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Des maux propres à la folie

Triste déception. Son départ était le lendemain à l'aube.

Elle n'allait plus jamais le revoir.

La jeune femme aux ondulations brunes sortit en trombe sans rien dire de plus, frôlant les larges épaules du soldat dans l'embrasure de la porte sans lui adresser ne serait-ce qu'un dernier regard.

Elle frissonna mais continua sa course vers les écuries.

Pourquoi agissait elle ainsi ?

Serait-t-elle habitée de maux propres à la folie ?

Une folie passagère qui lui dictait à présent sa colère ? Et cette triste déception de ne pas avoir eu l'occasion d'apprendre à le connaitre ? Qui la faisait agir de manière impulsive bien loin de ses réactions habituelles ?

Un mélange de frustration et de regret ;pour une étrange raison; fit dévaler des larmes tels deux sillons éphémères et transparents le long de ses joues rougis préalablement par le sujet épineux qui avait eu lieu dans les cuisines.

Sa respiration rapide et superficielle se stabilisa enfin au contact de la jument à la robe grise qu'elle avait laissé quelques minutes plus tôt.

- Blanche, me revoilà. Je t'ai bien dérangé aujourd'hui.

Ses quelques mots étaient difficiles pour elle à prononcer, serrée d'un étau invisible et irréel qui lui comprimait sa cage thoracique.

Elle leva son bras pour caresser à nouveau délicatement la jument aux crins gris foncés lorsque soudainement la jeune femme ressentie son parfum semblable à la puissance des résineux et à la fraicheur de l'air.

Il n'était pas bien loin, à quelques mètres mais resta silencieux comme s'il pesait ses mots sur sa langue avant de rédiger sa propre parole qui était synonyme de douceur à son oreille.

- Mlle Siya.

La façon dont il adressait sa personne était bien différente du jeune couturier qu'elle avait rencontré en journée dont elle ne pouvait qu'en faire un rapprochement. Elle se distinguait par sa mélodie et sa cadence mesurée.

Comme si chaque syllabe était soigneusement articulée... comme s'il voulait s'assurer que ses mots parviennent directement à son cœur.

La jeune femme resta silencieuse et ne daigna se retourner pour plonger son regard dans le sien. Alors, elle continua à caresser Blanche ne voulant absolument pas qu'il découvre ses larmes.

Un élément à ajouter à toutes ses humiliations, à ce comportement d'enfant qu'elle ne pouvait empêcher d'admettre et dont elle n'arrivait pas à expliquer l'origine.

Serait-t-elle habitée de maux propres à la folie ?

- Votre monture est bien belle comme sa maitresse.

La jeune femme remarqua l'étirement de ses lèvres par elles-mêmes dans un sourire authentique.

- Elle s'appelle Blanche. Elle m'a vu grandir, répondit-elle à voix basse.

Un hennissement caractéristique de sa majestueuse créature équine retentit aussitôt comme si elle comprenait et suivait la conversation.

- Vous semblez aimer les chevaux, il y a deux jours de cela, notre première rencontre fut dans ses écuries.

Notre première rencontre ? Lisait elle entre les lignes ? Ou était ce toujours cette folie passagère?

Elle frissonna légèrement mais ne laissa rien paraitre. Et il continua avec douceur :

- Vous aimez également la botanique, est-ce bien cela ?...Charles m'a un peu parlé de votre incroyable don, ajouta-t-il comme pour clarifier sa source.

Un silence agréable s'installa alors que la température continuait à baisser.

- Oui c'est vrai. Mais Charles ne fait que me complimenter, ce n'est qu'une passion.

Le soldat s'avança de quelques pas, Siya pouvait entendre le son de ses bottes sur l'herbe humide alors que les battements erratiques de son cœur l'empêchait de réfléchir.

- Hmm Blanche, ta maitresse est aussi bien humble. En plus de sa force et son savoir-faire perspicace pour fendre le bois, adressa-t-il à l'animal sur un ton de la confidence.

Un rire cristallin sortit des lèvres de la jeune femme qui quelques minutes plus tôt était en proie à une indescriptible colère.

- Vous n'êtes pas honnête soldat Yem, vous m'avez bien vue tomber en manquant de me blesser comme une idiote.

Le silence reprit dans lequel le soldat sourit dévoilant ses dents parfaitement symétriques, mais la jeune femme ne pouvais le savoir, son dos retourné vers sa monture.

Il ne répondit pas avant un long moment jaugeant le long silence. Une tension inconnue prit place au fur et à mesure que ce silence s'allongeait.

- Votre don, Mlle Siya, peux-t-il guérir tous les maux du corps et de l'esprit ?

Il était à présent derrière elle, carressant presque ses longues ondulations qui virvoletait face à une légère bise froide qui annonçait le début de la nuit.

Siya tressaillit, la gorge subitement sèche et préféra répondre de la même manière par une question dans un chuchotement à peine perceptible.

- Votre devoir, soldat Yem, peut-il protéger contre toutes les menaces...contre tous les imprédictibles dangers ?

Un second sourire non perceptible par la jeune femme.

- Je ne suis qu'un simple soldat faisant ce qui est nécessaire. Mais sachez que lorsque je tombe sur un précieux trésor mon dévouement est...aveugle.

L'homme à l'accoutrement militaire susurra avec insistance ses dernières paroles dotés d'un sens secret.

- A présent c'est à moi de vous qualifier d'humble, vous êtes celui qui risque sa vie même dans des endroits où la mort règne en maître.

Siya marqua une pause ou elle tenta de reprendre son souffle avant de continuer :

- Pour répondre à votre question...sur les souffrances de l'esprit et du corps, j'aimerais pouvoir le faire et je l'espères toujours car la vie est fragile mais elle est aussi résiliente. Tout comme les plantes qui repoussent après un incendie, les douleurs peuvent s'estomper et la guérison peut fleurir même dans les circonstances les plus sombres...ou du moins c'est ce que je penses.

- Quelles douces paroles avenantes Mlle Siya. Je n'en avais pas entendu de telles depuis maintenant bien longtemps.

Siya se rappela ses mêmes paroles prononcés par sa personne la veille. Mais n'en fit pas la remarque.

Alors qu'elle attendait une autre réplique de sa part, elle n'entendit plus rien comme si sa présence s'était subitement disparue. Son parfum envoutant s'était aussi volatilisé soudainement.

La jeune femme s'immobilisa un moment les sens en alerte mais rien.

L'étau invisible et irréel serra son cœur à nouveau.

- Soldat ?

Ses actions suivant ses paroles, la jeune femme se retourna s'attendant à un vide.

Seulement, le vide était comblée par une proximité soudaine ou le temps sembla se ralentir.

Un hochet de surprise échappa ses lèvres rosées alors que leurs regards se croisèrent, captivant toute l'attention de la jeune femme.

Comment avait-il pu faire pour dissimuler sa présence ?

Ses larmes étaient découverts tel en plein jour.

- Ce Thomas, est-il responsable de ce chagrin ? chuchota-t-il d'un ton plus grave.

Et de ses doigts, il essuya délicatement une larme pris au piège de son index.

Le toucher de ses doigts sur son visage était doux et réconfortant, semblable à une brise légère qui apaise une blessure.

Son index glissa avec précaution sur sa joue, capturant cette perle salée de tristesse.

Un contact intime et presque protecteur qui embruma sa vision et fit chavirer son cœur.

- Nous nous reverrons, assura-t-il enfin avant de s'éclipser pour de bon.

Car son départ était imminent...

...

Après le souper ou siya manqua d'appétit et avoir salué son père et Charles, la jeune femme se précipita pour s'enfermer dans sa chambre.

En proie à une total incompréhension des ses sentiments et émotions qui fluctuaient telle une vague qui se déchaine sur un rivage.

Un mélange d'euphorie et de confusion l'envahit.

Appuyée contre la porte, elle pu enfin respirer laissant échapper un souffle tremblant. Les émotions tourbillonnaient en elle, des papillons dans son estomac et une tension électrique dans l'air.

Les souvenirs du soldat hantaient ses pensées, chaque détail, chaque sensation gravés dans sa mémoire. Elle repensait à la douceur de ses doigts sur son visage, le sien, à la chaleur qui l'avait enveloppé à son contact.

Et pour chasser ses pensées vagabondes proches à la folie lorsqu'elle y portait réflexion, elle s'empara enfin du vieux parchemin, une distraction afin d'échapper à ses tourments...à ses maux propres à la folie.