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chapitre IlI

Je souris simplement, puis m'excuse avant de partir à la recherche de Dame Agathe. Je me suis perdue quelques fois avant de retrouver le salon, et heureusement, elle était bel et bien là, assise sur un canapé, un livre en main.

- Bonsoir, madame !

- C'est maintenant que vous arrivez ?

- Oui, j'ai eu un souci en cours de route, veuillez m'excuser, madame.

- Peu importe, c'est la dernière fois que vous arrivez en retard, c'est clair ?

- Oui, madame.

- Bien, la petite dort déjà et le petit, je pense qu'il doit être réveillé, allez vérifier et donnez-lui son lait.

- D'accord, madame. C'est tout ?

- Oui, pour le moment vous pouvez disposer.

Je ne répondis rien, puis partis dans la chambre du petit William. Il était allongé dans son berceau. Je me rapprochai un peu plus de lui et vis quelques larmes séchées sur ses jolies joues.

- Tu as pleuré, mon bébé ? Pourquoi ?

À peine l'avais-je touché qu'il se réveilla en pleurant. Je l'ai pris dans mes bras pour essayer de le calmer, mais rien n'y fit.

- Tu dois avoir faim, mon bébé.

Je suis allée en cuisine avec lui dans mes bras, il n'arrêtait pas de pleurer, pour lui préparer son lait.

- Vous pouvez m'aider, s'il vous plaît ? demandai-je au chef qui était toujours dans sa cuisine.

- Oui, bien sûr.

Il m'aida à préparer son lait. Je lui donnai à boire, mais il refusait de boire.

- Mais pourquoi il pleure autant ?

- Je ne sais pas, je pense qu'il faudrait appeler un médecin, il commence à avoir de la fièvre ! dis-je, un peu paniquée.

- D'accord, je vais envoyer chercher le médecin. Pendant ce temps, essayez de le calmer, s'il vous plaît !

- Oui, dis-je en retournant avec lui dans sa chambre.

- Calme-toi, mon cœur, je sais que tu as faim, mais pourquoi tu ne veux pas boire ton lait ?

Après un long moment qui me semblait une éternité, le médecin finit par arriver, et son diagnostic ? William avait faim, et la seule option était de le nourrir au sein.

- Mais où allons-nous trouver une femme qui allaite en pleine nuit ? En plus, on ne connaît personne dans notre entourage qui a un nouveau-né ! se plaignit Dame Agathe.

- Je connais une femme qui pourrait l'allaiter, mais elle vit loin d'ici, dit le docteur.

- Peu importe, docteur, on fera ce qu'il faut !

- Dans ce cas, je vous donne l'adresse avec un mot de ma part.

Tout le monde s'activait pour trouver une femme qui allaite, pendant ce temps le bébé pleurait toujours. J'avais le cœur meurtri en le voyant pleurer ainsi, il me rappelait...

- Ne t'inquiète pas bébé, tu vas manger, dis-je en le prenant dans mes bras.

Je me mis sur le fauteuil à bascule, puis sortis l'un de mes seins que je mis dans sa bouche. Il se mit automatiquement à aspirer le lait.

- Tu avais vraiment faim, dis-je en souriant.

Pendant qu'il tétait, je lui chantais une chanson que ma grand-mère me chantait quand j'étais petite pour m'endormir.

- Dors, dors petit oiseau, ferme les yeux et vois les nuages, dans ton rêve tu verras des milliers de nuages toutes douces comme la laine. Danser sous les étoiles autour du feu, tes petits pieds bougeant au rythme de la musique, une douce nuit tu auras...

À peine finissais-je la chanson que la porte s'ouvrit sur nous.

- Mais qui êtes-vous ? me demanda un homme que j'arrivais à peine à distinguer à cause de la pénombre.

- Je suis la nourrice des enfants Campbell, répondis-je en essayant de retirer mon sein de la bouche du petit.

- Pourquoi êtes-vous dans le noir ? questionna-t-il en bougeant de sa place.

Je pense qu'il voulait allumer la lumière, je me dépêchai de retirer mon sein de la bouche du petit, mais il ne semblait pas être d'accord, du coup il se mit à pleurer.

- Donnez-moi mon fils !

C'est donc lui, Monsieur William Campbell, le propriétaire du manoir et père de ces adorables enfants. Je pus le détailler de plus près grâce à la lumière, il était grand, brun avec des cheveux d'un noir corbeau.

- Oui, prenez-le, dis-je en voulant lui donner le petit.

- Pourquoi il pleure comme ça ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Il a faim, monsieur.

- Donnez-lui donc à manger ! dit-il en me le rendant.

- C'est que... il doit être allaité, monsieur.

- Comment ça ?

Je lui racontai tout ce que le docteur avait dit, plus je parlais, plus il fronçait les sourcils.

- Qui êtes-vous ? me demanda-t-il subitement.

- Je suis la nourrice de vos enfants.

- Bien, pourquoi il ne pleurait pas quand je suis rentré ?

Je ne savais pas quoi répondre.

- Parce que vous m'avez bien dit qu'il n'a pas arrêté de pleurer jusqu'à maintenant... il s'est peut-être endormi ? Chantez-lui donc la chanson que vous lui chantiez, apparemment ça le calme.

Comment lui expliquer qu'il ne pleurait plus non à cause de la chanson mais plutôt parce qu'il était en train de manger ?

Qu'est-ce que j'allais pouvoir bien lui dire ? Monsieur, votre fils avait arrêté de pleurer parce que je lui donnais le sein ? Il n'en est pas question, il est probable que je me fasse virer après juste une journée de travail, et j'avais vraiment besoin de ce travail, toute ma famille en dépendait. Seigneur, aide-moi, que devrais-je répondre ?

- Je...

- Allez-y, entrez ! entra brusquement Dame Agathe avec une dame que je ne connaissais pas.

- Ah, monsieur, vous êtes là !? Elle semblait surprise un moment, puis se ressaisit rapidement.

- Je vous présente Madame Laure, elle est ici pour allaiter le bébé, dit-elle posément.

Elle semblait si différente à l'heure actuelle ou c'est moi qui vois mal ?

- Comment ça ? demanda le maître des lieux d'une voix grave et douce à la fois.

- Au fait, monsieur, c'est ce que je vous expliquais tout de suite ! intervins-je.

Mais pourquoi ai-je fait ça ? Pourquoi ne pouvais-je tout simplement pas me taire ? Peut-être parce que je trouvais inutile qu'elle se remette à raconter ce que j'avais dit, c'était une perte de temps et le petit William avait toujours faim.

- Quelle impolitesse ! De quel droit vous permettez-vous d'intervenir dans une discussion qui ne vous concerne pas ? demanda Dame Agathe, le regard méchant.

- Je suis désolée mais le bébé meurt de faim, et j'avais déjà expliqué la situation à monsieur... Il semble avoir une mémoire de poisson, murmurai-je à moi-même.

- Une mémoire de poisson ? répliqua le patron avec un sourire au coin des lèvres.

C'est pas vrai, ils m'ont vraiment entendue ? J'en eus la confirmation en voyant la tête presque décomposée de Dame Agathe et Madame Laure qui souriait en cachette. C'est bon, là, je vais me faire virer, c'est sûr maintenant.

- Non mais...

- Agathe, mon fils ne tient plus en place dans mes bras, prenez-le et donnez-le à allaiter.

- D'accord, monsieur, répondit-elle en devenant toute gentille d'un coup.

Elle est vraiment différente quand c'est le patron qui lui parle, elle semble redevenir une jeune fille toute douce et éprise de son ami. C'est ridicule ce que je dis, je sais, mais c'est son comportement qui laisse penser ça. Ce n'est pas possible qu'elle soit amoureuse du patron, elle a l'air beaucoup plus vieille que lui, mais en amour, c'est une autre histoire.