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♛ Chapitre 1 ♕

       Émilie marchait tranquillement vers sa demeure, son attention se portant une seconde sur une feuille tombante et l'autre qui suivait, sur un nuage gris au loin. Cet air nonchalant lui donnait une atmosphère à la fois féerique et nostalgique. Il fallait dire que chacune des princesses avait son propre charme, que ce soit leurs talents fulgurants, leurs mots de finesses, leur apparence oisive ou encore leur zèle de la jeunesse.

    Cependant, derrière cette façade presque irréelle, il était presque impossible pour une personne normale de discerner les vraies pensées de la princesse. Que ce soit des inquiétudes ou des frustrations, tout pouvait exister sous un sourire poli et des mots réservés.

    La princesse Émilie n'était pas née d'un mariage, mais de la première aventure du roi alors qu'il était encore jeune et célibataire. Étant le fruit de l'union entre une femme sans réputation et un roi, elle ne faisait certainement pas l'unanimité des ministres, mais elle bénéficiait naturellement du support du peuple.

    Sa mère était une paysanne veuve à un jeune âge après avoir donné naissance à une première fille. Malheureusement, après avoir accouché d'Émilie, elle tomba très malade et en mourut rapidement. Le roi récupéra alors la princesse et dû aux sentiments favorables qu'il tenait à l'égard de cette femme, il eut pitié de sa première fille et lui donna un titre de noblesse même si elle n'était pas de son sang.

    Émilie était encore très jeune à l'époque et ne se souvenait guère de sa défunte mère, mais elle avait déjà rencontré sa demi-soeur Erica qui se construisait une réputation dans le domaine du mécénat depuis quelques années. D'ailleurs, cette dernière allait bientôt visiter la Cité Royale, pas comme membre de la noblesse puisque son titre était peu élevé, mais plutôt comme figure publique.

    Ce rassemblement de plusieurs personnages importants dans le pays était un phénomène observé dû entre autres à la princesse Eya qui venait de devenir majeure, mais surtout à cause d'une rumeur qui circulait depuis déjà un moment.

    Il était su par tous les États majeurs du pays qu'il existerait un deuxième enfant illégitime de sexe inconnu. Par souci de la tradition, le trône fut toujours passé de père en fils, mais cette génération-ci, le roi n'y eut que des filles et la reine ne pouvait plus enfanter dû à des conditions de santé. Le roi pouvait toujours choisir un neveu par exemple, mais il souhaitait que ce soit absolument un enfant de son propre sang qui prenne le relais des affaires royales.

    Si ce second enfant illégitime était une fille, alors elle sera probablement déjà hors du jeu comparée aux trois autres princesses qui avaient déjà un réseau bien tissé. Cependant, s'il s'avérait que l'enfant s'agisse d'un garçon... et bien il risquerait très fortement de recevoir le titre d'héritier malgré tout.

    Par conséquent, afin d'empêcher ce dernier cas de se produire, il fallait qu'une des princesses sécurise officiellement la place du trône pour qu'il y ait place à négociations si un héritier masculin venait vraiment à apparaître.

    Il eut alors un accord silencieux mais mutuel dans tout le pays. Chaque personne tentait de toutes leurs forces de faire monter au trône la princesse qui leur offrait le plus d'avantages. Entre elles, les soeurs étaient plutôt amicales et s'entendaient bien, alors il était convenu naturellement que toutes tentatives à l'héritage du trône ne se feraient que par l'intermédiaire des forces extérieures.

    Après tout, Orangeland avait toujours été pacifique... pas de bain de sang en vue. Enfin, jusqu'à maintenant, tout le monde faisait profil bas.

    Émilie, ayant peu d'appui de la part des haut-fonctionnaires, devait se soucier un peu plus de la planification de ses actions par elle-même. Ah! Juste à y penser la fatiguait!

    La princesse poussa un soupir en accélérant son rythme vers sa demeure, le Pavillon des Stellae, une résidence moderne et avant-gardiste. Elle aurait dû se prendre un carrosse, à quoi pensait-elle en sortant à pied sans compagnie!

    Enfin voyait-elle le Pavillon des Sérenpidités! Quelques petits tournants et ce sera enfin sa résidence!

    Émilie s'arrêta en plein chemin quand elle entendit du bruit devant les Sérenpidités. Qui est-ce qui sortait en masse à cette heure-ci le matin? Il y avait de l'action, c'était dur de ne pas y aller jeter un petit coup d'oeil. Puis, de toute façon, qui pouvait arrêter la princesse aînée?

    — Capitaine, lieutenant! La voiture est prête! s'exclama un cocher aux reins d'un carrosse fortifié.

    Émilie vit alors sa soeur Helen émerger du portail de son pavillon, vêtue de l'uniforme de la police royale: un pardessus, une paire de pantalons, une paire de bottes et une casquette, le tout en noir.

    La capitaine, en sortant, remarqua inévitablement sa soeur, seule, debout à une dizaine de mètres. Elle s'approcha donc naturellement et salua Émilie à la façon d'un officier.

    — Votre Altesse Émilie! Que faites-vous dehors aussi tôt?

    Émilie arqua un sourcil en entendant le vouvoiement.

    — Arrête de plaisanter, ma soeur. Dis-moi, qu'est-ce qui se passe pour que tu déboules hors de chez toi en plein matin? En uniforme en plus, ça doit bien faire deux mois que je ne t'ai pas vue ainsi.

    Helen parut hésitante pour un bref moment, débattant dans sa tête si elle devait révéler de l'information confidentielle. Enfin, confidentielle pour le moment. Cela ne serait plus un secret d'ici la fin de la journée probablement.

    — J'ai reçu l'ordre de la Cour Suprême de retrouver l'enfant et sa mère, tu sais de qui je parle, fit la princesse à voix basse.

    — Ils ont attribué l'affaire à toi? Même si tu es techniquement concernée?

    Helen fronça des sourcils en se remémorant des moments plus ou moins agréables.

    — Quand les nouvelles sont sorties hier et qu'ils ont trouvé l'adresse de la femme, j'ai foncé à la Cours directement! Je n'allais pas laisser ce Christophe et son lèche-bottes de lieutenant prendre en charge ce cas!

    — Calme-toi, ma soeur. Ils ont déjà trouvé la femme, tu dis? s'interposa Émilie en jetant un coup d'oeil aux personnes derrière sa soeur.

    Elle parlait avec un si grand volume! S'il ne fallait pas craindre la mort, il fallait craindre la chute de sa réputation!

    — Oui, des officiers ont fouillé dans les archives des dix dernières années et l'ont retrouvée. Il cherche encore l'enfant par contre.

    — Est-ce que Thara et Eya sont au courant?

    — Pas encore. Dis, ma chère soeur, tu devrais traîner quelques gardes avec toi à partir de maintenant. Les choses sont en train de changer et on ne sait jamais ce qui peut arriver.

    Émilie acquiesça puis offrit quelques rapides salutations avant de repartir vers son pavillon, délaissant sa soeur cadette. Cette dernière se retourna vers son escouade d'officiers et quitta la Cité Royale.

    Sur la route, Helen qui était assise dans son carrosse tira doucement le rideau de la fenêtre et  jeta un coup d'oeil vers l'extérieur. Les maisons colorées et extravagantes de la haute ville se décoloraient graduellement plus qu'elle s'approchait de la basse ville, où toutes les bâtisses étaient grises ou brunes.

    La capitale d'Orangeland était en réalité assez riche, même les maisons des plus démunis de la basse-ville avaient des murs solides et un toit qui tenait par intempéries. Leur plus grand défaut était... la laideur, et l'atmosphère inconfortable qu'elles pouvaient amener.

    Des grands murs gris avec des ouvertures creusées maladroitement et des planches de vieux bois en guise de portes et fenêtres, ce n'était rien de charmant à voir. Puis, il y avait ce silence mortel qui planait dans les rues qui pouvait rendre muet le plus bruyant des enfants. Même que, les chemins dans les plus petits villages étaient plus achalandés et animés que dans la basse- ville de la grande capitale. Il y avait donc vraiment de quoi à en avoir des frissons.

    — Capitaine, allez-vous bien? demanda poliment Laurent en observant l'air absorbé d'Helen.

    D'ailleurs, cette dernière reprit ses esprits rapidement.

    — Non je ne vais pas bien, quelqu'un passe son temps à répandre des rumeurs à mon sujet dans la Cité Royale.

    — Quel est le contenu de ces rumeurs? fit le lieutenant, curieux.

    — Il parait que je ne suis bonne qu'à prélasser dans mon Pavillon!

    Laurent retint son rire dans les temps, mais sa réaction n'échappa tout de même pas à la capitaine. Voilà son salaire qui s'émiette tout seul...

    — Si j'attrape cette saleté de menteur alors quelqu'un se fera trancher la tête! se fâcha soudainement la princesse.

    Laurent n'avait plus autant envie de rire maintenant.

    Lorsque l'escorte de la princesse s'approcha enfin de leur destination, la capitaine fut étonnée de voir un rassemblement de personnes entourant l'entrée de la maison qu'elle devait visiter. Elle pouvait distinguer au travers cette petite foule un uniforme noir comme le sien et un autre uniforme vert.

    — Qu'est-ce que ce fichu Christophe fait ici? fit Helen en se retournant vers Laurent, qui haussa des épaules comme réponse.

    La princesse se précipita hors du carrosse dès que ce dernier s'arrêta et s'avança vers son collègue. Elle prit bien le soin d'étirer ses coins de bouche vers le haut pour forcer un sourire.

    — Capitaine Christophe, que faites-vous sur ce lieu d'enquête aussi tôt?

    Un homme accoutré de façon semblable à Helen se retourna avec un sourire tout aussi faux que celui de la capitaine.

    — Votre Altesse, je ne faisais que passer quand j'ai vu qu'il se passait quelque chose dans le coin.

    — Je témoigne de ce qu'il dit, votre Altesse, ajouta Grégoire, le lieutenant de Christophe.

    Laurent, qui se tenait proche de sa supérieure, vit le sourire la capitaine trembler légèrement. Impossible de ne pas sentir son irritation.

    De façon générale, lorsque Helen était en poste, on devait lui attribuer le titre de « capitaine ». Cependant, il était évident que Christophe et son lieutenant montrait leur désaccord envers le poste de la princesse en l'appelant « votre Altesse ».

    Helen qui portait une grande importance aux honorifiques était donc naturellement très affectée de cette provocation. Mais que pouvait-elle y faire?

    Alors que Christophe et Grégoire firent demi-tour et commencèrent à quitter, la princesse s'avança vers la porte de la maison, mais un bras tendu lui en empêcha.

    — Je suis navré, mais personne ne peut entrer sans autorisation, fit un homme en uniforme vert avec un ton monotone.

    Helen fronça des sourcils et s'apprêta à répliquer, mais son lieutenant intervint avant elle.

    — La capitaine Helen désire entrer, qui ose l'en empêcher?

    — Si elle veut entrer, qu'elle le dise elle-même, répondit une voix légèrement arrogante alors que la porte s'ouvrit de l'intérieur.

    Une silhouette en uniforme vert se tenait alors dans le cadre de porte dans une pose imposante. C'était Elsie, capitaine de la police publique. Efficace, diligente et juste, il était dur d'avoir une meilleure réputation qu'elle dans la capitale. Helen fut plutôt de la rencontrer ici, mais elle se ressaisit assez rapidement pour qu'une tension monte déjà.

    — Capitaine Elsie de la police publique, je vous pris de nous laisser la place ici. J'ai les ordres de la Cour Suprême.

    — Laissez le peuple gérer les affaires du peuple.

    — Les affaires du peuple? Je vous en prie, la mère d'un possible héritier royal se trouve ici.

    — Elle se trouvait ici.

    Helen arqua un de ses sourcils en signe d'étonnement.

    — Pardon?

    — Elle n'est plus de ce monde, la femme que vous cherchez. Venez voir par vous-même si vous ne me croyez pas.

    Alors qu'Helen fut bouche bée par cette annonce, Christophe qui se tenait encore dans les parages se mit à ricaner.

    — Cette sotte l'a bien mérité! On verra comment elle va gérer ce cas.

    Grégoire regarda son supérieur avec un sourire sans rien dire. Devant ce mutisme, Christophe ne put s'empêcher de soupirer avant de continuer son monologue. Si seulement son lieutenant pouvait converser avec lui!

    — On ferait mieux d'enquêter de notre bord, cette petite princesse gâtée n'a pas l'air d'avoir les capacités pour venir à bout de ce cas.

    Grégoire demeura silencieux et son capitaine ne prit pas la peine de continuer à parler tout seul.

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        Les nouveaux personnages introduits...

    - Helen, la princesse cadette (20 ans): fille de la deuxième reine, capitaine de la police royale!

    - Elsie (22 ans): capitaine de la police publique, laissez place à elle!

    - Christophe (22 ans): fils de l'ancien chef de la police royale, capitaine!

    - Grégoire (25 ans): à voir...

    Extrait du prochain chapitre...

    « Je n'ai pas encore de preuve pour confirmer son identité, mais les autres n'ont pas besoin de preuve pour le tuer. »

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