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Napoléon Bonaparte (1769-1821) a été un général français durant la Révolution, puis s'est proclamé Premier consul de 1800 à 1804, avant de devenir empereur des Français de 1804 à 1815, sous le nom de Napoléon Ier. Devenu très populaire après ses campagnes en Italie et en Égypte, il met un terme à la Révolution par le coup d'Etat du 18 brumaire. L'empereur s'attache à réorganiser l'administration de la France, rétablit les finances, développe l'enseignement public et promulgue le Code civil. Parallèlement, il consacre la plupart de son temps à la guerre : enchainant de nombreuses victoires militaires, il règne un temps sur l'Europe continentale. Après l'échec de la campagne de Russie, il doit abdiquer une première fois en 1814 puis en 1815 après la défaite de Waterloo. Exilé à Sainte-Hélène, une petite île située au large de l'Afrique, il y meurt en 1821.
Napoléon Bonaparte : de l'élève studieux au général
Napoleone di Buonaparte, fils de Carlo Maria Buonaparte, avocat au conseil supérieur de Corse et de Maria Letizia Ramolino, est né à Ajaccio en 1769. Cette île a été cédée à la France par Gênes un an avant sa naissance. Bonaparte arrive à l'âge de 9 ans en France grâce au concours d'un ami de la famille : le comte Marbeuf, gouverneur de la Corse. Il reste cinq années à l'académie militaire de Brienne. Mal aimé de ses camarades de l'élite aristocratique en raison de ses origines et de son accent génois, le petit Napoléon Bonaparte consacre la majeure de son temps libre à l'écriture, la lecture (tragédies de Corneille et Racine, ouvrages de droit et d'histoire militaire) et au jardinage. Il explique sa situation dans une lettre d'avril 1781 destinée à son père, pour lui demander de le retirer de l'école ou de lui accorder une allocation : « Mon père, si vous, ou mes protecteurs ne me donnent pas des moyens de me soutenir plus honorablement, rappelez-moi près de vous, je suis las d'afficher l'indigence et d'en voir sourire d'insolents écoliers, qui n'ont que leur fortune au-dessus de moi ».
Il passe avec succès des examens en octobre 1784 et est admis à l'âge de 15 ans à l'Ecole militaire de Paris où il choisit l'artillerie comme branche militaire. Il s'intéresse beaucoup à l'Histoire et aux Mathématiques, matière dans laquelle il excelle. Il obtient son diplôme en un an au lieu de deux et est nommé second lieutenant de l'artillerie générale. Durant la Révolution Française il s'engage aux côtés des jacobins et c'est en 1793 après s'être illustré dans la reprise de Toulon face aux britanniques qu'il est promu général de Brigade. La chute de Robespierre en 1794 aurait pu mettre un terme à sa carrière. Il fait un court séjour en prison, mais le Directoire trouve rapidement un intérêt à user du brillant militaire.
gnralll
A l'âge de 25 ans, Bonaparte se marie avec Joséphine de Beauharnais le 9 mars 1796, moins de 48 heures avant de partir pour la campagne d'Italie. Il rencontre Joséphine en 1795 à l'occasion d'un salon mondain. D'après une lettre qu'il rédige en décembre 1795 à sa future compagne, on comprend qu'il est déjà très amoureux « Je me réveille plein de toi. Ton portrait et le souvenir de l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé de repos à mes sens. Douce et incomparable Joséphine, quel effet bizarre faites-vous à mon cœur ? ». Néanmoins, celle-ci, de six ans son aîné, ne partage pas la même passion, se montrera infidèle et surtout froide d'après son époux : « Vous toi-même ! Ah mauvaise comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ».
La campagne d'Italie contre le Piémont et l'Autriche est une victoire qui aboutit au traité de Campo Fornio en 1797. Sa tactique consistant à attaquer deux forces ennemies, l'une après l'autre s'est révélée gagnante. Amateur d'art et de culture, il fera acheminer vers la France des œuvres italiennes. Après sa victoire à la bataille des Pyramides, le général Bonaparte ramènera de la campagne d'Égypte (1798-1799), la fameuse pierre de Rosette qui sera déchiffrée par Jean-François Champollion, égyptologue français, en 1822.
De Napoléon Bonaparte à Napoléon Ier
Le coup d'état parlementaire du 18 et 19 brumaire (9-10 novembre 1799) organisé contre le Directoire par Sieyès et appuyé par Bonaparte, donne naissance au Consulat. Ce dernier est dirigé par Bonaparte, Sieyès et Ducos. Le 13 décembre, une nouvelle constitution est mise en place et stipule que Bonaparte domine l'exécutif et laisse peu de marge de manœuvre aux deux chambres. Trois ans plus tard, il se fait nommer consul à vie en obtenant 3 500 000 voix contre 8 400. Le 25 mars de la même année, il remporte un succès diplomatique en concluant la paix d'Amiens avec le Royaume Uni, qui met fin à la seconde coalition contre la France.
sacre
Le 18 mai 1804, l'Empire est proclamé et le 2 décembre, Napoléon Bonaparte se fait sacrer Empereur par le pape Pie VII à Notre Dame de Paris. Le célèbre tableau représentant cette scène, intitulé « le sacre » a été peint par Jacques Louis David et se contemple actuellement au musée du Louvres. En 1805, l'empereur des français Napoléon se retrouve également à la tête du royaume d'Italie, puisqu'il est couronné roi à Milan le 26 mai. Alors qu'il s'apprête à envahir l'Angleterre, la flotte française est envoyée par le fond à Trafalgar par l'amiral Nelson. Ce revers cinglant rendra impossible toute possibilité de débarquement, que Napoléon compensera par le blocus continental, qui visera à étouffer l'économie de la perfide Albion.
Il s'illustre par la suite dans une bataille mettant fin à une troisième guerre contre la coalition. Il s'agit de la victoire la plus connue de Napoléon Bonaparte : la bataille d'Austerlitz le 2 décembre 1805. Cette dernière, qui confirmera ses talents de stratège militaire, est aussi surnommée la Bataille des trois empereurs : entre Napoléon, le Tsar et l'empereur d'Autriche. Les français sont en infériorité numérique mais en provoquant l'offensive ennemie et en dissimulant une partie de ses troupes, Napoléon en ressort victorieux.
Le lendemain de la victoire, l'Empereur déclare à ses troupes : « Soldats, je suis content de vous. Vous avez, à la journée d'Austerlitz, justifié tout ce que j'attendais de votre intrépidité; vous avez décoré vos aigles d'une immortelle gloire. Une armée de 100,000 hommes, commandée par les empereurs de Russie et d'Autriche, a été, en moins de quatre heures, ou coupée ou dispersée [...] Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France; là vous serez l'objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire: "J'étais à la bataille d'Austerlitz, pour que l'on réponde : Voilà un brave ! ».
Les réformes de Napoléon Ier et le rôle de la famille
Napoléon Bonaparte est l'auteur de plusieurs réformes. En qualité de premier Consul, il centralise l'administration et met à la tête de chaque département des préfets. Il crée en 1800, la banque de France, la légion d'honneur deux ans plus tard et le franc germinal en 1803 qui gardera sa valeur jusqu'en 1814. Il rédige le code civil en 1804 qui simplifie l'application des lois car ces dernières étaient différentes selon les contrées françaises. Ce code civil, réalisé en quatre ans, se compose de 36 lois et de 2 281 articles. Il abolit l'ordre féodale, prône la liberté individuelle et la laïcisation de la société. Ce code régit également les relations entre les époux et les enfants en plaçant la femme sous l'autorité du mari : « Art.213 : le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari ». Par la suite, Napoléon fonde en 1808 l'université impériale contrôlant l'enseignement donné dans les facultés et lycées et crée la même année le baccalauréat.
La mainmise sur l'Europe est une affaire de famille. En 1810, l'Empire se compose de 130 départements et d'un royaume d'Italie soit un territoire total de 2,1 millions de km2, partagé entre Napoléon et ses frères et sœurs. Du côté des frères, Joseph devient Roi de Naples puis Roi d'Espagne, Lucien ambassadeur en Espagne, Louis ancien aide de camp obtient le Royaume de Hollande et Jérôme celui de Westphalie. Quant aux sœurs, Elisa est Duchesse de Toscane, Pauline Princesse d'Italie et Caroline Reine de Naples.
Il entretient notamment une correspondance régulière avec son frère Joseph pour lui communiquer ses ordres. En témoigne l'extrait de la lettre du 6 septembre 1807: «A Joseph Napoléon, roi de Naples. Mon Frère, je reçois votre lettre du 23 août. Je ne crois pas que M. Nardon puisse remplir les fonctions de préfet de police à Naples, parce qu'il faudrait pour cette place un homme qui eût travaillé plusieurs mois dans la préfecture; que le métier de préfet de police ne s'apprend qu'en exerçant [...]».
Désireux de fonder à son tour une famille et surtout d'avoir un successeur légitime, Napoléon Ier décide de divorcer de Joséphine le 15 décembre 1809 en raison de son infertilité. Deux jours plus tard, il lui écrit une lettre et lui exprime ses sentiments inchangés : « Tu ne peux pas mettre en doute ma constante et tendre amitié, et tu ne connaîtrais bien mal tous les sentiments que je te porte, si tu supposais que je puis être heureux si tu n'es pas heureuse, et content si tu ne te tranquillises. Adieu, mon amie; dors bien; songe que je le veux ». Il épouse le 2 avril 1810, la fille de l'empereur François II d'Autriche : Marie-Louise. Celle-ci donne naissance le 20 mars 1811 à Napoléon François Joseph Charles Bonaparte dit l'Aiglon et titré roi de Rome.
Vers la fin du règne de l'empereur
waterloo
En l'espace de cinq années, le règne de Napoléon évolue de l'apogée à la chute. Les campagnes sont très lourdes en pertes humaines et les victoires d'antan ne sont plus. En 1810, la Russie décide de renverser les alliances et se place du côté de l'Autriche. En décembre, le Tsar Alexandre ier taxe les importations françaises et ouvre ses ports aux vaisseaux anglais.
A l'été 1812, Napoléon décide d'attaquer la Russie en emmenant avec lui plus de 600 000 hommes : fruit d'une coalition de vingt nations. Lorsqu'il arrive à Moscou, en septembre il ne rencontre pas d'armée à combattre et se retrouve confronté à l'incendie volontaire de la ville ordonnée par le gouverneur de Moscou puis plus tard à l'hiver russe. Seuls quelques milliers d'hommes réussiront à quitter le territoire.
En février 1813, Napoléon Bonaparte fait face à une nouvelle attaque de la coalition. Malgré les victoires menées à Lutzen, Bautzen et Wurschen, l'ultime bataille de Leipzig du 16 au 19 octobre 1813 est une défaite. L'Empereur se replie sur Fontainebleau au moment même où le Sénat et le corps législatif votent sa déchéance. Il est contraint à l'exil sur l'île d'Elbe dans laquelle il devient souverain. Il reconstitue un gouvernement et une cour bien que la population ne se compose que de 13 000 paysans, alors qu'en France les Bourbons sont restaurés une première fois avec Louis XVIII.
En février 1815, il s'embarque pour la France, c'est le début des cent jours. Il arrive le 1er mars 1815 au golf Juan, marche sur Paris sous les hourras des paysans et accompagné des troupes qui se rallient à lui. Il s'installe le 20 mars dans la capitale et s'apprête à combattre une fois encore la coalition (Britanniques, Allemands et Néerlandais) qui se soldera par une défaite à Waterloo le 18 juin 1815.
L'exil et la mort de Napoléon
napoleon sainte helene
Cette défaite le pousse à abdiquer et à se rendre aux anglais en espérant trouver exil en Angleterre. Considéré comme un prisonnier, il sera finalement exilé sur l'île de Sainte-Hélène où il sera gardé par 2000 soldats et deux navires de guerre. Sur cet îlot austère de l'Atlantique Sud, le proscrit doit subir, en plus d'un climat détestable, les basses et inutiles vexations du gouverneur anglais, Hudson Lowe.
Dans sa résidence de Longwood, entouré d'un dernier carré de fidèles (Bertrand, Gourgaud, Montholon et Las Cases), Napoléon vivra les dernières années de sa vie dans une existence de solitude et de dénuement moral extrêmes. Le 5 mai 1821, l'Empereur s'éteint sur cette même île à l'âge de 51 ans d'une affection de la sphère hépato-gastrique.
Quel bilan pour l'épopée napoléonienne ?
Institutions et économie
Napoléon a fixé dans le marbre certains principes de la révolution bourgeoise de 1789 : l'égalité, la promotion au mérite, la propriété, le concept d'État-nation. De même, il a consacré le caractère juridique des institutions et a pérennisé des législations qui subsistent encore aujourd'hui : conseil d'État, Sénat, code civil... Mais dans la pratique, la France de Napoléon est organisée autour d'un exécutif très centralisé et autoritaire. Les journaux sont supprimés, il n'y a plus de liberté d'expression et les contre-pouvoirs théoriques ne jouent pas leur rôle. Devenu Empereur, il s'empresse de restaurer une aristocratie nobiliaire, transforme les républiques sœurs en royaumes sur lesquels il place les membres pas toujours très inspirés de sa famille, impose un nouveau pouvoir absolu et héréditaire. On est très loin de l'idéal révolutionnaire. A côté de Napoléon, Louis XVIII, avec sa charte constitutionnelle, fait figure de républicain.
Sur un plan économique, on peut porter au crédit de Napoléon d'avoir accompagné la formation du capitalisme industriel en faisant adopter une législation favorable à la libre entreprise et à la finance, d'avoir encouragé l'initiative privée et l'innovation industrielle, d'avoir créé une puissante administration composée de cadres compétents, et d'avoir procédé, pour contrebalancer les effets du blocus continental, à l'ouverture du marché européen à grand coups de baïonnettes. Mais après la chute de l'empereur, la France est un pays ruiné en 1815. Le coût des guerres a été exorbitant, les finances publiques sont à genoux, la dette colossale. Après la défaite de Napoléon, la France doit en plus payer aux alliés une faramineuse indemnité de guerre et entretenir une armée d'occupation. Le pays s'enfonce dans une grave crise économique, il lui faudra une vingtaine d'années pour s'en relever.
Affaiblissement diplomatique et pertes territoriales
europe 1815
Sur le plan territorial, Napoléon Bonaparte a rendu en 1815 la France plus petite qu'il ne l'a trouvée en 1799 lors de sa prise de pouvoir. Entre 1814 et 1815, la France perd la Savoie, la Belgique et la rive gauche du Rhin, conquêtes de la Révolution. La fameuse rive gauche du Rhin. Si contestable puisse être cette pseudo "frontière naturelle" décrite par Danton, sa perte en 1814 ouvre au nord du pays un boulevard que par trois fois en 1870, 1914 et 1940 le voisin germanique se fera fort d'emprunter, avec les conséquences que l'on connaît.
A ces pertes continentales dues à la défaite de Napoléon Bonaparte s'ajoutent les pertes coloniales : l'immense mais peu peuplée Louisiane en Amérique du Nord, vendue en 1803 aux Etats-Unis par Napoléon Bonaparte pour financer ses guerres, de nombreuses îles des Caraïbes productrices de sucre ainsi que les Seychelles. Déjà fortement amputé par le désastreux traité de Paris de 1763, le premier empire colonial de la France disparaît au profit de l'Angleterre. Cette dernière peut dire merci à l'Empereur. A l'issue de son bras de fer avec Napoléon, la "perfide Albion" assied définitivement sa domination sur les mers et le commerce mondial, devient la seule puissance coloniale, et prend à la France la place de première puissance européenne.
Sur le plan international, la défaite de Napoléon Bonaparte marginalise la diplomatie française. Le retour de l'île d'Elbe et l'épisode des cents jours ne font qu'aggraver la posture française déjà bien fragile. Représentée au congrès de Vienne par l'habile et très opportuniste Talleyrand, la monarchie bourbonienne restaurée parvient tout juste à limiter les conséquences de la défaite.
Alors que les monarchies européennes prévoyaient de dépecer la France pour annihiler ses velléités révolutionnaires et annexionnistes, l'acte final du congrès ne prévoit pas de sanctions contre la France, mais la ceinture d'une myriade d'États tampons. Encerclée par la "sainte alliance", la France doit se faire discrète pour faire oublier le tumulte précédent. Il lui faudra beaucoup de temps et de patience pour retrouver sa place, et elle ne pourra plus jamais agir seule dans le concert européen.
Un coût humain exorbitant
Goya-espagne
Difficile enfin de ne pas parler du coût humain de la folle équipée napoléonienne. Selon les sources, le bilan de ces quinze années serait d'environ 1 million de morts en France, de 3 millions pour l'ensemble de l'Europe. Si ces chiffres sont très controversés, on se situe néanmoins dans l'ordre de grandeur des pertes de 14-18. A elle seule, la campagne de russie aura fait plus de victimes que n'importe quelle bataille de la Seconde Guerre mondiale. Pour certains pays comme l'Espagne, c'est une véritable saignée que laisse le passage des armées napoléoniennes.
Pour la France, qui connaît en simultané depuis la fin du XVIIIe une baisse de la mortalité et un début d'auto-contrôle des naissances , les conséquences sur la démographie seront cependant moindres que celles de la Première Guerre Mondiale. Ce n'est qu'à partir du milieu du XIXe que la France amorcera un déclin démographique par rapport aux autres pays européens. Quoi qu'il en soit, c'est une fraction notable de la population masculine active qui disparaît durant les guerres napoléoniennes et fera défaut au pays.
1815. C'est une France occupée et affaiblie, ruinée financièrement et avec des frontières réduites que laisse derrière lui Napoléon Bonaparte. Un bilan très contrasté que les acquis post révolutionnaires vont avoir du mal à occulter. Mais Napoléon et la littérature du XIXe siècle ont su si bien magnifier cette aventure en légende nationale, que la France qui va "s'ennuyer souvent après lui" s'enivrera dans la nostalgie de cette épopée glorieuse et romanesque...
La légende et la postérité de Napoléon Ier
Tombeau
La légende de Napoléon Bonaparte a été créée et entretenue par l'intéressé de son vivant grâce à la propagande. Il a tissé sa popularité autour de ses victoires militaires en s'aidant de la presse et de l'art. Il crée notamment des journaux : Le Courrier de l'armée d'Italie et La France vue de l'armée d'Italie. On peut y lire sur le dernier « Bonaparte vole comme l'éclaire et frappe comme la foudre ». Il invente les communiqués de guerre et à travers le Bulletin de la grande Armée, minimise les pertes humaines et exagère ses victoires. En 1810, il n'existe plus que quatre journaux officiels. A la presse, s'ajoute également les ouvrages et la peinture qui développent et entretiendront le mythe.
En 1823, paraît l'ouvrage écrit par Las Cases sous la dictée de Napoléon, intitulé « Le Mémorial de Sainte-Hélène », évoquant la gloire passée de la France. Il a été réédité 8 fois en vingt ans. L'Empereur reprend vie à travers de nombreux écrits : mémoriaux, témoignages d'anciens grognards, œuvres d'écrivains et poètes : Balzac, Musset ou encore des philosophes comme Hegel. Plus de 300 000 ouvrages seront écrits à son sujet.
Le corps de l'Empereur repose actuellement aux Invalides, prés du Musée de l'armée dans l'Eglise du Dôme. Pour rappel, c'est en 1840, que Louis Philippe, roi des Français, décide de transférer le corps, ramené par voie de mer à bord du navire « la Belle Poule ». Des funéraires nationales célèbrent le retour de l'Empereur transféré aux invalides le 15 décembre de la même année. Le tombeau sera réalisé plus tard par l'architecte Visconti. Le corps de Napoléon Ier est déposé dans l'eglise le 2 avril 1861. Celle-ci contient également les sépultures de deux de ses frères : Jérôme et Joseph et de son fils. La porte en bronze située devant l'escalier menant au tombeau contient l'inscription suivante, vœu de Napoléon : «Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé».
L'héritage de Napoléon Bonaparte se manifeste tant sur que le plan juridique, architectural qu'idéologique. Le code civil a été maintenu dans de nombreux pays. Nombre d'institutions ont été conservées : Cours des Comptes, préfectures, Cours de cassation, Conseil d'Etat, légion d'honneur... C'est à Napoléon que l'on doit la fondation de plusieurs bâtiments et infrastructures ; la Bourse de Paris, l'Obélisque ramenée d'Egypte et située place de la Concorde ou encore plusieurs ponts de paris. De nombreux sites touristiques célèbrent et présentent la vie de l'Empereur.
La ville d'Ajaccio regorge de musées et de statues à son effigie. La maison natale fait l'objet de visites permettant de voir la pièce où Napoléon est né. Ses grandes batailles sont présentées à travers des tableaux, des films mais aussi des reconstitutions en Musée. Vous pouvez observer une reconstitution de la bataille d'Austerlitz, à travers une explication sur écran relative aux différentes stratégies en place, au Musée de l'Armée situé aux Invalides. L'établissement comprend aussi des souvenirs personnels de l'Empereur (bicorne, épée...) ainsi que des portraits.
Bibliographie
- Bonaparte, d'André Castelot. Perrin Biographies, 2019.
- Napoléon, de Thierry Lentz. Perrin, 2015.
- Tulard Jean, Napoléon ou le mythe du sauveur, Fayard, Paris, 1987
- Teyssier Arnaud, Le Premier Empire : 1804-1815, Pygmalion, 2000
Napoléon III - Empereur des français (1852-1870)
Second Empire (1852-1870), la France de Napoléon III
Soldats de Napoléon : un armée de marcheurs
Campagne de France et chute de Napoléon (1814)
Code civil de 1804, l'héritage mondial de Napoléon
Magazine Histoire pour Tous
Napoléon Bonaparte, né le 15 août 1769 à Ajaccio et mort le 5 mai 1821 sur l'île Sainte-Hélène, est un militaire et homme d'État français, premier empereur des Français du 18 mai 1804 au 6 avril 1814 et du 20 mars au 22 juin 1815, sous le nom de Napoléon Ier.
Second enfant de Charles Bonaparte et Letizia Ramolino, Napoléon Bonaparte devient en 1793 général dans les armées de la Première République française, née de la Révolution, où il est notamment commandant en chef de l'armée d'Italie puis de l'armée d'Orient. Arrivé au pouvoir en 1799 par le coup d'État du 18 Brumaire, il est Premier consul — consul à vie à partir du 2 août 1802 — jusqu'au 18 mai 1804, date à laquelle l'Empire est proclamé par un sénatus-consulte suivi d'un plébiscite. Il est sacré empereur, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804, par le pape Pie VII, en même temps que son épouse Joséphine de Beauharnais.
En tant que général en chef et chef d'État, Napoléon tente de briser les coalitions montées et financées par le royaume de Grande-Bretagne et qui rassemblent, à partir de 1792, les monarchies européennes contre la France et son régime né de la Révolution. Il conduit les armées françaises d'Italie au Nil et d'Autriche à la Prusse et à la Pologne : les nombreuses et brillantes victoires de Bonaparte (Arcole, Rivoli, Pyramides, Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland), dans des campagnes militaires rapides, disloquent les quatre premières coalitions. Les paix successives, qui mettent un terme à chacune de ces coalitions, renforcent la France et donnent à Napoléon un degré de puissance jusqu'alors rarement égalé en Europe, lors de la paix de Tilsit (1807).
Napoléon réforme durablement l'État, en restaurant son autorité et sa primauté. La France connaît d'importances réformes, qui font de Napoléon l'un des pères fondateurs des institutions contemporaines françaises. En ce sens, les codifications napoléoniennes, dont le Code civil de 1804, permettent de renforcer les libertés individuelles ou l'égalité des citoyens devant la loi, en opérant une synthèse par la garantie de certains acquis révolutionnaires et la reprise de principes traditionnels issus de l'Ancien Régime. L'administration française est réorganisée, avec la création des préfets dans les départements. De même, une nouvelle monnaie émerge, le franc, tandis qu'est instaurée la Banque de France. Le Conseil d'État est également créé, tout comme les lycées.
Napoléon tente également de renforcer l'empire colonial français de l'Ancien Régime en outre-mer. Alors que la révolution haïtienne tourne à la sécession dans cette colonie, Napoléon rétablit l'esclavage en 1802, rétablissement qu'il souhaite provisoire, notamment pour empêcher l'indépendance proclamée de l'île par le général Toussaint Louverture. Toujours pour des raisons politiques, Napoléon revend paradoxalement la Louisiane aux États-Unis, en 1803. Il perd cependant la plupart des colonies qui l'intéressaient face aux Britanniques, et perd Saint-Domingue à la suite de l'échec de l'expédition militaire préalable (1802-1803), visant à combattre les indépendantistes.
Napoléon porte le territoire français à son extension maximale en Europe, avec 134 départements en 1812, transformant Rome, Hambourg, Barcelone ou Amsterdam en chefs-lieux de départements français. Il est aussi président de la République italienne de 1802 à 1805, roi d'Italie de 1805 à 1814, médiateur de la Confédération suisse de 1803 à 1813 et protecteur de la confédération du Rhin de 1806 à 1813. Ses victoires lui permettent d'annexer à la France de vastes territoires et de gouverner la majeure partie de l'Europe continentale en plaçant les membres de sa famille sur les trônes de plusieurs royaumes : Joseph à Naples puis en Espagne, Louis en Hollande, Jérôme en Westphalie et son beau-frère Joachim Murat à Naples. Il crée également un duché de Varsovie, sans restaurer formellement l'indépendance polonaise, et soumet temporairement à son influence des puissances vaincues telles que le royaume de Prusse et l'empire d'Autriche.
Objet dès son vivant d'une légende dorée comme d'une légende noire, il doit sa très grande notoriété à son habileté militaire, récompensée par de nombreuses victoires, et à sa trajectoire politique étonnante, mais aussi à son régime despotique et très centralisé ainsi qu'à son ambition, qui se traduit par des guerres meurtrières (au Portugal, en Espagne et en Russie) avec des millions de morts et blessés, militaires et civils pour l'ensemble de l'Europe. Il est considéré comme l'un des plus grands commandants de l'histoire, et ses guerres et campagnes sont étudiées dans les écoles militaires du monde entier.
Alors qu'ils financent des coalitions de plus en plus générales, les alliés contre la France finissent par remporter des succès décisifs en Espagne (bataille de Vitoria) et en Allemagne (bataille de Leipzig) en 1813. L'intransigeance de Napoléon devant ces revers lui fait perdre le soutien de pans entiers de la nation française, tandis que ses anciens alliés ou vassaux se retournent contre lui. Amené à abdiquer en 1814 après la prise de Paris, capitale de l'Empire français, et à se retirer à l'île d'Elbe, il tente de reprendre le pouvoir en France, lors de l'épisode des Cent-Jours en 1815. Capable de reconquérir la France et d'y rétablir le régime impérial sans coup férir, il amène pourtant, à la suite de diverses trahisons et dissensions de ses maréchaux, le pays dans une impasse avec la lourde défaite de Waterloo, qui met fin à l'Empire napoléonien et assure la restauration de la dynastie des Bourbons. Sa mort en exil, à Sainte-Hélène, sous la garde des Britanniques, fait l'objet de nombreuses controverses.
Une tradition romantique fait de Napoléon l'archétype du « grand homme » appelé à bouleverser le monde. C'est ainsi que le comte de Las Cases, auteur du Mémorial de Sainte-Hélène, tente de présenter Napoléon au Parlement britannique dans une pétition rédigée en 1818. Élie Faure, dans son ouvrage Napoléon, qui a inspiré le film d'Abel Gance, le compare à un « prophète des temps modernes ». D'autres auteurs, tel Victor Hugo, font du vaincu de Sainte-Hélène le « Prométhée moderne ». L'ombre de « Napoléon le Grand » plane sur de nombreux ouvrages de Balzac, Stendhal, Musset, mais aussi de Dostoïevski, de Tolstoï et de bien d'autres encore. Par ailleurs, un courant politique français émerge au xixe siècle, le bonapartisme, se réclamant de l'action et du mode de gouvernement de Napoléon.
Situation personnelle
Naissance
Napoléon Bonaparte naît à Ajaccio le 15 août 1769, jour de la Sainte-Marie (patronne de la Corse), dans la maison familiale, aujourd'hui transformée en musée[1]. Napoléon naît un an après le traité de Versailles, par lequel la république de Gênes cède la Corse à la France[a] ; l'île est donc récemment française. Ondoyé à domicile, il a pour nom de baptême Napoleone Buonaparte (prénom donné en mémoire d'un oncle décédé à Corte en 1767)[2], et n'est baptisé à la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption d'Ajaccio que le 21 juillet 1771. La famille Bonaparte est d'origine italienne et passée en Corse à la fin du xve siècle. Jean Tulard[3] écrit que, depuis 1616, les Bonaparte sont membres du conseil des Anciens d'Ajaccio ; ils sont essentiellement notaires, hommes de loi, avocats, et sont alliés à d'anciennes familles seigneuriales insulaires[4],[5].
Napoléon est le quatrième enfant (second des enfants survivants, après Joseph) de Charles Bonaparte, avocat au Conseil supérieur de l'île et greffier au tribunal, et de Maria Letizia Ramolino, dont le mariage avait été célébré en 1764.
Plus tard, Napoléon fera de sa date de naissance, le 15 août, un jour férié : la Saint-Napoléon[6].
Maison de la famille Bonaparte à Ajaccio.
Portrait de Charles Bonaparte, père de Napoléon.
Portait de Letizia Bonaparte, née Maria-Letizia Ramolino, mère de Napoléon.
Le blason de la famille Bonaparte (avant Napoléon Ier).
Enfance et formation militaire
La famille Bonaparte vit à Ajaccio, rue Malerba (rue de la Mauvaise-Herbe, aujourd'hui rue Saint-Charles), dans une petite maison traditionnelle du xviiie siècle, que Napoléon qualifiera lui-même de « misérable ». La Casa Buonaparte est habitée au rez-de-chaussée et au premier étage par les Bonaparte et au deuxième étage par leurs cousins, les Pozzo di Borgo. Ce voisinage est insupportable et les deux familles vivent dans une brouille continuelle. On raconte qu'un jour, une Pozzo di Borgo aurait jeté le contenu d'un pot de chambre par la fenêtre, sur Madame Letizia[7].
Les Bonaparte ne sont pas une famille riche. Dans ce milieu rural, les ressources matérielles de la famille sont essentiellement fondées sur les récoltes et les échanges. À l'école, Bonaparte est un enfant turbulent et bagarreur avec ses camarades, mais sera très vite reconnu comme étant un enfant avec de grandes capacités, notamment pour le calcul.
Le 8 juin 1777, Charles Bonaparte est élu député de la noblesse aux États de Corse. En cette qualité, il fait partie de la députation que l'Assemblée générale des États de la Corse envoie à Versailles auprès du roi Louis XVI. Le 15 décembre 1778, il part pour Versailles où Louis XVI le reçoit en audience une seconde fois[8], la première rencontre avec le roi datant de 1776. À cette occasion, le comte de Marbeuf, gouverneur de l'île, fait obtenir, auprès du ministre de la guerre, le prince de Montbarrey, une bourse pour faire entrer le deuxième fils de Charles à l'école militaire, l'aîné Joseph étant destiné à suivre une carrière ecclésiastique[9].
Arrivés en France le 15 décembre 1778, c'est le 1er janvier 1779 que Charles Bonaparte fait entrer provisoirement ses deux fils Joseph et Napoléon au collège d'Autun. Napoléon y reste trois mois, le temps pour son père de faire les démarches permettant de le faire admettre à l'école militaire. Pour obtenir une bourse du roi, il faut fournir les preuves de sa noblesse et de quatre degrés d'ancienneté[10]. De plus, c'est à Autun que réside Mgr Alexandre de Marbeuf, évêque d'Autun et neveu du gouverneur de la Corse[2].
Arrivé au collège d'Autun, Napoléon ne sait pas parler français, il ne parle qu'un dialecte corse. La légende veut qu'à ce moment là, Napoléon ait appris le français en trois mois[11], ce qui est très peu probable. Napoléon gardera toute sa vie son accent italien et sa mauvaise orthographe[2]. Après trois mois et vingt jours passés à Autun, il ira à l'école militaire de Brienne, où il restera cinq ans. C'est un épisode douloureux pour Napoléon qui devra se séparer de son frère.
École royale militaire de Brienne (1779-1784)
Bâtiment de l'ancienne école militaire de Brienne, aujourd'hui reconvertie en musée.
Charles Bonaparte ayant fourni les preuves de noblesse de la famille, Napoléon est agréé par le ministère de la Guerre pour entrer au collège militaire de Tiron, mais, à la suite de défections, il est finalement admis à l'école royale militaire de Brienne-le-Château (aujourd'hui dans l'Aube)[12]. Napoléon y entre le 15 mai 1779 en classe de septième[13] étant âgé de presque 10 ans. C'est l'un des douze collèges de France qui accueillent les enfants de la petite noblesse. Il va y rester cinq ans. Bonaparte n'aurait pas été très apprécié de ses camarades, souffrant de moquerie à cause de son fort accent, faisant des fautes de langage, il vivra dans un isolement presque total et en gardera un souvenir assez malheureux[2]. De plus, Bonaparte ne cache pas son admiration pour Pascal Paoli[14]. Selon Jacques Godechot, les témoignages sur le séjour de Brienne sont contradictoires et sujets à caution[15]. Élève assez moyen en général, bon en mathématiques, il montre tout de même déjà une propension à l'art du commandement, en organisant des jeux militaires dont il prend la tête. Une bataille de boules de neige, qu'il aurait dirigée un hiver, fait partie de sa légende[16]. Son frère Joseph, ayant abandonné son projet d'entrer au séminaire, étudie le droit, Lucien entre au séminaire d'Aix-en-Provence et ses sœurs sont éduquées par Mme Campan.
Le 22 septembre de la même année, le sous-inspecteur des écoles fait passer aux élèves cadets de Brienne l'examen d'entrée à l'École militaire de Paris, où après un an d'études ils pourront être affectés à un régiment d'artillerie, du génie ou de la marine[17]. Napoléon est jugé apte à y entrer ainsi que quatre de ses condisciples.
École militaire supérieure de Paris (1784-1785)
Il quitte l'école de Brienne à l'âge de quinze ans, le 17 octobre 1784, et arrive cinq jours plus tard à Paris, où il intègre la compagnie des cadets gentilshommes[18] de l'école militaire de Paris. Le jeune Napoléon est très impressionné par les magnifiques bâtiments de l'école et par les appartements.
Napoléon se distingue en mathématiques en maîtrisant en dix mois « le fameux Bezout », traité de mathématiques étudié habituellement en trois ans. Doué en mathématiques, il ne présente aucune disposition pour les langues vivantes en négligeant les cours d'allemand. Comme à Brienne, Napoléon, petit noble, souffre des inégalités et va même jusqu'à proposer au directeur de l'école un projet de règlement qui interdirait les démonstrations liées aux privilèges de la fortune[2].
Le 24 février 1785, Charles Bonaparte meurt d'un cancer de l'estomac dans d'atroces souffrances ; le rôle de chef de la famille échoit alors à l'aîné Joseph, mais Napoléon le juge d'un caractère trop faible pour diriger la famille[19]. En septembre, il passe l'examen de sortie de l'école, interrogé par le mathématicien Pierre-Simon de Laplace ; il est jugé apte à être affecté à un régiment de la marine, mais la mère de Napoléon s'y oppose et il est finalement intégré à un régiment d'artillerie[20].
Affectation au régiment d'artillerie de la Fère (1785-1791)
Article détaillé : Séjour de Napoléon Bonaparte à Auxonne.
Eugène Guillaume, Bonaparte, lieutenant d'artillerie, Salon de 1870, Gray, musée Baron-Martin.
Il est reçu sous-lieutenant (42e sur 58), à l'examen de l'artillerie. Il reçoit son ordre d'affectation, comme lieutenant en second, au régiment d'artillerie de la Fère, alors en garnison à Valence[20],[21], qu'il rejoint le 3 novembre 1785.
L'été suivant, il obtient un congé de six mois à partir du 1er septembre 1786. Le 15 septembre 1786, sept ans et neuf mois après son départ, il repose les pieds sur l'île de Corse à l'occasion de son congé de semestre. Il ne rejoindra son régiment que treize mois plus tard, le 30 septembre 1787. Dès novembre 1787, il demande un nouveau congé de six mois, qu'il obtient. Il ne réintégrera son régiment que le 15 juin 1788. Le 1er juin 1788, il s'embarque pour rejoindre son régiment de La Fère en garnison à Auxonne et apprendre son métier d'artilleur. Dans ses loisirs, il travaille assidûment. Ses nombreuses lectures (Plutarque, Tite-Live, Cicéron, Montaigne...), qu'il accompagne de Notes[22], témoignent du sens dans lequel il a dirigé ses études et des sujets qui l'ont particulièrement attiré.
Le 9 septembre 1789, il quitte Auxonne pour un nouveau congé de six mois. Il ne réintègre son régiment que le 11 février 1791. Le 1er avril 1791, il devient lieutenant en premier de son régiment. Le 1er septembre 1791, il demande un nouveau congé de trois mois, mais ne réintègrera jamais le 1er régiment d'artillerie.
Premières armes (1788-1799)
Article détaillé : Guerres de la Révolution française.
Lorsque la Révolution éclate en 1789, le lieutenant Bonaparte a dix-neuf ans. Il est présent depuis le 15 juin 1788 au régiment de La Fère, alors à l'école royale d'artillerie à Auxonne dirigée par le maréchal de camp Jean-Pierre du Teil. Ce dernier lui confie la répression de la première émeute de la faim qui éclate dans la ville le 19 juillet 1789.
En 1791, le lieutenant Bonaparte répond à l'ouverture de l'armée russe aux émigrés français ordonnée par la tsarine Catherine II. Son offre est rejetée car la tsarine, qui se méfie des républicains, est également rebutée par le caractère prétentieux du lieutenant qui demande son intégration dans son armée avec le grade de major[23] (Майор/Mayor, c'est-à-dire « commandant » ou « chef de bataillon »).
Napoléon retourne à plusieurs reprises en Corse, où les luttes de clans avaient repris, les paolistes soutenant la monarchie à l'anglaise, et les Bonaparte la Révolution. Napoléon se fait élire, dans des circonstances floues (522 voix sur 492 inscrits), lieutenant-colonel en second du 2e bataillon de volontaires de la Corse à Ajaccio le 1er avril 1792[24]. Les troubles qui suivent cette élection amènent les autorités de l'île à éloigner Bonaparte en lui confiant une mission sur le continent au moment où la France déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie. Présent ponctuellement à Paris, le jeune officier est spectateur de l'invasion des Tuileries par le peuple le 20 juin 1792 et aurait manifesté alors son mépris pour l'impuissance de Louis XVI. Ce dernier signe, quelques jours plus tard, son brevet de capitaine ; ce sera l'un de ses derniers actes publics.
De retour à Paris, Bonaparte est nommé capitaine le 13 juillet 1792, dans le contexte de la guerre, où l'on a besoin de soldats. De plus, il ne reste que 14 officiers sur 80 dans son régiment, le 4e d'artillerie. La guerre prend de l'ampleur à l'automne 1792 avec la constitution d'une coalition des monarchies européennes contre la toute nouvelle République française, coalition à laquelle participe le royaume de Sardaigne. C'est à son poste de commandant en second du bataillon Quenza-Bonaparte que ce dernier fait ses premières armes en février 1793, participant à la tête de l'artillerie à l'expédition de La Maddalena. Malgré l'efficacité et la détermination de Napoléon, l'opération commandée par Colonna Cesari, un proche de Paoli, est un échec cuisant. Cet événement et l'exécution du roi en janvier 1793 attisent la division avec les paolistes, provoquant une révolte des indépendantistes.
Les désaccords entre Paoli et Bonaparte s'accentuent à la suite d'une lettre de Lucien Bonaparte à la Convention pour dénoncer Paoli. Paoli l'apprend, et c'est la rupture entre lui et Bonaparte. La famille de Napoléon, dont la maison a été mise à sac et incendiée le 24 mai 1793[20] par les paolistes, est contrainte de se réfugier dans une autre résidence, leur petite ferme des Milelli. Quelque temps plus tard, le 11 juin 1793, ils décident de quitter l'île précipitamment à destination de la France continentale, Napoléon déclarant « Ce pays n'est pas pour nous », en parlant de la Corse. Cela va faire naître chez Napoléon une véritable rancune envers les Corses, qu'il évitera tout au long de sa vie. Il déclarera, quelques mois avant sa mort en 1821 au maréchal Bertrand : « La Corse n'est pour la France qu'un inconvénient, une verrue qu'elle a sur le visage ».
Débarqués en France le 13 juin 1793, les Bonaparte s'installent d'abord près de Toulon, puis dans la région de Marseille, en pleine guerre fédéraliste. La famille qui vient de quitter sa Corse natale a beaucoup de mal à vivre en France, sans argent, sans aucune situation stable. Napoléon Bonaparte, ce jeune capitaine en garnison à Nice, obtient un rappel de solde de 3 000 livres. Il est affecté auprès de l'armée chargée de mater l'insurrection fédéraliste du Midi. Il s'active à approvisionner l'artillerie de Nice en munitions et en poudres durant l'été 1793, ce matériel étant bloqué à Avignon par les girondins.
Le 29 juillet 1793, Bonaparte est à Beaucaire, et c'est à cette période qu'il rédige le fameux Souper de Beaucaire, pamphlet politique pro-jacobin et anti-fédéraliste, dans lequel un militaire discute avec des bourgeois, en leur disant qu'ils doivent se rallier à la Convention nationale. Ce pamphlet sera d'ailleurs utilisé comme instrument de propagande de la Convention. Le 28 août 1793, alors que Marseille vient d'être reprise par les jacobins et que la famille Bonaparte s'y installe, Toulon, tenue par les fédéralistes et les royalistes, se livre aux troupes britanniques et espagnoles. L'arsenal et la flotte française sont livrés aux Anglais.
Siège de Toulon (1793)
Bonaparte pendant le siège de Toulon.
Toile d'Édouard Detaille, musée de l'Armée, xixe siècle.
Article détaillé : Siège de Toulon (1793).
Bonaparte est capitaine d'artillerie lorsqu'il se présente au général Carteaux chargé de diriger le siège de la ville. Celui-ci ne l'écoute pas et ne suit pas ses conseils[20]. Bonaparte obtient, à la demande des commissaires Augustin Robespierre et son compatriote Salicetti, le commandement de l'artillerie, avec le grade de chef de bataillon. Bonaparte s'oppose aussi à Louis Fréron, qui, par sa mauvaise gestion des affaires militaires, contribue au lancement de sa carrière. Il rencontre lors de ce siège de jeunes officiers comme Marmont ou Victor et le sergent Junot[20] qui accompagneront la suite de sa carrière. L'artillerie est dirigée par Dommartin, mais Bonaparte est nommé commandant à sa place, le 19 octobre 1793. Le 23 novembre, il parvient, avec ses hommes, à capturer le général anglais Charles O'Hara[20].
Après l'échec d'un assaut contre Toulon, Napoléon soumet un plan d'attaque au général Dugommier, qui a pris le commandement du siège. L'application de ce plan permet la reprise de la ville aux troupes royalistes et britanniques le 18 décembre, après la prise du Petit Gibraltar[20]. Ses ordres contribuent à forcer la flotte britannique à quitter la rade de Toulon et à priver ainsi les insurgés d'un soutien précieux. Il est fait général de brigade le 22 décembre 1793[25] et refusera au commissaire Augustin Robespierre (frère de Maximilien de Robespierre), son protecteur, le commandement de l'armée de Paris[20]. Augustin dira d'ailleurs à son frère, par une lettre, que Bonaparte est « un mérite transcendant et Corse ». Le nom de « Bonaparte » est désormais connu de Maximilien de Robespierre.
Bonaparte, jeune général victorieux
Après cette victoire, Bonaparte suscite l'admiration auprès de la Convention, mais aussi auprès de la gent féminine. Il se met à fréquenter Désirée Clary, qui devient officiellement sa fiancée[2] le 21 avril 1795 (2 floréal de l'an III)[25].
Il obtient une mission de ravitaillement à Gênes le 15 juillet 1794, visant à se renseigner sur les forces militaires de la république de Gênes. Le 27 juillet 1794 (9 thermidor de l'an II), il rentre à Paris, le jour de la chute de Robespierre. Ses amitiés avec les jacobins lui valent d'être brièvement arrêté le 9 août 1794 à Antibes, au fort Carré[20]. La situation reste mauvaise pour Bonaparte. Il remonte ensuite à Paris, et se présente au ministère de la Guerre qui lui propose d'aller faire de la répression en Vendée, mais Bonaparte refuse, car il a l'esprit tourné vers l'Italie. Pour éviter d'y aller de force, il se présentera malade de la gale, accompagné d'un certificat médical.
Au mois de juillet 1795, il espère aller en Turquie à la demande du sultan pour devenir officier instructeur. Cela échouera, il n'est pas retenu.
Le 15 septembre 1795, il est renvoyé brusquement — ou il démissionne, la cause reste encore floue. Désormais sans affectation et sans solde, c'est une catastrophe pour lui. Mais Bonaparte ne tardera pas à reparaître, un certain 5 octobre 1795, le 13 vendémiaire an IV.
Insurrection royaliste de 1795
Article détaillé : Insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV.
Journée du 13 vendémiaire, gravure représentant la canonnade de l'église Saint-Roch par Charles Monnet.
Une fois Bonaparte libéré, François Aubry, membre du comité militaire, lui propose en 1795 un commandement en Vendée mais il refuse et lui dit même « on vieillit vite sur le champ de bataille et j'en arrive »[20]. Aubry le met alors en congé, mais sans solde. Par la suite, il erre à Paris sans commandement effectif ; sans argent, il va souvent dîner chez Bourrienne ou chez Mme Panoria Comnène, épouse Permon, une connaissance de Corse, avec Junot, les deux étant devenus inséparables depuis le siège de Toulon[20].
Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), Barras, à qui revient la charge de commander les opérations de défense, demande à Bonaparte de réprimer l'insurrection royaliste contre la Convention nationale[20]. En effet, 25 000 royalistes préparent une insurrection à Paris. À cette occasion, Bonaparte a sous ses ordres un jeune officier, Joachim Murat, chef d'escadron, son futur beau-frère. Ce dernier joue un rôle déterminant, en transférant à temps les canons indispensables depuis les Sablons jusqu'aux abords des Tuileries. La canonnade de Saint-Roch — où les boulets ont été remplacés par de la mitraille plus efficace — disperse les forces royalistes, faisant trois cents morts[26].
Quelques jours plus tard, Bonaparte est promu général de division, le 24 vendémiaire an IV (16 octobre 1795)[25], puis nommé général en chef de l'armée de l'Intérieur, le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795)[25], succédant à Barras qui devient l'un des cinq membres du Directoire, régime qui succède à la Convention le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795). Il s'installe alors à Paris, à l'hôtel de la XVIIe division, rue des Capucines[20]. Bonaparte fait ici une ascension extraordinaire et fulgurante en devenant, en quelques semaines seulement, un personnage très important de la capitale.
Joséphine de Beauharnais, premier grand amour de Napoléon.
Bonaparte et Joséphine
Marie Josèphe Rose Tascher de la Pagerie est veuve d'Alexandre de Beauharnais, général de l'armée du Rhin, accusé de s'être rendu au siège de Mayence de 1793 : il a été guillotiné en 1794, tandis qu'elle a été emprisonnée. Alexandre lui avait donné deux enfants : Eugène et Hortense. Joséphine est née en Martinique en 1763 : son père y possédait une plantation de cannes à sucre.
Après une première rencontre entre Bonaparte et Joséphine le 15 octobre 1795[25], une véritable passion naît entre les deux amants. Très rapidement ils décident de se marier. Bonaparte s'empresse donc d'écrire une lettre de rupture à Désirée Clary, dont la sœur Julie a été mariée à Joseph le 1er août 1794. Le 9 mars 1796, en retard à la cérémonie, Bonaparte arrive et s'écrie auprès du commissaire chargé de remplacer le maire « Mariez-nous vite », en le réveillant. Le mariage républicain a lieu à Paris dans la mairie du IIe arrondissement (l'ancien) ; il n'y a pas de mariage religieux. Paul Barras, l'ancien amant de Joséphine, est présent. Sur leur certificat, les époux falsifient leur âge, effaçant quasiment leur différence qui est de six ans : Joséphine se donne quatre ans de moins et Bonaparte dix-huit mois de plus. En outre, le mariage n'est pas réglementaire car le commissaire n'est pas habilité à en célébrer[6]. Deux jours plus tard, Bonaparte rejoint son armée d'Italie à Nice, en passant par Marseille pour annoncer à sa mère la nouvelle de son mariage.
Campagne d'Italie (1796-1797)
Article détaillé : Campagne d'Italie (1796-1797).
A three-quarter-length depiction of Bonaparte, with black tunic and leather gloves, holding a standard and sword, turning backwards to look at his troops
Bonaparte au pont d'Arcole, par Antoine-Jean Gros (ca. 1801), musée du Louvre, Paris.
Le 2 mars 1796, Bonaparte avait obtenu sa promotion de général en chef de la petite armée d'Italie, appelée en principe à ouvrir un simple front de diversion[20]. Officier d'artillerie de formation, il innove à cette époque dans l'utilisation de l'artillerie (canon de Gribeauval) comme force mobile d'appui des attaques d'infanterie. Il sait motiver ses hommes[27] et fait, sur le terrain qu'il avait reconnu en 1793-94, une campagne d'exception qui reste étudiée dans toutes les écoles de guerre.
C'est la première grande campagne de Bonaparte, à laquelle il attachera beaucoup d'importance tout au long de sa vie. Stendhal dira même qu'il s'agit de la période la plus brillante de la vie de Bonaparte. L'armée que l'on confie à Bonaparte n'est pas censée être très importante ; il s'agit d'une campagne de diversion, tandis que deux armées du Rhin bien plus puissantes contournent les Autrichiens par le nord. Il remportera victoire sur victoire et réorganisera le nord de l'Italie[28].
En un peu plus d'un an, il bat cinq armées autrichiennes, fréquemment à un contre deux, et décide seul du sort de la guerre, les armées françaises du Rhin étant battues par les Autrichiens qui doivent affaiblir leurs troupes sur ce front pour envoyer des renforts en Italie. Il bat séparément quatre généraux piémontais et autrichiens (dont Colli, von Beaulieu et Argenteau à Millesimo, Montenotte), après s'être emparé du massif de l'Authion avec Masséna, là où les généraux Gaspard Jean-Baptiste Brunet et Jean Mathieu Philibert Sérurier avaient échoué, à la baisse de Turini-Camp d'argent, et signe l'armistice de Cherasco avec le royaume de Sardaigne.
Napoléon Bonaparte à la bataille de Rivoli par Philippoteaux, 1844.
Dans une deuxième phase, il bat une nouvelle armée autrichienne envoyée en renfort et commandée par Sebottendorf à Lodi et Beaulieu à Borghetto. Le 15 mai 1796, le jeune Bonaparte entre dans Milan, à la tête de son armée.
Dans une troisième phase organisée autour du siège de Mantoue, il bat deux nouvelles armées autrichiennes commandées par Quasdanovich et Wurmser dans sept batailles, dont Castiglione et Roveredo. Enfin, les renforts commandés par Alvinczy sont à nouveau battus au pont d'Arcole et à Rivoli. C'est le 15 novembre 1796 que Bonaparte, âgé de 27 ans se bat aux côtés de ses soldats à la fameuse bataille du pont d'Arcole. Les soldats surprennent l'ennemi autrichien, en marchant au pas de charge. Muiron, l'aide de camp de Bonaparte, mourra à Arcole à l'âge de 22 ans[29].
Tout en organisant l'Italie en républiques sœurs sur le modèle de la République française, il marche sur l'Autriche et signe seul les préliminaires de paix de Leoben. La rue qu'il habitait à Paris, qui s'appelait rue Chantereine, fut rebaptisée rue de la Victoire, nom qu'elle a conservé à ce jour.
Pendant cette campagne, Joséphine s'est rapprochée d'un nouvel homme, le capitaine Hippolyte Charles, qui devient son amant peu après son mariage avec Bonaparte.
Campagne d'Égypte (1798-1801)
Articles détaillés : Campagne d'Égypte et Deuxième Coalition.
Portrait de Bonaparte en médaillon, vu de profil, dessiné par le peintre André Dutertre attaché à la campagne d'Égypte, 1798, collection des Beaux-Arts de Paris.
Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, Antoine-Jean Gros (1804).
Napoléon et ses généraux en Égypte, Jean-Léon Gérôme, 1867.
À son retour d'Italie, en décembre 1797, Bonaparte est accueilli comme un héros par le Directoire qui organise une cérémonie officielle pour célébrer la paix de Campo-Formio. Sa popularité auprès des Français est de plus en plus importante et le 25 décembre 1797, il est élu membre de l'Institut dans la section des arts mécaniques de la classe des sciences physiques et mathématiques. En février 1798, le Directoire soumet à Bonaparte le projet d'une invasion de l'Angleterre. Celui-ci inspecte alors les côtes françaises de Boulogne, Calais et Dunkerque, en vue de la réalisation du projet. Le 23 février 1798, le gouvernement abandonne le projet d'invasion de l'Angleterre sur les conseils de Bonaparte, qui, lui-même influencé par Talleyrand, persuade alors le Directoire de porter la guerre en Égypte, où il pourra couper la route des Indes à la Grande-Bretagne. Le 24 février 1798, le rapport est présenté à Barras. Le 5 mars, inquiet de la popularité de Bonaparte, le Directoire le charge de mener l'expédition en Égypte, avec l'arrière-pensée de s'en débarrasser. De même, l'assemblée électorale des Landes l'ayant choisi pour député en avril 1798, son élection est invalidée le 22 floréal an VI (11 mai 1798), avec celle de cent cinq autres députés, pour l'essentiel jacobins[30].
En avril 1798 est créée l'armée d'Orient, placée sous les ordres de Bonaparte. Le général Bonaparte organise son état-major et choisit, comme en Italie, huit officiers comme aides de camp : Duroc, Beauharnais, Jullien[31], le polonais Sulkowski, Croizier, Lavalette, Guibert et Merlin. Les généraux Kléber, Desaix, Murat, Lannes, Davout, Menou, Caffarelli, Jullien, Andréossy et Dumas l'accompagnent, ainsi que des scientifiques qui formeront l'Institut d'Égypte.
Le 19 mai 1798, Bonaparte quitte Toulon avec le gros de la flotte française et parvient à échapper à la poursuite de la flotte britannique de Nelson. Les Français s'emparent d'abord de Malte, les 10 et 11 juin 1798, pour assurer les communications ultérieures entre la France et l'Égypte. Le 19 juin 1798, après avoir laissé une garnison de 3 000 hommes sur place, la flotte met le cap sur Alexandrie qu'elle atteint le 1er juillet 1798. Après une courte résistance, la ville est prise le lendemain[32][source insuffisante].
Bonaparte laisse trois mille hommes à Alexandrie et se dirige vers l'est, en longeant le delta du Nil jusqu'au fleuve qu'il remonte ensuite vers Le Caire. Le premier véritable combat de la campagne d'Égypte a lieu à Chebreiss le 13 juillet 1798 où les cavaliers mamelouks sont défaits, grâce à l'artillerie de l'armée d'Orient. Le 21 juillet, à la bataille des Pyramides de Gizeh, Bonaparte bat à nouveau l'armée des mamelouks. Le 24 juillet, Bonaparte et son armée entrent en vainqueurs au Caire. Les 1er et 2 août, la flotte française est presque entièrement détruite à Aboukir par la flotte de l'amiral Nelson. Désormais, les Britanniques sont maîtres de la Méditerranée et Bonaparte est prisonnier de sa conquête. À la suite de cette défaite, les Turcs déclarent la guerre à la France le 9 septembre, car l'Égypte fait partie de l'Empire ottoman, comme la majorité du Proche-Orient.
Pendant qu'il décide de faire de l'Égypte un véritable État capable de vivre en autarcie, Bonaparte envoie le général Desaix poursuivre Mourad Bey jusqu'en Haute-Égypte, complétant ainsi la soumission du pays. Poussés par les Britanniques et les Turcs, les mamelouks survivants influencent la population du Caire qui se révolte le 21 octobre contre les Français. Cette révolte est impitoyablement réprimée par les troupes françaises. Le calme revient et Bonaparte rétablit la situation en décrétant finalement une amnistie générale, non sans avoir fait couper bon nombre de têtes, exhibées à la foule terrorisée, et canonner la grande mosquée Al-Azhar.
Expédition de Syrie
Pour le détail de l'expédition, voir : Campagne d'Égypte : L'expédition de Syrie.
En février 1799, Bonaparte se déplace en Syrie pour affronter les troupes ottomanes que le sultan a envoyées pour attaquer les Français en Égypte. Le 10 février 1799, Bonaparte quitte Le Caire avec son armée et bat les Turcs aux combats d'El-Arich et de Gaza. Le 7 mars 1799, la ville de Jaffa est prise et pillée par les Français. Napoléon ordonne l'exécution de quelque deux mille cinq cents prisonniers turcs qui sont fusillés ou égorgés faute de munitions[33]. Par ce massacre, il espère impressionner ses adversaires. C'est à ce moment-là que la peste apparaît dans les rangs français. Napoléon est favorable à l'euthanasie des soldats agonisants à l'aide de fortes doses d'opium (utilisé pour calmer la douleur), mais son médecin, le baron Desgenettes, s'y oppose énergiquement.
Le 19 mars 1799, Bonaparte met le siège devant Saint-Jean d'Acre. Le 13 avril 1799, les cavaliers de Junot mettent en déroute les cavaliers ottomans à la bataille de Nazareth et le 16 avril 1799, Bonaparte et Kléber écrasent l'armée turque de secours envoyée par le sultan pour libérer le siège de Saint-Jean d'Acre à la bataille du Mont-Thabor. Bien que victorieuse à cette bataille, le 16 avril 1799, l'expédition en Syrie est ensuite décimée par la peste puis arrêtée à Acre.
De retour à Acre, Bonaparte essaie, en vain, du 24 avril au 10 mai 1799, de prendre la ville. Le 17 mai, il décide d'abandonner le siège et retourne en Égypte. Le 14 juin, il arrive au Caire et, dans un retournement de situation, bat les Turcs le 25 juillet à la bataille terrestre d'Aboukir.
La situation du Directoire lui paraissant favorable à un coup de force, Bonaparte, qui n'a plus qu'une armée de terre affaiblie, ayant perdu sa marine, abandonne le commandement de l'armée d'Égypte à Jean-Baptiste Kléber.
Lors de cette campagne, Bonaparte va être accompagné d'un mamelouk qui le suivra pendant de nombreuses années. Il s'agit de Roustam Raza.
Retour à Paris, situation de la France
Il rentre discrètement en France le 23 août 1799 à bord de la frégate La Muiron, abandonnant au général Kléber une armée diminuée et malade. Il débarque à Saint-Raphaël le 9 octobre après avoir échappé aux escadres britanniques pendant les 47 jours de la traversée. Sur le chemin qui le mène à Paris, il est acclamé par la population. Jean-Baptiste Kléber se révèle un excellent administrateur et parvient, le 20 mars 1800, à vaincre les Turcs à la bataille d'Héliopolis. Cette victoire permet à la France de conserver l'Égypte, mais Kléber meurt assassiné, le 14 juin au Caire, le jour même de la victoire de Bonaparte en Italie à la bataille de Marengo. Le successeur de Kléber, le général Menou, capitule le 31 août 1801 devant les forces turco-britanniques après avoir perdu 13 500 hommes, principalement victimes des épidémies au cours des négociations de paix. Les soldats français restants sont rapatriés sur les vaisseaux britanniques vers la France.
Premier consul (1799-1804)
Article détaillé : Consulat (histoire de France).
Coup d'État de 1799
Article détaillé : coup d'État du 18 Brumaire.
Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.
Toile de François Bouchot, 1840, château de Versailles.
Arrivé dans la capitale, le général s'entretient avec Talleyrand, homme politique d'expérience et fin connaisseur des forces en jeu. Le schéma du coup d'État du 18 Brumaire (9 novembre 1799) prévoit les opérations suivantes : Bonaparte aura le commandement en chef de l'armée pour le maintien de l'ordre dans Paris et dans les assemblées. On envisage de déplacer les assemblées au château de Saint-Cloud sous le prétexte d'un péril jacobin. En effet, depuis 1789, les assemblées se trouvent toujours sous la menace de la population parisienne.
L'essentiel des événements se déroule le 19 brumaire à Saint-Cloud. Les révisionnistes avaient envisagé une démission collective des cinq directeurs, mais les assemblées ont du retard car cette idée ne fait pas l'unanimité ; Bonaparte s'impatiente et décide d'intervenir. Il tient un discours maladroit devant le Conseil des Cinq-Cents, discours hué par les députés qui l'accusent de vouloir instaurer la dictature. Bonaparte est alors contraint de quitter l'assemblée. Mais il prend rapidement la situation en main avec l'aide de son frère Lucien qui préside les Cinq-Cents. Lucien évite que Napoléon soit mis en cause par les députés qui veulent voter pour mettre hors-la-loi Bonaparte. Lucien retarde le vote et va chercher Murat, qui vient avec la troupe et met de l'ordre dans les assemblées, disant que certains députés voulaient poignarder Bonaparte pour justifier une intervention de l'armée. Les représentations des députés sortant par les fenêtres et voulant poignarder Napoléon sont très répandues. Bonaparte est de fait l'homme fort de la situation, qui fait basculer un coup d'État parlementaire en un coup d'État militaire. Mais Bonaparte reste attaché aux formes juridiques et, dans la soirée du 19 brumaire, les députés restent à Saint-Cloud pour voter la décision de nommer deux commissions pour préparer une nouvelle constitution. On constate alors une volonté d'appuyer le régime sur le vote des représentants du peuple.
Bonaparte, Premier consul, par Jean-Auguste-Dominique Ingres. Souvent représenté les doigts d'une main glissés dans son gilet, une légende tenace veut qu'il ait toute sa vie porté sa main à l'estomac à cause de son ulcère alors qu'il adoptait une posture commune de l'époque recommandée par la bienséance[b].
Le 20 brumaire, les trois consuls sont désignés : Bonaparte, Sieyès et Ducos. C'est le début du Consulat.
« La Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie[35]. »
— Bonaparte, 20 brumaire an VIII
Roger Ducos est tout acquis à Bonaparte, alors que Sieyès lui n'entend pas se résigner à abandonner le pouvoir à Bonaparte seul. Il entend bien jouer un rôle dans le gouvernement du Consulat. Pour contrecarrer son encombrant collègue, Bonaparte, multipliant les provocations, maintient aux portefeuilles ministériels les ennemis de Sieyès en offrant les Relations extérieures à Talleyrand et celui de la Police à Fouché.
Le travail de rédaction de la Constitution est confié officiellement à deux commissions législatives formées de députés des Cinq-Cents et des Anciens. Mais c'est Sieyès qui va proposer un projet. À l'examen, le projet s'avérera trop complexe, voire irréaliste. En effet, il prévoit l'instauration d'un régime démocratique fondé sur un pouvoir législatif fort représenté par trois chambres. L'exécutif sera, quant à lui, réduit à une magistrature à vie purement honorifique et à deux consuls aux fonctions limitées. Bonaparte profite des faiblesses de ce plan pour imposer son propre projet et se débarrasser de son encombrant rival. Du 4 au 13 décembre 1799, il réunit ainsi les deux commissions dans son bureau pour élaborer le texte de la nouvelle constitution.
La Constitution de l'an VIII est adoptée en comité restreint le 13 décembre 1799. Elle s'inspire en partie du projet de Sieyès, mais intègre les idées politiques de Napoléon Bonaparte, notamment concernant le pouvoir exécutif. Sieyès, lui-même, est chargé de désigner les trois consuls de la République : Bonaparte comme Premier consul, puis Cambacérès et Lebrun, comme respectivement 2e et 3e consuls de la République. Sieyès, quant à lui, est « relégué » au poste de président du Sénat.
Constitution de l'an VIII
La Constitution de l'an VIII entre en vigueur le 25 décembre 1799. Bonaparte établit la Constitution sous des apparences démocratiques, mais organise un pouvoir autocratique. Toutes les évolutions du régime ne feront qu'accentuer le caractère autocratique du pouvoir.
Le pouvoir législatif est divisé en trois assemblées (tricamérisme) :
le Tribunat discute les lois sans les voter ;
le Corps législatif (ou « Corps des muets ») adopte ou rejette les lois ;
le Sénat conservateur est chargé de vérifier que la loi est conforme à la constitution.
La préparation de la loi appartient à l'exécutif, par le biais du Conseil d'État, chargé de rédiger les textes législatifs. Le pouvoir fonctionne de manière autoritaire, les procédés de démocratie semi-directe (quelque peu fictive) sont soigneusement organisés et contrôlés. Le consul corrige lui-même les résultats s'ils ne sont pas satisfaisants.
De la fonction de consul à celle d'empereur
Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard par Jacques-Louis David (musée du château de Malmaison).
Napoléon Ier sur le trône impérial (Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1806).
En 1800, Bonaparte attaque et vainc l'archiduché d'Autriche une nouvelle fois. Battus à Marengo par Napoléon et à Hohenlinden par Moreau, les Autrichiens doivent signer le traité de Lunéville le 9 février 1801, ce qui amène les Britanniques à signer la paix d'Amiens le 25 mars 1802 (4 germinal an X, contresignée deux jours plus tard). Si son pouvoir était fragile au lendemain de Brumaire, la victoire de Marengo et ses suites consolident fortement la situation de Bonaparte.
Le 24 décembre 1800, alors que le Consul et sa famille étaient en route pour aller à l'opéra, ils sont victimes d'une « machine infernale » (bombe) qui les attend rue Saint-Nicaise. Le cocher du Premier consul passe au grand galop. La bombe explose trop tard et seules les vitres du véhicule sont soufflées. Sur place, en revanche, c'est le carnage. On dénombre 22 morts et une centaine de blessés. Fouché, alors ministre de la Police, réussit à prouver que l'attentat est l'œuvre des royalistes, dirigé par un certain François-Joseph Carbon, alors que Bonaparte est persuadé d'avoir affaire aux jacobins.
En mars 1802, la paix d'Amiens met fin à la guerre entre la France et l'Angleterre.
Projet colonial et rétablissement de l'esclavage
Bonaparte met en branle son grand dessein pour l'Amérique. Il s'agit pour lui, profitant de la désormais libre circulation de la flotte française dans l'Atlantique, de développer la Louisiane, cet immense territoire qui s'étend sur la rive droite du Mississippi et qui revient de droit à la France depuis la signature secrète du traité de San Ildefonso en 1800.
Pour ce faire, il lui faut une base d'opérations sûre. La colonie de Saint-Domingue est tout indiquée. De cette tête de pont de la France dans le Nouveau Monde, il pourra reprendre pied en douceur à La Nouvelle-Orléans sans brusquer le jeune État américain qui verrait son expansion vers l'Ouest définitivement circonscrite au Mississippi.
Mais à Saint-Domingue, Toussaint Louverture est un obstacle à ce plan. Le général noir est gouverneur général de la colonie au nom de la France depuis 1797 et il est suspecté de connivences avec les États-Unis avec lesquels, au mépris du principe de l'Exclusif, il commerce ouvertement depuis que la prospérité est revenue. D'ailleurs, l'année précédente il a fait voter par les grands planteurs, ses alliés objectifs, une constitution autonomiste qui le proclame gouverneur général à vie et a eu l'outrecuidance de l'envoyer en France pour simple ratification, une fois le fait accompli. Cet acte de rébellion ouverte d'un chef de guerre réputé invincible et fermement accroché à son île tombe à pic pour justifier l'importance des forces commises à l'expédition qui se prépare. Et la raison d'État, froide et impérieuse, justifie également le rétablissement de l'esclavage dans les colonies du Nouveau Monde, étant argué que la grande Louisiane française devra se développer rapidement pour prendre de vitesse Anglais et Américains, ce qu'elle ne saurait faire sans la main-d'œuvre servile qui a si bien fait ses preuves à Saint-Domingue.
Voilà pourquoi deux flottes font voile vers les Antilles, Leclerc, propre beau-frère de Bonaparte, vers Saint-Domingue avec 20 000 hommes et Richepanse vers la Guadeloupe avec 3 400 hommes. Ces chefs sont munis d'instructions secrètes fort explicites rédigées de la main même de Bonaparte. Ils doivent prendre le contrôle militaire des deux colonies et désarmer les officiers indigènes avant de rétablir l'esclavage. Des proclamations sont prêtes, en français et en créole, qui visent à rassurer les populations indigènes de l'attachement personnel de Bonaparte à la liberté. Cette pléthore de précautions démontre que ce dernier avait compris que le succès ou l'échec dépendrait du secret et les faits lui donnèrent raison.
Après une résistance acharnée de trois mois, le vieux Toussaint Louverture, trahi par ses officiers généraux habilement entrepris par Leclerc, dépose les armes. Capturé et déporté en France, il y mourra quelques mois plus tard, au fort de Joux près de Pontarlier. Leclerc peut passer à la deuxième phase du plan et désarmer les officiers de couleur mais Richepance à la Guadeloupe a rétabli l'esclavage sans attendre et la nouvelle de cette trahison de la parole du Premier consul fait basculer Saint-Domingue dans l'insurrection. Le corps expéditionnaire, affaibli par une épidémie de fièvre jaune, recule partout. Leclerc obtient bien près de 20 000 hommes de renfort mais la maladie fauche un tiers des Européens qui touchent ces rivages. Le général en chef succombe lui-même le 2 novembre 1802. Dos à la mer, les débris de son armée seront bientôt contraints à la reddition par les soldats du général Dessalines qui proclamera l'indépendance de l'ancienne colonie sous son ancien nom indien d'Haïti.
Le temps de l'Amérique française est déjà passé. En ce début 1803, la paix avec l'Angleterre vacille et l'océan Atlantique est redevenu une mer hostile. Déclarant forfait, le 30 avril, Bonaparte solde la Louisiane aux États-Unis pour quatre-vingt millions de francs[36].
Pièce de 5 francs, l'an XI (1802-1803), Paris.
Mise en place de l'Empire
Après que Bonaparte eut étendu son influence sur la Suisse (qui retourne à une organisation décentralisée, après la tentative unitaire de la brève République helvétique (1798-1803) et sur l'Allemagne, une dispute à propos de Malte sert de prétexte aux Britanniques pour déclarer une nouvelle fois la guerre à la France en 1803, et pour soutenir l'opposition royaliste à Bonaparte. Des agents royalistes, dont Charles Pichegru, sont débarqués clandestinement en France et se mettent en rapport avec Georges Cadoudal et Jean Victor Moreau. Le complot est rapidement éventé et ses membres arrêtés. Pichegru meurt étranglé dans sa cellule ; les autres sont jugés et condamnés. Cadoudal est exécuté, Moreau banni. Mais le complot fait aussi une victime collatérale : le duc d'Enghien, prince du sang. Le Premier consul le fait enlever en territoire étranger, juger sommairement par une commission militaire et exécuter, à la suite de déclarations recueillies auprès de Cadoudal après son arrestation. L'exécution qui se déroule à Vincennes ne suscite pas d'autres protestations que celles du Royaume-Uni, de la Russie et de l'Autriche.