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Il joue la victime.

La sonnerie répétée du téléphone portable réveilla Takao, martelant un son strident dans son crâne avec chaque répétition de la mélodie.

Il n'avait eu que quatre heures de sommeil après avoir ramené chez elle une Shinohara Hana (ou Nana?) survoltée et récalcitrante ; des heures interrompues cruellement par l'appel qu'il était en train de recevoir. Même s'il n'avait plus rien bu après que l'incident se soit produit, il avait tout de même une énorme migraine semblable à celles qu'il pouvait avoir après avoir bien trop bu. Pour lui, il était évident que c'était l'attitude de la jeune femme qui l'avait fatigué davantage que les effets secondaires de la boisson.

Se tournant entre ses draps pour atteindre la table de nuit où le bruyant appareil continuait de le harceler, il plissa les yeux face à la luminosité de l'écran dérangeant les ténèbres qu'il avait instaurés dans sa chambre.

Encore une sonnerie, et il attrapa enfin le téléphone qu'il se reprochait mentalement de ne pas avoir mis sur silencieux juste après être rentré.

Fixant le numéro de téléphone inconnu, il pondéra un instant s'il devait décrocher malgré l'interruption de son paisible samedi matin, ou s'il devait ignorer l'appel, bien qu'il ait donné de sa personne pour atteindre le smartphone.

S'il avait fait l'effort d'attraper l'objet qui était pourtant situé de l'autre côté du lit, il pouvait bien prendre le temps d'écouter la personne qui l'appelait. Pas vrai ?

Faisant glisser avec son pouce l'icône de téléphone vers la pastille verte pour décrocher, il porta le smartphone à son oreille, et d'une voix à moitié endormie, répondit.

« Utagawa Takao... » Dit-il tout en fermant et en rouvrant les yeux lentement.

« Directeur Utagawa ? » Demanda une voix à l'autre bout du fil.

Directeur ? Seules les personnes de Marline s'adressaient à lui de la sorte. Ce qui voulait dire que c'était quelqu'un de l'entreprise qui le contactait si tôt un weekend.

« Lui-même... » Confirma Takao.

« Désolé de vous déranger, mais je suis Serizawa du service juridique de Marline, » se présenta la personne qui l'avait contacté.

« Le service juridique ? » Répéta Takao, confus.

« Je vous contacte car nous avons reçu une plainte officielle contre un des employés de votre Département, » expliqua l'homme appelé Serizawa.

« Une plainte ? Contre qui ? » Demanda Takao, alerte.

« Cela concerne une jeune interne, Shinohara Hana, » précisa Serizawa.

Le cœur de Takao se mit soudainement à battre plus fort, et il cligna rapidement des yeux.

S'il avait encore été en train de somnoler quelques secondes plus tôt, la mention de ce nom et le contexte dans lequel il était mentionné venaient tout à coup de l'éveiller complètement.

« Je peux savoir en quoi consiste la plainte ? » Pressa Takao.

« C'est justement pour cela que je vous appelle, » reprit Serizawa. « Monsieur Kubo du Département Véhicules a dénoncé votre employée pour coups et blessures. »

« Pardon ? » Dit brusquement Takao.

Il n'en revenait pas. Ce type osait s'abaisser à ça ?

« Il s'est plaint que Mademoiselle Shinohara l'aurait frappé hier soir, et qu'il aurait dû aller à l'hôpital pour se faire traiter pour une contusion osseuse de la mâchoire et une dent ébréchée, » énonça calmement Serizawa.

Takao fut à la fois surpris que le coup de poing de la jeune femme ait causé autant de dégâts, mais aussi déçu qu'elle n'ait pas été jusqu'à lui fracturer la mâchoire. Toutefois, c'était peut-être pour le mieux que les blessures de ce type ne soient pas aussi graves que cela.

« Il vous a apporté des preuves ? » Demanda Takao, l'air grave.

« Nous avons le compte-rendu du médecin qu'il a consulté aux urgences, » répondit Serizawa. « Ainsi qu'un témoin corroborant sa version des faits. »

« Et quelle version vous a-t-il donnée? » S'enquit le jeune homme, un peu dépassé par tout ce qu'il apprenait.

« Il dit que Mademoiselle Shinohara l'a agressé sans aucune raison parce qu'elle a trop bu, » dit son interlocuteur.

Takao serra le poing. Ce type ne perdait rien pour attendre.

« C'est assez sérieux comme accusation, et nous comptons donc convoquer Mademoiselle Shinohara afin de l'interroger à ce sujet, » continua de parler Serizawa. « Toutefois, comme vous êtes son responsable, nous tenions à vous informer avant d'agir. »

« Attendez, vous ne vous avancez pas un peu là ? » L'interrompit soudainement Takao. « Vous avez l'air de penser que mon employée est l'agresseur ! »

« C'est pour l'instant le plus probable, à défaut d'avoir d'autres preuves et d'autres témoignages, » dit calmement l'homme à l'autre bout du fil.

D'autres preuves ? D'autres témoignages ?

Qui avait bien pu témoigner en faveur de ce type ? Et qu'est-ce que cette personne leur avait raconté ?

Il savait parfaitement ce qui s'était passé ce soir là, donc s'ils voulaient d'autres témoignages, ils allaient en avoir.

Il avait assisté à la scène, mais est-ce que cela allait suffire ?

Même si son oncle était le Président de Marline, il refusait que l'affaire soit entachée par des abus de pouvoir ; sans quoi Hana ne serait pas considérée innocente, mais simplement privilégiée. Il préférait aussi éviter d'être redevable auprès de son oncle, car ce dernier savait toujours tirer parti des dettes que les gens contractaient auprès de lui.

Dans ce cas, devait-il demander à voir les caméras de surveillance du restaurant ? Consulter les rapports que le service juridique avait rédigés ? Et après ? Allait-il pouvoir trouver de quoi débouter Kubo et prouver l'innocence d'Hana ?

« Directeur Utagawa ? » Interrogea la voix dans le téléphone.

« Je vais le faire, » répondit instantanément Takao.

« Pardon ? »

« Je suis témoin, alors je vais témoigner, mais dans l'intérêt de mademoiselle Shinohara, » dit-il avec un ton déterminé et ferme.

« Je sais que vous préférez couvrir vos employés, mais- »

« Je ne couvre pas mon employée ! » Répliqua Takao, furibond. « J'ai vraiment été témoin de ce qui s'est passé hier soir ! »

« Je comprends Directeur, mais dans ce cas ce sera votre parole et celle de votre employée contre lui, » clarifia Serizawa.

« Très bien ! Faisons ça ! » Dit Takao d'une voix cinglante.

Il pressa sur l'icône rouge pour raccrocher avant que la personne au bout du fil n'ait le temps de lui répondre quoi que ce soit, et serra avec force son téléphone.

Rapidement, il essuya les dernières traces de sommeil qu'il avait au coin des yeux et sortit de son lit, avant de se diriger vers la salle de bain en manquant de trébucher sur ses vêtements de la veille laissés en tas sur le sol.

Tout en s'habillant, il se remémora rapidement ce qui s'était passé la veille.

Kubo Touma essayant d'emmener Shinohara Hana on ne sait où.

La jeune femme donnant un violent coup de poing à son agresseur.

La rencontre avec Shinohara Nana, et le fait qu'Hana ne se souviendrait de rien de ce que nana avait fait.

L'accord qu'ils avaient passé ensemble, afin de garder le secret de chacun.

C'était normalement l'occupation de Nana que de protéger Hana, mais en pareilles circonstances, il n'était pas sûr qu'une personnalité secondaire, un ange gardien, ou peut importe ce que c'était, puisse venir en aide à la jeune femme.

Resserrant le nœud de sa cravate, il se regarda lui-même à travers le miroir, droit dans les yeux.

Il n'était Directeur de Département que depuis quelques jours, mais si cela était suffisant pour le déstabiliser et laisser un de ses nouveaux employés se faire accuser à tort, alors c'est qu'il n'était pas du tout fait pour ce type de travail !

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