Joyeux Anniversaire

Après la mort de mes parents, ma vie fut totalement bouleversée. Auparavant, je n'avais que ma mère et mon père aux repas car ils étaient tous deux enfants uniques. Mais chez les Keisam, ils étaient une véritable tribu. Mon beau-père Bullock avait deux sœurs, Lildi et Juwi, ainsi qu'un frère Red. Du côté de ma belle-mère Kyami, elle avait trois sœurs et quatre frères. Autant vous dire que je n'ai pas manqué d'activités et que je ne me suis plus jamais ennuyé. Mon nouveau frère Wistom fut très accueillant et notre différence d'âge de seulement deux ans nous permis de jouer en permanence à la maison. Bien souvent, nous nous amusions à nous déguiser en soldat et pirate, nous affrontant alors avec des épées en bois que j'avais fabriqué dans le jardin avec quelques branches que j'attachais ensemble avec de la ficelle.

Ce cauchemar a laissé place à un rêve et bien souvent, je me remémore la rencontre de Wistom pour me calmer, comme ce matin. Il m'a fallu quelques minutes aujourd'hui pour que je cesse de transpirer à grandes gouttes et je me lève enfin pour aller me doucher. Il faut vraiment que je me dépêche car c'est un jour très spécial. En effet, c'est l'anniversaire d'Hirion. C'est le meilleur ami de Wistom depuis la maternelle, ils sont dans la même classe et il vient souvent jouer au Shogi à la maison. Mes parents sont d'ailleurs aussi très amis avec les Keisam depuis de nombreuses années.

Pour lui faire plaisir, j'ai acheté hier un cadeau à la place de mon frère car il n'a jamais beaucoup d'imagination quand il est question d'anniversaire. Un guide sur les plantes aquatiques, voilà ce que je lui ai trouvé. Cela peut paraître étonnant quand on ne le connaît pas, mais je peux vous assurer qu'il va adorer. Depuis qu'il est enfant, il s'intéresse à toutes les herbes et fleurs qui l'entourent. Il n'y a qu'à se rendre chez ses parents pour voir leur jardin avec toutes les fleurs de la région réunis dans à peine trente petits mètres carrés. C'est un jeune gars modeste et passionné, chouchouté par des parents qui sont tous les deux boulangers depuis plusieurs générations.

Bref, assez perdu de temps. Il faut que j'aille réveiller Wistom car je suis à peu près certain qu'il ne l'est pas. Je finis donc de m'habiller puis je frappe à sa porte. Fort heureusement, cela fait deux ans que nous dormons plus dans la même chambre car il a une fâcheuse tendance à ronfler et à s'endormir en même pas deux minutes. Ce qui est un peu rageant pour moi qui met plus d'une heure avant de réussir à fermer l'œil.

- Réveille-toi, Wistom ! Sinon, on va arriver en retard !

- Ouais, ouais ! J'arrive donne-moi deux minutes, je finis juste de m'habiller.

Finalement, la porte s'ouvre et voilà mon frère, nous faisons la même taille, mais il est plus musclé que moi qui ne suit qu'une craie, comme il aime à me le rappeler souvent.

- Ça va, il est à peine huit heures du matin, la colline est seulement à vingt minutes à pied.

- Oui, mais je te rappelle qu'on a dit à Lyra qu'on l'accompagnerait jusque là-bas.

- Mince, j'avais complètement oublié.

- Heureusement que je suis là pour penser...

- Et moi pour agir, dit-il en me faisant un petit clin d'œil.

- Ça veut dire quoi ce clin d'œil ?

- Oh, ça ? Mais rien du tout frérot. Allez, on y va. Et il se met à courir en finissant sa phrase.

Je le suis en descendant rapidement les escaliers pour arriver au rez-de chaussée où ma mère nous salut en nous donnant à chacun deux tartine de confitures en guise de petit déjeuner. Puis, nous continuons notre course en quittant la maison en laissant la porte ouverte derrière nous, par négligence.

Je déteste courir, d'ailleurs je n'aime pas le sport en règle générale car il faut y employer plus de muscle que de neurones. N'étant pas doté d'un corps d'athlète à la différence de mon petit frère. Je préfère les activités de stratégies comme le Shogi. Il a d'ailleurs du mal à en comprendre toutes les subtilités, ce qui permet à Hirion de gagner toutes les parties face à lui. Mais au moins il n'abandonne jamais. C'est une qualité que je veux bien lui reconnaître en toute situation.

Finalement, je coure pendant dix minutes pour arriver après Wistom et en plus je suis à bout de souffle. Au coin de la rue, je le vois au côté de Lyra. C'est une splendide rousse, elle a les yeux bleus et elle est toujours en train de sourire. Elle est dans ma classe depuis deux ans et je ne cesse de penser à elle mais mon frère aussi alors ça complique un peu les choses. Cependant, jamais je n'oserai lui avouer mes sentiments pour elle.

-Salut, Myo. J'ai eu peur que vous m'ayez oublié, me dit-elle en jouant avec ses cheveux tout en souriant.

- Fallait pas t'inquiéter, je veille au grain. C'est même moi qui ai dû le réveiller, réplique Wistom

-Qu'est-ce que tu racontes...

-Bon! Ce n'est pas tout ça, mais faut qu'on se dépêche. Sinon, on va vraiment arriver en retard, me coupe Wistom en reprenant le chemin tout en me poussant devant. Ah le menteur, il faut toujours qu'il ait le beau rôle. Mais bon. Je n'ai pas la force de le contredire devant Lyra. De quoi j'aurais l'air, si je me disputais comme un gamin face à elle?

-Tu lui a acheté quoi, Lyra ? lui demande Wistom.

-J'ai demandé à mon père de lui fabriquer une sacoche en cuir, il aura de quoi transporter ses plantes comme ça.

- Tu as eu une sacrée bonne idée, Lyra. ça lui évitera de remplir ses poches avec des cœurs de sang et de salir une nouvelle fois ses pantalons, lui dis-je.

-Ou de se planter des épines dans les cuisses ! réplique mon frère en éclatant de rire.

-Merci, c'est très gentil. Et vous, vous lui avez trouvé quoi ?

-Un livre sur les plantes marines. Je ne pense pas l'avoir vu dans sa bibliothèque.

-Chouette idée, il évitera de se servir de nous comme cobaye pour tester ses potions comme à, dit Lyra en me souriant.

-Myo a trouvé cette idée tout seul car moi les livres, j'aurai du mal à en choisir.

-A en lire tu veux dire, je lui répond.

-Comment-ça ! Qu'est-ce que tu sous-entends ?

-Rien du tout. Seulement que la dernière fois que tu as ouvert un livre, cela devait être au collège et que depuis tu me demandes à chaque fois de te les résumer avant tes interros.

-Ben, on ne peut pas tous aimer la lecture. C'est débile de nous obliger à lire. On ferait mieux d'apprendre à nous battre, ça au moins, cela nous servira plus tard.

-Tu ne pourras pas toujours tout régler à coup de poing et de pied, Wistom.

-C'est vrai... C'est pour ça que j'ai le coup de tête.

Cette réplique nous fait tous rire et nous continuons à discuter jusqu'à la colline. C'est une plaine verte juste en dehors de la ville. Elle surplombe ainsi la plupart des quartiers. De là, on a aussi une vue splendide sur la mer qui semble assez agitée ce matin. Cela fait bien longtemps que l'on s'y rend pour papoter ou jouer dans l'herbe avec d'autres amis notamment à cache-cache ou au cricket.

Finalement, il semble que nous ne sommes pas les derniers. Autour du pommier, au milieu de l'herbe, il n'y a qu'une dizaine de personnes dont Hirion avec sa tignasse blonde qui papote avec Lore. Il faut dire qu'ils vont très bien tous le deux, elle aussi est blonde mais ses yeux verts ressortent tellement bien dans ce paysage. Elle a toujours été au côté d'Hirion mais il n'a pas encore remarqué qu'elle voyait en lui bien plus qu'un ami. C'est le problème quand on est timide comme moi, on passe facilement à côté des choses.

-Wistom, Lyra et Myo, vous voilà. On a eu peur que vous vous soyez perdu, dit Hirion en rigolant.

-Non, ne t'inquiètes pas. Mais il manque encore des gens ? demande Wistom.

- Oui, il manque Ruby, Xan, Pimper et Armande. Mais il ne devrait pas tarder car ils m'ont dit hier qu'ils viendraient.

-On a qu'à faire un petit jeu avant qu'ils arrivent ? propose Lyra.

-Tu as raison. Eh oh! Tout le monde ! On se rassemble on va faire une petite partie avant que les retardataires arrivent, cris Hirion pour rassembler le groupe.

-Le premier à chercher ce sera Myo ! Comme ça, on a une chance de ne jamais être trouvé, dis Pold, un camarade de classe de Wistom avec lui aussi de beaux cheveux blonds mais pas platine comme Hirion, plutôt un blond clair.

-Merci, Pold. Ça me va de toute manière, je suis prêt à compter en premier.

J'ai dit cela même si cela m'ennuie éperdument. Mais bon, il faut bien faire comme tout le monde. Tout le monde court donc dans tous les sens pendant que je pose ma tête contre l'arbre. Et me voici partit pour compter jusqu'à cent. Ce n'est pas très palpitant mais ce qu'il y a de drôle lorsque l'on joue à cache-cache dans ce champ. C'est qu'il y a de nombreux buissons plus ou moins piquant où l'on peut se cacher à loisir. C'est d'ailleurs dans l'un d'eux qu'une fois, j'avais vu Pold et Zoé qui étaient serrés dans les bras l'un de l'autre, oubliant un peu que j'étais en train de les chercher et que je venais de les trouver. Cela fut d'ailleurs tr��s drôle de voir leurs visages gênés quand ils me remarquèrent et qu'ils essayèrent de me faire croire qu'ils n'étaient pas amoureux. De mon côté, cela ne me gênait pas et je ne compris pas d'ailleurs pourquoi ils essayaient de me mentir. Ce n'est qu'un mois plus tard que j'appris la raison. Malheureusement, Pold est noble et son père lui a déjà trouvé une fiancée dans le Nord du pays à F-Azdrill. Une très belle cité et très riche. Malheureusement, elle se trouve dans une région où la température dépasse rarement les -10°C. Ce qui peut expliquer les réticences de Pold quant à son futur départ vers ces contrées sauvages.

100.

Où sont-ils donc passés ? Un simple regard ne me permet pas d'en trouver un aussi facilement. J'avance donc entre les buissons, pas le moindre bruit. On peut dire qu'ils sont motivés à me faire courir à droite et à gauche. Mais pourquoi y a-t-il moins de lumière alors qu'il n'y avait pas le moindre nuage à l'horizon. Regardons en l'air. Ce que je découvre alors est tout simplement fou. Un nuage grand comme un pâté de maison est maintenant au dessus de la colline comme par enchantement. Je m'écrie alors époustouflé à la vue d'un pareil spectacle:

-Tout le monde regardez en l'air, y a un nuage rose!

-C'est ça ! Tu crois qu'on va se faire berner si facilement ! crie une voix au loin.

-Viens plutôt nous chercher ! renchérie une autre.

J'ai reconnu la voix d'Hirion et de Malagari. Mais ils ne me font pas confiance. Ils sont trop absorbés dans le jeu et il faut dire que j'ai déjà usé d'une ruse similaire. N'empêche, c'est drôlement étonnant un nuage pareil. Je n'en ai jamais entendu parler, ni même lu quoi que ce soit à propos d'un truc événement aussi singulier.

-Non, c'est vrai regardez dans le ciel ! Y a vraiment un nuage rose, dit Lyra tout en sortant d'un buisson d'épineux.

Peu à peu, tout le monde semble se décider à sortir de sa cachette et bientôt, nous sommes tous en train d'observer ce ciel magique comme face à une apparition.

-Vous pensez que c'est un bon présage ? demande Pold.

-Pour sûr que ça doit l'être, le rose c'est toujours gentil. Il n'y a jamais de truc rose méchant! s'exclame Wistom en souriant.

-C'est vrai, mais il est apparu un peu soudainement, celui-là, souligne Hirion en se tripotant le menton comme une sorte de détective.

-Mon père m'en a parlé. Il m'a dit qu'il y avait eu des phénomènes de la sorte depuis longtemps à l'Est et que le Gouvernement s'est gardé d'en parler. Mais je pense qu'on ne devrait pas rester dessous, dit Malagari.

-Pourquoi ? Tu penses qu'il va faire tomber la foudre ? demande Lyra, un peu naïvement.

-Je ne sais pas mais je préfère m'en aller, répond Malagari inquiet.

-Il a surement raison. Inutile de prendre des risques, venez on redescend se mettre à l'abris, dis-je au moment même où il se met à pleuvoir.

-Génial, il ne manquait plus que ça à mon anniversaire ! cria Hirion.

- T'inquiètes pas, Hirion. On va le continuer du côté de la forêt de Himawari, propose Lyra tout en se mettant à l'abri, sous l'arbre.

Je me dirige alors vers l'arbre pour me mettre moi aussi à couvert quand je remarque que Wistom titube.

-Qu'est-ce qui ne va pas, frérot ?

-Je ne sai...

Il s'effondre, mais il n'est pas le seul. Hirion tombe à genoux puis s'écroule lui aussi face contre terre. Puis c'est au tour de Malagari et enfin je me sens aussi partir. Mais que nous arrive...