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Chapitre 13

Mes parents ne nous avaient pas trompé. Ils arrivaient, deux jours après leur missive. Armés et droits, nous nous étions tous séparés aux quatre coins du village pendant que Seth et Rhys terminaient d'installer mes affaires dans le presbytère.

Les réparations du bâtiment avaient été bien plus compliquées que ce qui avait été prévu initialement. Le toit fuyait, les portes et fenêtres ne fermaient plus, de quoi suffisamment inquiéter Seth pour le faire souvent rester jusque tard au village. La cabane était en effet bien trop loin pour que je puisse y trouver refuge. Et si nous connaissions suffisamment certains membres du village, il restait compliqué de prendre une place dans n'importe quelle maison de n'importe quel Haedleigeois. Alors nous avions réparé le presbytère, le sécurisant et le nettoyant autant qu'il nous avait été possible de le faire. Même Elaina et Isaias, pourtant laissés seuls pour leur exploitation, étaient venus nous aider dans une bienveillance sans égale. Isaias avaient même passé cette dernière nuit à finir de nettoyer la demeure pour me permettre d'emménager dès le lendemain.

Tout était donc prêt. Ma chambre à l'auberge était même déjà entièrement préparée pour l'arrivée du convoi royal que pouvions d'ores et déjà apercevoir sur le chemin. A cette vision, je ne pus m'empêcher de soupirer.— Ca va aller, murmura Myles, resté avec moi à l'entrée d'Haedleigh. Le village est briefé. Phillip et Rhys ont fait le tour.— Et Adriel ?— Ils sont tous les deux à leur poste, rassurez-vous. Phillip est près de la place du marché et Adriel à l'entrée ouest, près de chez Tom.Cela ne me rassurait pas vraiment. Rien ne pouvait, à vrai dire le faire. Comment cela pouvait-il en être lorsque cet avenir que je n'avais pas décidé s'approchait de moi à vive allure.— Elle sera peut-être à votre goût, me souffla alors Myles, comprenant mon angoisse, avant d'avancer sur le chemin pour faire signe au cocher.A mon goût, oui. C'était possible mais je doutais fermement que mes parents aient attention à mes goûts. J'admettais d'ailleurs ne pas imaginer à quoi elle pourrait ressembler. J'avais beau essayer, je ne le pouvais pas tant je craignais le pire. Après tout, tous savaient que mon cousin m'avait envoyé ici alors quel homme pourrait donc accepter de marier sa fille au banni de la famille royale ? C'était la une question idiote. Après tout, à bien y réfléchir, n'importe quel homme désireux de gagner en pouvoir désirerait marier sa fille à n'importe quel membre de la famille royale.— C'est donc ici que tu as été envoyé.Pas un mot tendre, ni même un bonjour envers son fils. Mon père fut égal à lui-même alors qu'il descendait de son transport, observant le paysage d'un air méprisant. Cela commençait parfaitement leur séjour.— Bonjour Père, saluai-je en m'inclinant légèrement. J'espère que vous avez fait bon voyage.— Comme s'il était possible de faire bon voyage aussi longtemps et d'en d'aussi mauvaise condition !Ah. Ma mère non plus sembla toujours égale à elle même. Une chance que je n'aie espéré aucun changement de leur part en quelques semaines. Cela aurait été le cas que mes espoirs m'auraient déjà été ravis.— Est-ce qu'il y a au moins quelqu'un pour nous aider ?— Nous, Madame, répondit immédiatement Myles qui terminait de s'entretenir avec le cocher afin de lui indiquer le lieu où était attendu ses deux chevaux.— Vous ?Savait-elle au moins où elle avait mis les pieds ? J'en doutais presque tant elle semblait s'attendre à un cortège.— Peut-être auriez-vous dû emmener des domestiques si vous ne savez pas faire sans, Mère. murmurai-je sûrement un peu trop fort tant son regard voulu m'assassiner.— Peut-être aurais-tu dû tenir ta langue pendant le Conseil, gronda mon père pour toute réponse.Et peut-être le Roi aurait-il dû faire preuve de bienveillance envers son propre peuple. Une réflexion que je gardai pour moi, la tête basse. Mes parents, eux, prirent le chemin de l'auberge que Myles leur indiquait.

Pourquoi diable avaient-ils décidé de quitter leur transport avant d'y être arrivés ? Ce fut d'ailleurs la question que posa mon frère dont la tête venait de sortir de la fenêtre, m'adressant un sourire, sans qu'une réponse ne lui soit apportée. La logique de mes parents me dépassaient définitivement. Cela l'obligea d'ailleurs à descendre de voiture, mais certainement pas seul.

Je clignai des yeux. C'était donc elle, ma future épouse ? Elle n'était rien de ce que j'avais pu imaginer. Je n'avais d'ailleurs rien pu imaginer certes, mais elle dépassait néanmoins tout ce que j'aurais pu imaginer.

Ses cheveux blonds descendaient en cascade d'or sur ses épaules blanches, ses yeux bleus observaient autour de nous sans même sembler juger ce qu'elle voyait alors que son sourire éclairait son visage angélique. Elle était belle, vraiment belle. Et il m'avait fallu de longs, très longs instants pour détourner les yeux. Ce fut même Tobias qui me sortit de mes pensées, un coup de coude bien placé dans les côtes.

— Oh. Heu... Secouant la tête, j'avancai vers la jeune femme pour m'incliner face à elle. — Mademoiselle...Son sourire s'agrandit alors qu'elle s'inclinait à son tour.— Elian. Je te présente la Comtesse Annalise Annalise. Un très joli prénom, pour sûr. Clignant de nouveau des yeux, je me réinclinai, encore une fois, provoquant un léger rire cristallin de sa part.— Nous vous avions prévenu ! Ce n'est pas le plus dégourdi ! sembla plaisanter mon père alors que je ne pouvais que lire la vérité entre ce qui me semblait être des faux sourires.— Père... souffla Tobias, désabusé.Le soutien de mon frère me surprit. Lui qui était si froid à la capitale semblait un nouvel homme sous le ciel d'Headleigh. Je ne préférai pourtant rien répondre, prenant la marche vers le centre du village. Mais si j'avais imaginé pouvoir passer le trajet en silence, mon père me ramena rapidement à la réalité, m'obligeant à répondre à ses questions. Que faisions-nous de nos journées ? Comment se passaient nos gardes de nuit ? Étions-nous réellement attentifs à ce qu'il se passait dans le village ? Étions-nous sûrs que le royaume et surtout le Roi ne risquaient rien ? Tant d'interrogations auxquelles je répondis d'une seule et unique manière : le mensonge. Bien sûr faisions nous des rondes. Bien sûr ne leur faisions-nous pas confiance. Evidemment faisions-nous ce pourquoi l'on nous avait envoyé. Oui. Evidemment. Ce n'était même pas des questions à nous poser, n'était-ce pas ?Ainsi passai-je ce qui me sembla être un premier interrogatoire. Je fus souvent aidé de Myles, heureusement. Il appuya chacun de mes dires et réussit même à les compléter d'anecdotes sorties tout droit de son imaginaire. A croire que lui avait réellement fait ce pourquoi nous avions été envoyé.

Nous arrivâmes à l'auberge de trop longues minutes plus tard. Bien sûr ma mère se plaignit de la boue autant ques des "effluves malodorantes", proposant même à ce qu'on lave le champs de vache pour apaiser son "pauvre nez". Une solution qui eut au moins le mérite de nous arracher un rire, autant à Tobias qu'à moi et Annalise. Avec le remue-ménage et les questions de mon père, je l'avais presqu'oublié mais mon regard se perdit de nouveau sur elle. 

Ahum.

Passons.

Les chambres de l'auberge présentées, ma mère voulut rapidement connaître mon propre lieu de vie, comprenant que j'avais dû déménager pour eux. Cela me surprit presque tant je ne l'avais pas imaginé s'y intéresser le moins du monde. — Je... J'hésitai, ne sachant pas réellement s'il ne s'agissait que de politesse ou d'une chose l'intéressant réellement. — Je pourrais vous faire visiter lorsque vous serez installé si...— Tu n'as qu'à y emmener Annalise ! s'exclama-t-elle en ordonnant au cocher de s'occuper des affaires de la jeune femme.— Tous seuls ?! s'insurgea mon frère, pressé par ma mère vers les escaliers.— Mais non ! reprit-elle. Myles ! Vous êtes le chaperon ! A tout à l'heure !C'était évidemment trop beau pour que ma mère ait pu réellement s'inquiéter pour moi et pour mon lieu de vie. Je n'en fus cela dit finalement même pas réellement déçu tant cela était habituel.Ainsi invitai-je la jeune femme à me suivre sans trop savoir quoi faire, n'obéissant qu'aux ordres de ma mère. Comment pouvait-elle imaginer qu'il soit décent de l'emmener chez moi, quand bien même ce chez moi ne l'était que depuis aujourd'hui.— Peut-être serait-il de meilleur ton de vous faire faire le tour du village, finis-je par soupirer.— Serait-il possible que nous puissions voir quelques animaux ? Autres que les vaches au début du village. Elles me font peur, demanda-elle alors d'une voix douce.Seigneur. Même sa voix ne ressemblait en rien à mes plus grandes craintes. claire, cristalline même, son ton était mélodieux, un ton que l'on ne pouvait certainement pas oublié si facilement.— Oh... Oui. Bien sûr. Il y a quelques chevaux, de traits surtout et... — Des moutons. On a aussi des moutons. Mais aucun ne sera amicaux avec vous. Ils aiment pas les étrangers.La voix qui me parvint me fit sursauter. Je me tournai alors rapidement vers son propriétaire au visage fermé, observant la jeune comtesse de haut en bas. Lui avait une voix bien différente, pour sûr. Chaude et pénétrante, la voix grave de Seth elle non plus laissait rarement indifférent.— Seth. Je t... vous présente la Comtesse Annalise, annonçai-je en fronçant les sourcils. Elle accompagne mes parents, comme vous le savez.Il savait donc, de ce fait, qui elle était à mon encontre. Peut-être cela dit, aurais-je du le lui rappeler car l'homme ne semblait pas réellement comprendre ce qui devait se jouer maintenant. Myles, lui, l'avait néanmoins en tête. Je le sentis même faire quelques mouvements derrières nous en direction du paysan.— Inutile de gesticuler Monsieur Harding, s'en amusa la Comtesse en se retournant vers Myles. Mais je suis enchantée de vous connaître, monsieur Parsons. — Vous connaissez mon nom ? s'étonna l'intéressé.— L'on parle de vous dans tous les Royaume. Et vous êtes la raison pour laquelle le Prince a été envoyé ici.— La raison...La voix de Seth se fit étrangement plus calme alors que son regard se déportait sur moi. Pourquoi ce regard me paraissait-il plus doux, plus amical que celui porté à la jeune femme ? Maudit paysan qui ne savait pas se comporter devant une femme.— Oui, acquiesça Annalise. Vous et votre groupe d'insurgés. — Nous ne sommes pas...— Si, coupa Myles. Vous en êtes.Par tous les saints. Pourquoi ces deux-là ne pouvaient-ils pas seulement s'entendre de manière cordiale ? Pourquoi fallait-il que l'un comme l'autre ne communiquent que froidement et aussi brusquement ? 

Et évidemment, cela n'y coupa pas. Seth râla et jura contre mon bras droit. Au moins la scène eut-elle le mérite d'amuser Annalise dont le rire arrêta mes pensées autant que celles de l'idiot de brun. Clignant les yeux, je l'observai alors qu'un sourire un peu plus serein étendait doucement mes lèvres.

— Qu'est-ce qui vous fait rire comme ça ? gronda-t-il alors, me faisant perdre tout sourire bien trop rapidement— Seth. S'il t... vous plait.Saleté de tutoiement dont j'avais un peu trop pris l'habitude avec lui et qui n'avait pas échappé à la jeune fille qui nous observait avec cet amusement que Seth avait amorcé.— C'est juste votre accent, finit-elle par répondre un peu plus doucement. Je m'excuse si je vous ai froissé. Ce n'était pas mon but mais je n'entend que trop peu d'accents par chez moi. Veuillez me pardonner.— Vous n'avez rien à vous faire par... — Mais... tenta de me stopper Seth.— ...DONNER, repris-je plus fortement non sans lui lancer un regard assassin. C'est tout à votre honneur de savoir vous amuser de choses aussi futiles qu'un accent campagnard de personnes ne sachant visiblement pas faire autrement.— Futiles ? Ne sachant pas... répéta l'homme en m'observant, outré.— Voulez-vous donc aller voir les animaux. Rassurez-vous. Ils seront tous très amicaux. Ils n'apprécient seulement pas les ab...Une insulte faillit m'échapper alors que j'ignorai royalement Seth donc la colère semblait pourtant pulser dans ses veines.— Ne vous en faites pas, repris-je dans un sourire en l'invitant à me suivre. Seth, veillez à ce que mes parents soient bien installés.— Mais bien sûr vôtre Majesté. Le sarcasme se sentait à des kilomètres à la ronde et l'homme s'inclina exagérément sous le regard de Myles qui ne semblait pas savoir comment réagir. Mais cela me fut égal. J'entraînai Annalise jusqu'aux écuries où elle pu profiter des animaux que je lui présentai un par un avant que je ne rejoigne Myles près de la barrière.— Vous y êtes allé un peu fort, me souffla-t-il.— Fort ? Ce n'est pas ma faute s'il ne sait pas se tenir et être convenable devant elle. Il ne comprend pas combien c'est important de lui faire bonne impression, grognai-je. Si elle refuse de m'épouser, je ne sais pas comment mon père réagira. Je ne veux d'ailleurs même pas le savoir d'ailleurs.— Au contraire, murmura Myles, m'obligeant à me tourner vers lui, surpris. Je pense que Seth Parsons connaît bien trop l'enjeu..— Que veux-tu dire ? m'enquis-jeCe fut une question restée sans réponse alors que la jeune femme revenait vers nous, tout sourire, visiblement ravie de cette première sortie.— Serait-il possible de revenir demain ?— Bien sûr, approuvai-je. Mais peut-être désirez-vous pour ce soir rejoindre l'auberge ? Le trajet a du être épuisant.Effectivement car elle acquiesça rapidement, nous laissant la raccompagner jusqu'à l'auberge où ma famille s'était déjà attablée sans même l'avoir attendue. La laissant remonter à sa chambre, j'avais alors dû faire face à un nouvel interrogatoire, de ma mère cette fois et certainement pas sur le même sujet. Cet interrogatoire concerna la sortie et la façon dont je m'étais tenu devant Annalise et cela sans même une question sur mes propres sentiments, évidemment. Au moins sembla-t-elle satisfaite tandis que le comportement de Seth avait été tu.Un Seth que je ne m'attendais à vrai dire pas à revoir de la soirée alors que je quittai l'auberge pour rejoindre ce qui allait devenir ma maison le temps, au moins, de la présence de mes parents. Mais un Seth que je trouvai pourtant dans cette nouvelle demeure, nettoyant les derniers meubles d'une manière peut être un peu trop brusque pour être véritablement efficace.- Comment va ta si adorable et jolie future épouse ? grogna-t-il sans que je n'en comprenne la raison.— Tu t'en occupes maintenant ? m'étonnai-je en me déchaussant pour m'installer à cette table que je ne verrais certainement jamais plus aussi propre que maintenant.— Non, mais tu semblais tellement subjugué par sa présence. Ses railleries étaient si claires qu'elles me firent lever les yeux vers le ciel. Que lui prenait-il donc ?— Tu as fini ? feulai-je après quelques instants de silence.— Fini quoi ?— Ça. Ce que tu fais. Annalise est une jeune femme charmante et...— Et ça te donne le droit de m'insulter ? fulmina Seth en me fusillant du regardJe détournai le regard sans réellement savoir comment réagir alors que les paroles de Myles me revenaient en tête. J'avais été trop fort. Je n'en étais à vrai dire toujours pas convaincu mais Seth... Il se détourna de moi pour se diriger vers la sortie.— Je suis désolé, grinçai-je avant qu'il ne passe la porte. Mais tu...Pourquoi continuait-il d'avancer quand je lui parlais ? Pourquoi ne s'arrêtait-il pas ? Serrant les poings, je me levai soudainement, tapant l'un d'entre eux sur la table.— Tu n'avais pas à te comporter ainsi avec Annalise !— Je n'avais pas à lui dire que les moutons n'aimaient pas les étrangers ? siffla-t-il froidement sans même me regarder.Dit ainsi, je dus bien admettre que cela semblait bien moins grave que je ne l'avais traduis. Mais je ne me démontai pas :— Et à la regarder comme...— Comme une étrangère ? me coupa-t-il en se retournant enfin. C'est pourtant ce qu'elle est. Mais je m'excuse, votre Majesté, de ne pas être habitué à vos rencontre royales et de ne pas me comporter comme la bienséance le voudrait. Je ne suis après tout qu'un paysan à l'accent amusant.Je n'eus pas le temps de répondre. Je le voulus pourtant, ouvrant la bouche mais Seth partit, claquant la porte derrière lui à m'en faire sursauter. Par tous les saints, je ne comprenais pas quelle mouche pouvait l'avoir piqué.— Je n'ai fait que la mettre à l'aise ! criai-je malgré tout avant que mon front ne se pose sur la table.Cet homme me fatiguait. Tournant la tête, dépité, je me figeai alors. Qu'est-ce que c'était ?

Je me redressai prestement pour observar le coffre près de la table. Il y avait de la viande ? Mais, comment ? Seth m'avait lui même dit quelques jours avant que la viande était rare à leur table et... Pourquoi pensai-je immédiatement à Seth ? Je secouai la tête. Non, je rêvai. Sûrement était-ce des restes de Tom. Seth ne pouvait rien avoir à faire là-dedans. Evidemment.

J'avalai ainsi rapidement ce repas, affamé et préférant oublier mes doutes et mes pensées pour me concentrer sur ce qui s'avéra être un ragoût trop bien cuisiné pour avoir été préparé à la dernière minute. Oui, définitivement, il devait s'agir de Tom. Je n'aurais donc qu'à le remercier dès le lendemain car pour l'heure, ce fut mon lit qui m'appela. Un lit que je retrouvai ainsi, non sans m'être changé, avec un bonheur que je ne pus feindre tant il me semblait apaisant après cette journée.J'eus pourtant bien du mal à dormir, me tournant et me retournant sans que je n'en comprenne la cause autrement que du fait de mon agacement. Ce sale petit paysan. J'allais devoir remettre les choses au clair avec lui s'il commençait à m'empêcher de dormir.