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Partie 4 (4)

Pendant ce temps, la nuit tomba et le ciel devint sombre. Toutefois, la noirceur fut progressivement dominée par la lumière de la demi-lune qui apparaissait.

Babida se saisit de sa hache et alla à l'extérieur de sa tente. Il chercha la belle demoiselle Suzie et son oncle, et les aperçut de loin à l'esplanade du quartier général du gouverneur, près du jardin d'Okundé.

Les opérations d'aide d'urgence aux victimes des chauves-souris et de déblayage des lieux avaient cessé. Les compagnons du bûcheron étaient maintenant sur le point de dîner avec le reste des secouristes après des heures de travail sans relâche.

De généreux donateurs du village apportèrent de la nourriture aux troupes et aux civils bénévoles, parmi lesquels la jeune femme Suzie et son oncle Bibi, afin qu'ils récupérassent un peu de la débauche d'énergie qu'ils consacrèrent aux soins des blessés, au ramassage des corps des décédés et au nettoyage de la pelouse du jardin d'Okundé.

"Mes respects !" dit Babida à ses deux acolytes qu'il retrouvait.

Il fléchit ensuite les genoux pour occuper une place vide sur le long banc public en bois. L'élagueur s'assit à la gauche de Suzie tandis qu'oncle Bibi était affaissé à la droite de sa nièce bien aimée.

"Vous avez effectué un excellent travail aujourd'hui. Je suis persuadé que le gouverneur Kola 2 sourit depuis là-haut en vous voyant vous sacrifier pour les autres," confessa le bûcheron à ses deux compagnons.

"C'est vraiment impressionnant que tu n'aies aucune dent contre lui alors qu'il t'a injustement jeté en prison." Suzie mit en exergue le cœur de pardon du bûcheron et lui donna une pomme.

"Merci, mademoiselle !" lui déclara Babida qui prit le juteux fruit et le croqua.

"Alors les deux tourtereaux ! Avez-vous regardé le ciel ? Il y a une lune qui s'y est installée et c'est la première des trois pour la nomination du nouveau gouverneur par Sa Majesté Batang V." Oncle Bibi s'immisça dans la conversation.

Il rompit ensuite son pain plat qu'il combina avec des arachides grillées saupoudrées d'un peu de sel et mangea voracement l'appétissant mélange.

"Oui, plus exactement une demi-lune," lui répondit Babida.

Oncle Bibi avala la nourriture qu'il avait dans la bouche et exprima ses pensées profondes en montrant des signes d'inquiétude.

"En effet, ce n'est pas encore la pleine lune. Ce qui voudrait dire que si la nomination du gouverneur avait lieu aujourd'hui, elle se déroulerait sans la bénédiction des ancêtres. Espérons que la troisième lune sera belle et bien ronde," confia-t-il en sourcillant.

Suzie qui avait les yeux rivés vers le ciel, demanda : "Mais…et si l'heure de la nomination venue, ce n'est pas la pleine lune ?"

La pertinence de l'interrogation de la belle demoiselle gela le sang de son oncle, ainsi que celui du bûcheron à tel point qu'ils perdirent momentanément la voix.

"Attends de voir! Attends de voir!" s'exprima quelques instants après oncle Bibi qui vainquait sa paralysie et recouvrait la parole.

Il conjura ensuite en silence les ancêtres pour qu'ils leur accordassent leur protection.

"Très bien ! Finissons rapidement notre dîner et allons nous coucher !" ajouta-t-il enfin.

Suzie prit une rondelle de pain plat et un avocat qu'elle passa à Babida, puis récupéra pour elle-même des arachides grillées émaillées de sel auprès de son oncle.

Les deux grands hommes avalèrent tout ce qu'ils avaient et se partagèrent même les restes de la belle demoiselle Suzie qui avait cultivé l'habitude de manger très peu afin de conserver sa mince silhouette. 

Et enfin, la jeune femme ôta la tête d'une noix de coco qu'elle offrit à son oncle. Elle décapita une deuxième pour le bûcheron, puis une troisième qu'elle s'arrogea. 

Les trois compagnons portèrent un toast en l'honneur de leur remise en liberté en cognant la couche dure de leurs fruits de palmier l'une à l'autre. Et comme un orchestre musical bien huilé, ils buvèrent d'un trait et en synchronie le liquide sucré à l'intérieur.

"Il est temps que nous nous en allions d'ici," déclara oncle Bibi en se levant du banc, sa noix de coco en main.

"Viens avec moi Suzie," ordonna-t-il ensuite à sa nièce qui avançait vers Babida.

Elle tapota l'épaule droite de l'élagueur et lui susurra : "Bonne nuit, combattant qui ne craint rien! On se voit demain, puissent les ancêtres nous faire grâce.

"Bonne nuit, Mon Commandant !" s'exclama Babida à l'endroit de l'oncle Bibi alors que sa belle nièce Suzie revenait vers lui pour qu'ils s'en allassent.

Les deux compagnons du bûcheron l'abandonnèrent sur l'esplanade du quartier général du gouverneur et arrivèrent au centre d'Okundé, lequel était enseveli dans une ambiance morose à la suite du tremblement de terre et de l'attaque des chauves-souris meurtrières.

Les rues sableuses étaient vides alors que d'habitude à pareille heure, aux alentours de minuit, les résidents n'en finissaient pas de les parcourir sans but précis. Les mélomanes qui la nuit tombée battaient leurs tambours et jouaient des mélodies envoûtantes, n'étaient pas non plus là.