Ylesse - Signal de détresse.

« L'armée a pris d'assaut la salle des enchères ! » S'écria un homme.

« Dépêchez-vous de déplacer la marchandise ! » s'écria un autre.

Depuis quelques minutes, une certaine agitation régnait dans les couloirs sous-terrains de la salle d'enchères clandestine.

Et même Pavas pouvait comprendre que la situation était vraiment devenue critique.

« Brûlez les livres de commandes ! » Ordonna une voix.

« Occupez-vous de les retarder ! » Cria une autre personne.

Les voix étaient tellement déformées par les cris, que Pavas ne pouvait même plus discerner les hommes des femmes.

Jusqu'à présent, elle avait été maintenue enfermée dans la cage où elle se trouvait, attendant le terrible destin qui serait bientôt le sien. Mais depuis que les adultes s'étaient mis à courir de partout et à hurler, elle savait qu'ils risquaient de venir la chercher, pour l'emmener avec eux.

Et s'ils parvenaient à l'emmener avec eux, elle disparaîtrait sûrement pour toujours. Sans jamais revoir Ewan, avec son sourire chaleureux. Ni son cheval, avec le poil rêche et doux à la fois. Ni… Cette chose effrayante.

Non, même si cette chose lui faisait peur, elle préférait encore devoir lui faire face, plutôt que d'être vendue à des gens qu'elle ne connaissait pas, et servir de cobaye ou d'esclave.

Elle n'était peut-être pas aussi âgée qu'Ewan, mais elle savait déjà ce que voulaient dire ces mots.

Elle savait la gravité de ces mots, et la misère et la souffrance qui les accompagnait.

Aussi, c'est avec anxiété et désespoir qu'elle observait depuis sa petite prison des silhouettes aller et venir devant la porte ouverte de la pièce, rendues floues par leurs mouvements rapides et chaotiques.

Elle espérait réellement qu'aucun adulte ne viendrait la chercher. Elle ne voulait pas aller avec eux.

Aussi, elle serra avec force le coquillage qui se trouvait dans sa poche, priant pour que quelqu'un vienne la sauver. Qu'Ewan, vienne la sauver. Elle ferma même les yeux un instant, et les rouvrit, espérant que cela ferait réapparaître le jeune homme devant elle.

Mais… Rien du tout.

Il n'y avait personne. Pas de jeune chasseur, ni d'officier militaire, ou de gros cheval aux pattes épaisses. Pas même de dragon argenté. Bien que ce dernier n'aurait sûrement pas pu rentrer dans une pièce aussi petite.

Et toujours la même agitation en dehors de la pièce. Elle commençait même à entendre le bruit d'épées s'entrechoquant, signe que des combats féroces se rapprochaient de sa position.

Peut-être que quelqu'un viendrait la sauver, après tout.

Oui, quelqu'un viendrait la sauver.

Et comme pour répondre à ses prières, une silhouette s'arrêta devant l'encadrement de la porte. Un homme dont elle ne pouvait voir le visage, éclairé de dos par les lampes du couloir.

Enfin !

Elle était soulagée, et allait enfin pouvoir sortir de cette cage.

Et la première chose qu'elle ferait en sortant, serait d'aller chercher Ewan. Elle parlerait autant qu'il voudrait, du moment qu'il la laisserait rester avec lui.

Elle aurait tellement mieux fait de parler, au lieu de se terrer dans le silence comme elle l'avait fait. Comme ça, il ne l'aurait pas remis à ces mauvais adultes !

Avec appréhension, elle vit la silhouette entrer dans la pièce et s'approcher…

Et constata avec horreur qu'il s'agissait d'un de ses geôliers.

Avec un regard mauvais, le type chercha dans une de ses poches de pantalon, et en sortit un trousseau de clés.

Il allait la faire sortir, mais pour l'emporter avec lui.

'Non !' Pensa-t-elle, paniquée.

L'homme s'approcha de la cage pour l'ouvrir, et elle saisit cette occasion pour lui donner un coup de pied à travers les barreaux.

Mais avec sa force d'enfant, elle ne fit qu'effleurer le bras musclé, et se retrouva allongée par terre, tenue par le pied.

« Qu'est-ce que tu crois faire, toi ? » Sourit avec malice l'homme barbu. « Tu vas venir avec nous, vu que tu es une marchandise de premier choix ! »

Elle tenta de se débattre pour libérer son pied, mais la grosse main de l'homme la tenait fermement. Et pendant qu'elle luttait, la porte de la petite cage avait été ouverte, et elle avait été traînée sur le sol en pierre de la pièce.

L'homme approchait à présent de sa tête un sac en toile, sûrement pour l'y enfermer.

Mais si elle devait disparaître aujourd'hui, elle ne le ferait pas gentiment.

Avec un réflexe fulgurant, que seule une situation de vie ou de mort aurait pu déclencher, elle se redressa rapidement en avant vers l'homme, et mordit violemment la main qui tenait le sac.

Le sac tomba silencieusement au sol, et relâchant sa prise sur la main épaisse de l'homme, Pavas cria.

« EWAN ! »

L'homme, lui, hurla de douleur en même temps ; et dans sa rage, projeta la petite fille contre une autre cage déjà vide.

« Tu vas me le payer, saloperie ! » Cria-t-il. « On m'a dit de t'amener vivante, mais je suppose que quelques dents en moins ne se verront pas ! »

Avec ces mots menaçants, il sortit un couteau, et s'avança dangereusement de la petite fille restée au sol. Il avait clairement annoncé ses intentions, vraisemblablement pour la terrifier encore plus. Et cela avait fonctionné.

Elle était coincée, et ne pouvait pas reculer plus, son dos s'enfonçant dans les barreaux froids de la cage en métal juste derrière elle. Et elle était morte de peur. Peut-être même autant que la nuit où ses parents avaient péri.

Non, après réflexion, ce n'était pas aussi terrifiant que cette nuit-là. Ce qui s'était passé cette nuit, elle n'avait rien pu y changer. Tout simplement parce que les évènements étaient bien trop terribles et avaient dépassé le simple stade de problème pouvant être résolu. C'était quelque chose que les humains ne pouvaient pas combattre.

Mais contre un autre humain ? Non. Elle n'avait pas peur. Enfin, si. Mais beaucoup moins que la nuit où ses parents étaient morts. Et beaucoup moins qu'au moment où elle avait failli mourir avec le jeune chasseur. Elle n'avait pas peur.

Mais déjà, l'homme menaçant tendait le bras droit vers elle, prêt à l'attraper dès qu'elle relâcherait son attention.

En fait, elle avait peur. Vraiment peur. Peu importe qu'elle ait plus ou moins peur que les autres fois. Parce que la peur avait toujours la même terrifiante intensité, quand on la subissait.

On pouvait faire le brave et dire qu'on avait pas peur, oui. Mais c'était se mentir à soi-même.

En revanche, même si avoir peur pouvait paraître honteux, ça ne devrait jamais empêcher qui que ce soit de demander de l'aide.

Alors, elle se mit à espérer. À espérer que quelqu'un l'ait entendue crier, quelques minutes plus tôt.

'Que quelqu'un vienne m'aider...' Pensa-t-elle de tout son cœur. 'N'importe qui...'

Oui, n'importe qui ferait l'affaire, tant qu'elle pourrait sortir de cette situation.

Et au moment où le bras allait l'atteindre, une lame surgit des ténèbres et fendit l'air, provoquant une éruption de sang juste devant ses yeux.