Dans le dortoir à peine éclairé, Quatro était là, pensant à la femme aux cheveux d'or qui l'avait averti; il devait devenir indispensable...
Mais comment survivre dans cette fosse où chaque pas semblait le rapprocher de la mort ?
Assis sur son lit de paille, il croisa le regard de Ventio, toujours éveillé. Ce dernier scrutait le plafond avec une intensité inhabituelle.
"Tu ne dors pas ?" murmura Quatro.
Ventio tourna lentement la tête vers lui, ses traits marqués par l'épuisement.
"Je ne dors jamais vraiment ici. Les souvenirs sont trop forts."
Quatro hésita, mais l'urgence de sa quête le poussa à parler.
"J'ai eu un rêve. Elle m'a dit de devenir testeur. Elle savait des choses sur ma sœur…"
Ventio plissa les yeux, perplexe.
"Testeur ? Tu es fou, Quatro. Les testeurs ne survivent pas. Ils inhalent, ils absorbent, et ils meurent. Leur sang, leurs os, tout est utilisé pour affiner les créations du Parfumeur. Pourquoi voudrais-tu te sacrifier ainsi ?"
"Parce que je n'ai pas le choix !" répondit "Quatro, la voix basse mais déterminée. Je dois retrouver ma sœur."
Un silence s'installa entre eux. Ventio soupira profondément, détournant les yeux.
"Si tu veux vraiment suivre cette voie, tu dois savoir quelque chose. Moi aussi, j'ai pris des risques pour protéger ce que j'aimais. Et cela m'a tout coûté."
Intrigué, Quatro se redressa.
"Parle-moi de toi, Ventio."
L'ancien parfumeur resta silencieux un instant, comme s'il luttait contre un poids invisible.
"J'étais l'un des plus grands parfumeurs d'Etamenki. Mes créations étaient convoitées, même par Axiome lui-même. Mais un jour, j'ai refusé de produire une fragrance. Elle contenait une essence si puissante qu'elle détruisait l'âme de ceux qui la portaient. Axiome a vu mon refus comme une trahison. Ma famille… ma fille… ont payé le prix."
Sa voix se brisa légèrement, mais il reprit rapidement, le regard perdu dans un souvenir douloureux.
"Après avoir perdu ma famille, je ne pouvais plus rester. J'ai volé un petit bateau, décidé à traverser le Vent Gris pour fuir cet enfer. Mais le destin en a voulu autrement. Une tempête m'a surpris. Mon bateau, trop frêle, a chaviré, et je me suis retrouvé à dériver, à la merci des vagues."
Il fit une pause, serrant ses poings, son visage se crispant à mesure qu'il revivait ce moment.
"C'est Jersy qui m'a trouvé. Il ignorait qui j'étais vraiment, croyant simplement avoir attrapé un autre esclave à moitié mort. Il m'a ramené ici, pensant pouvoir me vendre pour quelques pièces. Ironie du sort, non ? Un ancien parfumeur réduit à broyer des fleurs et des os pour son propre maître."
Quatro observa Ventio, ses traits marqués par la résignation, mais aussi par une flamme d'amertume qui refusait de s'éteindre.
"Tu n'as jamais essayé de lui dire qui tu étais ?" demanda-t-il.
Ventio éclata d'un rire bref, amer.
"Crois-moi, cela n'aurait rien changé. Dans ce système, la vérité est un luxe que personne n'écoute. J'ai appris à me taire, à survivre, et à attendre… Mais attends quoi ? ajouta-t-il en baissant la voix. L'espoir est une chose dangereuse, Quatro. Elle te consume autant qu'elle te porte."
Un silence s'étira entre eux. La confession de Ventio n'était pas seulement une mise en garde, mais aussi un miroir des propres décisions de Quatro.
"Ce que tu as traversé est terrible." répondit finalement Quatro. "Mais moi, je ne peux pas rester immobile. Je dois agir, peu importe le prix."
Ventio secoua doucement la tête, un mélange d'admiration et de désespoir dans ses yeux.
"Tu es aussi fou que moi à ton âge." dit-il avec un sourire triste. "Très bien, Quatro. Si tu veux devenir testeur, je t'aiderai. Pas pour t'encourager dans ta folie, mais parce qu'il vaut mieux mourir en suivant ses convictions que vivre sans elles."
Le silence retomba dans le dortoir, interrompu seulement par les soupirs des esclaves endormis. Quatro, assis sur sa couche de paille, sentit la tension dans l'air. Les mots de Ventio résonnaient en lui comme un écho d'avertissement et de soutien mêlés. Mais sa résolution restait intacte; il irait jusqu'au bout, car le poids de sa promesse envers sa sœur était bien plus lourd que la peur de l'échec.