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[FR]Shoto Todoroki - Terroriste des Temps Modernes

« Un meurtrier de masse, l’appelait-on. Le terroriste des temps modernes » Je croyais que j’avais de la chance. Que j’étais différent. Que je pourrais vivre ma vie comme je l’entends. Mais les dés étaient joués depuis longtemps. « C’est amusant, tu ne trouves pas ? Je suis devenu tout ce qu’ils ont dit que je serai » -------- PATREON : patreon.com/Nar_cisseFR English version available on my account

Nar_cisse · Anime und Comics
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125 Chs

Chapitre 25

Il avança d'un pas.

Le plancher craqua.

Je ne pouvais voir que ses jambes depuis ma cachette.

J'entendis la porte grincer puis se refermer dans un clac. Il ne bougea pas.

Je l'imaginai regarder la bosse sous ma couverture de ses yeux éteints. Son visage devait être vide, dénué d'émotions.

Espérait-il que je me réveille ? Que je lui demande ce qu'il faisait là ? Que je le supplie ?

Il avança. Lentement.

Je me demandai s'il aimerait ça. Si ça le ferait jubiler.

Il contourna le lit par la gauche. Je pivotai sans un bruit sur le parquet, glissant sur mon t-shirt pour toujours l'avoir dans ma ligne de mire.

Le lit grinça. Les lattes s'affaissèrent sous son poids.

Je baissai les yeux sur ses chevilles. Elles étaient là, juste devant mon nez. Si je respirais trop fort il pourrait sentir l'air tiède sur sa peau.

Mon chakra afflua dans ma main. Je la tendis vers son pied. Mon ongle effleura la surface rugueuse de son jean.

Je pouvais lui briser la cheville.

Jaillir de ma cachette et le faire taire avant qu'il ait pu émettre le moindre son.

Eclater sa trachée du plat de la main.

Lui exploser le crâne avec mon coude.

Quatre secondes.

Il me suffirait de quatre secondes pour ne plus jamais avoir peur. Pour être heureux.

Le lit grinça à nouveau. Ses pieds reculèrent.

Je retirai vivement ma main. La semelle de sa chaussure me suivit à la trace et me poussa à me recroqueviller plus loin sous le lit. L'odeur de cendre envahit mes narines. Mes pieds nus heurtèrent les plinthes. La sueur amortit le choc et les empêcha de faire du bruit. La semelle continua à avancer. Je pliai les genoux, me tordant en deux pour continuer à reculer. Et puis elle s'arrêta.

On aurait même pas pu glisser un seul cheveu entre le bout de mon nez et sa semelle.

Mon coeur faisait un rodéo dans ma cage thoracique. Heureusement que je n'avais pas levé la tête cette fois.

Ses pieds étaient écartés. Seul l'avant de ses semelles touchait le sol.

Cette fois-ci je n'essayais pas de le toucher.

Je me contentais d'observer. D'attendre.

D'espérer.

Il croisa les chevilles. Je suivi le mouvement des yeux.

Quelque chose de luisant, dans l'ombre d'une commode, attira mon regard par-delà ses jambes.

Il y avait deux ronds blancs, brillants, et des petits points qui ressemblaient à des-

Ma respiration se bloqua dans ma gorge.

Je vis le reflet de mon propre visage se décomposer à mesure que je réalisai.

Le miroir. J'avais oublié d'enlever le putain de bordel de miroir.

Mon sang se glaça. Mes yeux volèrent jusqu'à son visage.

Quelques rayons de lune obliques pénétraient la chambre à travers les rideaux mal tirés. Les faisceaux s'étalaient en ovales sur la couverture et emprisonnaient le lit derrière des barreaux d'argent.

Il était assit de profil, penché légèrement au-dessus de la poupée de chiffon emmitouflée sous les couvertures.

Il ne m'avait pas vu.

Mais il était toujours penché au-dessus du leurre.

Et il ne bougeait plus.

J'étais pétrifié.

Avait-il réalisé que les cheveux étaient synthétiques ? Que le rouge et le blanc étaient inversés ?

Voulait-il m'entendre respirer une dernière fois ? Ou bien...

Les aiguilles de l'horloge tournaient inlassablement.

Clic. Clic. Clic.

Il se redressa.

La lumière argentée éclaira la moitié supérieure de son visage. Il l'avait nettoyé. S'était aussi coiffé les cheveux.

Ses yeux se perdirent dans le vague.

J'attendais, crispé, sa prochaine course d'action. S'il tournait la tête à droite, juste un tout petit peu, alors il remarquerait le miroir et dans la seconde même me verrait caché sous le lit. Il comprendrait que je savais – que j'avais toujours su -, et je n'aurais plus le choix.

Mais s'il choisissait de se lever, de marcher jusqu'à la porte et de la fermer derrière lui…

J'enfonçai mes ongles dans mes paumes.

C'était un gosse. Même pas onze ans.

Il n'avait pas de poil au menton, n'avait jamais regardé une fille autrement que pour se dire qu'elle était ennuyeuse. Il n'était même pas encore entré au collège. N'avait jamais été plus loin tout seul qu'en centre-ville. Il ne savait pas ce que c'était que de sécher les cours. De parler d'avenir avec ses amis. D'imaginer qui il serait plus tard. De se demander s'il faisait les bons choix. Ou ce que lui réserverait l'avenir.

Mon coeur se serra.

C'est juste un gosse.

Pour la première fois depuis des mois, je ressentis autre chose qu'une haine féroce à son égard. La pitié et la tristesse se mélangèrent jusqu'à former une boule d'angoisse qui me serra la gorge.

Je me mit à prier, suppliant n'importe qui, n'importe quoi, du plus profond de mon âme pour que le gamin se lève et s'en aille.

Il lui suffisait juste de passer la porte.

J'agirai comme si rien ne s'était passé. J'oublierai tout.

Je serrai mes mains l'une contre l'autre au point où mes jointures devinrent blanches. Mes yeux étaient rivés sur son reflet dans le miroir.

Lève toi. Par pitié, Touya, lève toi.

Clic. Clic. Clic.

Il tourna la tête vers la poupée. Lui caressa les cheveux du bout des doigts.

Je t'en supplie.

Ses doigts en glissèrent. Il regarda le Shoto de pacotille durant un long moment.

Et puis il se leva.

Mon soupir de soulagement se noya sous le grincement du lit.

Je fis retomber ma tête sur mes mains croisées.

Ça y est. Tout était fini.

Je me sentis si bien que, durant un instant, je failli pleurer de soulagement.

Tout est fini.

Une partie éloignée de mon esprit - celle qui était restée lucide – me fit remarquer qu'il n'avait pas bougé de sa place.

Le lit grinça à nouveau. Cette fois les lattes craquèrent aussi.

Je relevai la tête de mes mains, confus.

Il était sur le lit, à califourchon au-dessus de celui qui était censé me représenter. Il veillait à ce que ses cuisses ne frôlent pas la couverture. Pour ne pas me réveiller.

Le regarder se pencher au-dessus de la poupée – de moi – était une expérience surréaliste.

Son visage était noyé dans l'obscurité. La lune n'éclairait que les pans de son anorak.

Il mit ses mains autour de mon cou. Puis serra.

Le lit trembla sous son assaut. La poupée aussi.

Il se pencha encore plus, devenant audacieux. Il porta tout son poids sur l'avant du lit, serrant et serrant et serrant,

La tête de la poupée explosa comme un bouchon.

Elle frappa contre le mur, y rebondit, s'écrasa sur le sol dans un bruit de Lego s'effondrant.

Je vis l'expression de pure stupéfaction sur son visage alors qu'il regardait la tête en plastique rouler sur le tapis. Il se redressa sur ses genoux, abasourdi, les bras ballants.

Touya croisa mon regard dans le miroir.

Je ne réfléchis même pas : je ne le pouvais plus.

La rage bouillonnait dans ma poitrine. Ma peau était brûlante.

Je ne voyais plus rien. Que du blanc.

Le chakra jaillit du creux de mon estomac et me recouvrit comme une deuxième peau.

J'attrapai les rebords en métal du lit, enfonçant mes doigts dans le matelas jusqu'à le trouer. Je me levai, soulevant le lit avec moi.

Et je le lançai contre le mur avec Touya toujours dessus.

Les murs tremblèrent. De la poussière tomba du plafond. Des craquelures zébrèrent le béton.

En un pas et j'étais de l'autre côté de la chambre. J'attrapai le pied du lit et le lançai en arrière, le dégageant de Touya.

Il cligna bêtement des yeux. Du sang coulait de son front.

Je le frappai de toutes mes forces.

Il releva son bras gauche à la dernière seconde, se protégeant le visage. Un craquement sourd résonna dans la pièce.

Il hurla.

Je levai à nouveau mon poing.

Il s'embrasa comme une torche.

Les flammes bleues jaillirent comme un tsunami de son corps. Elles me fouettèrent la peau, m'asséchèrent les yeux en une demi-seconde. Mes vêtements prirent feu.

J'abattis mon poing sur son avant-bras cassé.

On aurait dit que quelqu'un avait versé de l'huile sur ses flammes.

Elles explosèrent comme une bombe, grimpant aux rideaux et dévorant tous les meubles autour de nous. La température grimpa si vite que je n'eus pas le temps de m'ajuster.

Touya poussa un cri de rage. Ses flammes répondirent à son appel et se plièrent à sa volonté, se tournant toutes vers moi. Un véritable brasier m'engouffra, m'obligeant à me couvrir le visage à deux mains. Ma peau devint chaude.

Brûlante.

Une fumée noire et basse envahit la pièce. Ça sentait le plastique brûlé.

Je mis une main sur ma poitrine, essayant de contrôler ma respiration. L'air était sec. Irrespirable.

J'avais l'impression d'être dans un four.

Les murs autour de nous fondirent. Le sol prit feu.

Je titubai, essayant de me réguler avec ma glace. Je n'avais mes Alters que depuis quelques années. Un feu aussi violent, ça me-

Touya m'attrapa par la gorge et me tira rudement vers lui.

- Où est-ce que tu crois aller ?

La peau de son visage, fragile et sanguinolente, était en train de tomber comme des épluchures.

Sa chaire fondait sur ses mains, dévoilant la surface de ses os. Son anorak noir était en train de fondre sur sa propre chaire, les morceaux de plastique semi liquides se mélangeant à sa peau.

Du porc cramé.

Il se pencha en avant, colla son nez sanglant contre le mien. J'en voyais le cartilage.

- Si je meurs, tu meurs avec moi

Et il rit.

L'angoisse me serra les tripes. Les flammes redoublèrent d'ardeur. Je pouvais à peine respirer.

J'abattis mon crâne de toute mes forces sur son nez.

Le choc fut si violent que, durant une seconde, je vis flou. Je battis des cils et le vit allongé dans son lit des enfers, le nez pissant le sang. Ses yeux étaient vitreux.

Je reculai de quelques pas, le temps de me réajuster.

De la vapeur s'éleva de ma peau alors que ma glace se chargeait de faire redescendre ma température.

Ma peau était sèche, craquelée, zébrée de sillons rouges écarlates.

J'expirai un blizzard.

Et puis je retournai dans les flammes et attrapait Touya par la cheville. Il protesta à peine, toujours sonné. Je le traînai jusqu'au centre de la chambre, juste à côté du tapis, le seul endroit à peu près épargné par le chaos.

Les murs n'étaient plus que des rideaux de flammes. Le mur menant à la chambre parentale s'était effondré sur lui même. La charpente alentour grondait, menaçant de s'effondrer d'une seconde à l'autre. Le ciment continuait à fondre, des rivières grises coulant et s'étalant en flaques sur le sol.

Je reportai mon attention sur Touya.

Ses paupières étaient à demi-closes, ses petits yeux pâles à peine visibles derrière. Je fis craquer ma nuque.

En une enjambée je me retrouvai à califourchon sur lui.

Mes doigts flottèrent au-dessus de sa gorge ensanglantée. Non. Trop facile.

Je levai mon poing au-dessus de son visage et frappai. Sa tête roula sur le côté comme celle d'une poupée désarticulée. Je l'attrapai par le menton, le forçant à me faire face. Puis je le frappai à nouveau.

Sa lèvre se fendit. Je continuai. Encore. Encore. Encore.

Je n'utilisai pas de chakra. Je voulais que ce soit cathartique.

Son sang m'éclaboussa la bouche. Une goutte passa entre mes lèvres entre-ouvertes et finit sur ma langue.

Je lui crachai au visage puis continuai à le frapper.

L'étage supérieur s'effondra sur la salle de bain. La fumée était de plus en plus opaque. De plus en plus basse.

Je toussai, essuyai la sueur qui perlait sur ma lèvre supérieure d'une main, le frappait à nouveau.

Il ne ressemblait plus à rien. Son visage n'était plus qu'un amas de chaire à vif boursouflé. Je n'étais même pas capable de savoir si je frappais son œil ou sa joue.

La fumée me gratta la gorge. Je toussai violemment, crachant presque mes poumons. Je laissai mon poing se reposer sur son menton, une phalange glissée dans sa lèvre entre-ouverte alors que j'essayai de reprendre mon souffle.

La maison allait s'effondrer d'une seconde à l'autre.

Il fallait que je sorte.

Penché au-dessus dur corps inerte de Touya, je me mis à ras du sol pour inspirer une grande gorgée d'air frais. Je passerai par la fenêtre et-

Je hurlai.

Touya, ses vicieux petits yeux bleus me scrutant derrière ses paupières gonflées, venait de planter ses dents dans mon doigt.

Je levai mon poing droit.

Il frappa ma jambe de la sienne et nous fit rouler sur le côté, mon majeur toujours coincé dans sa bouche. Il me sourit. Mon sang tâchait ses dents blanches. Il avait l'air fou.

- Qu'est-ce que tu croyais ?

Il frappa mes oreilles du plat de la main, me désorientant. Un cri de douleur s'échappa de ses lèvres. Il enfonça ses dents plus loin dans ma chaire. J'avais l'impression de mourir.

- C'est toi et moi, Sho-sho. Toi et moi.

Il serra.

Je sentis ses dents s'enfoncer jusqu'à l'os. La douleur explosa dans mon crâne. Des tâches noires dansèrent sur le plafond de feu, sur son visage défiguré, sur les rideaux de lave qui menaçaient de nous submerger.

Il tourna la tête sur le côté, tordant le doigt avec lui. Comme s'il cherchait à l'arracher.

La douleur me coupa le souffle.

Je m'arc-boutai contre le sol, essayant de le repousser. Mon chakra, instable, me glissait entre les doigts.

J'avais l'impression de mourir.

Je vais mourir.

Il m'attrapa le crâne d'une main et le fracassa contre le sol. Ça me fit l'effet d'un coup de massue.

Mes paupières s'alourdirent.

La panique me maintenait en vie.

Je lui éclatai le genou de mon pied. Il hurla. Un éclat de pure haine alluma son regard.

Il se mit à me bouffer le doigt.

Ses dents – toutes ses dents – mâchèrent ma chaire. Il me broya le doigt, déchira ma peau, dévora mes muscles.

Un sang sombre coulait sur ses lèvres comme de l'écume, roulant sur son menton comme une vague.

Il me sourit et continua à me dévorer.

Je poussai un cri de rage et le balançait sur le côté, inversant nos positions.

Le feu nous engloutit.

Je lui éclatai le nez à coups de poing.

Il tira et tira de toutes ses forces pour m'arracher le doigt.

Une stalactite glace apparut dans ma main droite. Son regard devint alarmé.

Je le poignardai avec, lui tirant un cri d'agonie.

Un morceau de parquet carbonisé tomba juste à côté de nous.

Il enfonça ses dents dans la dernière phalange de mon doigt, essayant de l'arracher à la base.

Je fis tourner le pic gelé à moitié fondu dans son épaule, le faisant hurler.

Il tira plus violemment. Je hurlai aussi.

Nos voix se mélangèrent et je n'étais plus en mesure de savoir lequel de nous deux criait.

Un nouveau pic à glace apparut dans ma main.

Je le poignardai dans le coude. Puis le poignet. La main.

Comme une crucifixion.

Quelque chose claqua dans mon doigt.

Ma vision se troubla. Les flammes qui nous entouraient se transformèrent en néons rouges. La fumée s'immobilisa comme une masse sombre, malveillante, mortelle.

Mes stalactites fondaient déjà.

Un ultime pic de glace à la pointe plus fine, plus solide, plus tranchante, apparut dans ma main.

Je n'avais pas voulu choisir entre sortir vivant de cet incendie ou garder mon doigt.

Mais plus rien ne m'importait, maintenant.

Excepté sa mort.

Je tendis mon bras tremblant au-dessus de ma tête, visant sa jugulaire.

La panique anima son regard.

J'abattis la stalactite de toutes mes forces.

Il lâcha mon doigt. Puis prit feu.

Un véritable geyser de flammes bleues explosa de tout son corps. Le souffle brûlant me projeta en arrière, me faisant rouler sur le parquet noirâtre.

Mon pic de glace s'évapora entre mes doigts. La vapeur chaude fit bouillir ma paume. Des tâches rouges, comme des champignons, en jaillirent.

Touya se releva, ses jambes tremblants.

Je ne voyais rien d'autre que sa silhouette noire au milieu de son tourbillon de flammes.

Des morceaux de parquet tombèrent comme de la neige autour de lui.

Une partie du premier étage s'effondra sur la fenêtre, la condamnant à tout jamais.

Je me traînai sur le sol, ma main ensanglantée serrée contre mon torse.

Touya tituba dans ma direction. Il leva une main aux doigts brûlés dans ma direction.

- Sho-sho, pourquoi est-ce que tu me fuis ?

Mon dos heurta le miroir.

Les flammes rouges qui le consumaient étaient rafraîchissantes en comparaison au brasier bleu.

- Rejoins moi. Qu'on en finisse une bonne fois pour toutes

Je crachai à ses pieds un mollard plein de sang.

- Crève

- Pas sans toi

J'aspirai une goulée de fumée puis toussai. L'air m'irritait la gorge, me brûlait les poumons.

Mon Alter fit chuter ma température.

Touya glissa doucement sur le sol, incapable de lever les pieds.

Il s'immobilisa une seconde, coincé dans son propre tourment des enfers. Un bruit écoeurant de scratch qui se déchire résonna dans la pièce.

Sa plante de pied s'arracha sous mes yeux grands ouverts. Sa peau brûlée resta collée au parquet, un filet de sang pareil à un élastique le reliant à sa chaire.

Il continua à avancer.

Je cachai ma main droite dans mon dos. Des engelures recouvrirent mes doigts, mon poignet, mon coude. Le froid s'insinua jusque dans ma peau, me glaçant comme jusqu'à ce que je ne fasse plus qu'un avec la glace.

J'expirai un nuage de vapeur.

Les pieds du miroir gelèrent.

Une fine couche de glace recouvrit les plinthes noircies et les murs.

J'attendais, défiant, qu'il s'approche.

Plus proche. Continue. C'est ça.

Les engelures remontèrent le long de mon bras, se glissèrent sous ce qu'il restait de mon t-shirt en miettes.

De la glace apparut à la surface de mon torse, s'étalant sur tout mon corps. Mes cuisses s'immobilisèrent, figées, alors que les engelures continuaient à se répandre jusqu'à mes orteils. Ma main sanguinolente gela à son tour, rejoignant le reste de mon corps.

La glace remonta le long de ma gorge, traçant des veinures bleuâtres contre mon cou, rendant mes lèvres violettes. Mes cheveux devinrent des cristaux gelés, aussi durs et piquants que des aiguilles.

J'attendais, pétrifié, fou de rage, comme une sculpture de glace sur le point de vivre sa dernière heure de gloire.

Je courais à ma perte.

Mais je refusai qu'il vive un jour de plus.

Touya se répéta :

- Si je meurs, tu meurs avec moi

Si je devais mourrai ici, alors je ferai en sorte qu'il n'en réchappe pas.

Il fit l'ultime pas.

Je tendis mes mains gelées vers lui. Un souffle glacial quitta mes lèvres entre-ouvertes.

La glace vrombit puis explosa comme une vague de mon corps.

Les flammes qui dévoraient les murs gelèrent.

Le sol se transforma en iceberg.

Touya leva les mains et ses flammes bleues jaillirent à la rencontre de mes vagues gelées.

Il y eut un sifflement aigu. Un nuage de vapeur bouillant jaillit à la rencontre des deux puissances. Le mélange se répandit dans toute la pièce comme une traînée de poudre.

Mes dents claquèrent. La glace me grignotait les joues.

Je poussai tout mon chakra dans mon Alter. Il y eut le tintement familier des clochettes. Puis la glace, plus rapide et plus forte que jamais, jaillit de tout mon corps comme un tsunami.

Elle dévora les murs, les sols, le plafond. Elle transforma la fumée en neige noire, des blocs de glace en tombant comme si c'était le déluge.

En une fraction de seconde la moitié de ma chambre gela.

Touya rugit et relança ses flammes à l'assaut.

Le choc n'engendrait que de la vapeur bouillante.

Aucun de nous deux ne la sentait vraiment.

Alors je puisai plus loin, plus profondément en moi, jusqu'à ce que ma main intérieure se referme sur le bloc d'énergie pur que constituait mon Alter.

La glace, si froide, engloutit mon nez, mes paupières, mon front.

L'air était en train de se solidifier.

Touya tomba à genoux.

Ses flammes perdirent de la puissance.

Il se prit la tête à deux mains et enfonça ses ongles dans sa peau.

- Non non non non non

Il tira sur ses cheveux, les arrachant par poignées. Une odeur de souffre envahit la pièce.

Il hurla.

- Non ! Non !

Les flammes devinrent blanches.

Elles éclatèrent avec puissance et violence, comme la lave d'un volcan qui viendrait d'entrer en éruption.

Le choc de nos deux Alters transforma la pièce en enfer vivant.

Un vent brûlant, moite, se répandit comme le souffle d'un démon.

La glace qui recouvrait ma peau fondit comme neige au soleil.

Et des cloques rouges et blanches apparurent sur toute ma peau.

Je me couvris le visage de mes avant-bras, étouffant un gémissement de douleur.

Je sentais ma peau brûler. Bouillir. Fondre.

Inspirer était comme accepter le mal à l'intérieur de mon corps. Le laisser se répandre en toute quiétude.

Le manque d'oxygène me monta à la tête.

L'adrénaline retomba.

Je fermai mes yeux, incapable de rester éveillé plus longtemps.

Je pouvais l'entendre hurler, mais ce n'était plus de rage.

La vapeur devait le faire bouillir plus vite que moi.

Je souris.

Et puis je m'écrasai sur le côté.

Les sons se transformèrent en cacophonie. Le bleu de ma glace et le blanc de ses flammes se mélangèrent. C'était un bleu ciel, un bleu de fin d'été. Le goût du porc cramé envahit ma bouche. La douleur s'éloigna.

Je soulevai légèrement mes paupières, observant une dernière fois le monde.

Et c'est à cet instant que je les vis, debout au milieu de ma chambre, baignant dans une mer de feu.

Les portes en obsidienne sculptées, si hautes qu'elles se perdaient dans les nuages, si larges qu'on aurait cru l'horizon fait uniquement d'elles.

Ma main, allongée à côté de ma tête, trembla.

Les portes tremblèrent.

Puis les créatures de la nuit s'en détachèrent.

Elles se mouvaient en glissant sur le sol comme des ombres, leurs pas aussi légers que la caresse du vent dans la nuit. Leur corps flou, obscur, fait de fumée, s'insinuait dans cette tombe de feu sans en ressentir ni chaleur ni douleur.

Comme si c'était chez elles.

Comme si elles étaient des démons.

Dans une synchronie parfaite, leurs têtes sans visage se tournèrent vers moi.

J'attendis, immobile, incapable de bouger un doigt.

Elles glissèrent au milieu de la vapeur, survolèrent les monceaux de parquet calciné et les meubles brisés.

L'une d'entre elles tendit son doigt vers mon front.

Puis un flash de lumière rouge jaillit des ombres et traversa la porte d'obsidienne.

Les ombres vacillèrent.

Le doigt me passa au travers.

Je clignai des yeux et elles n'étaient plus là.

C'est alors que deux bras me soulevèrent du sol.

Je me laissai faire, mes bras désarticulés pendant le long de mon corps.

- -oto ! Shoto ! Shoto !

On me gifla.

J'ouvris difficilement les yeux. C'était comme si je sortais d'un rêve.

Les flammes crépitèrent et une partie de l'étage s'effondra sur mon lit.

J'entendais des gens hurler, mais tout me paraissait trop loin.

- -mon but maintenant, hein ? Tu m'as crée pour te surpasser et à la seconde où il naît, tu m'abandonnes !

On me couvrait les oreilles.

- Qu'est-ce que j'ai maintenant ? Qu'est-ce qu'il me reste ?

La chaleur s'intensifia.

Les murs grondèrent, comme si la maison entière était sur le point de s'effondrer sur nos têtes.

- Tu as pris tout ce que j'avais et tu lui as donné ! J'ai plus rien maintenant ! Je suis plus rien !

Les flammes blanches allaient tous nous tuer.

Papa me serra plus fort contre lui, me collant à son torse pour me protéger des morceaux de débris qui tombaient du plafond.

Le rideau de feu se refermait sur nous comme une mâchoire géante sortie tout droit des enfers.

Touya nous regardait, un sourire dément aux lèvres. La moitié de son corps n'était plus qu'os et chaire à vif.

Ses deux mains se levèrent vers nous.

Papa me murmura à l'oreille.

- Gèle toi

J'en appelai à tout ce qu'il me restait de chakra et d'énergie. J'ignorai le morceau de chaire qui pendait au bout de mon poing par un unique nerf à peu près intact.

Une couche de glace, épaisse de quelques pauvres centimètres, recouvrit toute de ma peau. La glace vira au rouge lorsque mon doigt pissant le sang se retrouva enveloppé à l'intérieur.

Papa leva sa main gauche, celle qui ne me tenait pas. Il la tendit vers les flammes.

Pendant une seconde il ne se passa rien.

Et puis les flammes se plièrent.

Je vis la confusion sur le visage sanguinolent de Touya. Une flaque de chaire brûlée et de sang grandissait sous ses pieds.

Il agita ses mains, essayant de rappeler les flammes à lui.

Mais elles n'obéissaient plus qu'à Papa.

Il tendit sa main gauche vers sur ce qui restait de ma fenêtre, celle qui donnait sur la forêt.

Les flammes ondulèrent. Et puis, comme si un vent glacé venait de les déraciner, elles s'envolèrent.

J'écarquillai les yeux, incapable de me détacher du spectacle de ce feu volant. Sur ma peau, ma glace fondait à vitesse grand V.

Les flammes se décrochèrent des murs calcinés, de ce qu'il restait du plafond, des cendres de ce qui avaient un jour été ma chambre.

Elles volèrent dans les airs, tournoyant autour de nous comme un tourbillon de lumière blanche.

Mon père tendit la main vers l'extérieur et, une à une, elles passèrent par la fenêtre.

Il les força à se contracter, à éviter qu'elles ne reprennent leur carnage dans la maison. Il les libéra dans les arbres. Elles les dévorèrent comme des allumettes, mais elles perdirent de la puissance.

Blanches, bleues, rouges.

Ma glace fondit comme neige au soleil, se transformant en rivière fraîche sur ma peau. L'eau roula, s'évaporant au contact de mon père.

Mon père poussa un grognement de fatigue.

Il tomba sur un genou, la respiration hachée.

Il était en fusion.

Je pouvais voir ses organes à travers sa peau translucide. Ses yeux étaient devenus fluorescents, rendant bleue sa sclérose. Ses os devinrent rouges, aussi brûlants que des charbons ardents. Je pouvais voir ses veines, ses artères, et tout le sang qui y circulait.

Je pouvais voir son coeur battre à tout rompre au milieu de sa cage thoracique.

Je mis mes mains sur son torse, utilisant ma glace pour le refroidir. Je poussai mon chakra dedans, forçant mon Alter à se surpasser une dernière fois.

De la vapeur jaillit au contact, des volutes de fumée blanche tourbillonnant autour de nous. Je poussai la glace à s'insinuer dans son corps plutôt qu'à sa surface.

La charpente grinça. Le mur, à gauche de ce qu'il restait de mon lit, s'effondra dans la chambre. Le plafonnier, fumant, s'écrasa dans un bruit sourd entre Touya et nous. Il se brisa sur le sol, des morceaux de verre volant dans tous les sens.

Le sol sous nos pieds craqua, comme si le plancher allait s'ouvrir et tous nous engloutir.

Mon père se força à se relever. Il me cala sur sa hanche, tourna le dos à la chambre et dégagea un accès dans le couloir à la force de ses poings.

Touya hurla.

- Me laisse pas ici ! Me laisse pas !

M'efforçant de refroidir la peau bouillante de mon père, je regardai Touya pour la dernière fois.

Il tendit une main implorante vers nous, ses yeux pâles brillants de larmes.

Et puis le reste de l'étage s'effondra dans ce qu'il restait de ma chambre, condamnant Touya à son propre enfer.