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Memento - Remember you

Aina est la fidèle servante d'une illustre famille ducale, les Signavit. Une famille aussi mystérieuse que fascinante, dont les membres demeurent cloitrés dans un manoir au sommet d'une impénétrable montagne et le visage perpétuellement couvert par des masques. Malgré tout, elle ne questionna jamais son existence, où l'attitude de ses maîtres et maîtresses, parce que cet endroit était la seule chose qu'elle avait toujours connue. Enfin... Jusqu'à ce que l'un d'entre eux disparaisse mystérieusement. Dès lors, elle entreprit de faire la lumière sur ce mystère, sans savoir que celui-ci actionnait la roue du destin et qu'elle allait retrouver bien plus, dans sa quête de la vérité, que ce qu'elle cherchait au départ... Sans penser que tout ceci allait la ramener des années en arrière, au sein d'une vie dont elle n'avait plus aucun souvenir. "Les apparences sont belles dans leur vérité momentanée." - Octavio Paz Attention ! Ce récit va traiter de sujets qui peuvent être difficiles pour certaines personnes, je vous invite donc à passer votre chemin si les sujets suivants vous mettent mal à l'aise (attention certains termes pourraient spoiler des évènements de l'histoire) : Suicide, violence, maltraitance, dépression, troubles mentaux et viol. ***** « Tu l'aimes ? » l'interrogea l'enfant, dont elle avait totalement occulté la présence pendant quelques minutes. « Qui donc, mademoiselle ? » répondit-elle, incertaine de savoir de quoi pouvait bien parler cette dernière. Elle inclina la tête, comme si elle ne comprenait pas. « Ma poupée. » 'Oh... La poupée.' [...] « Elle est très jolie, mais pourquoi est-elle enfermée ? » ne put-elle retenir sa curiosité. L'intéressée baissa les yeux, pour les glisser sur sa peluche, dont elle caressait le cou de manière affectueuse, donnant à la scène une atmosphère sinistre. « Pour qu'elle ne s'échappe pas. »

Osiriana2350 · Fantasy
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32 Chs

Chapitre 12 - Le vase

« Maman ? » appela l'enfant, dans le salon.

Le silence lui répondit. Elle tourna la tête dans tous les sens, se mettant sur la pointe des pieds pour scruter le salon par-dessus l'accoudoir du canapé. Elle n'était pas beaucoup plus haute que le meuble et tenait à peine debout sur ses petits pieds engourdis par la fatigue. Elle venait tout juste de se réveiller et avait les yeux gonflés et la bouche encore pâteuse.

Elle n'arrivait à voir ni son frère, ni ses parents dans les parages, au point qu'elle se demanda si elle était seule dans la maison. La pluie battait contre les fenêtres, comblant l'épais silence qui enveloppait la pièce. L'air était lourd et humide, comme si la fin du monde approchait. Elle marchait sur le parquet dans l'obscurité, la silhouette simplement éclairée par la lumière de la lune et les flash des éclairs qui s'abattaient sur le sol.

Elle n'aimait pas l'orage et il lui faisait habituellement peur, mais elle était pour une fois étrangement calme, comme si quelque chose lui disait que ce n'était pas ça dont il fallait qu'elle ait peur. Comme si une chose plus sinistre encore approchait.

« Maman ? » essaya-t-elle à nouveau, sans réponse.

Elle serra son ours en peluche contre son cœur, s'appuyant sur les objets du salon pour conserver le maigre équilibre qu'elle possédait.

'Peut-être papa et maman sont-ils dans la cuisine', pensa-t-elle, en tournant la tête vers la porte.

Elle ne voyait pas bien ce qu'ils pourraient faire dans un tel endroit à cette heure de la nuit, mais ce n'était pas la seule chose inhabituelle qu'elle remarquait. Un filet de lumière s'échappait de la porte de la salle de bain, comme si quelqu'un s'y trouvait. Comme retenue par une force invisible, elle hésita à s'approcher.

Elle entendit pourtant une voix étouffée qui semblait venir de là. Etait-ce sa mère, son frère ou son père ? Elle n'en savait rien. Elle n'aimait pas se savoir seule dans la grande maison engloutie par la noirceur, aussi espéra-t-elle voir apparaître sa mère derrière la porte entourée de lumière.

Elle tituba vers la petite pièce en prenant garde de ne pas tomber. Elle avait de courtes jambes potelées et un physique peu athlétique, qui l'entravèrent dans son chemin. Celui-ci lui semblait exténuant et interminable, au point qu'elle hésita plusieurs fois à simplement se laisser tomber sur le sol, en attendant que quelqu'un vienne la trouver. Pourtant, après de longs efforts, elle atteignit enfin son but. Elle était essoufflée et engourdie par la fatigue, mais parvint néanmoins à taper sur le bois du plat de la main, comme pour faire savoir à la personne qui se trouvait dans la salle de bain qu'elle était là.

Les petits bruits ressemblants à des couinements, qui résonnaient de l'autre côté s'arrêtèrent presque aussitôt et un épais silence seulement brisé par le cliquetis de la pluie contre le verre l'enveloppa.

La jeune enfant attendit encore et encore, au point qu'elle se demanda si quelqu'un était vraiment là et puis brusquement, la porte s'ouvrit. La clarté de la lumière du lustre l'aveuglât, au point qu'elle ne vit d'abord qu'un éblouissant halo blanc, au centre duquel se dessina une silhouette grande et large comme celle d'une montagne. Une drôle d'odeur s'échappa de la porte grande ouverte, qui lui sembla inconnue et familière à la fois.

« ...Qu'est-ce que tu fais debout ? » l'interrogea une voix d'homme qu'elle reconnut aussitôt.

« Papa. » souffla-t-elle sans s'en rendre compte.

Ses petits yeux s'accoutumèrent enfin à la lumière après quelques secondes et elle distingua le visage masculin et sérieux de son père, dont la chevelure sombre brillait d'une lueur presque dorée sous la lumière du lustre en verre. Sa voix était un petit peu étrange et lui sembla légèrement plus froide que d'habitude, bien qu'elle ne se pose pas plus de questions que cela.

Un petit grincement derrière lui attira son attention et l'enfant pencha naturellement la tête sur le côté pour glisser son regard à l'intérieur de la pièce.

« Pourquoi tu es là ? » réitéra-t-il en s'approchant un peu plus d'elle, couvrant l'entièreté de l'encadrement de la porte de sa silhouette.

Elle oublia presque aussitôt la raison de sa curiosité et baissa les yeux, en serrant sa peluche contre elle. Son père portait encore son pull en laine noir et son jean de la journée, malgré l'heure tardive et l'enfant supposa que ces parents étaient sortis pendant qu'ils dormaient.

« J'ai fait un cauchemars. »

Il y eut un petit silence, pendant lequel son père ne répondit rien, avant qu'elle l'entende soupirer.

« Tu es une grande fille, retourne te coucher. »

Elle nota l'air quelque peu agacé qui perça dans sa voix et se demanda la raison de son attitude si étrange à son égard. Elle se désola de ne pas entendre la voix douce de son père, et que de se voir ainsi refuser sa compassion habituelle. Elle voulut protester, mais se ravisa en apercevant les sourcils froncés de son père, tout juste éclairés par la lumière qui enveloppait sa silhouette. Elle ne pouvait complétement voir son visage de la où elle se trouvait, celui-ci lui apparaissant comme une tâche floue et sans le moindre contour.

Il avait l'air ennuyé de la voir ici et conforta la petite fille dans l'idée qu'il fallait qu'elle fasse un effort pour surmonter sa peur et retourner se coucher. Elle ne voulait pas mettre son père en colère. Elle plissa les lèvres, légèrement vexée et hocha la tête, en se tournant pour faire demi-tour. Elle s'arrêta néanmoins lorsqu'elle aperçut une chose étrange, juste derrière le bras de son père.

Cela était discret et presque invisible, mais elle remarqua aussitôt la petite tâche rouge qui couvrait une partie du sol immaculé. Voyant qu'elle ne bougeait pas, son père s'approcha un peu plus d'elle, posant sa paume sur son épaule comme pour la pousser vers la sortie.

« C'est quoi ça ? » demanda-t-elle innocemment en pointant la chose qui l'intriguait depuis déjà quelques minutes.

Son père se figea dans son élan, avant de suivre son doigt du regard. Lorsqu'il posa les yeux sur l'objet de l'attention de la jeune enfant, elle le vit s'arrêter dans son mouvement. Elle sentit alors l'air s'alourdir brusquement, provoquant un bref sursaut en elle. Le vague sentiment de malaise qui s'empara d'elle ne fit que s'intensifier et se transformer en une profonde terreur, lorsqu'elle aperçut une main rougeâtre gisant sur le sol. Presque machinalement, elle se hissa sur la pointe des pieds, gigotant dans tous les sens pour mieux voir et la scène qu'elle découvrit lui coupa littéralement le souffle.

Une silhouette humaine allongée sur le carrelage dans une flaque écarlate. Il ne lui fallut que quelques instants de plus pour reconnaître l'éclatante chevelure blonde éparpillée sur le sol, comme une nuée de fils d'or emmêlés.

« Maman... »

Presque aussitôt, l'enfant se faufila entre son père et la porte et jusqu'à l'intérieur de la salle de bain, au centre de laquelle elle s'arrêta. Elle fut accueillie par une vision étrange. Sa mère, seulement vêtue de sa chemise de nuit rose poudrée était étalée sur le sol gelé de la pièce face contre terre, les mains de part et d'autre de son visage, comme si elle faisait l'étoile de mer, mais d'un mouvement légèrement tordu.

La petite s'approcha d'un air hésitant, sans remarquer qu'elle retenait son souffle. Elle su instinctivement que quelque chose n'allait pas, sans trop savoir quoi exactement.

« Maman... » hasarda-t-elle à nouveau, remarquant que sa voix tremblait.

Elle avait les yeux clos et la peau pâle, comme celle des poupées qu'elle entreposait dans la réserve. De là où l'enfant se trouvait, sa mère semblait simplement dormir, mais l'épaisse et visqueuse tâche rouge qui se répandait sous elle racontait une tout autre histoire. Elle n'était pas certaine de ce qui était en train de se produire, mais elle avait la conviction que ce à quoi elle assistait n'était pas normal. Un hoquet de stupeur s'échappa de ses lèvres et elle traversa la pièce en courant avant de le réaliser, le souffle court et le cœur battant.

« Maman... ! Elle est blessée ! » s'exclama-t-elle, les yeux larmoyants, sans faire cas du fait que son père n'avait pas prononcé le moindre mot depuis quelques minutes.

L'enfant s'agenouilla près de la silhouette inanimée, ignorant la douleur du froid contre sa peau déjà gelée. Maintenant qu'elle était près d'elle, elle vit bien plus aisément que le corps immobile qui lui faisait face portait des marques étranges. Sa mère avait les lèvres légèrement violacée et la peau du visage rouge, comme si elle s'était cognée. Ses doigts étaient couverts de sang et son œil droit légèrement gonflé.

'Maman n'a pas l'air de dormir...' se fit-elle silencieusement la réflexion, encore bien trop surprise pour oser tenter de comprendre ce qui se trouvait devant elle.

Elle posa la main sur son visage et s'étonna de la température basse de sa peau. L'inquiétude commença à s'emparer d'elle en voyant que sa mère ne répondait pas à ses appels.

« Qu'est-ce qu'elle a.. ? » s'horrifia l'enfant, dont le visage palissait à mesure que ses questions demeuraient sans réponse.

Elle secoua doucement le visage de sa maman, espérant, priant pour qu'elle ouvre les paupières et lui réponde et presque aussitôt, celles-ci tremblèrent. Elle retint un souffle, son ours en peluche tout contre elle et assista avec crainte et appréhension au réveil de celle doit-elle voulait revoir le sourire.

« Maman... »

Elle posa sa main tremblante sur sa joue et vit apparaître ses pupilles brunes. Elle papillonna des paupières en gémissant, comme si elle avait mal, avant que ses yeux entrouverts se posent sur elle.

Elle l'observa sans la voir, comme si elle était totalement désorientée, avant d'ouvrir les lèvres pour pousser un petit râle, comme le grognement d'un animal.

« Tu... » commença-t-elle à son intention, avant que ses yeux se posent quelque part derrière elle et qu'une profonde terreur s'affiche sur son visage, comme si elle venait d'apercevoir un monstre.

« Est-ce que ça va... ? Tu es blessée, tu ... » commença l'enfant avant que sa mère agrippe violemment sa main en plongeant son regard dans le sien, s'accrochant à elle désespérément comme si elle était poursuivi par quelque chose.

« Fuis... »

« ... Quoi ? »

Elle ne comprenait pas ce que sa mère disait. Fuir ? Pourquoi ? Elle la regarda d'un air incrédule, s'attardant quelque fois sur le sang qui s'écoulait du haut de son crâne et jusqu'à ses habits. Elle poussa un gémissement et grimaça, car sa maman serrait ses mains bien trop fort, au point qu'elle lui faisait mal. Elle tenta de se dégager, sans y parvenir et quelques larmes se formèrent au coin de ses yeux.

'Que lui est-il arrivé... ?' se demanda l'enfant, sans remarquer l'effroi qui semblait engloutir l'esprit de la jeune femme à mesure que le temps passait.

« Tu dois fuir, sinon... » marmonna-t-elle, la voix tremblante, avant qu'un craquement la fasse sursauter.

« Chérie. » l'appela enfin l'homme de la maison, d'une voix affectueuse.

La petite se rappela alors qu'elle n'était pas seule avec sa mère ici et que son père était resté là sans rien dire depuis déjà un petit moment.

L'enfant vit cette dernière se figer, avant que son regard se tourne vers le sol et que ses mains se mettent à trembler violemment. Elle avait l'air... terrifiée. L'enfant se tourna vers son père et constata avec stupeur que le ton mielleux qu'il employait dénotait totalement avec l'expression qu'il arborait en regardant son épouse, qui frémissait comme une feuille morte en plein hiver. Ses yeux brillaient d'une colère indissimulée mêlée à la folie.

« Je t'avais pourtant dis de retourner dormir. » tonna-t-il froidement, sans une once de douceur, à son intention cette fois-ci.

L'homme ne sembla pas particulièrement agressif dans le ton qu'il employa mais quelque chose... Quelque chose était étrange et une profonde terreur lui tordit brusquement le ventre. L'enfant eut l'impression que la mort venait de lui parler. Elle ne reconnaissait pas l'homme qui lui faisait face. Il était son père, elle le savait... Mais il semblait n'en avoir que l'apparence. Cela était comme si il avait été possédé par quelque chose de sinistre.

Face à ses yeux familier pourtant complétement vides d'émotions, elle retint son souffle, sentant des filets de sueurs froides couler le long de son dos et des frissons secouer sa peau. Il fit un pas vers elle et ce geste suffit à la faire céder à la panique, au point que son corps se mettent à trembler, sans qu'elle puisse le contrôler.

« Papa... Je suis fatiguée... » bégaya-t-elle pitoyablement en plissant les yeux pour retenir ses larmes.

Elle sentit la main frétillante de sa mère se glisser dans la sienne, tandis qu'elle faisait face à son père. Elle ne savait pas pourquoi ces propos étaient sorties de sa bouche, vu la situation, mais la panique qui s'était emparée d'elle l'avait poussé à prononcer les premiers mots qui lui était venu à l'esprit. Elle n'arrivait pas à y croire... Elle avait peur de lui.

'Peut-être que je me fait des films...' pensa-t-elle, comme pour combattre les pensées contradictoires qui se déchaînaient à l'intérieur d'elle.

Cet homme était après tout son père et il ne lui aurait jamais fait de mal... N'est-ce pas ? Les souvenirs joyeux qu'elle possédait de lui, se heurtèrent à la terreur qui rampait au fond d'elle et elle eut l'impression de devenir folle.

Presque engloutie par l'imposante silhouette de son père, elle se recroquevilla légèrement vers le sol. Elle remarqua alors que ses mains tremblaient. Elle n'avait jamais eu peur de son père auparavant, aussi n'eut-elle aucune idée de l'attitude à adopter en cette situation. Lui, n'avait pas bougé d'un poil. Il la surplombait en silence, ses yeux étrangement froids posés sur elle, comme dans l'attente du moindre mouvement de sa part. Elle était jeune et naïve, mais elle compris presque aussitôt qu'il ne fallait pas qu'elle bouge, malgré son envie presque irrépressible de s'enfuir en courant.

L'homme qui lui faisait face exsudait une aura particulièrement lourde et sombre, qui lui faisait froid dans le dos et ne lâchait aucune des deux filles du regard, les scrutant de ses iris perçantes et presque distordues.

Toute cette situation était incompréhensible. Son père... Celui qu'elle aimait depuis longtemps, celui qui était son héros, son protecteur et son modèle ressemblait à un monstre sortis tout droit d'un cauchemars.

« ... » elle l'entendit murmurer quelque chose, sans qu'elle puisse discerner le moindre mot.

Son petit cœur s'affolait dans sa poitrine et elle commença à pleurer en silence, comme priant pour que cette situation s'arrête. Ses parents n'étaient clairement pas dans leur état normal, sinon pourquoi ce couple habituellement si aimant se comporterait de la sorte ?

« Tu as désobéi. » continua l'homme d'une rauque et sinistre voix.

A nouveau, ses petits yeux larmoyants s'accrochèrent à la silhouette de sa mère, qui grognait de douleur juste derrière elle.

« Je suis désolée papa... » gémit-elle en baissant la tête, sans trop savoir ce qu'il adviendrait d'elle en cet instant.

Elle avait peur et voulait fuir loin d'ici, mais la petite voix dans sa tête lui cria de ne rien faire, comme si elle savait que tout empirerait si elle osait faire le moindre mouvement. Son corps et son esprit faisaient tout pour la garder en vie face à cette chose terrifiante qui la menaçait d'un air nonchalant.

« Ne la touche pas... ! » grogna sa mère, qui tenta tant bien que mal de pousser sur ses avant-bras pour ramper jusqu'à elle.

Jamais n'avait-elle vu sa mère à ce point désespérée et en colère contre son époux. L'image qu'elle avait d'eux et de leur union était celle d'un couple aimant et soudé qui se soutenait dans l'adversité et dans les épreuves de la vie. Ce n'était pas ce... Cet enfer auquel elle assistait, impuissante, prenant la forme d'une scène sortie tout droit d'un roman d'horreur. Son père et sa mère était pour l'heure comme un prédateur devant sa victime, comme deux ennemis, prêt à se sauter à la gorge au premier moment d'égarement.

Dans cette bataille, sa mère était clairement désavantagée, par sa silhouette frêle et l'épais filet rougeâtre qui s'écoulait abondamment sur le sol, en s'engouffrant entre ses cuisses et le tissu de ses habits. Elle laissait derrière elle un sillon sanglant, dont l'arôme métallique engloutissait toute la pièce. Elle ne lâchait pourtant pas des yeux l'homme, comme si la perspective que l'enfant puisse être blessée lui avait brusquement fait gagner des forces.

« Va-t'en ma chérie. » souffla-t-elle en tournant ses yeux momentanément fatigués vers elle. « Papa et maman doivent parler. »

Son papa toisa sa maman avec indifférence, comme s'il scrutait un vulgaire insecte. Il ne fit pourtant pas le moindre commentaire lorsque la femme ordonna à son enfant de sortir de la pièce, contre sa volonté.

Partir ? Comment l'aurait-elle pu en cette situation et surtout avec son père qui la transperçait de son regard froid et violent, attendant patiemment qu'elle face la moindre faute pour se jeter sur elle.

« Sors d'ici ! » hurla-t-elle de toutes ses forces, pressant sa petite fille de ne pas rester plantée là à la regarder.

L'enfant sursauta brusquement, tenant fermement son ours en peluche contre elle en scrutant ses parents qu'elles ne reconnaissait pas. Elle voulait faire comme sa mère lui disait, mais quelque chose, une brève voix lui soufflait, non... Lui hurlait de rester là où elle se trouvait et de ne surtout pas détourner les yeux de ce qui allait se produire. Son corps et son âme semblaient entrer en collision, si bien qu'elle recula d'un pas sans s'en rendre compte.

« Annabelle. » souffla son père, qui avait fait un pas vers sa mère, la surplombant de toute sa hauteur comme une montagne.

Si elle partait... Une chose affreuse allait se produire, elle en était sûre.

« Tu n'écoutes pas ta mère ? » s'adressa cette fois-ci son père à elle, agrémentant sa remarque d'un rire sinistre qui ne laissa présager rien de bon. Ses mots sonnèrent comme un avertissement, qui secoua son être tout entier et elle parvint à faire un nouveau pas en arrière, qui fit appuyer sa petite silhouette contre la porte. Son père s'approcha encore de sa mère, si bien qu'il n'était plus qu'à une quinzaine de centimètres d'elle.

« Mon bébé, s'il te plaît, écoute maman. Tout ira bien » la supplia-t-elle, pleurant à chaudes larmes.

« Maman... » gémit-elle en reniflant bruyamment.

« Va ! »

Cette fois-ci, l'enfant tourna les talons et poussa brusquement la porte pour s'engouffrer dans le salon toujours plongé dans l'obscurité. Au travers de ses yeux embrumés par les larmes elle détalla comme un lapin apeuré sans même regarder où elle allait, si bien qu'elle buta contre l'une des étagères du buffet. Elle s'écrasa sur le sol dans un fracas monstre et grogna de douleur en sentant la brûlure qui frappa ses petits genoux.

Elle posa la main sur le sol pour se relever et hurla lorsque quelque chose lui transperça la paume. Les larmes se répandirent sur son visage tandis qu'elle se couvrait la bouche pour ne pas crier davantage. Elle entendit pourtant un hurlement strident qui perça la nuit et réalisa que ce n'était pas le sien. Elle retint un hoquet et trembla de tout son être en reconnaissant la voix qui lui était familière. Son cri était déchirant et effroyable, comme si on venait de lui arracher les entrailles.

L'enfant suffoqua sous la violence de ses larmes et plaqua ses mains contre ses oreilles pour ne plus rien entendre. Elle ne voulait pas être ici... Elle voulait se réveiller de ce cauchemars et retrouver ses parents chéris, ceux qu'elle avait toujours admirés et aimer, ceux qui avaient fait d'elle et de son frère des enfants heureux.

Ses yeux tremblants se posèrent sur le vase brisé dont les morceaux jonchaient le sol du grand salon.

Un vase noir, comme la nuit qui l'engloutissait et dont les morceaux n'étaient plus que le vestige de ce qu'il était avant.

De la vie qui venait de se briser en cet instant.

Un cri fendit une nouvelle fois le silence et l'étouffa tout entière, tandis qu'elle plongeait dans l'obscurité la plus épaisse et qui – l'espérait-t-elle – finirait par l'engloutir sans laisser la moindre trace.