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Qui se souviendras de moi ?

Une peur nouvelle. Inconnue...mais violente...Violente à un degré qui fait vaciller l'être et qui s'enracine au fur et à mesure que l'on prenait conscience de la gravité de ce que l'esprit refusait d'admettre.

C'est une subjection insidieuse qui pénètre les pensées et provoque un déni instinctif, une résistance désespérée face à une réalité terrifiante.

Car ce récit était horripilant, révélant une vérité dérangeante et déconcertante.

Mais était-ce la vérité ? Une vérité ? Ou le fruit d'une certitude entachée d'un demi-mensonge ?

Et malheureusement, cette peur persistante ne trouva aucune issue claire, laissant la jeune femme à présent en sueures , dans l'attente anxieuse de la suite des événements.

Les mains tremblantes Siya repositionna son dos glissant à la surface lisse du bois contre la porte de sa chambre dans un effort de maintien de ses forces. De sa rectitude.

Car elle n'était qu'à mis-chemin du récit sombre ou elle avait l'impression de vivre elle-meme les faits comme plongée dans une transe infinie, une terrifiante projection.

L'encre noire lui semblait se mélanger avec les battements précipités de son propre cœur. Chaque mot écrit ressemblait à une empreinte douloureuse, accentuant son malaise grandissant mais elle continua malgré tout...et contre tout.

Des cordes vocales lacérés à force de cris réprimés et de mots non exprimés.

Lorsque l'homme ou plutôt la bête...ou la créature de l'enfer se jeta sur moi. Je ne pu taire ma douleur et mes hurlements se déchainèrent dans un ultime élan de survie.

Mes cordes vocales lacérées, déjà meurtries par le silence, se brisèrent sous la force de mes cris, révélant la terreur qui m'envahissait. Dans cet instant de confrontation avec l'abomination, mes mots trouvèrent enfin leur libération, portant avec eux toute ma détresse et ma résolution à lutter contre cette créature venue tout droit des profondeurs de l'enfer.

"Qui etes-vous ?! Mon Dieu par pitié !!" je me rappelais crier à m'en tordre le cou.

C'est presque comique qu'un viel homme comme moi face à la mort trouve encore en lui la force de rugir comme un lion blessé. Mes hurlements, mélange étrange de peur et de détermination, résonnèrent dans l'air chargé de danger.

Dans cette confrontation avec la mort imminente, l'ironie de la situation s'imposa à moi : un vieil homme comme moi, avançant déjà sur le chemin de la fin, défiant la créature infernale comme s'il avait une chance de gagner face à la mort elle-même.

Mais c'était précisément cette ironie qui m'insufflait une lueur d'espoir, un dernier éclat de vie, car même face à la mort, il y avait en moi cette étincelle indomptable qui refusait de s'éteindre. Un espoir de continuer d'entendre mon cœur battre, de ressentir chaque pulsation comme un rappel vibrant de ma propre existence.

Et malgré mes cris je pu déceler un rire de sa part. Ma vue était embrumée par mes propres larmes salés mais je pu déceler le rire de la créature accompagné d'une voix métallique parlant notre langue, étrangement, comme s'il l'avait apprise en étant jeune. Le produit de sa propre déception...

Ce rire démoniaque, mêlé à cette voix cauchemardesque, amplifiait encore davantage ma terreur. Mes larmes salées brouillaient ma vision, mais elles ne parvenaient pas à étouffer le son glaçant qui pénétrait mes oreilles. Dans cet instant de vulnérabilité extrême, j'eus l'effroyable certitude que la créature prenait plaisir à ma détresse, à ma lutte désespérée pour la survie.

Et puis il me répondit avec simplicité, des paroles à jamais gravés.

"Socole, vieux mortel. Rappelles toi de mon nom, car il sera ton dernier souffle.

Rappelles toi de l'aurore craintive, du sort des destinées, quand la souffrance, le chagrin et l'exil et les années ont flétris des coeurs desespérés.

Rappelles toi car tu sauras à présent la douleur de l'absence d'un cœur comprimé à jamais. "

Les sueurs froides de la jeune femme s'écoulaient le long de sa nuque comme des flots déchainés, trempant presque entièrement sa robe. Chaque goutte de sueur glissant le long de sa peau était une manifestation physique de l'angoisse qui la consumait. Mais elle continua toujours malgré tout...contre tout.

Et puis je ne saurais raconter la suite car ce fut le néant. Après le déchaînement de la douleur il n'y a que le silence, l'absence de mots véritables pour décrire ce qui a suivi.

Car après l'engloutissement dans les ténèbres, tout fut plongé dans le néant.

Lorsque je pu enfin regagner mes esprits, une dizaine de mirabelliens du marché d'Acra m'encerclaient dans des murmures. L'un d'eux à mon chevet à même le sol ou je me trouvais avachie à demi conscient avait à sa disposition de nombreux petits sacs d'herbes et de flacons.

Il sourcillait un peu...ou beaucoup comme s'il s'inquiétait, son pouce mesurant mon poul.

Puis au fur et à mesure que les minutes passaient, il devint de plus en plus alarmé.

Mais je ne lui laissa pas une seconde minute de répit ni à moi-même car je me releva sans trop de trouble ni souffrance comme si mes articulations et ma force passée avaient rajeunis d'au moins dix ans, mais mon esprit traumatisé et toujours affolé était en quête de réponses...

Les jours qui suivirent j'alternais entre des instances d'extrême fatigue et d'extrême agilité et force. Des jours d'extrême euphorie et des jours d'extrême tristesse. Je me demandais ce qui m'arrivait, ce qui pouvait expliquer ces fluctuations extrêmes qui semblaient prendre le contrôle de ma vie. Étais-je victime d'une force mystérieuse qui manipulait mes états d'âme après l'horreur vécu ? Les réponses me semblaient insaisissables, enfouies dans les méandres de mon esprit troublé. Je savais seulement que quelque chose d'inhabituel, de profondément perturbant, se déroulait en moi, remettant en question mon identité et mon équilibre.

Plusieurs fois je fus tenté de revenir à l'endroit ou le cauchemar avait débuté. Pour m'assurer des faits ayant pris place. Mais je n'eus pas le courage. Le produit d'une lâcheté d'un manque de bravoure ou d'une peur trop importante ?

Il m'arrivais des nuits de le revoir. Le visage sanglant du monstre. Le regard vulnérable mais passif de la jeune blonde...de son cou dévoilé...de son sang déversé dans les eaux profondes du fleuve Sayr...de mes cris...de sa voix métallique...d'encore mes cris...de cette nature sauvage... de cette folie sourde.

Car comment expliquer mon réveil au milieu de la foule de marchands ? Le monstre m'avait-il soulevé jusqu'ici ? Non c'était impossible. Mais rien n'est impossible. Impossible n'existait pas. Impossible n'existe plus.

Quelques jours ensuite, je ne saurais dire pourquoi ni comment mais je pu en reconnaitre d'autres déambulant dans le marché d'Acra, e fondant dans la masse humaine avec agilité et grâce comme s'ils étaient des hommes. Comme s'il vivaient. Comme s'il ressentaient. Comme s'il respiraient...

Par peur de me retrouver à leurs merci, horrifié, chamboulé, scarifié, traumatisé, déchiré, je m'enferma dans une petite bâtisse inhabitée non loin du marché, me contentant du peu.

Je ressentie alors leurs appel. Il m'ordonnait de les rejoindre là ou tout a commencé dans la foret d'Oris, lieu de leurs réveils.

J'ai longtemps affronter pour ne pas céder à leurs appels. Mais je sais qu'il ne me reste plus longtemps.

Alors me voici à le remettre sur papier, que cela puisse amener la vérité à d'autres âmes honnêtes et sincères, le témoignage de ma découverte. De ce nouveau combat que nous devons mener. De l'invasion d'un plus grand mal que ce que nous pourrions nous imaginer.

Ils se sont réveillés et ont soif de vengeance. La fin est proche.

Ma fin est proche car un jour comme par magie , j'ai arrêté d'avoir peur, j'ai arrêté de souffrir, j'ai arrêté de pleurer.

Vide tel le néant. Tel le silence de l'aube. J'ai compris la véritable souffrance.

J'ai arrêté de vivre. J'ai arrêté d'espérer.

Et à ce moment précis, une pensée presque obsessionnelle m'envahit:

"Qui se souviendras de moi ?"