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La Cité Troglodyte

Le petit groupe échangea des formalités avec le général avant de se retirer. Cependant, au lieu de retourner à leur dernier logement, ils se dirigèrent en direction des écuries.

En effet, il fallait compter plus de trois jours de trajet à cheval pour se rendre à Myr Khandur. Ne souhaitant pas perdre inutilement du temps, ils se décidèrent unanimement à s'élancer dans ce voyage dès aujourd'hui.

Chacun sur son cheval, ils s'élancèrent en direction du nord. Ils traversèrent le canal des apôtres, un fleuve en partie artificiel, depuis un pont qui l'enjambait.

Ce canal était la principale route de commerce entre Myr Khandur et Ophélia. De nombreux navires le traversaient chaque jour, délivrant vivres et spécialités de marbres dans un sens, et biens technologiques et décoratifs dans l'autre.

Il s'agissait d'une coopération et d'un accord commercial vital dans les deux sens, notamment pour Myr Khandur, qui ne disposait que de très peu de terres fertiles de par sa proximité avec l'Antique Champ de Pierres, une zone désolée au sud de la région qui accueillait d'innombrables créatures aussi agressives que mortelles. Sans compter que les nains étaient bien plus dévoués à l'artisanat et l'ingénierie qu'à l'agriculture.

A l'entrée de la Ville Sainte, ce canal était enjambé par un pont basculant de plus de quatre-vingt mètres de long, une prouesse technologique accomplie par les mêmes nains de Myr Khandur, qui souhaitaient utiliser des navires de plus en plus imposants afin de répondre à leurs besoins grandissants.

Constitué dans son intégralité de marbre, de bois et d'un peu d'acier renforçant la structure, son design contemporain mais toutefois élégant s'inscrivait surprenamment bien avec l'esthétique plus ancienne du reste de la ville, bien que de ce pont seuls les murs en étaient visibles.

Une fois le pont traversé, le petit groupe continua sur la route menant au nord. Cette route longeait le canal des Apôtres qui menait à Myr Khandur, qui se situait sur la rive gauche du canal, près de sa source.

La route qui séparait les deux villes était bien mieux entretenue que celle menant à Hortux. Même si les deux avaient la même fonctionnalité et étaient principalement des routes commerciales, celle-ci menait à un autre pays.

Le Pape, malgré tout à la tête du royaume, accordait beaucoup d'importance à la diplomatie et à l'apparence de celui-ci.

La qualité des routes n'apportait pas que des avantages esthétiques, mais permettait également d'améliorer le trajet, que ce soit au niveau du temps tout comme en matière de confort.

Cela permettait de réduire les temps de trajet de manière conséquente : au lieu de quatre jours, seuls trois suffisaient.

De plus, de nombreux petits villages jonchaient le cours d'eau, et les auberges qu'ils accueillaient permettaient aux nombreux voyageurs et commerçants de se reposer entre les longs jours de voyage.

Pour Ophélie, Tahrren, Andréa et Eiji, rien ne vint perturber leur voyage. Ils arrivèrent trois jours plus tard comme ils l'eurent prévu.

Contrairement à Ophélia, Myr Khandur n'était pas entourée de murs. En réalité, elle n'en avait pas vraiment besoin. Située au pied des Montagnes Pâles, entre le massif du Mont Herkemiel et la Crète Rocheuse, la ville était elle même bâtie dans la roche.

La plupart des habitations y étaient vieilles de plus de mille ans. Personne ne se souvient vraiment de comment les premiers nains étaient arrivés là.

Mais durant ces milliers d'années, les nains ont continué à creuser et ont construit de nombreuses galeries. Si bien qu'actuellement, une personne étrangère se perdrait facilement dans ces allées labyrinthiques qui couvraient plusieurs dizaines de kilomètres sur plusieurs étages dans la montagne.

Myr Khandur surprenait par bien des aspects. Si Ophélia était reconnue pour ses impénétrables murs de marbre, cette cité se distinguait par ses impressionnantes arches de pierre qui s'élançaient dans le ciel, abritant le port ainsi qu'un marché à ciel ouvert où des marchandises du monde entier étaient mises en vente.

Ces arches faisaient directement face à la ville troglodyte, dont la façade était directement sculptée dans la roche, décorée de centaines de sculpture entre les grottes et embouchures représentant en partie l'histoire des nains de Myr Khandur tels les vitraux d'une église.

Les plus anciennes se situaient à proximité du sol, du côté nord en direction du Mont Herkemiel, juxtaposant le Canal des Apôtres et notamment la chute des anges, l'une des plus impressionnantes cascades du continent. C'est là que la ville était née.

Enfin, au fur et à mesure que l'on remontait les yeux, plus récentes étaient les sculptures, au rythme du creusage des nains. Encore aujourd'hui, là-haut, à plusieurs centaines de mètres du sol, des sculpteurs aguerris travaillaient la roche blanchâtre, la transformant en l'une des plus surprenantes œuvres d'art.

Eiji ne s'était jamais autant senti aussi petit, face à de telles disproportions. Ninakami était une cité au moins aussi vieille, mais jamais eut-elle été aussi imposante.

Mais cela pouvait aisément s'expliquer : une maison peut être détruite puis rebâtie, en revanche, chaque coup de pioche dans la pierre était définitif.

Ce qu'il voyait-là était le travail de milliers de nains durant des milliers d'années. Ce n'est seulement maintenant qu'il comprit la raison poussant Tahrren à vouloir recruter les nains dans son alliance à ce point. Il s'agissait d'une espèce remarquable !

Le petit groupe se retrouvait maintenant face à la façade, sous les arches, en plein milieu du marché ouvert.

Bien qu'il fît pâle figure face au marché de Ninakami, qui était pratiquement le seul moyen de commercer dans la capitale Higashito, le marché était quand même noir de monde. On y voyait aussi bien des nains que des humains. Comme partout dans la région, les autres races se faisaient plus rares, et il était peu commun de rencontrer un elfe ou un géant, bien que ces derniers peinaient à se faire discrets face aux autres races.

Bien qu'ils s'adonneraient volontiers au tourisme, ils savaient qu'ils n'en avaient pas le temps. Cela faisait peut-être sept cent ans que le Pape était à la tête d'Ophélia, mais son étau se resserrait chaque jour de manière exponentielle. Les routes étaient de plus en plus dangereuses et, bien qu'ils n'eussent eu même aucune mauvaise rencontre au cours de leurs trois derniers jours de voyage, de nombreux marchands perdaient la vie en sillonnant la région.

Ils accélèrent inconsciemment le pas, avec Eiji et Tahrren menant le rythme. Lorsqu'ils arrivèrent en face de l'entrée principale de la ville, ils s'en remirent à Andréa pour le guider.

"Comment pouvons-nous rencontrer le roi, Andréa ?" demanda Tahrren.

Le nain se mit à rire à gorge déployée à ces mots.

"Voyons, ce n'est pas si simple de rencontrer un roi. Surtout un roi nain dirigeant d'une des cinq plus grandes cités naines !"

Voyant ses camarades passablement irrités, il agita ses mains, essayant de les rassurer.

"Ne vous en faites pas, j'ai dit que je pourrai vous avoir une audience, et je n'ai pas menti. Je n'ai pas de relations avec le roi, en revanche, je suis bon ami avec l'un de ses conseillers. Et si je lui explique la situation, il n'aura d'autres choix que de nous obtenir une audience avec le roi, et au plus vite ! Bref, suivez-moi. La ville est immense, mais il ne devrait pas être très loin."

Ils suivirent Andréa au travers de l'allée principale du rez-de-chaussée de la ville. Le travail y était impressionnant : plutôt que de petites allées, c'était de grands couloirs qui furent creusés à même la roche. Au centre, l'allée principale s'apparentait davantage à un gigantesque dôme. C'en était presque à se demander comment un tel ouvrage ne s'était pas effondré après tant de siècles d'histoire.

Andréa n'avait pas menti : après avoir marché quelques minutes sous ce dôme illuminé par d'innombrables torches dont les ombres vacillaient élégamment sur la roche, ils empruntèrent une plus petite ruelle. Bien que celle-ci était beaucoup plus petite que l'allée principale, il n'y avait pas moins de monde. En réalité, la sécurité y était même décuplée.

"Voici notre centre de sécurité. Bien que Myr Khandur ne possède pas d'armée à proprement parlé, nous avons nos propres soldats qui garantissent la sécurité au sein de la ville."

Ils entrèrent tous les quatre dans un bâtiment finement taillé dans la roche. Les formes étaient surprenamment lisses et droites, tandis que le bâti était large mais relativement bas, bien que cela pouvait être considéré comme étant d'une taille convenable pour des Nains.

A l'intérieur, de nombreux bureaux, tantôt de bois, tantôt de roche, étaient illuminés par des torches. De nombreux nains travaillent le papier et l'encre, conservant diverses informations relatives à des événements liés à la sécurité de la ville dans de magnifiques dossiers. Eiji ne pouvait s'empêcher de comparer le processus à celui de sa ville natale. Bien que ses bureaux étaient plus grands, il était rare pour lui de travailler avec le papier. Seuls les généraux et les commandants les plus prestigieux avaient ce privilège.

Andréa s'approcha d'un des hommes assis à un bureau. Celui-ci avait tout d'un nain : trapu et de petite taille, sa barbe élégamment taillée et ses longs cheveux de feu contrastaient avec ses vêtements d'un cuir vieilli et visiblement mal entretenu.

"Salut, camarade. Je souhaiterai parler au commandant. Sais-tu où il se trouve, actuellement ?"

Interpellé dans son travail, le nain se tourna vers Andréa, passablement irrité.

"Et qui êtes-vous pour le demander ?"

Andréa frotta son menton nu, légèrement souriant.

"Je suis Andr-"

"Andréa !" cria quelqu'un derrière lui, le coupant dans sa présentation. La voix rauque avait résonné dans tous le bâtiment, si bien que pratiquement tout le monde dans la salle s'était retourné vers eux.

Cette fois-ci, un autre personnage barbu s'approchait de lui. Mais celui-ci était beaucoup plus amical. En fait, si amical qu'il s'approcha et lui donna une tape sur l'épaule.

Lorsqu'Andréa reconnu la personne qui l'avait interrompu, il sourit et se mit à rire de bon cœur.

"Nom d'un troll, Ignar, c'est bien toi, gamin !"

Ignar se mit à rire à son tour.

"Gamin, tu parles ! J'ai bientôt quatre-vingt-dix ans je te rappelle !"

"Haha, cela faisait si longtemps que je ne t'avais pas vu. Aller quoi, ça fait deux, trois ans ?"

Ignar bouscula légèrement le vieux Andréa.

"Ça va faire six ans, vieux débris !"

Ils rirent tous les deux en cœur.

"Ignar, je te présente mes camarades." Dit Andréa. "Nous venons d'Ophélia et nous apportons malheureusement de mauvaises nouvelles. Nous devons urgemment voir ton père. Où se trouve-t-il ? Cela concerne la sécurité de toute la région."

Ignar fit signe à tout le monde de s'approcher.

"Je m'appelle Ignar, fils d'Agzör. Si vous êtes les amis du vieil Andréa, alors vous êtes les miens. Suivez-moi, je vais vous amener voir mon père. Il est à l'étage actuellement."