Le calme avant la tempête

L'éminente forteresse surplombait la vaste étendue de la forêt angoissante, résistant inlassablement aux assauts constants de la verdure. Ce manoir était debout depuis des milliers d'années, et était plus vieux que la plupart des doyens, même parmi les autres châteaux.

Par les fenêtres du château, on pouvait voir deux formes se déplacer. Les deux étaient humains, mais tandis que l'un était bestial et sauvage, avec ses yeux verts, sa peau bronzée et ses longs cheveux argentés volants dans l'air, l'autre était plus royal, avec une armure complexe d'écailles d'émeraude, une cape de voyage blanche volant derrière lui et une épée bâtarde à la lame de jade tenue fermement dans l'une de ses mains.

Bien sûr, Noctis avait toujours ses cheveux noirs d'encre emmêlés dans un chaos total et sa peau pâle comme l'albâtre, ce qui atténuait l'impression de royauté pour la transformer en celle d'un guerrier expérimenté. Ce qui n'était pas le cas non plus.

Malgré sa course, Loyd gardait un sourire maniaque inscrit sur le visage. Il ne semblait pas du tout gêné par ses haillons, ni même par la bataille imminente contre un Maître.

Les deux hommes s'arrêtèrent bientôt devant une belle porte en bois à gravures complexes. Noctis en saisit la poignée et entra sans le moindre avertissement, pressé par l'urgence. Ce qui l'accueillit cette fois ne fut pas la lame d'un jian blanc.

Artémis restait inchangée. Elle portait sa tenue de chasse noire et tenait bien son jian dans une main, qui était cependant pointé vers le sol. À la place de la lame chaste, la jeune femme avait pointé vers eux son anneau d'or qu'elle tenait entre deux doigts.

Lorsqu'elle reconnut Noctis, elle s'apprêta à baisser l'anneau, mais le releva à la vue de Loyd.

- « Noctis, où étais-tu ? J'ai attendu trois heures, et Soran m'a dit de ne surtout pas sortir de la pièce. C'est qui, lui ? » demanda-t-elle, l'air grave.

Loyd ricana. « Moi ? Je m'appelle Loyd, je suis un loup-garou. J'étais prisonnier ici, et ton amie m'a libéré. Tu vois, ce n'était pas une longue histoire ! Mais tu vas faire quoi avec cet anneau ? » demanda-t-il à son tour de son ton moqueur habituel.

Artémis hésita un instant, puis tourna son regard vers Noctis, qui lui donna son approbation d'un geste de la tête.

- « C'est vrai. Écoute, on a beaucoup de choses à te raconter... »

Artémis se détendit, abaissant le bras et glissant le mystérieux anneau dans sa poche. « Très bien, j'écoute. J'ai passé trois heures dans l'ignorance et l'inquiétude, tu me dois au moins des explications détaillées, en particulier sur le fait que tu nous ramènes un loup-garou. »

Rapidement, Noctis lui raconta sa fuite dans le château, sa brève confrontation avec Soran, son emprisonnement et la rencontre avec Loyd. Celui-ci corrigeait Noctis quand c'était nécessaire. Enfin, il raconta la seconde confrontation avec Soran.

- « ... Et là, il nous a dit où tu étais, et il a disparu. Comme il est frustrant ! En bref, maintenant, Thrór attend dans le grand salon. Je ne sais pas quelles histoires Soran lui a racontées, mais apparemment, il y restera et nous attendra. À ce moment-là, il faudra affronter un Maître. » conclut-il.

Durant toute son histoire, Artémis n'avait posé aucune question, mais son expression et son regard s'étaient assombris de plus en plus à chaque phrase.

- « Et donc, » reprit-elle, « on est sûr que la seule solution pour échapper à ce manoir est d'affronter Thrór, sans moyen de discuter. »

Loyd secoua vigoureusement la tête pour confirmer, et Noctis soupira.

- « Il a demandé à Soran de me tuer, Artémis. On peut tenter de discuter, mais je ne pense pas qu'il écoutera. » Noctis se tut un instant et se retourna vers la porte avant de reprendre d'un ton las :

- « Bref, peu importe l'histoire de Soran, Thrór ne restera pas inactif éternellement. La meilleure façon d'avoir son avis là-dessus est de le confronter directement. »

Artémis croisa les bras, son regard plongé dans ses propres réflexions, semblant peser le poids des informations qu'elle venait de recevoir. L'angoisse était visible sur ses traits, ce qui était rare. « Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Nous avons un loup-garou comme allié, un Maître à affronter, et pas de plan. »

Loyd sourit largement. « C'est justement ça qui est excitant ! »

Artémis jeta un coup d'œil incrédule à Noctis, qui eut envie d'éclater de rire, mais se contenta d'un soupir amusé. Lui-même n'était toujours pas habitué à la personnalité étrange de Loyd, alors l'expérience allait être longue à acquérir pour Artémis.

Ils s'armèrent de vaillance, mais aussi d'armes tranchantes, et commencèrent une traversée prudente du long couloir qui les séparait encore du vampire.

Le bruit de leurs pas résonnait sur la pierre froide. Certains personnages des tableaux ou des tapisseries semblaient leur porter un regard moqueur, d'autres méfiant.

Ils passèrent plusieurs intersections, de nombreux carrefours, et tout était calme. Un silence assourdissant régnait entre les murs de l'antique manoir, et même le vent semblait ne pas oser se heurter aux vitres.

Enfin, au bout de ce qui semblait être une éternité, le trio atteignit une porte ornée de motifs délicats, complexes et anciens. Noctis reconnut immédiatement la porte que lui et Artémis avaient franchie le jour de leur arrivée : c'était derrière cette porte qu'ils avaient rencontré Thrór pour la première fois. Ils avaient mangé à sa table, dormi sous son toit, et même échangé quelques plaisanteries avec lui et son fils, sans savoir qu'il n'était qu'un monstre assoiffé de sang... au sens littéral.

Et aujourd'hui, ils allaient franchir de nouveau la même porte, puis soit en sortir en ayant tué leur hôte, soit ne jamais en sortir du tout.

Noctis avala difficilement sa salive, puis regarda les deux autres. Ils le regardaient tous les deux.

« Ça... Ça veut dire que c'est à moi de pousser la porte... »

Avec toute la bravoure dont il pouvait se saisir sur le moment, il saisit lentement la poignée froide. L'action de la tourner les condamnerait peut-être tous.

Il jeta un regard hésitant en arrière. Loyd et Artémis le regardaient avec une tension visible dans leurs yeux, mais ils étaient prêts. Alors, poussant un dernier soupir glacé, Noctis tourna la poignée et poussa la porte.