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[FR]Shoto Todoroki - Terroriste des Temps Modernes

« Un meurtrier de masse, l’appelait-on. Le terroriste des temps modernes » Je croyais que j’avais de la chance. Que j’étais différent. Que je pourrais vivre ma vie comme je l’entends. Mais les dés étaient joués depuis longtemps. « C’est amusant, tu ne trouves pas ? Je suis devenu tout ce qu’ils ont dit que je serai » -------- PATREON : patreon.com/Nar_cisseFR English version available on my account

Nar_cisse · Anime und Comics
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Chapitre 40 - L'Âge Noir

Elle tapotait son crayon sur son carnet dans un rythme aussi irritant que rassurant.

L'horloge frappa midi, et les oiseaux qui s'étaient perchés sur le rebord de la fenêtre s'enfuirent en quelques battements d'ailes.

- Belle chambre d'hôtel

Le crayon se figea.

J'avalai un bloc de salive, me préparant à l'entendre râler.

- Quand je t'ai demandé si tu allais nous faire perdre notre temps à tous les deux, tu as dis que non. Tu m'as dis que tu ferais des efforts.

Pas vraiment ce que j'avais dit.

- C'est la troisième séance et tu n'as pas dis un seul mot depuis notre brève introduction dans l'avion

Je savais qu'elle attendait que je parle, que je réponde n'importe quoi. Je savais même qu'elle aurait préféré que je hurle, que je pique une crise, que je me comporte comme n'importe quel gosse avec trop d'émotions.

Mais je ne dis rien et elle alla se chercher un verre d'eau.

Elle but une grande gorgée – je l'entendais déglutir – puis trois, plus petites. Elle posa le verre dans le lavabo et ne s'approcha pas des couteaux de cuisine sur le plan de travail.

Quand elle se rassit sur le canapé parallèle au mien, mon regard n'avait toujours pas quitté la tâche jaune sur le plafond.

C'était une tâche minuscule, un point jaune d'une infinie petitesse qui avait atterrit là par je ne sais quel hasard de la vie mais qui y resterait jusqu'à ce qu'on démolisse l'hôtel et en construise un autre plus moderne, d'ici 15 à 20 ans.

- Tu t'es braqué dès que nous avons parlé de ton masque, l'autre fois. Ai-je dis quelque chose qui t'as blessé ?

Je m'étais habitué à respirer au travers. L'air était toujours un peu tiède, mais maintenant le masque était devenu une seconde peau que je ne voulais plus enlever.

- Non

- Alors pourquoi est-ce que tu ne veux pas me parler ?

C'était facile pour elle.

Elle avait juste à être là, assise, son carnet dans une main et son crayon dans l'autre à m'écouter déverser tout ce que j'étais entre le déjeuner et le dîner.

- Je ne veux parler à personne

- Pas même ton père ?

Je me léchai les lèvres, prenant mon temps pour répondre.

La tâche était devenue plus grosse.

- Non plus

- Alors pourquoi est-ce qu'on est là ?

Je pensai à mon père que je n'avais pas vu depuis une semaine.

Je songeai à sa promesse de ne pas m'envoyer seul à l'étranger, au fait que ça faisait six jours qu'il aurait dû me rejoindre. Je pensai à cette soudaine 'affaire', celle sur laquelle il pensait que j'avais gobé son baratin, et je m'inquiétais.

- Il veut que je vous parle. Mon père, je veux dire. Il dit que ça peut m'aider.

Je n'avais pas besoin d'aide. Ni d'elle, ni de personne.

- Veux-tu parler ?

J'ouvris la bouche. Elle me coupa la parole.

- Vas-tu parler ?

J'avais promis à mon père que je ferai des efforts. Mais il m'avait promit qu'il viendrait vite et voilà que j'étais dans un pays inconnu avec une femme inconnue qui voulait m'ouvrir l'estomac et l'épingler sur la table pour y lire comme dans un livre ouvert.

Apparemment nous étions tous les deux des menteurs.

La psy soupira.

- Voilà ce que nous allons faire. Je vais te poser une question. Tu me réponds – et tu ne me dis que la vérité – mais tu n'es pas obligé de tout me raconter. Si tu ne réponds pas, je prends mes affaires et je m'en vais.

C'était tout ce que j'avais jamais voulu d'elle.

- Es-tu heureux que Touya soit mort ?

- Oui

Je l'entendis se relever puis se rasseoir, surprise. Elle posa la mine de son crayon sur sa petite feuille.

- Pourquoi ?

Je haussai les épaules.

- Il a essayé de me tuer. Deux fois. Si quelqu'un essayait de vous tuer, vous seriez contente de savoir qu'il est mort.

Sa voix n'était empreinte d'aucun jugement lorsqu'elle me posa sa prochaine question.

- Comment est-ce que c'était de vivre dans la même maison que lui après qu'il ait essayé de te noyer ?

J'hésitai, décidant finalement d'opter pour la simplicité.

- Dur

- Mais encore ?

Mes pensées retournèrent à cette époque lointaine à laquelle je n'avais pas songé depuis des années.

Je me revis voler les coussins du canapé, tard le soir, et les utiliser pour rembourrer ma couette. Je me rappelai la serpillière grisâtre que j'avais volée, une de celle avec des fils épais et tombants comme des pom pom, et dont j'avais peint la moitié en rouge avec un tube de couleur que Fuyumi utilisait pour ses cours de dessin.

Je haussai les épaules.

- Avais-tu peur qu'il vienne la nuit ? Pendant que tu dormais ?

- Oui

- Où est-ce que tu dormais ?

Au début, dans le placard.

- Sous mon lit. C'est comme ça que je n'ai pas eu de mal à me défendre le soir où il est venu

- Et quand il est venu, cette deuxième fois, le soir de l'incendie. Comment est-ce que tu t'es senti ?

Je n'avais pas besoin de réfléchir à celle-là.

- Soulagé

Son crayon se figea au-dessus de son carnet.

- Pourquoi ça ?

- Parce que j'étais préparé

Il m'avait fallu beaucoup, beaucoup de temps et de nouveaux dérapages près de la mort pour le comprendre.

Être préparé à affronter de telles situations, c'est une bénédiction.

Dans la vraie vie vous vous retrouvez un jeudi matin lambda dans votre voiture et vous vous faites torpiller un missile dessus en vous demandant comment vous auriez pu prévoir ça.

- Tu savais qu'il allait revenir ?

- Oui

Elle prit quelques secondes pour tout rédiger scrupuleusement.

- Tu aimerais me partager quelque chose à son sujet ? Quelque chose que tu regrettes, peut-être ?

Je regrette seulement de ne pas lui avoir brisé les chevilles quand j'en ai eu l'occasion.

Je haussai les épaules.

- Comment est-ce que tu t'es senti ?

J'ouvris la bouche, la refermai.

- Je… vous voulez dire quand ? Avant ? Pendant ? Après ?

- A toi de me dire. Quel état d'esprit a été le plus marquant pour toi ?

La point jaune avait la taille d'une gommette, maintenant.

Je repensai à mes problèmes de sommeil d'avant l'incendie. Puis mes pensées dérivèrent aux clones que j'avais fait monté la garde pendant des mois en me disant qu'il allait revenir finir le travail.

Mais c'était pendant qui m'avait le plus marqué.

- Tuer est facile

Je savais que j'avais capté son attention lorsqu'elle arrêta d'écrire.

- Je crois qu'un tas de gens seraient surpris de combien il est facile de prendre une vie

Le point jaune grossi jusqu'à devenir une bille.

- La première fois que j'ai pensé à tuer quelqu'un je devais avoir environ quatre ans et demi

Quatre ans, deux cent vingt jours et vingt trois heures.

- Sur le coup je ne me suis pas rendu compte de grand-chose. J'étais juste là, caché sous mon lit, et j'avais l'intime conviction que si je ne faisais rien pour me défendre alors il me tuerait

Je m'adressai à la tâche parce que la tâche n'avait pas d'avis. La tâche ne parlait pas, elle écoutait. La tâche ne jugeait pas, elle n'était bonne qu'à oublier

- Il m'a fallu du temps pour comprendre. Pour réaliser.

- Qu'est-ce que tu as réalisé ?

Je fronçai les sourcils, me forçait à imaginer que la voix venait de ce minuscule point de peinture jaune oublié.

- Que j'étais terrifié par moi-même. Je suis devenu parano parce que j'étais à ça-

Je collais mon pouce à mon index pour le montrer à la tâche.

- -de commettre un meurtre sans m'arrêter une seule seconde pour y penser. Je crois que c'est la pire expérience qu'on puisse avoir. Réaliser qu'on a si peu de contrôle sur son corps et son esprit.

Il y eut un bruit de crayon qui gratte une feuille. Du silence.

Et puis :

- Le hangar. Parle-moi du hangar. Comment est-ce que tu te sentais, là-bas ?

Je remuai sur le canapé. Il était confortable. Moelleux.

Assez pour vous faire oublier où vous étiez et vous pousser à cracher tous vos secrets.

- En colère. Mais le genre de colère qui vous rend calme. Décisif. Comme si j'avais atteins un point de non retour, peu importe ce qu'il arrive. Cette certitude ne change pas. Jamais. Je n'étais pas en train de pleurer. Je n'étais pas hystérique. Je croyais que c'est comme ça que les gens devaient être à chaque fois. Je n'étais pas en train de me rouler en boule dans un coin. Je ne pleurais pas. Je ne tremblais pas.

Je me vis à la troisième personne, debout au-dessus du corps de Kenzei, le visage maculé de sang et ce type qui me hurle de me mettre à terre.

- J'étais plus alerte que je ne l'avais jamais été dans ma vie entière.

Je m'étais senti chanceux, aussi. Parce que je n'avais pas été pris de court.

Parce que toute ma vie je m'étais préparé à l'éventualité qu'on me tue.

- Qu'est-ce que tu sens quand tu tues ?

Le phrasé était ambiguë. Comme si elle insinuait que j'étais un meurtrier.

Elle bégaya, essaya de se rattraper.

J'aurai bien souri mais elle croirait que je suis un maniaque.

- Je ne tue pas par plaisir. Il n'y a rien d'agréable là-dedans.

Être recouvert du sang d'autrui où voir leurs boyaux s'étaler sous mes yeux ne m'amusait pas le moins du monde.

- J'ai tué parce que je n'ai pas eu le choix. Parce que ma vie n'était plus entre mes mains. C'est impossible de décrire la sensation que l'on ressent quand on sent que sa vie est entre les mains de quelqu'un qui n'a absolument aucun problème à l'idée de vous tuer.

La première fois j'avais eu peur.

Maintenant rien que l'idée qu'on puisse avoir un tel pouvoir sur moi me rendait fou.

- Est-ce que tu le regrettes ?

- Non

Parce que je suis en vie.

Il lui fallut de longues minutes pour qu'elle finisse de rédiger sur son carnet. Elle tourna trois pages, tailla son crayon, écrit encore quelques lignes.

- Est-ce que tu te sens différent du Shoto que tu étais ?

- Est-ce que vous vous sentez différente de l'adolescente que vous avez été ?

- Je te parle de qui tu étais il y a cinq ans, pas il y a quarante

- Bien sûr que j'ai changé. Tout le monde change

- Comment est-ce que tu décrirais celui que tu étais ?

- … naïf

Stupide. Faible.

- Et comment te décrirais-tu maintenant ?

- Meilleur

- Mais encore ?

J'observai le plafond en silence.

- Pourquoi naïf ?

- Tous les enfants sont naïfs

- Tu n'es pas un enfant ?

- Non

Plus depuis longtemps.

- Parle moi de ta famille. De ton rapport à chacun d'eux.

- Ma seule famille c'est mon père

Et apparemment la vieille peau de vache qui lui sert de mère.

- Je veux parler de ta mère. De ton frère et de ta sœur. Est-ce qu'ils ne te manquent pas ?

- Non

- Est-ce que tu les détestes ?

- Non

- Tu es proche de ton père, n'est-ce pas ?

Je ne répondis pas.

- As-tu eu des difficultés pour te séparer de ta mère ?

Je fronçai les sourcils.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Je te parle de l'accord que tes parents ont passé.

J'étais confus, mais je me forçai à ne pas le montrer.

- Mon père l'a mentionné une fois. De quoi s'agit-il ?

Elle hésita une seconde.

- C'est un accord que tes parents ont passé il y a plusieurs années. Ton père en était à l'origine, à ce que j'ai compris. Mais c'est ta mère qui n'a voulu garder que ton frère et ta soeur.

Je clignai des yeux. Lentement.

Et puis je me redressai, posant mes pieds à plat sur le sol.

- Je suis fatigué

La psy jeta un coup d'oeil furtif à l'horloge alors que je me levai déjà.

- Il reste encore-

Je claquai la porte derrière moi.