Chapitre 20 : Sauver une vie

Je préfère me rapprocher de créatures qui semblent pacifiques ou du moins, peu agressives. Là où je me dirige, je vois des dizaines d'oiseaux, tous plus colorés les uns que les autres. Aucun d'eux ne vit en cage. Ils se permettent de voler et siffloter un peu partout. Leurs gazouillis me bercent tandis qu'il me semble que ce soit les seules créatures à pouvoir se déplacer librement. Mais dès que je m'approche d'un des écriteaux, l'un des oiseaux rapplique pour que je puisse lire des explications à son sujet, en même temps que je l'observe.

C'est un drôle de monde qui vit ici. Finalement, c'est une sorte d'animal mi-chat, mi-paon qui pique ma curiosité. Il se lèche la patte pour se nettoyer face à un miroir. Je me mets donc face à lui pour l'observer. Sa fourrure est bleue alors que celle-ci finit en plume de paon splendide. Cet animal a été trouvé aux abords de D-Kôya dans une petite ferme. Étrangement, l'animal émet des miaulements, mais se nourrit exclusivement de végétaux et la vue d'animaux morts comme des souries le dégoûtent. Toutes ces informations sont issues de l'écriteau que je trouve assez foisonnant de détails sur cet animal si singulier.

Quelle étrange créature. Mais quelque chose me choque encore plus. Il y a quelqu'un derrière moi, dans le miroir. On dirait un faune. Il me regarde avec un léger sourire. Je me retourne alors pour le surprendre, mais il n'y a personne. Je suis pourtant sûr de ne pas avoir rêvé' Il était bien présent dans ce miroir. J'y plonge donc de nouveau le regard et il est toujours là, à attendre, adossé à l'une des colonnes.

-Tu en fais une drôle de tête, dit le faune.

Je suis tellement choqué que j'en tombe à la renverse. Je me retourne une nouvelle fois, mais il n'y a toujours personne. Mais quelle est cette sorcellerie ? Comment-est-ce possible ?

-A ton avis ? poursuit la voix.

Bon sang, je crois que je deviens fou.

-Calme toi, Myo. Prends une grande inspiration et ressaisis-toi. Ce n'est pas un simple faune qui va t'effrayer. Dois-je te rappeler, comment tu as fait face à un démon tout à l'heure ?

-Comment savez-vous tout cela ?

-Disons que je suis les yeux et les oreilles de ce bâtiment, me répond le faune sortant comme par enchantement du miroir.

Il est plutôt grand, je dirais un mètre quatre-vingt-dix. Il a une splendide chevelure et quatre grandes cornes sortant de sa chevelure brune, longue et bouclée. Seul un pagne brodé lui tient lieu de vêtement. Quand au reste de son corps, il est recouvert de poils de boucs. Heureusement, son torse l'est moins pour rappeler qu'il a quelque chose d'humain en plus de son visage.

-Je m'appelle Panaryal. Mais mes amis m'appellent Pan.

-Ravis de te rencontrer, Pan. Mais qui es tu, au juste ? je lui demande en continuant malgré moi à le dévisager.

-Moi, juste un faune.

-Mais comment as-tu fait pour arriver là ?

-C'est une longue histoire, mais je ne peux pas prendre le risque que l'on me découvre.

-Quoi ?! Tu as infiltré notre bâtiment ? Tu es un espion, je m'exclame sans savoir quoi faire.

-Non, non pas du tout. Évite de crier comme ça. Ecoute, le capitaine ne vous a pas révélé la vérité. Ici, tous ceux que tu vois sont vivants. Tous ont été capturé puis lobotomisé par le colonel Nieth.

-Ce ne sont pas des statues ou quelque chose dans le genre ?

-Non, pas du tout. Mes amis ont été capturé alors que nous ne faisions que nous abreuver à une rivière. Ce n'est que grâce à mon pouvoir que j'ai pu me cacher et suivre mes amis sans subir leur triste sort. En m'expliquant son histoire, Pan me montre de la main trois faunes en train de jouer d'instruments au bord d'un cours d'eau.

-Pourquoi les as-tu suivis ?

-Pour tenter de les aider. Cela fait presque 1 mois que je vis ici et que j'arrive par moment à sortir de cette salle pour essayer de trouver un moyen de sauver mes amis.

Je reste sceptique face à ce qu'il me raconte.

-Je ne comprends pas pourquoi vous me dites tout cela.

-Parce que je t'ai observé, Myo. Je pense pouvoir te faire confiance. Contrairement à la plupart des gens ici, l'ordre ne vous a pas encore totalement embrigadé. Vous arrivez encore à faire la part entre le bien et le mal. Mais il y a certaine personne ici qui n'en sont plus capable. Il faut que tu saches qu'il n'y a pas les bons contre les mauvais. Les choses sont infiniment plus complexes. Nous sommes arrivés dans une situation où les deux se côtoient et se marient tout en se faisant la guerre. Tu dois m'aider à sauver mes amis. Je t'ai observé et tu es le seul puisse nous venir en aide.

-Mais qu'est-ce que je suis censé faire ? Je ne suis qu'un simple soldat qui suit les ordres. Je n'ai pas de pouvoir au sein de l'ordre d'Artémis.

-C'est vrai, mais toi tu peux m'aider à sortir et m'accompagner jusque dans la forêt de Mindryel.

-Mais c'est formellement interdit de s'y rendre, c'est une forêt sacrée.

-Pour vous humains, oui. Cela permet aux fées et aux faunes d'y vivre sans être en danger.

-Des fées ? J'ai l'impression de ne pas du tout connaître mon monde.

-Et c'est le cas, Myo. Nous nous cachons des humains et pour vous nous ne sommes que des légendes et c'est mieux ainsi. Longtemps nous avons été chassé et traqué par tes semblables. Depuis, nous vivons reclus et en paix. Mais celle-ci ne durera pas si des gens comme le colonel Nieth ou le capitaine Tonka traque et capture des êtres dotés de conscience et d'émotions. C'est pour cela qu'il faut que tu m'amènes sans délai jusque dans la forêt.

-Bon sang. Me voilà dans de beaux draps. Je vois bien que tu as l'air sincère mais ce que tu me demandes est presque impossible. Je ne suis pas libre de mes déplacements.

-J'ai entendu tout à l'heure parler de permission.

-Oui, j'ai une journée par semaine où je peux partir voir ma famille.

-Parfait, on peut en profiter pour aller à Friosaelt.

-Je pensais plutôt revoir mes parents adoptifs mais oui c'est possible.

-Si tu m'aides, je t'en serai éternellement reconnaissant et mon roi aussi.

-Ton roi ?

-Oui, le seigneur Shajana. C'est lui qui règne sur la forêt de Mindryel et qui fait régner la justice au sein de notre peuple.

-Bon, écoute. J'accepte de t'aider, mais il te faudra attendre encore trois jours ici à l'abris et ensuite je viendrai te chercher. As-tu un moyen pour te mettre dans un petit miroir et me suivre caché dedans?

-Je peux faire mieux. A ces mots, il tourne la tête vers la gauche et il disparaît comme par enchantement.

Je regarde alors dans le miroir pour voir s'il y est retourné, mais rien.

-Je ne suis pas dans le miroir. Regarde plutôt dans l'œil de la fée devant toi. Je m'approche alors de la fée sur ma droite et je regarde dans ses yeux. J'y vois mon reflet mais aussi celui de Pan.

-Je peux me fondre dans n'importe quel reflet, y compris dans le blanc d'un œil. Il me sera donc aisé de faire de même avec toi et ainsi de rester cacher en restant à tes côtés.

-Astucieux. Mais d'où vient ce prodige.

-D'un Nuage Rose. Il y a de cela quelques mois, celui-ci a laissé tomber une pluie douce alors j'en ai profité pour me laver avec d'autres de mes amis. Malheureusement, cela nous a rendu très malade pendant deux jours puis après cela, près d'un quart des gens sont morts.

-Ils sont revenus à la vie ?

-Oui. Comment le sais-tu ?

-Il m'est arrivé la même chose, à mes amis et moi-même.

-Nos destins sont finalement encore plus étroitement liés que je ne le pensais.

-Il le semble en effet et j'accepte donc de t'aider. Je vais allez me reposer et nous nous reverrons dans trois jours. D'ici là, ne te fait pas remarquer.

-Pour cela, il n'y a pas de risque.

Et son reflet disparaît alors sans un bruit.

Je n'en attends pas plus pour sortir et réfléchir à ce que je viens de découvrir. C'est une nouvelle grave et qui fragilise un peu plus ma confiance dans l'Ordre d'Artémis. D'abord, notre manque de liberté d'action, puis les propos du capitaine Tonka et enfin ça. Cela fait beaucoup même pour moi. J'hésite à en parler aux autres. Cela pourrait les mettre inutilement en danger, pour l'instant, je vais faire comme si de rien n'était et puis j'aviserai.