Chapitre 52

- La cavalerie est là !

Les élèves crièrent d'excitation, certains se levant même de leurs sièges lorsque le héros entra en un saut.

Aizawa resta entièrement impassible alors qu'All Might prenait la pause, son costume rouge et bleu s'étirant sur sa peau. Je n'osais même pas baisser les yeux en-dessous de sa ceinture par peur d'y voir une horreur.

Mais qui lui avait sérieusement dit qu'un costume aussi moulant était une bonne idée ?

- Bien, continua Aizawa. Vous aurez cours avec lui pour le reste de l'après midi.

Il s'éclipsa sans un bruit et je suis sûr que personne n'avait entendu ce qu'il avait dit, tout le monde étant trop occupé à s'émerveiller devant le géant blond.

Même Bakugo s'était redressé et l'oeillait d'un air intéressé. Monoma pour sa part l'observait d'un air dubitatif, comme s'il n'arrivait pas à se décider s'il méritait qu'il s'extasie aussi.

- C'est son costume de l'âge d'argent !, s'écria Kirishima.

- Monsieur, votre cape est juste incroyable !, continua Inasa, des étoiles dans les yeux.

Midorya, toujours au fond de la salle, ne dit rien mais ses petits cris de joie de fanboy ici et là m'irritèrent outre-mesure.

All Might rit de bon coeur.

- C'est vous qui aurez bientôt l'air incroyables, renchérit-il. Mettez vos costumes et allons débuter notre premier exercice héroïque de l'année !

Il actionna le bouton d'une télécommande et des mallettes numérotées sortirent du mur.

Je m'étais vu attribué le 7, aussi c'est celle que je pris avant de sortir de la salle en direction des vestiaires.

D'autres élèves marchaient devant et derrière moi en petits groupes, discutant avec animation.

La fille à la peau rose devant moi sembla me remarquer et trottina jusqu'à mes côtés, un grand sourire aux lèvres et bras croisés derrière la nuque.

- Dis, Todoroki, pourquoi est-ce que tu portes un masque ?, questionna Mina Ashido.

Nombreux autour tendirent l'oreille en faisant mine de rien. Ils manquaient tant de discrétion que c'en était affligeant.

Je la dévisageai lentement et sans un bruit si bien qu'elle sautilla nerveusement d'un pied sur l'autre.

- Mon père est plutôt connu, finis-je par lâcher en détournant le regard. C'est une habitude que j'ai prise il y a quelques années pour préserver mon anonymat.

Ca, et me couvrir la moitié du visage augmentait mon charisme et me rendait bien plus intimidant.

- Oh, sembla se rappeler Kirishima. C'est Endeavor, c'est ça ? Yorashi l'a fait remarquer, hier.

Cette nouvelle information poussa les élèves alentour à me jeter des coups d'oeil surpris. Même Bakugo sembla ralentir en marchant dans les couloirs, ses yeux rouges m'observant pensivement avant de se détourner.

- Il ne signe pas d'autographes, les informai-je avant que qui que ce soit ait pu demander.

Midorya, qui s'apprêtait à parler, enfonça sa tête dans ses épaules et se recroquevilla dans son coin.

Des chuchotements éclatèrent autour de moi alors qu'Inasa – apparemment prononcer son nom l'invoquait de nulle part – se lança dans un monologue admiratif sur mon père et sa carrière. Même moi je n'en savais pas tant – et je mangeai avec le sujet de la conversation tous les jours.

Je l'écoutai à moitié, préférant me concentrer sur les commérages alentour. Mon ouïe – comme tous mes autres sens, courtoisie d'un entraînement de ninja – étaient plus pointue que la normale, ce qui faisait que je n'avais aucune difficulté à suivre ce qu'il se disait alentour.

- … explique ses airs inapprochables, souffla Kirishima.

Oh ? Est-ce que le garçon essayait de défendre mon comportement de reine des glaces auprès des autres ?

C'était une perte de temps – je n'avais aucune considération pour lui, ni pour qui que ce soit d'autre ici. Si je devais les écraser pour parvenir à mes fins, alors je le ferai sans scrupule.

- … peut-être raison, Kaminari lui répondit.

Mon attention se porta sur un groupe plus large, à l'arrière, composé principalement de filles.

- Je me demande à quoi il peut ressembler sous son masque, siffla Mina.

Elle n'était même pas discrète.

- Si ça se trouve il cache juste une moitié de face décevante, dit Jiro à voix basse. Et son histoire d'anonymat est juste une excuse parce qu'il est en fait vraiment laid.

Elle dit le tout placidement, sans une once d'émotion.

- Je ne pense pas, s'exclama Ochaco en (j'imaginais) secouant les mains. Vous avez vu Endeavor-san ? Il faudrait que sa mère soit vraiment, disons, peu agréable visuellement pour qu'il ait eu un enfant moins beau que lui.

- Oh mais dis moi, est-ce que tu ne serais pas de ces filles qui aiment les hommes plus vieux ?

Cette voix me fit tilter. Est-ce que c'était la fille invisible ?

- Je… pas vraiment mais…

Elle marmonna et s'embrouilla.

- Ochaco a un daddy kink !

Je faillis trébucher. Est-ce qu'elle... trouvait… mon père… ?

- En même temps quand on parle d'Endeavor… Je suis désolée, mais même All Might ne lui arrive pas à la cheville, ajouta Ashido.

Une image lugubre me vint à l'esprit avec une envie de vomir.

Retirez moi ça de la tête, par pitié !

- M'enfin, ajouta Hagakure. Il est trop vieux pour espérer quoi que ce soit. Au moins il donne un bon aperçu de ce que peut devenir Todoroki. (Elle fit un geste que je ne pu voir) Donc go mettre le grappin sur lui !

Une nouvelle envie de vomir me prit.

Même si la perspective de sortir avec une fille de 15 ans alors que, mentalement, j'en avais presque 40, m'écoeurait déjà franchement, l'idée même d'avoir une relation amoureuse avec qui que ce soit me mettait encore plus mal.

J'étais un aromantique confirmé dans ma dernière vie et il semblait que cette condition m'ait suivi ici aussi.

- Il a des cheveux et des yeux si atypiques. Ca lui donne un charme.

- Et sa cicatrice à l'oeil lui donne des airs de… mauvais garçon. C'est plutôt… attrayant, avoua difficilement Yaoyorozu.

Elle avait l'air mal à l'aise juste en essayant de participer à la conversation : à mon avis elle parlait juste par volonté d'intégration.

- Oh, alors comme ça on aime les bad boy ?, la taquina Mina.

- Ce… ce n'est pas…

- C'est vrai qu'il dégage un truc, renchérit la fille alien d'un air entendu. Et il est si grand que -

A cet instant je me décidai de me désintéresser de leur conversation.

Même Inasa et ses monologues incessants était plus intéressant qu'une bande d'adolescentes pré-pubertes.

*

Après avoir mis mon costume je me contemplai brièvement dans le long miroir placé dans un coin des vestiaires.

J'avais opté pour la tenue des ANBU, exception faite pour le masque en porcelaine dont je n'avais pas l'utilité. Il y avait un nombre exceptionnel de poches visibles ou non qui me permettaient de cacher une quantité prolifique d'armes sur tout mon être. Un tanto était accroché dans mon dos – qui m'avait été accordé après présentation d'un document officiel relatant ma capacité à en utiliser un – et le haut noir sous le poitrail en métal, qui devait normalement s'arrêter à la base du cou, avait été agrandi pour jouer le rôle d'un masque couvrant celui que je possédai déjà. Le tissu était si fin et de bonne qualité qu'on ne voyait même pas la différence avec l'originel.

A la place des chaussures ouvertes, j'avais cependant opté pour une paire de boots noires. Ma tenue était simple, sombre, et surtout connotait bien au milieu de la marée de costumes colorés et moulants que portaient les autres élèves.

- Wow, Todoroki, ton costume est juste incroyable !, s'égosilla Kirishima.

Iida ajusta ses lunettes et entra dans la conversation.

- Il est vrai que notre camarade Todoroki a su faire preuve de beaucoup de clarté pour choisir un ensemble de vêtements permettant flexibilité et économie de mouvements.

Ils se turent et me regardèrent d'une façon étrange, comme s'ils attendaient que je… oh.

- Vos tenues ne sont pas trop… catastrophiques, dis-je.

Et je le pensais.

Si Iida était un peu perplexe, essayant sans doute de savoir si ce que j'avais dis était une insulte ou non, Kirishima rayonnait de joie.

Est-ce que j'avais remplacé Bakugo dans sa place de ronchon personnage duquel il fallait devenir ami à tout prix ?

J'eu un bref rictus.

Si c'était le cas, il allait être déçu.

- Vous êtes tous merveilleux !, nous contempla All Might, son regard coulant sur chacune de nos tenues.

Son sourire sembla se figer quelque peu lorsqu'il me vit. Oh ? Est-ce qu'à tout hasard je le mettais mal à l'aise ?

Un sourire narquois étira mes lèvres.

Peut-être qu'il se rappelait encore du Heroes Awards où nous avions partagé une table – ou alors je ressemblais trop à mon père pour son goût, et ça le rendait mal à l'aise.

- Bien, reprit-il en regardant partout sauf dans ma direction. Aujourd'hui nous allons faire des matchs dans lesquels vous vous opposerez par groupe de deux. Une équipe sera les villains et conservera une bombe dans un bâtiment et l'autre correspondra aux héros qui devront les arrêter dans le temps imparti ou bien récupérer le missile.

Il entra alors dans plus amples détails, nous mit par groupes et commença à tirer les matchs.

- Equipe A pour les héros contre la E qui seront villains

Donc moi et Inasa en tant que héros contre Midorya et Jiro.

Mes yeux se portèrent sur la nuque du garçon aux cheveux verts devant moi. Il tressaillit en sentant mon regard et se tritura nerveusement les doigts, épaules voûtées.

Hmm, je me demande comment est-ce que je devrai m'y prendre pour rendre son expérience la plus détestable possible... Si je m'en donne assez les moyens, il quittera peut-être Yuei de son plein gré.

Je ne savais pas si All Might avait donné son pouvoir à Mirio, auquel cas il y avait encore le risque qu'il le refile à Midorya pour une quelconque raison plus stupide que celle du canon. Même si les paramètres de départ étaient bien différents du canon, l'ensemble était encore trop proche de la version originale pour que je puisse l'apprécier.

- Equipe A et E, allez vous mettre en place.

Quelques minutes plus tard et nous nous retrouvâmes devant le bâtiment, attendant que le compte à rebours annonçant le début du match finisse.

- Bon, commença Inasa. Je ne sais pas si tu m'as vu mais je peux contrôler le vent. Toi c'est la glace, non ? Donc si tu -

- Economise ta salive, le coupai-je brusquement. Ce match est déjà fini.

Sa voix nasillarde m'horripilait et la matinée à (tenter) d'être poli avait bousillé mon humeur.

- Que…

La sonnerie s'enclencha.

Un nuage de vapeur quitta mes lèvres.

Il y eut un bruit de clochettes et de la glace jaillit de sous mes pieds, recouvrant le bâtiment en une fraction de secondes. L'extérieur, d'abord, pour en faire une cage ; ensuite l'intérieur en recouvrant mur et plafond à une vitesse vertigineuse.

Le Shoto du canon fait pâle figure en comparaison.

Une épaisse couche de glace recouvrit chaque issue exceptée la porte principale – celle face à laquelle nous nous trouvions.

Inasa ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois, ébahi face à mes prouesses.

- Tu… comment… ?

J'entrai dans le bâtiment, le laissant derrière moi.

Le bruit de mes chaussures frappant la glace était la seule chose qui résonnait dans cet immense bâtiment gelé. Je pris mon temps pour grimper un à un les étages, savourant l'effet que cela devait faire à tous les autres élèves de la 1-A de me voir me promener calmement après avoir traité ce premier entraînement comme si c'était bien au-dessous de mes capacités. Je voulais qu'ils se sentent inadéquats, mal à l'aise et plus que tout qu'ils sachent que c'était Shoto Todoroki qui était au sommet.

Je tournai à l'angle d'un couloir et trouvait Jiro.

Elle avait été gelée jusqu'au cou et ses oreilles filaires s'attaquaient vainement à la glace pour tenter de l'en sortir. Elle grinça des dents en me remarquant, rouge d'humiliation.

Je ne lui adressai même pas un second coup d'oeil lorsqu'elle glapit car une nouvelle couche de glace recouvrait dorénavant même ses oreilles, lui laissant à peine de quoi respirer.

J'arrivai ensuite au troisième étage. Là un couloir pleins d'encombrants gelés me mena jusqu'à une grande pièce ouverte où se trouvait la bombe. Et Midorya, de surcroît.

Je remarquai une caméra cachée dans un coin et la gelai promptement.

Personne ne devait entendre ce qui allait suivre.

Je marchai et m'arrêtai juste devant lui, mes prunelles ne quittant pas les siennes. Il tressaillit et regarda à terre.

Hmm, alors comme ça il a réussi à retirer la glace recouvrant au-delà de ses genoux ? Ca s'est tout de même infiltré dans ses chaussures...

- Il y a un moyen pour que tu t'en sortes, Midorya.

A ces mots il releva des yeux pleins d'espoir vers moi.

Dégoûtant.

Je souris méchamment et me penchai, murmurant au creux de son oreille.

- Si tu tires assez fort, tu peux t'arracher la plante des pieds et te libérer de la glace.

Je me redressai alors qu'il écarquillait les yeux d'effroi, tout son sang ayant quitté son visage.

- Ca sera bien sale, je te l'accorde. Et je ne peux pas te garantir que tu ne souffriras pas horriblement. Il y aura du sang partout et tu ne tiendras pas debout avec des pieds dans cet état, continuai-je d'un ton nonchalant. Mais peut-être qu'en rampant assez vite tu seras en mesure de… non, en fait même là tu serais inutile.

Il serra les poings et je vis des larmes dans ses yeux. Oh, j'avais touché une corde sensible.

- Pourquoi est-ce que tu fais ça ?, murmura-t-il en grinçant des dents.

- Pourquoi est-ce que tu existes encore ?, répondis-je de but en blanc.

Il fronça les sourcils. Il ne comprenait pas. Evidemment qu'il ne comprenait pas. Pour lui, la première fois qu'il avait jamais vu Shoto Todoroki datait d'hier. Pour moi, dès lors que j'avais posé pied dans ce monde, il avait été le joueur à abattre afin que je puisse vivre pleinement mon existence.

- Je te hais, Midorya, annonçai-je calmement. Et si tu pouvais, je ne sais pas, disons sauter d'un immeuble et espérer te réincarner dans une autre vie en étant utile…

Je contemplai l'impact de mes paroles sur son esprit, la façon dont les derniers pans de son courage s'effritèrent sous mes yeux. Bakugo lui avait dit la même chose et il l'avait fait, ayant alors découvert son Alter. Ca devait faire mal de s'entendre dire que malgré tout ce qu'on avait vécu, on ne valait toujours rien. Enfin, pas comme si je pouvais comprendre ça.

Je le toisai par dessous mes cils, tête penchée sur le côté, scrutant avec attention la façon dont son visage se froissa et les larmes coulèrent sur ses joues.

Pathétique. 

Et c'était ça le présupposé protagoniste de ce monde ? Quelques paroles bien placées et tout ce qu'il était s'écrasait comme un château de cartes.

Je le contournai et me remit en route vers la bombe, ses sanglots m'accompagnant sur mon chemin comme une douce mélodie.

Mes doigts touchèrent l'objet et All Might hurla dans nos oreillettes que l'équipe A était vainqueur.

J'arrachai la devise de communication et le jetai par terre, l'écrasant sous ma chaussure.

Ma patience avait des limites, et s'il s'avérait que le garçon s'accrochait malgré tout… et bien, disons juste que j'arrêterai d'être raisonnable.