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Chapitre 19 : Surestime et folie.

 Alors que le chaos régnait toujours dans la forteresse, à l'est d'Auroria, une fenêtre d'une maison champêtre, traversée par un arbre, était restée ouverte malgré l'air glacial de la nuit. Pica, le petit cyanocrius l'avait remarqué de l'extérieur. Il avait été réveillé en pleine nuit, il entra dans la maison par une fente dans le tronc de l'arbre, connecté à l'intérieur. Il réveilla le vieux maître qui n'avait pas l'habitude de se lever aussi tôt. Il se leva, grimpa à l'étage en suivant l'oiseau, tout en retirant les bouchons dans ses oreilles qui servaient à étouffer les bruits stridents du petit oiseau le matin qu'il entendait tout de même.Pica se posa ensuite sur la poignée de la porte de la chambre où Armand était censé dormir, tapotant son bec pour attirer l'attention. Kaka ouvrit la porte tandis que l'oiseau vint se poser sur son épaule."Armand ?" appela le vieil homme dans le vide. Il s'avança dans la chambre, essuyant ses yeux fatigués pour s'assurer que sa vue ne le trahissait pas. Mais non, c'était bien clair : Armand avait fugué."Qu'est-ce qu'il mijote ? Où pourrait-il être parti si tard ?" murmura-t-il.Kaka s'approcha de la fenêtre, resserrant le col de son pyjama face au froid, et observa les environs. Il tenta de comprendre ce qui avait pu pousser Armand à une telle décision. Peut-être s'était-il éclipsé pour un entraînement secret, comme certains apprentis des écoles magiques ? Mais Kaka connaissait bien Armand : un gros dormeur, il aurait difficilement pu s'astreindre à un tel effort nocturne.Soudain, un souvenir le frappa : la conversation de la veille. Armand avait mentionné une arrestation dans la rue et avait semblé étrangement intéressé par la forteresse d'Argent. Le vieux maître se rappela également de sa réaction impulsive lorsqu'ils sont allés à la bibliothèque et qu'ils sont tombés sur un marché d'esclaves en plein air, il était prêt à faire un geste irréfléchi qui aurait pu lui causer énormément de problème."La forteresse... Ne me dis pas qu'il y est allé !" s'exclama Kaka, soudain inquiet. Il passa sa main, imprégnée de magie, sur le bord de la fenêtre, tentant de déceler des traces de départ. Elles étaient déjà partiellement effacées, mais de son expérience, il en déduit qu'il est parti il y a maintenant plus de trois heures."Cet inconscient ! Il se surestime complètement !", grogne-t-il en tapant du poing. "Même s'il en ressort vivant il va s'attirer de graves ennuis avec la garde !"Le vieux maître cherche une solution en tapotant son doigt sur le bord de la fenêtre, quand soudain il eut une idée en voyant le petit oiseau se poser sur le bord de celle-ci."Pica !" Il saisit délicatement l'oiseau, qui, d'abord surpris, se calma rapidement. Il tendit sa main vers l'extérieur et lui expliqua un plan que lui seul pouvait faire. Il cacha une bulbe magique qu'il venait de créer dans son plumage et lui dit de voler le plus loin possible au sud de la cité. Il semblait y avoir un lien magique si fort entre eux que Pica pouvait comprendre tout ce que lui disait le vieil homme malgré la barrière évidente qu'il y a entre un animal et un humain.Le vieux maître tendit la main vers l'extérieur, indiquant à Pica de voler vers le sud de la cité. L'oiseau hocha doucement la tête, battit des ailes, puis s'élança dans la nuit. Kaka le regarda s'éloigner et sembla prier avant de refermer les fenêtres de la chambre.Au même moment, dans la forteresse, Armand avançait aux côtés de Carolina et Bojan, qui s'appuyait sur elle, ses blessures semblant se stabiliser. Ils se dirigeaient vers les escaliers menant au rez-de-chaussée. Chaque pas leur coûtait, mais ils n'avaient pas une seconde à perdre. Le chaos régnait dans les étages supérieurs, et la situation devenait critique. Le couloir étroit vibrait encore des répercussions du combat, et les dégâts causés par Herman laissaient les murs fissurés, prêts à s'effondrer à tout moment."Attends... Tu es épuisé. On ne peut pas continuer comme ça. Bois au moins la dernière potion que tu as," dit Carolina, inquiète, en pointant du doigt le sac qu'elle lui avait rendu."On n'a pas le choix. Si l'autre brute revient..." il ne termina pas sa phrase, mais son regard en disait plus que ses paroles et elle le comprit.Ils continuèrent alors de remonter jusqu'à ce qu'ils arrivent enfin à l'antichambre du rez-de-chaussée partiellement rempli de brume. Il fait le rapprochement avec ce que leur avait raconté le prisonnier de tout à l'heure, qui à insisté pour rester dans sa cellule du purgatoire. Cette brume viendrait du prisonnier qui était avec lui et qui s'était échappé. Armand n'avait plus le temps de s'y préoccuper davantage et son seul but maintenant était de s'échapper de la forteresse au plus vite.La brume s'épaississait au rez-de-chaussée, particulièrement autour du bureau du directeur et des loges adjacentes. Ils progressaient prudemment, se guidant au bruit des prisonniers tentant vraisemblablement de forcer le grand portail principal. Soudain, un grondement sourd retentit au-dessus d'eux, suivi des cris déchirants des prisonniers restés dans les étages. Les murs tremblèrent violemment, et des débris commencèrent à tomber du plafond.Armand se figea en entendant ces cris, son regard se levant vers le plafond. Les secousses se faisaient plus violentes, et des morceaux de celui-ci s'écrasaient autour d'eux. Il échangea un regard rapide avec Carolina, puis avec Bojan, qui se redressait difficilement en s'éloignant d'elle pour ne pas la ralentir davantage."Bojan... tu te surmènes trop," s'inquiéta-t-elle, jetant un coup d'œil vers lui."Il arrive," murmura Bojan d'une voix rauque.Carolina jeta un regard nerveux vers les escaliers. "On ne peut pas le laisser nous rattraper, pas après tout ça.""Je le sais bien," répondit Armand en essuyant la sueur sur son front. "Allons-y, on n'a plus le temps."Ils se mirent à courir, malgré la fatigue. La brume épaisse rendait la visibilité presque nulle, mais ils pouvaient entendre au loin le vacarme des prisonniers s'agitant près du grand portail. Chaque pas les rapprochait un peu plus de la liberté.Soudain, un énorme fracas de métal se fit entendre. Carolina fixa droit devant elle, les yeux écarquillés. "Le portail... il vient de céder !" s'exclama-t-elle.Un hurlement de joie jaillit de la foule des prisonniers. L'opportunité de fuir était enfin là. "On est libre, les gars ! C'est notre chance ! Fuyez tant que vous le pouvez !" cria l'un des détenus, tandis que d'autres se précipitèrent par-dessus le portail effondré.Le souffle de l'effondrement dissipa une grande partie de la brume, dévoilant enfin la sortie. Ils étaient presque arrivés. Armand, Carolina et Bojan avancèrent prudemment à travers la masse des prisonniers en délire, se frayant un chemin dans cette cohue. Carolina ne quittait pas Bojan des yeux, surveillant sa respiration de plus en plus irrégulière. Chaque inspiration semblait être une lutte, mais il refusait de ralentir le groupe."Ne vous arrêtez pas," murmura Armand, jetant des regards autour de lui pour s'assurer qu'il n'y avait aucun danger. "On est presque dehors."La lumière de la lune perçait à travers l'épaisse brume qui flottait encore à certains endroits, éclairant leur chemin. L'air extérieur était glacial, mais était bien plus agréable que l'atmosphère étouffante de la forteresse. Carolina et Bojan franchirent enfin le portail et rejoignirent les prisonniers massés à l'extérieur, qui tentaient d'aider ceux encore à l'intérieur."On y est," souffla Carolina à Bojan qui n'en croyait pas ses yeux. Elle se retourna en réalisant qu'Armand ne les avait pas suivis. Il était là, immobile, tourné vers l'intérieur de la forteresse, son regard fixé sur la brume stagnante. Elle sentit une boule d'angoisse monter dans sa gorge en voyant ses poings serrés tremblotant.."Qu'est-ce que tu fais ? On doit partir, on est dehors maintenant, tu l'as dit toi-même, il n'y a plus de temps !"Bojan essayait de reprendre son souffle, jeta un coup d'œil à Armand, incapable de comprendre pourquoi leur compagnon restait figé à l'intérieur des murs qu'ils avaient risqué leur vie pour quitter."Carolina... il ne veut pas partir... il a une idée derrière la tête," murmura-t-il.Carolina n'écouta pas et fit un pas en avant, marchant sur les débris, tendant la main vers lui. "S'il te plaît, on n'a pas traversé tout ça pour que tu restes ici ! Viens avec nous !"Mais il ne bougea pas. Il prit une profonde inspiration, son regard toujours rivé sur l'intérieur de la forteresse attendant que l'inévitable arrive. "Vous, partez maintenant," répondit-il sèchement, sans même la regarder. "Je vais rester le combattre."Carolina resta figée, l'incompréhension et la peur l'envahissant. Elle serra les poings, incapable de concevoir ce qu'il comptait faire dans son état."Mais, sois raisonnable !" cria-t-elle. "Tu veux combattre Herman ? Regarde toi avant de prendre des décisions insensées ! Tu es épuisé, tu ne peux pas l'affronter. Pas après tout ce qu'on a traversé !"Le regard d'Armand se fit plus dur lorsqu'il se tourna enfin vers Carolina, ses yeux gris brillants illustrant sa détermination. "Éloigne-toi, aussi loin que possible vers l'est. Je ne te le répéterai pas."Surprise par la force de sa voix, elle recula d'un pas. "Non ! Je..."Armand la coupa brusquement, en haussant la voix sur elle. "Prends Bojan avec toi et partez, maintenant !" s'écria-t-il. "Mon objectif n'était pas seulement de libérer les gens détenus ici. Je veux détruire cet endroit. Le réduire en cendres, effacer ce qu'il représente et tout ce qu'il a engendré. Herman n'est qu'une étape sur ce chemin. Je dois l'affronter."Carolina sentit ses jambes fléchir sous le poids de ses mots. "Mais... tu ne peux pas..." Sa voix trembla alors qu'elle cherchait désespérément une réplique, une raison de le convaincre de ne pas aller au-devant de ce combat insensé. Mais aucune parole ne vint, son esprit était vide. Dans son regard, elle comprit qu'il était déjà trop tard. Armand ne changerait pas d'avis. Elle se retourna, le cœur serré, ses yeux s'embuant alors qu'elle mordait sa lèvre inférieure pour ne pas craquer."C'est de la folie," murmura-t-elle, la gorge nouée, avant de s'éloigner, suivie de Bojan, qui jeta un dernier regard à Armand, un mélange de respect et de tristesse dans ses yeux.Armand détourna à nouveau son regard vers la forteresse imposante. "J'ai déjà pris ma décision," souffla-t-il pour lui-même.Au même moment, un fracas assourdissant retentit : le plafond au loin s'effondra, dissipant temporairement la fumée. Des dizaines de prisonniers chutèrent, inconscients, certains asséchés et affaiblis, d'autres déjà morts, leurs corps inertes jonchant le sol.Au milieu des décombres et de la poussière, une silhouette massive se redressa lentement. C'était le directeur Herman. Il balaya les prisonniers étendus à ses pieds d'un revers brutal de ses chaînes, leurs corps projetés violemment contre les murs fissurés, dégommant tout sur son passage. Émergeant des ruines, il avançait, imposant, ses chaînes vibrantes autour de lui comme des serpents affamés.Il était méconnaissable, son corps était bien plus imposant et était désormais enveloppé de chaînes imprégnées de magie fraîchement extraite des prisonniers du niveau supérieur où il avait été projeté plus tôt. Cela le rendait encore plus monstrueux, presque inhumain.Chaque muscle sous ses chaînes semblait prêt à éclater, ses pas faisaient trembler la forteresse entière. Son visage, déformé par la rage, se tourna vers Armand, qui l'attendait. Un sourire macabre ensanglanté s'étira sur ses lèvres."Toi ? Ne me dis pas que je rêve. Tu m'attends ici au lieu de fuir comme les autres ? Tu es encore plus stupide que je ne le pensais."Armand serra les poings, ses yeux fixés sur son adversaire. Cette confrontation était inévitable, il le savait depuis le moment où il avait pénétré dans la forteresse. Libérer les prisonniers n'était que le début. Le véritable combat commençait maintenant."Je ne suis pas venu ici pour fuir," répliqua-t-il d'une voix posée. "Je suis ici pour mettre un terme à cette forteresse, une fois pour toutes."Herman éclata de rire, un rire grave qui résonna dans les ruines de la forteresse, ses chaînes cliquetant à chaque pas. Ses yeux injectés de sang se fixèrent sur Armand avec une lueur de mépris."Mettre un terme à cette forteresse ?" répéta-t-il, amusé. "C'est grotesque. Tu penses vraiment pouvoir m'arrêter ? Regarde-toi un peu, ton corps est épuisé, à bout de forces et incapable de tenir debout sans trembler. Tu crois sincèrement que tu vas m'arrêter ?"Il secoua la tête, approchant lentement d'Armand, ses chaînes serpentant sur le sol autour de lui."Sache une chose, vermine," poursuivit-il en se léchant les lèvres. "Tu crois que je vais seulement t'écraser et en finir ? Oh non, je vais prendre mon temps. Ta mort ne pourra pas simplement me satisfaire après une humiliation pareille ! Elle sera lente, douloureuse... insoutenable."Herman gonfla sa poitrine, poussant un cri féroce, se mettant en position pour charger. Armand, les poings serrés au point de faire saigner ses paumes, tenta de maîtriser ses tremblements. La fatigue pesait sur lui, mais il se préparait mentalement à l'inévitable."Tu es vraiment stupide. Mais peu importe. Tu seras à genoux avant que j'en finisse avec toi et tu prieras pour que j'en finisse !"Les chaînes de Herman s'élevèrent autour de lui, prêtes à frapper. Armand se mit en garde, son corps tendu, prêt à réagir malgré tout. Le combat final était sur le point de commencer et il savait qu'une seule erreur pourrait lui coûter la vie."Viens, petit héros," déclara Herman, ses chaînes fouettant la brume autour de lui. "Voyons combien de temps tu tiendras avant que je ne te réduise en miettes."Fin du chapitre 19.
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