Partie 5 (2)

"Regarde mon oncle! Je ne l'avais jamais vu dans cet état enfantin," dit la jeune demoiselle Suzie à Babida qui en rit.

"Oh, oh! Il faut que je mette rapidement ces vêtements au soleil en espérant qu'ils sèchent dans les trois prochaines heures," déclara-t-elle ensuite en se souvenant tout à coup qui lui restait encore la lessive de son oncle à faire.

Elle rinça les habits du frère aîné de sa feue mère puis lorsqu'elle se mit à les suspendre au-dessus des plantes, l'oncle qui recouvrait sa jeunesse sortit enfin de l'eau.

"Que ça fait du bien de s'y baigner ! Je me sens frais comme à ma vingtaine d'années," confessa l'homme mi-âgé.

Il cueillit quelques feuilles de plantes et s'en servit pour faire un cache-sexe qu'il enfila après. Il remua ensuite ses hanches de manière circulaire en alternant à plusieurs reprises un rythme lent puis rapide.

Les mouvements de danse qu'il esquissait n'étaient rien d'autres que ceux de la danse folklorique de l'empire Batang : le Sambasiko.

Suzie contenait un fou rire latent mais lorsque son oncle, Bibi, fit son pas de danse spécial en ralentissant la gesticulation des côtes, puis en s'arrêtant de bouger tout court avant de reprendre en balayant le sable d'un mouvement abrupt du pied droit ; la jeune demoiselle éclata de rire au point où elle en eut des douleurs d'estomac.

"Mon Commandant, quelle grande performance artistique vous réalisez là ! Vous êtes un virtuose de la danse traditionnelle," Babida complimenta oncle Bibi qui le laissait sans voix.

"Okay ! Okay ! Ça suffit pour aujourd'hui! Ouf ! Il faut que je prenne une pause," s'exprima l'homme mi-âgé après son incroyable débauche d'énergie.

Il s'assit ensuite sur l'herbe et s'adressa aux fringants tourtereaux devant lui.

"Venez prendre une place près de moi, mes enfants !" Oncle Bibi invita sa nièce Suzie et Babida le bûcheron à le rejoindre et ceux-ci lui obéirent aussitôt.

"Eh ben ! Écoutez-moi maintenant avec la plus haute attention !" requit l'homme mi-âgé de ses plus jeunes compagnons.

Puis, il se mit à leur conter une histoire.

"Il était une fois un jeune homme de vingt ans qui était une force brute de la nature et vivait au village d'Ékulé. Il s'enrôla dans l'armée imperiale et en était très fier.

Seulement, après quelques mois à servir l'empereur avec dévouement, le soldat loyal se sentit triste car il était seul et n'avait pas d'épouse.

Un jour, il alla en mission à la province d'Okundé et un après-midi comme celui-ci, son frère d'armes, Rida, l'emmena en balade au marigot.

À leur arrivée, ils y trouvèrent deux sœurs sublimes qui avaient à peu près le même âge qu'eux et pêchaient des petits poissons à l'aide de paniers en rotin.

Les deux jeunes femmes avaient le faciès identique car elles étaient des jumelles. Toutefois, elles avaient différentes tailles et corpulences. L'une des sœurs était plus grande et plus mince que l'autre et fut courtisée par le soldat Radi.

La plus courte et la plus potelée des deux sœurs fit fondre le cœur du jeune soldat originaire d'Ékulé. Il tomba instantanément fou amoureux d'elle et l'invita constamment les après-midis au marigot où ils y passèrent des moments agréables ensemble jusqu'au coucher du soleil.

Et puis une fois, le jeune homme invita encore son amoureuse mais elle ne vint pas au rendez-vous. Et comme si l'esprit des déboires planait au-dessus de sa tête, le jeune homme avait choisi ce jour pour lui faire sa demande en mariage.

Il en eut le cœur déchiré et pendant des jours, il ne mangeait que très peu et ne dormait la nuit.

Puis vint la fin de la mission à Okundé et il lui fallut retourner à la cité impériale, Ékulé. Il regagna son régiment et depuis lors, il ne connut plus jamais le grand amour.

Cet amoureux malheureux est votre vieil oncle, Bibi, que voici." L'homme mi-âgé conclut son histoire.

Les deux tourtereaux, Babida le bûcheron et la belle demoiselle Suzie regardèrent l'oncle brisé, puis le tenèrent par chaque de ses bras pour lui manifester leur soutien.