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Prologue (4)

Le voyage se déroula sans anicroches. Le capitaine du canoë lui était aimable. Les vagues de la rivière étaient dociles tout le long du trajet. Les crocodiles étaient passifs et les vigiles de la porte du nord d'Okundé l'accueillirent chaleureusement.

Le bûcheron traversa la zone de contrôle et entra dans le village. Il mit la main dans la poche de son boubou blanc et en retira le papyrus enchanté. Il le rapprocha de ses yeux et pour son plus grand bonheur, l'image de la sublime demoiselle réapparut. Et comme la première fois, elle s'éclaircit et grossit jusqu'à ce que les traits de la belle inconnue devinrent identifiables.

Elle s'était couverte le corps avec la tenue traditionnelle et très prisée par les femmes de l'empire, le Kaba. Elle déambulait à travers les rues. Elle dépassa les boulevards Mobu, Madi, Kada et Sanka et arriva devant la grande statue de l'empereur, Sa Majesté Batang V, le cinquième dirigeant de la dynastie Batang.

Babida n'avait point reconnu les rues qu'empruntait la jeune demoiselle mais son attention fut captée lorsqu'elle s'arrêta devant le monument du monarque. C'était le plus célèbre de tout l'empire et il était situé nulle part ailleurs qu'au centre de la cité impériale, Ékulé.

"Quoi? Elle y vit donc?" S'exclama Babida totalement abasourdi.

"Je dois rentrer à Ékulé tout de suite," se résolut-il tout en se hâtant.

Il marcha en direction de la porte occidentale d'Okundé et de là il pénétra dans Ékulé par sa porte orientale.

Il avança et tomba sur une maison en bois qui lui semblait familière. Il avait le sentiment de l'avoir déjà vue quelque part mais ne s'en souvenait où quand soudain…!

"Une seconde! Le papyrus magique!" Cria-t-il en recouvrant la mémoire.

"Oui, c'est bien le chalet que je regardais dans l'image. C'est donc ici la cachette de la belle demoiselle," affirma le bûcheron.

Il allongea le cou et se mit sur la pointe des pieds pour guetter à l'intérieur de la maison mais elle était hermétiquement fermée. Il n'y avait point d'ouverture. L'élagueur interrompit son action et cogita sur ce qu'il devait faire ensuite. Il plaça les mains au niveau des hanches, baissa la tête légèrement et observa le sol sableux.

Puis, sans raison particulière, il se tourna et n'en crut pas ses yeux. Devant lui était planté un chalet identique à l'autre. Une maison jumelle. La seule différence était que la fenêtre était ouverte et il pouvait y apercevoir au loin des ombres mobiles.

Telle une grenouille, le bûcheron bondit au-dessus de la petite barrière. Et comme un escargot, il rampa en silence jusqu'à la fenêtre. Cependant, si haute qu'elle était, il ne pouvait pas espionner l'intérieur aisément.

Ainsi, il prit une brique qu'il posa par terre et contre le mur en planche, puis monta dessus.

Malheureusement, son surpoids accabla la pauvre brique qui se disloqua.

BAM! Le bruit assourdissant qu'il fit lorsqu'il se renversa et finit les quatre fers en l'air.

Sur ces entrefaites, une voix emplie de courroux, résonna.

"Encore vous, le bûcheron harceleur ?" Vociféra la belle demoiselle vêtue du fameux Kaba, débout et les jambes entre l'élagueur qui était plaqué contre le sol.

"Suzie, que se passe-t-il dehors ?" Une voix se fit entendre de l'intérieur du chalet.

"Grande mamie, c'est le bûcheron qui me terrifia l'autre jour dans la forêt lorsque j'y étais cherchée des champignons pour le souper du soir," décrit-elle à gorge déployée à la vieille dame.

"Pardon? Il s'est donc permis de mettre les pieds sur notre propriété ? Ah ça, non! J'accours lui appliquer une bonne fessée," dit grand-mère tout feu tout flamme.

Sans tarder, elle décolla son arrière de sa chaise en rotin et retrouva dans le jardin sa petite-fille et le bûcheron.

Au même moment, un homme sortit précipitamment de la maison jumelle en face et courut vers le trio.

"Suzie, quel problème y a-t-il, ma chérie ?" questionna-t-il alors qu'il sprintait encore.

"Oncle Bibi, regarde bien cet homme. C'est un bûcheron. Il ne cesse de me traquer. La dernière fois que je l'ai pris en flagrant délit, ce fut dans les bois d'Ékulé. Et aujourd'hui, il a osé franchir notre propriété. Il nous espionnait à travers la fenêtre en utilisant la brique que voici et à présent cassée," expliqua-t-elle au grand frère de sa feue mère.

"Attends un peu. Je dois être en train de rêver. Que quelqu'un me pince, s'il vous plaît!" Réagit oncle Bibi fort étonné par la découverte qu'il venait de faire et qui le poussa par ailleurs à enlever ses lunettes.