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[FR]Shoto Todoroki - Terroriste des Temps Modernes

« Un meurtrier de masse, l’appelait-on. Le terroriste des temps modernes » Je croyais que j’avais de la chance. Que j’étais différent. Que je pourrais vivre ma vie comme je l’entends. Mais les dés étaient joués depuis longtemps. « C’est amusant, tu ne trouves pas ? Je suis devenu tout ce qu’ils ont dit que je serai » -------- PATREON : patreon.com/Nar_cisseFR English version available on my account

Nar_cisse · Anime und Comics
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Chapitre 24 - Tragédie

C'était bientôt la fin de l'été.

Il faisait lourd et le ciel nocturne était constellé d'étoiles. Elles avaient l'air d'une infinité de points blancs sur un tableau sombre.

Allongé dans un rocking-chair, la tête relevée vers les cieux, j'injectai du chakra dans mes prunelles. On aurait dit que le voile opaque qui recouvrait le ciel venait d'être soufflé par le vent.

La voie lactée se dessina sous mes yeux.

Les tâches blanches devinrent un milliard de petits diamants. Le ciel n'était plus un amalgame de noirs mais un patchwork de bleus allant de l'ocre le plus obscur au céruléen le plus pur. Je liai les étoiles du regard, découvrant des constellations et en inventant d'autres pour mon bon plaisir.

Je n'avais jamais fait ça dans l'Avant. C'était… relaxant.

Les domestiques débarrassaient la table avec douceur, contaminées par la bulle de calme qui entourait cette soirée.

Fuyumi et Natsuo discutaient à voix basse, échangeant un rare moment où aucun ne cherchait à énerver l'autre. Rei observait elle aussi les étoiles, l'air apaisée.

Je tournai la tête vers la chaise vide en bout de table. Devant, l'assiette pleine était recouverte d'une cloche en verre. L'odeur du barbecue flottait encore dans l'air.

Je baissai les yeux vers mes cuisses.

Si j'espérai que le cadeau lui plaise, l'emballage risquait de lui faire peur. Il y avait des bouts de scotch dans tous les sens et des tas d'endroits où le papier avait été déchiré puis rafistolé avec d'autres morceaux découpés à la hâte.

J'avais l'impression de m'en être pas trop mal sorti mais au vu des ricanements des deux autres idiots, ça ne devait pas être ça. N'empêche que j'étais fier de moi. C'était la première fois que je faisais quelque chose d'aussi trivial.

Les domestiques posèrent la pièce montée intacte sur la table roulante. Ils la firent rentrer à l'intérieur alors que je la scrutai avec attention. La fraise enrobée de chocolat me faisait de l'oeil, mais j'attendrai.

Rei s'arracha à la contemplation des étoiles. Elle nous regarda chacun à notre tour.

- Allez les enfants. Allons nous coucher

La nuit était déjà bien entamée. Ça m'étonnait qu'elle ne nous ait pas envoyés dormir plus tôt.

Fuyumi et Natsuo descendirent de leur chaise sans protester. Une pile de cadeaux était installée entre la table en bois et les portes-fenêtres coulissantes. Ils déposèrent les leurs à tour de rôle.

La tirelire en papier mâché construite par Natsuo avait des airs de trophée bancal au sommet de la pyramide d'emballages brillants.

Je m'en approchai à mon tour, mes yeux faisant des va et vient entre la pile et l'objet rectangulaire entre mes mains. Si jamais il rentrait cette nuit et qu'il l'ouvrait sans que je ne sois là…

Rei posa une main sur mon épaule.

- Tu peux le garder avec toi et le lui remettre en main propre demain si tu préfères

Ce cadeau m'avait demandé de retourner à Sword and Cross en pleines vacances et de négocier avec une fillette irritable et exigeante. Et ce n'était que le sommet de l'iceberg : je n'étais même pas prêt de lui payer la dette que je lui devais.

Je serrai le précieux objet contre mon torse.

Une étrange chaleur, aussi agréable qu'un feu de cheminée en plein hiver, se répandit de mon coeur au reste de mon corps.

Je me sentais… bien.

C'était bon d'être en vie.

- D'accord

Natsuo et Fuyumi n'étaient plus là depuis longtemps.

Je regardai à peine devant moi, caressant du bout du pouce un amas de scotch qui avait des airs de grumeau transparent.

Je sentis le changement de texture sous ma claquette en entrant dans le salon par la pore-fenêtre ouverte. C'était bien de-

Ma tête heurta une surface dure.

Je titubai de quelques pas, serrant instinctivement le cadeau plus fort contre moi. Deux doigts allèrent à mon front.

Mes yeux remontèrent le long de l'individu dissimulé parmi les ombres.

Il se tenait à la limite même entre l'obscurité totale de la maison et la flaque de lumière argentée projetée par la lune.

Le bas de son visage était recouvert d'un voile noir impossible à transpercer. La couverture de la nuit lui conférait un aspect fantomatique. Irréel.

Menaçant.

Je croisai son regard.

Deux prunelles sombres me scrutaient avec l'attention d'un reptile. Les vaisseaux sanguins avaient éclaté dans sa sclérotique.

Ses yeux étaient froids.

Sans vie.

Méfiant, je reculai d'un pas.

C'est la même expression que ce jour là.

- Touya ?

Rei posa une des assiettes qu'elle était en train de débarrasser.

Je perçus un bruit de ploc ploc. Le goût du métal envahit ma bouche avant que l'odeur ne parvienne à mon nez.

Je ne le quittai pas du regard parce qu'il ne fallait jamais regarder ailleurs que son adversaire.

- Comment se fait-il que tu sois là ? Nous ne sommes que jeudi

Tout à coup les charbons ardents du brasero crépitèrent. Je vis, dans le reflet de la vitre, une langue de feu en jaillir et fouetter l'air. La chaleur réchauffa brusquement mon dos. J'entendis une des domestiques gémir puis tituber.

Rei tourna les talons.

- Oh mon dieu Emiyo ! Montre moi ta main !

Les flammes projetèrent des ombres chatoyantes sur Touya.

On aurait dit qu'il s'embrasait de l'intérieur.

J'embrassai sa figure d'un seul battement de cils.

De son nez jusqu'au bas de son cou sa peau n'était plus qu'un amas de chaire rose à vif.

Du sang coulait de ses plaies et roulait sur les restes noirâtres et brûlés qui constituaient son torse. On aurait dit des cratères noirs entourant de la lave en fusion.

Des morceaux de peau blanchâtres constellaient ses bras et se perdaient sous le reste de manche de sa veste.

L'obscurité reprit le dessus.

Son corps endommagé s'évanouit dans les ombres.

Je ne pouvais voir que ses yeux éclairés par un rayon de lumière oblique.

Ploc ploc.

Une larme de sang roula de son œil. Il l'essuya du bout du pouce, ses yeux glacés ne quittant pas les miens.

- Je vais me coucher

Sa voix était grave. Râpeuse.

Comme s'il n'avait pas parlé depuis des jours.

Ses yeux morts me dévisagèrent un long moment. On aurait dit qu'il cherchait à imprimer l'image de mon visage dans son esprit.

Et puis il partit.

Le ploc ploc s'éloigna avec lui.

Je baissai les yeux sur le parquet en bois.

Des empreintes de pieds boueux et des bouts de feuille. Quelques cailloux ensanglantés.

Une mare de sang.

J'entendis vaguement Rei parler d'une ambulance.

- Je vais me coucher aussi

*

Il était plus de onze heures.

La maison était plongée dans le silence.

Rei n'était plus là.

La gouvernante était partie se coucher depuis longtemps.

Je fermai les yeux, me concentrant sur mon ouïe. Je pouvais entendre les respirations régulières de Natsuo et Fuyumi. Le filet d'eau qui s'écoulait du robinet mal fermé. Le bruissement du vent dans les feuilles. Le son des criquets dans les arbres. Le hululement de la chouette.

Le plancher du couloir craqua.

Mon coeur tambourinait dans ma poitrine. Je mis mes mains dessus, espérant follement le réduire au silence. Pouvait-il l'entendre ? Je me mordis les lèvres jusqu'au sang.

Mes mains étaient moites. Une goutte de sueur glacée roula de ma nuque à mon oreille.

Je savais que ça arriverait. Je le savais.

Nouveau craquement de plancher.

La latte de parquet sous mon torse frémit, contaminée par le mouvement.

Mon visage était chaud. Brûlant. Tout mon sang y était remonté.

La lumière automatique du couloir s'alluma.

Une lumière jaune, crue, se glissa dans ma chambre dans l'espace minuscule entre la porte et le sol. Elle éclaira le parquet ciré, le tapis de mauvais goût, les pieds de mon lit.

Je me forçai à allonger mes bras de chaque côté de mon corps, m'écrasant le plus possible contre le parquet gelé pour ne faire plus qu'un avec lui. Ma joue gauche colla au sol. Je me forçais à tordre ma nuque dans un angle quasi-impossible pour voir sous la porte.

Deux chaussures. Noires.

Enji était-il rentré ?

Moi-même je n'y cru pas.

Pourtant, mu par un espoir impossible, je tendis un tentacule de chakra vers l'individu. Il s'arrêta à la porte, la frôlant à peine, hésitant.

Mon coeur se serra.

Je voulais que ce soit lui. J'aurai tellement, tellement voulu que ce soit lui.

Je fermai les yeux et poussai mon chakra plus loin.

Le tentacule effleura l'individu. Il me revint comme un fouet qu'on claque.

Je me sentis malade. Serais-je capable de… ?

Je perçu un changement de lumière sous mes paupières. J'ouvris les yeux.

La lumière s'était éteinte.

Il ne la ralluma pas.

Le silence reprit ses droits.

Touya et Fuyumi respiraient à l'unisson. L'eau coulait toujours. Le vent caressait encore les arbres.

Mais les criquets ne stridulaient plus. Et la chouette s'était éteinte.

Je me demandai si, animaux qu'ils étaient, ils comprenaient. Sentaient. Que ce soir serait une tragédie.

Le silence me permit d'entendre mieux. Plus loin.

L'aiguille des secondes tournait inlassablement dans l'horloge du salon, travailleuse infatigable. Les minutes s'égrenaient comme des secondes. Le clic de chaque nouvelle avancée résonnait comme un coup de tambour dans la maison vide.

Je réalisai à peine que les battements de mon coeur s'étaient calés en rythme. Un coin éloigné de mon esprit comptait les clic en rythme. C'était thérapeutique. 56, 57,

Je pouvais l'entendre respirer.

L'horloge frappa minuit.

Le coucou qui sortit de son centre et piailla me fit sursauter. Ma tête heurta une des lattes du lit. J'étouffai mon cri de stupeur en me couvrant la bouche. La latte tressauta puis glissa. Ma main droite jaillit pour l'empêcher de frapper l'autre planche en bois.

Je serrai les dents, arc-bouté comme un arc, les orteils touchant à peine le sol, deux doigts écrasés entre les planches de mon lit et le regard fou rivé sur la porte.

Avait-il entendu ? Avait-il comprit ?

L'instant me parut une éternité.

Le coucou piaillait encore.

Je priai pour que le son aigu m'ait couvert.

L'oisillon ferma son clapet puis rentra chez lui.

Le silence ne m'a jamais paru plus terrifiant qu'en cet instant.

Lentement, doucement, je fis glisser mes doigts du rail en métal. La latte de travers retomba sans un bruit.

Je remarquai à peine l'écharde enfoncée dans mon pouce.

Mes yeux retournèrent à la porte.

Clic. Clic. Clic.

Une minute. Deux. Cinq.

Mon pouls ralentit. Ma respiration se calma. Je repoussai les cheveux humides de mon front glacé.

Le clic clic était rassurant. Familier. Je l'entendais chaque nuit dans mes rêves depuis que j'étais né.

Cette maison était la mienne. Cet endroit ma chambre. Ce moment un rêve.

Tout ira bien.

J'avais pris ma décision. Je m'y préparais depuis longtemps.

Tout ira bien.

Je fis de ces trois petits mots mon mantra. Je les répétai à chaque nouveau clic.

Une calme résolution m'envahit.

J'arrêtai de griffer le sol. Je desserrai les mâchoires. Je relâchai mes muscles.

Mes doutes s'évanouirent. Mon esprit devint d'une clarté inouïe. Mes pensées se fluidifièrent.

Je sentis mon chakra bourdonner doucement sous ma peau, comme le doux crépitement d'une bûche dans un feu contrôlé.

C'était comme si je n'étais plus moi. Que je n'étais plus qu'un spectateur de mon propre corps. De ma propre volonté.

Je me demandai quand est-ce qu'il entrerait. S'il avait prévu un horaire. S'il était armé. S'il avait avait pensé à la méthode.

Moi, j'y avais déjà pensé.

Rei était la seule à l'avoir vu. Ça jouerait en ma faveur.

Je dirai qu'il était parti juste après. Qu'il avait oublié le cadeau d'Enji au centre. Qu'il avait disparu avant que je puisse dire quoi que ce soit.

J'avais déjà creusé le trou. Je cachai la pelle depuis des semaines.

Sept.

Il ouvrit la porte.