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CHAPITRE 12 Piège mortel

 Alors que les six amis avaient repris leur route. Eowyn réfléchissait au lien entre les mayas, les illuminati et les alchimistes. Visiblement le retourneur de temps avait été construit par les illuminati, pas forcément pour cacher la pierre d'ailleurs. Donc ils n'avaient probablement rien à voir avec les pièges qui les attendaient. En revanche, un produit d'expérience alchimique avait été caché dans une grotte mayas, il y avait donc forcément un lien entre les deux. La protection devait être très efficace, puisque la pierre, à première vue, n'avait pas été encore trouvée. Elle était angoissée à l'idée de ne pas connaitre grand-chose sur les mayas. Leur écriture, ou plutôt leurs glyphes étaient opaques pour elle. Ils allaient devoir faire confiance à Adrien sur ce coup-là. Lui, semblait en connaitre un rayon sur le sujet

 Après de longues minutes, une brume épaisse et verdâtre se mit à se répandre à leurs pieds, puis elle atteint leurs genoux et ne cessa de gagner en hauteur à chaque dizaine de mètres. Rapidement, ils furent noyés dans une épaisse purée de pois et n'y virent plus rien à un mètre. Ils avançaient à tâtons craignant de se perdre. Katherine était cramponnée à Yohan qui tentait de garder l'œil sur la silhouette massive de Jonathan. Au bout d'un moment, Mark, qui ouvrait la marche, ne sentit plus personne le suivre. La brume atténuant également les bruits de pas, il n'était même pas sûr que les bruits, qu'il entendait, se rapprochent. Il héla ses amis qui lui répondirent de très loin. Bientôt, plus aucun son ne lui parvint et il eut la certitude qu'il était bel et bien seul. Il s'interdisait de prendre peur. La brume, il en était convaincu après ce qu'avait dit Adrien, était un test de plus. Il regarda autour de lui méfiant et continua à avancer prudemment.

 De leur côté, Katherine et Yohan, en arrière-garde, avaient également perdu de vue Jonathan. Tout ce qu'il pouvait espérer faire, était de trouver les autres en continuant à avancer, le couloir étroit leur indiquait clairement que les autres n'avaient pas rebroussé chemin. Jonathan grommelait à son habitude, lui aussi ayant pris conscience d'avoir été séparé des autres. Il avait cessé de voir, puis d'entendre les pas d'Adrien depuis au moins dix minutes et il n'avait pas réussi à reprendre contact, même en forçant l'allure, ce qui n'était pas facile avec le sol humide. Eowyn était resté un moment collée à Adrien, puis elle comprit qu'il avait dû ralentir, car elle s'aperçut qu'il ne la suivait plus. Chaque gardien avançait avec précaution, conscient que le calme apparent et cette brume à l'aspect surnaturel n'étaient que les prémisses d'un danger bien réel. C'est alors que la brume se tarit brusquement.

 Au même instant, Jonathan sentit de l'eau mouiller ses pieds. Il jura. Le sol était jonché de dizaines de petites cuvettes d'une cinquantaine de centimètre de diamètre remplies d'eau, mais apparemment peu profondes. Chacune d'entre elles était auréolée de mousse et le sol sembla bouger sous les pas du colosse. Il s'arrêta pour regarder, mais s'aperçut rapidement que la mousse s'enfonçait sous ses pieds. Ses cours de sciences naturelles lui revinrent brusquement : une tourbière ! Ce genre d'endroit l'avait toujours secrètement terrifié. Il avait passé une partie de son enfance en Ireland, là-bas il avait écouté les légendes locales, avait observé dans les musées toutes ces momies mutilées qui avaient été conservées par le sol mouvant, noir et anoxyde des marécages. Il savait qu'il y avait peu de chance de s'enfoncer au point de se noyer, c'était plutôt les circonstances de la mort de ces hommes et femmes qui lui dressaient les cheveux sur la tête.

Toutes les momies retrouvées présentait une, voire plusieurs, altérations corporelles. Récemment, on avait même trouvé un homme qui avait été assommé, étranglé et égorgé. Rituel sacrificiel ou mise à mort punitive, Jonathan trouvait de toutes les façons les raisons injustes et le procédé effroyable. Aussi, perdu dans ce paysage, n'était-il pas rassuré de la tournure des évènements, d'autant que lui aussi avait déduit que leur isolement était probablement un test. Il se dit que son isolement devait faire des vacances à certains de ses compagnons. Après tout, il se faisait réprimander à chaque mission.

—Jonathan… fit une voix lointaine.

—Qui est là ? interpela le jeune homme.

—Tu as raison… Ils en ont assez de toi … fit la voix.

—De quoi vous parlez ?!

—Tu agaces tout le monde. Ils préfèreraient que tu quittes l'équipe… définitivement !

—Je sais que c'est un piège ! Que vous essayez de me tester ! Mais ça ne marchera pas !

—Pourtant au fond de toi, tu le sais que c'est la vérité. Toujours à te crier dessus…

—Assez ! répondit Jonathan en secouant la tête, touché par ces paroles.

—Toujours à te taper sur la tête ou te donner des coups de coudes pour te faire taire.

—C'est vous qui allez-vous taire ! grogna-t-il en grimaçant.

—Inutile dans l'équipe… surtout depuis l'arrivée d'Adrien…

—Non ! gémit Jonathan, tombant à genoux.

—Ils se débrouilleraient mieux sans toi ! Tu es un fardeau dont ils n'attendent que l'occasion de se débarrasser…

—C'est faux ! murmura Jonathan, de plus en plus angoissé par ces paroles, faisant écho à des pensées longtemps enfouies.

 Ce manque de confiance en lui s'était installé progressivement, insidieusement, semaine après semaine, refoulé dans un coin de sa tête et ressurgissant de temps en temps, de plus en plus fort. Quand cela arrivait, il se contenter de râler d'autant plus, histoire de cacher son mal-être. Etrangement, ce comportement rassurait ses compagnons, qui s'étaient inquiétés lorsqu'il s'était montré amical quelques heures plus tôt avec Adrien. Ils l'avaient même taquiné. Attendez une minute ! Oui ! Ses équipiers l'avaient taquiné, réclamant presque ses grognements, comme si cela leur manquait ! Une lueur d'espoir gonfla dans sa poitrine. Ça ne doit donc pas tant les déranger qu'il râle souvent.

 Pourtant le mot « inutile » tournait en boucle dans sa tête. Comme si elle lisait dans ses pensées, la voix répétait inlassablement les mots « fardeau » et « inutile ». Jonathan se demanda si Eowyn et les autres remercieraient la voix de l'avoir débarrassé de lui. Il imagina la scène. La vision d'Eowyn prononçant un « merci » soulagé, fut un électrochoc pour lui. C'était ainsi qu'elle lui avait dit merci dernièrement. Il l'avait aidé à se réconcilier avec son petit ami. Grâce à lui, elle avait réussi à mettre des mots sur ce qui la frustrait et la mettait en colère. Peut-être n'était-il pas si inutile, puisqu'il aidait ses amis lorsqu'ils en avaient besoin.

 Alors pourquoi était-il à terre à se morfondre ?! Il reprit brusquement contact avec la réalité au moment où ses jambes étaient enfoncées aux trois-quarts dans la tourbe. S'allongeant pour répartir son poids, il s'accrocha aux Queues-de-lapin surmontant les monticules de terre les plus proches et s'extirpa difficilement du piège humide. Haletant, il se remit sur pieds rapidement, mettant le plus de distance possible avec les marécages.

***

 Pendant ce temps, Katherine et Yohan s'accrochaient l'un à l'autre désespérément, affolés à l'idée de se perdre dans le brouillard. Tout à coup, Katherine sentit la main de Yohan lui échapper. Celui-ci tombait, le sol venait de s'effondrer sous lui.

—Yohan !!! hurla Katherine

—Kathy, murmura une voix à l'intérieur du trou, puis il gémit de douleur.

 La jeune femme déplaça sa torche à l'entrée du trou et ce qu'elle vit, la saisit d'effroi : Yohan était au sol, la pointe d'une stalagmite dépassant de son ventre.

—Non ! Non ! NON ! sanglota-t-elle, cherchant des prises sur la paroi pour le rejoindre, sans en trouver.

 Elle fouilla alors dans son sac et trouva une corde. Nouant solidement une extrémité à un rocher à proximité, elle descendit aussi vite que possible en rappel. Les bruits avaient cessé à l'intérieur du trou… Quand elle le rejoint, Yohan avait les yeux grands ouverts. Elle perçut un clapotis régulier à proximité de sa plaie abdominale, un son qui remplaçait le tam-tam d'un cœur qui ne battait plus. Yohan était mort. Elle tomba à terre, souhaitant mourir à son tour au côté de son premier amour.

***

 Mark avançait à tâtons. Tous les couloirs se ressemblaient. Il avait l'impression de repasser sans cesse au même endroit. Pour en avoir le cœur net, il sortit une craie de son sac et traça une marque rouge sur le mur en face de lui. Il tourna à droite et après avoir marché deux minutes, se retrouva en face du mur marqué. Il tourna alors à gauche et … arriva par le même chemin. Il essaya de rebrousser chemin, pensant être arrivé à un cul-de-sac, mais il revenait sans cesse face à ce mur. Mark se prit la tête, sentant l'affolement le gagner. Son pire cauchemar était devenu réalité : il devenait dingue. Etait-ce un coup des champignons qu'ils avaient croisés ce matin ? Etait-il empoisonné ?

 Réfléchissant à toute allure, il repensa à l'avertissement donné à l'entrée de la grotte : affronter ses faiblesses. Adrien avait peut-être mal interprété, il s'agissait en réalité d'affronter ses peurs. Mais comment contourner le sortilège qu'il affrontait ? Il ne pouvait pas tourner sans but jusqu'à épuisement !

 Mark claqua des doigts : bien-sûr ! Puisque rien n'était logique, il ne fallait surtout pas réagir de façon logique ! Il fouilla dans son sac et sorti une hachette. Prenant de l'élan, il la lança de toutes ses forces contre la paroi du mur présentant la marque rouge. L'objet brassa de l'air. Le mur avait disparu et un long couloir s'étendait devant lui. Il reconnut au loin une silhouette et courut dans sa direction, soulagé.

***

 Eowyn s'assit sur un rocher, lasse de marcher. Cela devait faire des heures qu'elle tournait en rond dans cette maudite grotte. La solitude commençait à lui peser.

—Et moi ? Que devrais-je dire ? fit une voix à ses côtés.

 Elle sursauta en tournant la tête, puis ouvrit la bouche, ahurie. Devant elle se tenait une jeune fille élancée et athlétique de son âge. Son corps avait cependant un aspect fantomatique.

—Ça ne peut pas être toi Julie ! Tu n'es pas une sorcière, tu es dans l'ancien monde.

—Tu m'as abandonnée.

—Non ! s'écria Eowyn. Je t'ai sauvée au contraire.

—Tu m'as oubliée…

—Jamais ! Tu me manques tous les jours, gémit-elle.

—Tu étais mon amie. Tu étais tout pour moi.

—Toi aussi, mais j'ai dû m'éloigner pour te protéger.

—Tu m'as fait de la peine… Tellement de peine… J'ai tant pleuré.

—C'est pour cela que Maître Guillaume a effacé ta mémoire, pour ne plus que tu souffres. Tu as oublié notre amitié, nos souvenirs, mes confidences, l'accident, la douleur… Tout ce qui te blessait

—Toi tu n'oublieras jamais… répondit le spectre avec un ton de reproche.

—Le prix à payer. Le triple retour. Tout ce que tu feras, par trois te seras rendu. C'est le prix que je suis prête à payer toute ma vie, pour que la tienne soit soulagée de la peine que je t'ai causée et de la douleur de l'accident.

—Tu as pris cette décision sans moi !

—J'ai fait une erreur en te confiant mon secret.

—Tu penses que je t'aurais trahie ?!

—Non ! Mais je n'avais pas réalisé à quel point ce serait dangereux pour toi. Tu étais sans défense, tu aurais pu mourir quand nous sommes tombées face à lui. Tu ne le voyais pas, tu n'avais pas de sortilège pour te protéger… et moi j'ai été incapable de le faire.

—C'est faux ! Tu as fait ça parce que tu me considérais comme un boulet qui te ralentissait !

 Le spectre avait désormais un visage hargneux.

—Non ! J'ai pensé à toi en premier ! Tu me manques ! Ton amitié me manque tant Julie ! Je ne l'ai jamais avoué à personne, mais j'ai pleuré… pleuré mon âme sœur… pleuré de t'avoir trahie en prenant cette décision que je savais être le mieux pour toi, mais que tu n'aurais pas approuvé parce que tu savais que cela me ferais souffrir aussi. J'ai pleuré en pensant à tout ce auquel je renonçais, au manque que je ressens tous les jours depuis cinq ans… Et je me suis accrochée à l'idée que c'était pour ton bien. J'ai ignoré ma souffrance en me réfugiant derrière l'idée que c'était le prix à payer, mais je n'ai jamais essayé de l'accepter, parce que cela voulait dire que je renonçais définitivement à toi. Je n'ai jamais fait le deuil de nous, de notre amitié, parce que j'ai peur de l'oublier. J'ai peur d'oublier tous ces moments que l'on a partagés.

 Au fur et à mesure de son plaidoyer, Eowyn sentit sa vue se brouiller, des perles humides glissaient le long de ses joues. Son cœur battait la chamade et elle se sentait épuisée et bouleversée. Le visage du spectre s'était progressivement adoucit et exprimait désormais la compassion. Elle s'adressa à Eowyn en commençant à disparaître :

—Le courage n'est pas de réussir à contenir ses émotions, mais bien d'admettre ses faiblesses pour mieux les accepter et avancer… Avance Eowyn… Avance…

***

 Adrien était terrorisé. Face à lui se tenait Mark, hache à la main, prêt à lui décocher un coup. Son regard était fou, ses yeux brillaient d'une lueur dorée et sa bouche était tordue dans un sourire sadique.

—Mark ?! Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?

—Comme si tu ne le savais pas !

—Je vais peut-être te surprendre, mais non ! Je ne sais pas pourquoi tu as envie de me tuer…

 Mark partit alors dans un rire aussi tonitruant que bref.

—Eowyn…

—Okay… Euh… Tu te souviens que tu m'avais dit que si elle me choisissait, tu en resterais là…

—Je l'aime. Contrairement à toi je saurais la protéger.

—Eh bien, il aurait fallu lui parler avant moi. Vous habitez ensemble depuis plusieurs mois. Pourquoi n'as-tu pas tenté ta chance.

—Je voulais aller à son rythme, mais toi… Tu as bouleversé notre équilibre… Te faire passer pour vulnérable… Et elle s'est laissé avoir… Si facilement…

—Attends ! Tu ne serais pas plutôt jaloux que j'ai réussi là où toi, tu as échoué

—Si tu disparais, j'aurais une seconde chance…

—Tu penses qu'elle n'aura pas un peu de peine.

—Je serais là pour la consoler.

 Il leva sa hache, prit de l'élan, laissant juste le temps à Adrien de dégainer son épée avant que la hache ne s'abatte sur lui.

—De toutes façons, je me suis battu à la loyale. Quand je l'ai embrassée, elle aurait pu me repousser, mais elle ne l'a pas fait. Elle m'a rendu mon baiser.

 Adrien se dégagea en faisant tournoyer son épée. Mark grogna :

—Tu la rendras malheureuse un jour.

—Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je sais que pour l'instant je suis heureux et elle aussi. A la vérité, la seule chose qui me faisait peur, était ta réaction. Je ne savais pas comment tu allais réagir.

—J'espère que je ne t'ai pas déçu !

—Le moins que l'on puisse dire, c'est que tu as su mettre en scène ta réaction ! Mais ce n'est toujours pas une raison pour me tuer. Tu es ridicule !

—On verra si c'est ridicule quand ton cerveau trônera à côté de ta tête tranchée.

 A nouveau, la hache passa à un cheveu de la tête d'Adrien. La fureur rendait les coups de son rival moins précis semblait-il, mais il n'allait pas pouvoir continuer à esquiver longtemps. Il se décida à contre-attaquer, finissant par le désarmer en frappant le manche de la hache. Il écarta celle-ci d'un pied et mit en joue Mark. Il haussa le ton, le fixant avec sérieux.

—Maintenant, ça suffit ! Je sais que c'est un moment difficile pour toi, mais là, ton comportement est inacceptable. Ce que tu comptes faire est de l'égoïsme pur ! Elle a choisi, alors si tu as un tant soit peu de sentiment pour elle, tu accepteras son choix !

 La lueur dorée s'atténua dans les yeux de Mark. Ses yeux papillonnèrent et il regarda Adrien, décontenancé. Celui-ci abaissa son épée avec quelques secondes d'hésitation.

—Qu'est-ce que j'ai fait ? demanda Mark.

—Tu m'as fait peur ! Voilà ce que tu as fait !

—Alors, c'était ça ta plus grande peur ? Moi ?, fit Mark amusé.

—Je n'ai pas dit que c'était ma plus grande peur…

—Te fatigue pas, moi aussi, j'ai dû l'affronter…

—Donc, tu n'as plus envie de me tuer ?

—Je n'ai jamais eu vraiment envie de la faire, c'est toi qui t'es fait des idées. En revanche, tu as tapé dans le mille pour la jalousie… Cependant, contrairement à ce que tu as imaginé, je suis aussi heureux, qu'elle soit bien avec toi… Par contre… Si tu lui fais du mal, je t'arrache les yeux…

—Pigé ! fit Adrien en rigolant.

 Souriant à son tour, Mark prit la main que lui tendait Adrien. Mark commença à lui raconter son épreuve.

—Eh bien je vois que vous vous en êtes mieux tirés que moi, fit une voix derrière eux. Vous au moins, vous avez l'air en forme.

 Les deux homme se retournèrent et virent Eowyn appuyée contre un mur. Ils se précipitèrent vers elle, la soutenant tandis qu'elle s'asseyait.

—Ça va ma chérie ? demanda Adrien inquiet.

—Je suis épuisée. Je crois que j'ai réussi une épreuve, mais elle a pris toute mon énergie.

—Je vois ce que tu veux dire, répondit Adrien. Je viens de survivre à la mienne.

—Un spectre de ton passé t'a interpellé toi aussi ?

—Non, un spectre de mon présent a failli me décapiter.

—Hein ?! s'exclama Eowyn en les regardants tours à tour, tandis que Mark ricanait.

—On te racontera peut-être un jour chaton, mais là, le plus urgent est de retrouver les autres, répondit Mark à sa question muette.

***

 Assise au fond du trou, Katherine était toujours secouée de sanglots. Elle releva la tête, ressentant une douleur immense en croisant les yeux écarquillés de Yohan. Elle prit alors une décision. Elle ne pouvait pas le laisser là ! Rassemblant ses forces, elle le souleva, le dégageant de la roche. Elle passa la corde autour de lui et l'attacha sous ses bras. Après être remontée en haut du trou elle se servit d'une des poutres qui servaient à maintenir le plafond du tunnel en place pour faire un contrepoids et sortir Yohan du puits. Quand elle l'eut remonté, elle le plaça contre la roche, lui dit quelques mots, l'embrassa, puis fouilla dans son sac et, trouvant ce qu'elle cherchait, noua un bout de la ficelle au sac de Yohan et commença à la dérouler en s'éloignant à la recherche de secours.

***

 Tandis que Katherine avançait en tremblant dans les couloirs, Jonathan désespérait de retrouver ses coéquipiers. Il se trouvait face à un énième embranchement et hésitait. Par où passer ? Soudain, il perçut au loin une lueur au fond de l'un des tunnels. Il pensa à interpeler la personne, mais se ravisa. Peut-être un autre piège… Il accrocha sa torche à un socle mural et se colla contre la paroi, prêt à se battre. La lumière se rapprochait et enfin une silhouette se dégagea du tunnel. Jonathan lâcha brusquement son arme, faisant sursauter le nouveau venu…

***

 Yohan ouvrit les yeux, un peu hébété. Il se souvenait de Katherine penchée sur lui, lui disant qu'elle l'aimait et voudrait mourir plutôt que de vivre ça. Elle était couverte de sang, son visage exprimait la douleur. Grimaçant à ce souvenir, Yohan regarda autour de lui, mais il faisait très sombre, il n'y avait pas de torche à proximité. Il essaya de se lever, mais glissa dans un liquide poisseux. Pourtant ses doigts à son nez, il perçut une odeur de rouille et de sel. Il eut un haut le cœur. Du sang ! Ses mains, son corps en était couvert. Il commença à paniquer. Il n'était pas blessé, alors à qui appartenait ce sang ?

—Kathy ! appela-t-il.

 Mais seul le silence lui répondit. Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'à tâtons, il cherchait son corps. Au bout d'un long quart d'heure il toucha un tissu du bout des doigts : son sac ! Il essaya de l'ouvrir pour sortir un briquet quand il sentit un fil accroché à une anse. Il récupéra le briquet et observa la ficelle. Elle partait en direction d'un tunnel, il décida de suivre ce fil d'Ariane après avoir constaté, non sans soulagement que Katherine n'était pas allongée, morte à côté de lui. S'efforçant de chasser de son esprit tout ce sang, il se fabriqua une nouvelle torche et dirigea sa lumière en direction du tunnel.

***

— Kathy ! Tu m'as fait une peur bleue ! A croire que c'est le thème de la journée !

 Voyant que sa répartie ne faisait pas rire la jeune femme, il commença à s'inquiéter. Elle d'ordinaire si joviale, était apathique. Elle le regardait sans vraiment le voir, semblait-il.

—Eh ! Ça ne va pas ?

—Il est parti…

—Qui ?

—Yohan.

—T'inquiète pas ! Le brouillard nous a juste séparé, mais on va le retrouver tous les deux.

—Je sais où il est…

—Alors il n'est pas perdu.

—Tout ce sang !

Sa voix commençait à trembloter, puis son corps s'agitait de violent sanglots.

—Il est tombé ! Il a dit mon nom, mais le temps que j'arrive… Je n'ai pas pu le sauver.

—Katherine, calme-toi !

—Comment tu veux que je me calme ?! sanglota-t-elle. Il est MORT !

 Elle lança le dernier mot en hurlant presque de douleur.

—C'est probablement une illusion, comme ce que j'ai vécu dans la tourbière tout à l'heure.

—Suis-moi ! Aide-moi à le ramener à la surface, loin de cette affreuse grotte !

—Et les autres ? On ne peut pas les laisser là ! Et puis, il faut bien le reconnaitre : on est perdus !

—Mais au moins on est réunis ! fit une voix derrière eux.

 Katherine se leva d'un bon, les yeux ronds, partagée entre l'effroi et un bonheur immense. L'espoir gonfla dans sa poitrine, son cœur brisé battit la chamade. De grands bras l'enlacèrent, attirant sa tête contre un tissu marron déchiré et tâché.

—Mon amour ! souffla Yohan, l'air soulagé. J'ai cru que je t'avais perdue.

—M… Moi aussi, lui répondit-elle, incrédule. Mais comment…

—Tout ce sang… Il ne t'appartient donc pas ?

 Elle releva la tête interloquée. Yohan l'inspectait de haut en bas, cherchant une blessure qu'il ne voyait pas.

—Il est à toi Yohan ! Tu es tombé dans un trou. Tu étais mort ! Empalé sur une stalagmite…

 Son visage s'emplit de larmes en prononçant ces dernières paroles. Son petit ami la serra contre lui, s'efforçant, en vain de se souvenir de cela.

—Comme je te l'ai dit Kathy, fit Jonathan, c'est une épreuve. Vous deviez affronter votre plus grande peur. Tu as peur qu'il meurt et lui a peur de te perdre.

—Donc… On a réussi ? demanda Yohan, hésitant.

—Vous n'avez pas été paralysé par cette peur, vous l'avez affrontée. Moi, c'est à ce moment-là que j'ai cessé d'avoir des hallucinations. Donc j'imagine, que oui, vous avez dû réussir.

—Bon et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? demanda Yohan.

—On sort de là ! S'il vous plait, supplia Katherine.

—Jo a raison sur un point mon amour : nous sommes perdus. Le mieux serait d'essayer de trouver des indices à propos d'une issue ou, à défaut, sur la position des autres.