J'eus le souffle coupé dès lors que j'aperçus ce qui s'étalait devant nous. Les yeux perdus dans la lande, j'en perdis même mes mots, alors que l'anecdote que je racontais s'évanouissait dans la nature.
— Vous êtes déjà fatigué par la montée ? s'en amusa Seth, les mains dans les poches de son pantalon. Je grognai de frustration à cette remarque avant qu'une petite cabane n'attire mon attention, plus loin, avant les champs. Quelqu'un habitait-il dans cette féerie ? Aussi loin de toute autre vie humaine ?— Là-bas ? me demanda-t-il confirmation avant de secouer la tête. Ce n'est que notre cabane de repos. Un lit, une table, un feu. Rien d'autre. Nous allons y déposer le panier, de toutes les manières. Le champs qui nous attend est derrière.Cela faisait plus d'une heure et demie de marche de la maison de ses parents, presque deux heures du village. C'était loin. Vraiment loin.— Vous n'avez pas de transport ? m'enquis-je alors que je refusai fermement d'admettre que je commençais à fatiguer.— Notre dernier cheval est mort il y a un mois, m'expliqua-t-il. Earnshaw, il s'appelait. Un affrus plus gentil que tous les chevaux que j'ai connu.— Et vous n'avez pas pu en racheter un ? Je connais une écurie vers le sud qui...— Avec quel argent ? coupa-t-il sèchement. Ce n'est pas que nous ne voudrions pas en ravoir un. Mais combien pensez-vous que nous arrivons à gagner toutes les semaines ?La question était claire mais la réponse était toute autre. A vrai dire, je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait être. Combien gagnait un paysan du Royaume ? Peut-être... 10 sous la journée ? 20 ? Je coupai à 15. Cela représentait donc 90 sous la semaine puisque le dimanche n'était évidemment pas travaillé. Explicitant ma pensée sans que rien ne soit tiré d'aucune réalité connue, Seth se figea de nouveau pour m'observer. S'il se mettait à rire, j'allais réellement finir par le pousser sur cette colline. Ce furent, heureusement, des mots en l'air, car il se mit en effet encore à rire.- Si j'avais un doute sur votre rang, vous venez de m'en donner la preuve, souffla-t-il finalement. Non. Si nous gagnons deux sous la semaine, c'est une bonne semaine. La ville nous oblige à baisser le prix de tout ce que nous vendons. Avec l'augmentation du reste... Difficile de mettre de côté pour payer un canasson. Au moins nos jambes sont gratuites.Au moins semblait-il surtout prendre tout cela à la plaisanterie là où mon regard s'était fait bien plus sombre. Deux sous par semaine... J'en avais dépensé plus de cent fois plus en une journée lorsque j'avais pris la décision de me racheter une épée. Et le lendemain, cela avait été vingt fois plus pour un gantelet d'équitation. C'était indécent. J'étais indécent face à ce qu'il me confiait.— J'essaierais de vous faire parvenir de quoi vous acheter un nouveau...— Non, me coupa Seth. Il est hors de question que nous devions quoique ce soit à un membre de la Royauté. Et sauf votre respect, Prince Elian, même ici, vous en faites toujours parti et je ne peux pas...— Me faire confiance et accepter avoir une dette envers moi, je comprend, traduisis-je malgré un sourire désolé.Cela ne me vexait pas vraiment. J'avais bien rapidement compris l'amour que ces hommes portaient à ma famille et en un sens, je ne pouvais que les comprendre. Après tout m'avait-elle bannie ici. C'était une punition encore difficile à avaler, je l'admettais.Nous reprîmes finalement le chemin, nous approchant de la cabane dont je fus pas déçu. Elle était exactement comme Seth l'avait décrit : une cabane de bois, un lit, une table et un feu, rien d'autre. Enfin si. Il y avait aussi une toute petite grange attenante comprenant une roue de moulin mais aussi de nombreux outils qu'il vint à me présenter rapidement.Fléau, fourche, pelle, faux, faucille... Il s'agissait là de noms que je connaissais évidemment, éduqué pour connaître le peuple. Mais ce fut là que le bât blessa : il ne s'agissait que de mots sur lesquels je n'avais jamais pu mettre d'image autres que celles de mes livres de cours. J'observai alors les outils un à un, attentif, avant d'attraper une hache.— J'ai toujours rêvé d'utiliser ça, murmurai-je.C'était à vrai dire le seul objet dont je connaissais le geste d'utilisation. Elle me fit d'ailleurs replonger rapidement dans mes jeux d'enfants, lorsque mon frère et moi faisions semblant d'être des paysans d'un petit village. Si l'on m'avait un jour dit que cela deviendrait presque réalité quelques années plus tard, je ne l'aurais sans doute pas cru.— Alors commençons par cela. Il faut qu'on aille vers la forêt pour trouver le mouton fuyard. Mon père pense qu'il a pu partir par là-bas avant qu'il ne ramène le troupeau près du village. On va en profiter pour ramener du bois pour rentrer.J'acceptai, évidemment. Couper du bois ne devait pas être si difficile de toutes les manières. Il s'agissait de frapper le bois avec la lame, rien de sorcier. D'autant que la hache était lourde, elle entraînerait forcément le coup. L'installant sur mon épaule, je suivis ainsi Seth, l'air ravi de pouvoir réaliser un rêve d'enfant. Ce fut dans un petit bois qu'il me demanda de poser mon si précieux outils pour nous concentrer sur le but premier : retrouver le mouton.— Comment est-ce qu'il s'appelle ? demandai-je au bout de cinq minutes de recherche.Seth vint à se mettre à rire, encore. Je finissais par croire que rien de ce que je pouvais dire n'était pris au sérieux.— On appelle pas les moutons, on les compte. Alors donnez lui un nom si vous voulez, mais il en a pas et il répondra pas.— Qui ne donne pas de nom à un animal, grommelai-je en sifflant à nouveau. Il est de quelle couleur au moins ?— Blanc. Ou plutôt terreux vu où il est censé être parti. Mais vous allez l'effrayer à siffler comme ça. Taisez-vous un peu !— Vous taisez-vous ! rétorquai-je en me redressant. Vous allez l'effrayer à rire comme ça ! Normal qu'il vous ait fui !— Hé ! C'est mon père qu'il a fui ! Je rappelle qu'hier, j'étais avec vous sur la route parce que votre cousin avait décidé de nous tuer !— Chose qu'il n'a pas fait !— Mais qu'il voul...— Taisez-vous ! ordonnai-je soudain, levant la main.Il y avait eu un bruit. J'avais entendu quelque chose. Plissant les yeux, je me courbai lentement pour tenter d'entendre à nouveau ce bruit, ce bruissement. Il était là. Je le savais, non, je le sentais. Je devais avoir un sixième sens puisque Seth lui même ne l'avait pas senti. J'allais pouvoir lui prouver que j'étais capable de quelque chose, lui qui me pensait inutile depuis qu'il avait dû m'aider à m'habiller ce matin. Ainsi, main levée pour lui intimer le silence, j'avançai à pas de loup. Le bruissement avait recommencé. Il était là. Il était...— TROUVÉ ! M'exclamai-je en sautant dans un fourré comme pour attraper un animal... qui s'envola. LE MOUTON S'ENVOLE ! — Oui, il s'envole pour rejoindre le paradis des moutons volants, se moqua Seth.Qu'avais-je donc raconté ? Pris dans ce que je désirais faire, je n'y avais pas fait attention et j'admis donc, cette fois, que je ne l'avais pas volé. "Le mouton s'envole". Je n'avais rien trouvé de mieux à dire face à l'oiseau qui avait pris son envol.— J'ai paniqué, répondis-je alors, grommelant et un peu honteux.— Vous paniquez souvent, vous, non ? s'amusa l'homme, m'obligeant à le fusiller du regard.— Et vous êtes toujours aussi agréable, maugréai-je en attrapant la hache.C'était notre deuxième tâche, le bois. J'allais donc faire du bois. Puisque le mouton n'était pas un mouton, au moins le bois resterait-il bois.Si seulement tout était aussi facile et clair. Décidé, j'abattis pourtant rapidement ma hache dans un arbre, mais Seth m'arrêta. Quoi ? Qu'avais-je encore fait ?
— Il faudrait déjà couper le bois sec, là-bas... me fit-il pivoter vers la clairière sans masquer son sourire.Là-bas. Il y avait... De quoi couper du bois ainsi que des troncs déjà découpés. Tout était prêt. Soit ! Ce n'était qu'une erreur d'observation. Sans un mot, je m'approchai du tas de bois en plissant les yeux. Il me fallait quelque chose de facile mais pas trop, une bûche ni grosse, ni petite et de préférence assez sèche. J'attrapai alors une bûche me semblant correspondre pour la déposer sur le tronc. Bien. Il suffisait de brandir la hache et de l'abattre sur la bûche pour la fendre. Ce n'était pas bien compliqué. Il fallait être manchot pour rat...Ce n'était que le premier coup. Evidemment que j'allais rater le premier coup !
— C'était un coup d'échauffement ! me défendis-je alors que le sourire de Seth, appuyé contre un arbre, ne m'échappait pas.— Oui, oui, je vous en prie, continuez.Comme si j'allais m'arrêter.Non.
Il fallait être réellement manchot pour...
— J'avais besoin d'un deuxième essai ! me défendis-je de nouveau alors que la hache s'était plantée dans le tronc sans effleurer la bûche.— Mh, mh.Il m'énervait. Lui, son regard fixé sur ce que je faisais. Et d'ailleurs, c'était cela qui m'empêchait de couper correctement ! Il m'angoissait ! Fronçant les sourcils, je m'avançai vers lui, la hache tendue.— Je ne peux pas le faire, grognai-je. Vous êtes beaucoup trop stressant. Faites le vous même.— Seulement si vous dites que vous ne savez pas le faire.— Je sais évidemment le faire ! Vous êtes juste stressant ! C'est parce que vous êtes là que je n'y arrive pas !— Bien ! Alors je me tourne, déclara-t-il en pivotant pour me faire dos.Il ne me regardait plus, certes. Mais je savais que ce n'était pas exactement la solution qu'il me fallait. J'avais alors hésité un instant avant de faire marche arrière. Si je pouvais lui prouver que je savais faire quelque chose, c'était le moment.Concentré, j'observai la bûche, tentant de la voir dans toute ces dimensions, de ne faire plus qu'un avec elle, quoique je ne voulais pas réellement savoir ce qu'être fendu en deux pouvait faire. Je pouvais y arriver. J'allais y arriver.
— Alors ? Vous y arrivez ou...— Taisez-vous par tous les Saints ! Je me concentre !Seth leva les mains, pouffant de rire sans se retourner, s'excusant même de m'avoir "dérangé" alors que je tentai de nouveau de me focaliser sur le bois. Je pris du temps, beaucoup de temps d'ailleurs, mais cela me fut nécessaire pour reprendre mon calme. Là. Je le sentais. Je sentais que j'allais y arriver, j'allais y arriver !Ma hache s'abattit en même temps que mes yeux se fermèrent par réflexe. J'avais réussi ? J'avais vraiment réussi ? Je n'osai pas ouvrir les yeux, les deux mains sur le manche, comme attendant un signe divin de réussite qui ne venait pas. A la place, ce fut la voix de Seth qui m'obligea à ouvrir les yeux.
— Je comprend pourquoi vous ratez si vous fermez les yeux tout le temps, se mit-il à rire en approchant pour le prendre la hache des mains.— C'est parce que vous étiez là ! Votre... Votre présence est angoissante ! tentai-je désespérément de me défendre. Et puis regardez ! Elle était dans la bûche !— Ma présence est angoissante ? souffla-t-il dans un nouveau rire. Reculez. Planter dans la bûche vaut pas réussite.Reculant de trois pas, je sursautai soudain. Seth avait visé juste, fendant la bûche du premier coup, au milieu. Relevant les yeux vers le visage du paysan, je plissai les yeux en apercevant son sourire victorieux.— Ne dites rien, grognai-je.— Je n'oserais pas.Il n'avait besoin de rien dire pour que je comprenne. Il se moquait bien trop pour que je ne le remarque pas. Les enfantillages me semblèrent même être la réponse adaptée à la situation alors que je grimaçai derrière lui jusqu'à ce qu'il ne se retourne. Reprenant une position fière, le dos droit, je me retournai rapidement pour... Oh. Des champignons ! Ce fut la première chose que je vis dans mon champs de vision et qui me permit de m'éloigner de Seth dont je sentais bien trop le sourire amusé. Au moins, la cueillette des champignons n'étaient pas une activité que j'ignorais complètement, j'allais pouvoir le faire pour ce soir.— NE TOUCHEZ PAS ÇA ! s'exclama soudain le jeune homme, me faisant assez sursauter pour que j'en lâche le champignon. Lavez-vous les mains ! Allez ! Vos mains !M'obligeant à mettre les mains devant moi, il y versa de l'eau avant de les frotter entre les siennes sous me regard surpris. Qu'avais-je encore fait ?!— Il est toxique. Ne touchez pas les champignons rouges à pois blancs. C'est la base...Une base que je n'avais visiblement pas alors que je grommelai de nouveau, articulant un "merci" à mi-voix en le laissant me "sécher" avec sa chemise.— Allez plutôt chercher du bois sec, souffla-t-il finalement. Du petit bois, il y en a partout.J'avais l'impression d'être un enfant envoyé faire le petit bois pour ne pas traîner dans les pattes de son aîné. S'en était même presque vexant. Je n'eus pourtant pas d'autres choix que de l'accepter, traînant les pieds dans la clairière pour commencer à rassembler tout le petit bois possible, faisant les choses du mieux que je le pouvais.Je passai cela dit rapidement au niveau supérieur. Le petit bois ayant été une quête réussie, Seth me montra des baies noires à cueillir. Niveau deux, donc, je cueillis. Minutieusement, mon panier se remplit jusqu'à ce que le buisson ne se vide.
J'observai alors le prochain. Ce n'était pas les mêmes, mais un fruit restait-il un fruit ? Je devais réfléchir pour ne pas demander l'aide de Seth. Il s'agissait de baies rouges et pas noires, petites, comme les autres. Était-ce les mêmes qui n'avaient pas eu le temps de se développer ? Ou s'agissait-il d'autres baies ? Le problème fut rapidement de savoir s'il était possible de les cuisiner et cela... Je n'eus aucune réponse, m'obligeant à faire ce que je ne voulais pas :— Seth ? Attendant que l'homme s'approche de moi, je lui tendis la branche.— Et ça ?Seth sembla surpris et m'observa un instant avant de secouer la tête.— Du poison. Mais est-ce que je peux me permettre une question ? demanda-t-il en s'accroupissant près de moi pour m'observer comme un médecin observait un malade. Vous êtes déjà sorti de votre château ?Je ne sus pas réellement comment prendre cette question et pourtant, Seth n'avait pas tort. Détournant le regard, je repris plutôt ma cueillette, refusant de répondre alors qu'il m'observait encore. Sûrement mon silence le décida-t-il à retourner à ses bûches car je pus enfin respirer alors qu'il s'éloigner.Oui, Seth avait eu raison de douter. Je n'étais que rarement sorti du château et certainement pas pour faire ce genre de choses. A vrai dire, ma venue dans leur village était l'une des premières sorties réelles que j'avais pu faire. C'était d'ailleurs une sortie ratée, alors mieux valait qu'il ne s'étonne pas de ce que je ne savais pas, quand bien même je refusai toujours de l'admettre, ma fierté prenant un peu trop de coup ce jour.
Ce fut ainsi en silence que nous continuâmes nos tâches. Lui au bois, moi à la cueillette de tout ce qu'il m'autorisait à prendre dans la clairière jusqu'à ce que le jour ne tombe et qu'il ne se décide à s'arrêter.
— J'ai un peu faim, pas vous ? s'enquit-il en s'étirant.Si, j'avais faim. J'hochai alors la tête, nous permettant de reprendre le chemin de la cabane où nous pûmes enfin nous asseoir, non sans que je ne soupire de soulagement. S'asseoir était agréable, bien plus que je ne l'avais pensé jusque là ; et cela le fut d'autant lorsque le paysan glissa du pain et de la viande séchée entre mes mains— Avec ce que vous avez ramassé, ma mère et Sophia pourront faire de bonnes tartes.Seth semblait réellement ravi à cette idée alors que j'observai mon panier, perplexe. Les tartes aux mûres ne m'étaient pas inconnues. C'était d'ailleurs le dessert préféré de ma mère et de mon frère. Mais une tarte faite par des mains non cuisinières m'inquiétait un peu.— Comment font-elles la pate ? demandai-je alors.— Aucune idée. Je sais juste que leurs tartes sont à tomber.Cela ne m'avançait pas vraiment.— Vous avez peur qu'elles y mettent de quoi vous faire mourir ? s'amusa Seth à la vue de mon nez retroussé. Allons bon. C'est moi le rebelle dans la famille, pas elles.— Ce n'est pas ce que j'ai pensé ! rétorquai-je. Je me disais juste que...Il allait se moquer. Je l'avais percé à jour et je savais qu'il allait se moquer, c'était bien trop évident.— Que ? insista-t-il.— Que je n'ai jamais mangé de tartes qui ne venaient pas des cuisines du château.A nouveau, le regard de Seth sembla surpris alors qu'il m'observait avec attention. Pourtant, cette fois, il n'y eut aucun rire. A la place, il secoua la tête dans un léger sourire.— Vous avez déjà mangé des plats salés hors du château. Hé bien ça sera la même chose. Ce sera juste meilleur que notre soupe traditionnelle, c'est promis.Je ne pus m'empêcher de grimacer à ce souvenir qu'il m'avait forcé à boire et que j'avais surtout bu par fierté.— Demain, reprit alors Seth, le regard tourné dans le vide. Ca vous dirait que je vous apprenne à faire le bois ? Vous y étiez presque... Ce serait dommage de rater votre nouvelle vocation.Sa demande me surprit, me laissant pantois à l'observer avec attention. Pourquoi hésitait-il ? Secouant la tête pour me sortir de mes pensées, j'acceptai malgré tout sa proposition, évidemment. Sa compagnie n'avait finalement pas été si mauvaise puisque je n'avais pas vu la journée passer. Quant à apprendre à couper du bois, cela me permettrait au moins de lui prouver que si je ne savais pas, je pouvais apprendre. Alors soit. Nous ferions cela demain. En attendant...— Chht. soufflai-je soudain, attentif— Quoi ? Vous avez entendu un mouton volant ? se moqua Seth.Il ne pouvait donc pas s'en empêcher ?— Chhhht ! répétai-je, mon doigt sur la bouche.Prudemment, je me levai de table pour avancer jusqu'à l'extérieur. J'avais entendu quelque chose, et pas des buissons. Je n'avais aucun doute. Et je savais quoi. J'étais sûr de moi. Plus que je ne l'avais jamais été. Je savais, je sentais.A pas feutré, j'avançai vers quelques fourrés. C'était là. Il y avait quelque chose, là. Et si ça n'était pas un mouton, peut-être cela nous ferait-il un dîner chaud et que je prouverais à Seth que j'étais un bon chasseur qui s'ignorait. Un mètre. Cela bougeait. Cette chose bougeait.— ATTENTION !Je n'attendis pas la fin de son exclamation. Je m'étais jeté en avant, droit dans les orties mais surtout directement sur le dos d'un mouton.— C'EST UN VRAI MOUTON ! m'exclamai-je en m'enroulant autour de l'animal que je refusai de lâcher. VIENS M'AIDER ! DÉPÊCHE-TOI !Le mouton ruait, tentait de se dégager de mes bras et de mes jambes autour de lui. Je le comprenais. La surprise avait été grande pour lui comme pour moi, autant que pour Seth d'ailleurs qui m'observait toujours sans bouger, les yeux écarquillés.— SETH ! VIENS M'AIDER POUR L'AMOUR DU CIEL ! hurlai-je alors que je roulais au sol.Il lui fallut de très longues secondes pour qu'enfin il ne se décide à bouger, attrapant une corde pour se ruer vers nous, rejoignant ce tas de pieds, de pattes et de bras qui tentaient de s'affronter. Heureusement, d'ailleurs, car je finis par lâcher au moment où la corde s'attacha au cou de l'animal. Me redressant, difficilement, je grondai alors que mes jambes, mes bras et mon visages me démangeaient de toute part, me faisant largement m'agiter.— Viens ici, toi ! m'attira Seth vers la cabane, dans un rire presque soulagé. Ne bouge pas !Un large seau d'eau fraîche me fut versé dessus, soudainement. Cela fit du bien, me faisant soupirer de bien-être, même temporairement.— Je t'avais dit que j'avais entendu quelque chose ! maugréai-je avant que son rire n'entraîne le mien.- Je retire tout ce que j'ai dit ! J'ai devant moi le Prince des Moutons ! se mit-il à rire en attrapant un linge pour me sécher lentement, tapotant chacun de mes membres alors que je grimaçai. Bravo et... Seth se tut alors. Je fronçai les sourcils pour lever les yeux vers lui, inquiet.— Merci Elian. Un mouton en moins c'est toujours un manque, finit-il par souffler plus calme et dans un sourire.— Tu me devras une faveur alors, lui répondis-je dans un léger sourire.Il l'accepta. Parfait, car je savais déjà exactement ce que je voulais lui faire faire.Ce soir là, nous rentrâmes tardivement au village, non sans avoir ri plus d'une fois de mes capacité de dompteur de moutons. Je n'avais aucune capacité paysanne, c'était un fait que je m'étais découvert presque comme un don tant j'étais affreusement nul, mais j'avais trouvé mon occupation prochaine : apprendre tout ce que Seth pourrait m'apprendre. Le Prince allait lui prouver qu'il pouvait être meilleur que lui.