, floutant ma vision. Durant une seconde, le monde entier perdit ses couleurs et ses formes.

Je clignai des yeux frénétiquement, forçant la douleur à s'estomper.

Merde merde merde merdemerde-

Au-dessus de moi se trouvait un ciel fait de tuyaux en métal.

Il me fallut quelques secondes de trop pour réaliser que j'avais roulé sous une voiture.

Mes yeux se tournèrent vers la route.

Rei serrait Natsuo contre elle, assise par terre, la cheville violette. Fuyumi pleurait à côté d'elle.

Touya, le visage ruisselant de sueur, menaçait de faire rôtir ceux qui s'approchaient de trop près.

Les gens reculaient d'un pas avant de ré-avancer de deux, précautionneux mais pas effrayés. Touya ne leur ferait pas de mal. Touya n'était qu'un enfant.

Rei poussa un cri déchirant.

- Shoto !

Ils ne m'ont pas vu.

Personne ne m'avait vu.

Je regardai Rei, pareille à un animal blessé, le reste de mes frères et sœurs, la foule qui se refermait comme une mâchoire sur eux.

Si je sortais d'ici, j'avais la certitude qu'il allait se passer quelque chose d'horrible.

Mon bras serré contre mon corps, je me mis à ramper sous la voiture pour m'éloigner.

C'est alors que j'entendis un cri, un cri différent des autres – de la terreur.

Je m'arrêtai, incapable de m'en empêcher, pour regarder par-dessus mon épaule.

Touya était debout au-dessus d'un homme au bras carbonisé, haletant, la main gauche tremblante.

La foule recula. Le brûlé continuait de hurler.

Touya continua à toiser l'homme, un étrange éclat dans le regard.

Et puis il cligna des yeux, comme s'il sortait d'un rêve.

Ses yeux glissèrent sur la foule méfiante à distance respectable.

Il leva encore sa main, des flammèches embrasant le bout de ses doigts, menaçant quiconque de s'approcher. La foule garda ses distances, mais une clameur montait.

Touya recula lentement, observant de part et d'autre les deux morceaux de foule qui les entouraient entre les 4x4.

C'est alors qu'il croisa mon regard.

Il se figea, une main sur le poignet de Natsuo, l'autre sur l'épaule de Rei.

C'est alors qu'une main se referma sur ma cheville.

- C'est donc là que tu te cachais morveux ?

Mon sang se glaça.

L'homme rit et me tira.

Mes genoux râpèrent contre le sol, de minuscules billes de graviers s'enfonçant dans ma chaire sanglante.

Je tendis la main vers Touya, impuissant, ma bouche entre-ouverte dans un cri silencieux.

Aide-moi !

Il cligna des yeux. Lentement.

Ses yeux se posèrent sur notre famille et la foule qui l'entourait. Il me regarda une dernière fois.

Puis il balança Natsuo sur son dos et força Rei à se relever et à le suivre.

Il s'en alla sans regarder en arrière.

*