Le bûcheron et ses deux associés retournèrent au camp militaire improvisé dans le jardin d'Okundé sous un soleil de plomb.
"Ici nous sommes plus en sécurité !" dit Babida à la jeune demoiselle Suzie et à son oncle, Bibi, à leur arrivée.
"La nuit dernière était folle et nous n'avons point eu de répit. Trouvons un abri quelque part et reposons-nous quelque temps !" suggéra l'élagueur.
"Sous ce palmier droit devant nous serait parfait," déclara oncle Bibi en pointant l'endroit avec l'index de sa main droite.
Ils marchèrent jusqu'à l'arbre et se refugièrent sous ses branches rafraîchissantes avec de larges feuilles vertes.
La jeune demoiselle Suzie qui avait les paupières lourdes, enleva ses sandales marron, se jeta dans l'herbe et s'endormit sur le champ.
Babida déposa sa hache près du palmier, puis s'assit à même la verdure, son immense buste bien droit, et s'adossa contre le tronc de l'arbre avant de fermer ses yeux épuisés.
Quant à l'oncle Bibi, il contempla durant un court moment les oiseaux perchés au-dessus des branches et se laissa emporter par leurs chants mélodieux au petit matin.
Et lorsqu'il en eut assez de la chorale des robins, il se décoiffa et retira ses sandales. Puis, comme ses compagnons, il s'affala sur la pelouse et roupilla.
Les trois aventuriers dormèrent sous le regard curieux de certaines sentinelles impériales.
"Camarades, temoignez par vous-mêmes ! Le bûcheron et ses amis semblent n'avoir dormi de la nuit si arrosée fut-elle." s'exclama un des gardes imperiaux pour amuser la galerie.
"Oui et non! Moi, j'ai vu l'étrilleur du monstre de la montagne interdite quitter la caserne précipitamment au milieu de la nuit alors que j'étais de garde," raconta une autre sentinelle impériale.
"Et très tôt ce matin, il est revenu accompagné de l'homme mi-âgé et de la jeune demoiselle," poursuivit-elle.
Ahaaaaaaaa
"Il faut que j'aille aussi me reposer. Toute la nuit je suis restée éveillée à cause de la patrouille," conclut-elle en bâillant.
La sentinelle impériale prit congé de ses camarades, se tourna et alla dans sa tente.
Le temps passa merveilleusement et aux alentours de midi, Suzie se réveilla la première. La jeune demoiselle regarda à côté d'elle et vit le bûcheron ainsi que son oncle, Bibi, qui ronflaient encore.
Elle étira les membres supérieurs de son corps, puis se mit sur ses jambes. Elle balada ses yeux tout autour du jardin d'Okundé et aperçut une brousse à l'autre bout de là où elle était.
"Ah! Là-bas ! Sûrement qu'il y a derrière ce vert pâturage de l'eau coulante," affirma-t-elle.
Elle se mit donc à avancer vers le lieu et à mesure qu'elle s'y rapprochait, l'herbe verdoyante devenait de plus en plus haute.
Elle parvint au pied de la végétation et il n'y avait point de passage. Alors, elle en créa un en écartant les plantes avec ses mains, puis elle se faufila au milieu.
Elle marcha jusqu'a la fin de la brousse et lorsqu'elle en sortit, grande était sa joie de voir un marigot parfaitement entretenu et dont l'eau était pure et calme.
"Wow, quelle magnifique vue !" s'écria-t-elle.
"Il me faut y prendre un bain," ajouta la jeune demoiselle.
Loin des yeux indiscrets, elle se déshabilla et ensuite plongea dans le marigot. Et alors qu'elle se baignait, l'eau s'éclaircissait davantage tandis que les poissons dansaient autour d'elle et que le vent soufflait au ralenti.
Les cheveux bouclés de Suzie brillèrent et une groupe composé de trois papillons descendit du ciel et gravita autour de sa tête.
Après quelques brasses, elle sortit de l'eau et coupa les feuilles de plantes pour couvrir sa nudité. Elle était encore plus belle dans sa tenue faite d'éléments naturels.
La jeune demoiselle ramassa ensuite sa robe Wax hollandais bleue et son foulard de mêmes matériau et couleur que le vêtement principal. Elle se plaça au bord du marigot et se courba pour les laver.
"Hey Suzie!" Quelqu'un cria son nom de derrière contre toute attente.
La belle demoiselle fut un peu secouée par la tonalité de la voix de son interpellateur. Elle se tourna et vit le bûcheron et oncle Bibi qui étaient stationnés à quelques mètres d'elle.
"Alors, comme ça, c'est ici que tu es : au marigot d'Okundé," lui dit son oncle.
"Youhou!" s'exclama tout à coup Babida qui courut après vers le marigot, vola dans les airs et effectua un plongeon qui le conduisit dans les profondeurs de l'eau.
"Hey, jeune homme ! Pas si vite !" se plaignit le vieil oncle Bibi contre le feu follet bûcheron.
Il enlèva aussitôt son boubou ainsi que ses babouches et sprinta également vers le marigot.
L'homme mi-âgé ne demeura qu'avec son caleçon et sans gêne aucune, bondit au-dessus du grand creux, le dos étant à tourné à son point de chute et avec les mains et pieds étirés à la façon d'une grenouille.
"Supalala!" s'écria Oncle Bibi en plongeant dans l'eau chauffée au soleil.
La jeune demoiselle Suzie observa dépassée le moment ludique de ses compagnons et en eut le sourire arraché.
Elle se parla à voix basse en ces termes : "Regardez-moi ces gros gaillards s'amuser comme des enfants !", tout en secouant légèrement la tête de manière continue de gauche à droite.
Elle termina ensuite sa lessive et ramasssa le vêtement de son oncle qu'elle nettoya rapidement aussi.
L'élagueur sortit du marigot et les gouttes d'eau se frayèrent des chemins partout sur son corps musclé.
"Comment allez-vous, belle demoiselle ?" s'adressa le bûcheron à Suzie avec une voix flirteuse.
"Bien !" lui répondit-elle timidement en feignant de ne pas regarder le torse et les bras massifs de son prétendant.
"Youhou !" s'exclama tout à coup oncle Bibi qui s'éclatait dans l'eau.
L'homme mi-âgé continua de nager, sans idée aucune, que son cri soudain venait de provoquer la fin brutale du jeu de séduction qui venait à peine de commencer entre les deux tourtereaux.