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Chapitre 11 : Balade Nocturne.

Il ne restait plus que trois jours avant la transaction d'Edgar Baring. Pendant ce temps, Armand continuait de s'entraîner avec son maître en préparation des retrouvailles avec les autres, prévues dans moins de deux mois. Ils avaient, par ailleurs, découvert une nouvelle facette encore plus complexe du pouvoir d'Armand : il pouvait utiliser deux couleurs en même temps. Cependant, cela ne fonctionnait pas comme on pourrait l'imaginer. Armand pouvait infuser un objet, qu'il ait été créé par sa magie orangée ou qu'il s'agisse d'un objet ordinaire, de n'importe quelle aura colorée, tout en utilisant une autre couleur sur lui-même, comme à son habitude.

Ce jour-là, ils étaient justement en train de tester cette capacité en s'entraînant face à un golem de terre et de racines contrôlé par maître Kaka. Armand s'avança sur le terrain battu dans le jardin, où le golem l'attendait. Il créa un bâton simple avec une aura orange et se concentra pour y insuffler une teinte rougeâtre. Une douleur vive lui traversa la tête, mais il la secoua rapidement pour ne pas se laisser distraire, puis s'enveloppa d'une aura bleutée.

Le maître donna le signal avec le cri de Pica, et Armand se lança vers le golem, qui semblait cette fois plus sur la défensive. Il remarqua d'ailleurs, que le golem n'était pas uniquement constitué de terre, mais aussi de racines. Méfiant, il continua sa charge, attaquant le golem par surprise avec sa grande vitesse. 

Son bâton rougeâtre déchira les racines dans le dos du golem. Cependant, celles-ci se mirent à bouger et attrapèrent l'arme. Armand la lâcha et, avant que le golem ne puisse réagir, il dissipa la magie du bâton pour le faire disparaître, puis en créa un nouveau. Il revêtit cette fois une aura indigo sur son bâton et attendit que le golem attaque.

Le golem ne se fit pas prier et lança un violent coup de poing vers le sol. D'épaisses racines surgirent du sol, se dirigeant à grande vitesse vers Armand. Celui-ci sourit en voyant le résultat de son action.

"Ce vieux-là, il ne tient vraiment pas à son jardin," murmura-t-il.

Canalisant sa magie à la pointe du bâton, Armand lança un coup dans les airs, créant une lame d'air. Celle-ci manqua le golem mais explosa derrière lui, laissant une fumée indigo stagnante. Le golem, se doutant de ce que c'était, ne prêta pas attention à la fumée et continua d'envoyer ses racines vers Armand.

Celui-ci les déchira tant bien que mal avec ses poings enveloppés de rouge. Cependant, une racine plus massive que les autres fonça à toute allure vers lui. Armand sourit, créant une brèche indigo avec son bâton, combinant cette fois la vitesse conférée par son aura bleue. La racine s'engouffra dans la brèche avant de ressortir par celle qu'Armand avait lancée plus tôt, arrivant derrière le golem et l'empalant avec force. Armand sauta de joie, convaincu que sa stratégie avait fonctionné.

Mais il se trompait. Le golem se détacha du sol, et la racine continua de s'élancer avec une grande vitesse, malgré le golem accroché à elle. Armand, surpris, perdit son sang-froid. Dans la précipitation, il tenta d'enduire son bâton de son aura verte pour se protéger, mais c'est lui-même qui fut enveloppé de cette aura. Le golem, désormais à portée de coup, ne laissa aucune chance à Armand. Il asséna un coup violent qui détruisit le bâton et projeta Armand jusqu'à la barrière protégeant la maison.

Armand s'effondra au sol. Heureusement, grâce à la protection conférée par son aura, il n'avait rien de grave, mais il était épuisé après avoir jonglé entre les couleurs. Il lève le bras pour faire signe à son maître d'arrêter, et le golem se désagrège instantanément, retournant à l'état de terre, tandis que les racines se rétractent dans le sol. Le maître rejoignit Armand et s'agenouilla près de lui, observant son état avec attention. Armand se redressa en se tenant la tête, remarquant qu'il saignait du nez.

"Je ne m'y ferai jamais. Ça me donne un mal de crâne terrible à force de gérer deux couleurs à la fois et de devoir les changer selon la situation... C'était déjà assez compliqué avec une seule," dit Armand.

"En effet, c'est un style de combat totalement différent de celui que tu as appris jusqu'à maintenant, mais si tu possèdes cette faculté, il vaut mieux l'exploiter plutôt que l'ignorer," répondit Maître Kaka.

Armand se releva lentement, essuyant le sang de son nez avec le dos de sa main. Il inspira profondément pour se calmer. Ils continuèrent ensuite de s'entraîner pendant quelques heures encore. Puis arriva la fin de la journée.

"On peut s'arrêter là pour aujourd'hui. Ce n'est toujours pas évident pour toi, mais on a le temps, ne t'en fais pas !"

Alors qu'Armand se relevait à nouveau, le maître lui lança un sachet contenant une dizaine de pièces à ses pieds. Armand le prit, se demandant pourquoi le maître lui donnait cela.

"Je ne suis pas d'humeur à cuisiner aujourd'hui, et je n'ai pas très faim non plus. Va manger quelque part à Auroria. Il y a de bons restaurants dans le quartier nord," expliqua Maître Kaka.

Armand sourit, trouvant l'excuse du maître un peu ridicule, mais le remercia tout de même. Peu après, il se rhabilla dans sa chambre avec des vêtements plus décontractés qu'il avait achetés quelques jours auparavant. Un haut rouge simple avec une capuche, ressemblant à un sweat à capuche qu'il avait l'habitude de porter dans son monde, et un jean noir qu'il avait obtenu à bas prix grâce à l'influence de son maître. Il sortit ensuite de la maison, et par surprise, Pica le suivit, s'engouffrant dans la capuche d'Armand, il fut surprit par ce geste du petit oiseau.

"Pica ?! Tu veux te promener avec moi ?" demanda Armand, comme si l'oiseau allait lui répondre.

Le petit oiseau poussa un cri joyeux et se blottit confortablement dans la capuche d'Armand. Souriant, Armand poursuit sa marche vers Auroria, curieux de découvrir la cité sous l'ambiance nocturne. Les rues du quartier Est, éclairées par des lanternes magiques, créent une atmosphère chaleureuse et accueillante. Malgré l'heure tardive, il y avait toujours un peu de monde, et les bruits des conversations et des rires résonnaient dans les rues. L'odeur alléchante des divers plats préparés dans les restaurants ou des plats à emporter chatouillait ses narines.

En arrivant dans le quartier Nord, Armand remarqua un restaurant particulièrement animé. Des tables étaient installées à l'extérieur, où les clients savouraient leurs repas tout en profitant de la fraîcheur de la soirée. Il choisit une table libre et s'assit, appréciant l'atmosphère détendue et vivante du lieu.

"Bonsoir, que puis-je vous servir ?" demanda le serveur en s'approchant.

Armand parcourut le menu, impressionné par la variété des plats proposés. Finalement, il opta pour un plat de pâtes au fromage local accompagné de pain et décida de se contenter d'eau, car une boisson aurait dépassé son budget limité. En attendant son repas, il observa les alentours, appréciant chaque détail de ce nouveau quartier. 

Il nota le surnombre inhabituel de la garde impériale, sans savoir pourquoi, et constata que l'animation était légèrement plus modeste ici que dans le quartier Est, malgré la réputation des bons restaurants du nord.

Ses pensées furent interrompues lorsque son plat arriva, libérant immédiatement les délicieuses odeurs de fromage fondu et d'herbes fraîches. Armand prit une bouchée, savourant chaque saveur. Pica, blotti dans sa capuche, semblait intrigué par l'odeur et poussa un petit cri d'excitation. 

"Désolé, Pica, c'est un peu trop pour toi," dit Armand en souriant.

Le petit oiseau demeura niché, observant curieusement les environs. Armand continua de manger, profitant du calme relatif de la soirée malgré la présence plus marquée de la garde impériale. Les discussions animées des autres clients formaient une toile de fond apaisante.

Alors qu'il achevait son repas, Armand remarqua un groupe de personnes entrer dans le restaurant qui semblait chercher quelqu'un. Après avoir réglé l'addition, il se leva et quitta l'établissement. Il flâna ensuite tranquillement dans le quartier Nord, la nuit étant douce et agréable. Au détour d'un petit square désert, il décida de faire une pause et s'assit sur un banc.

Profitant de ce moment de calme, Armand poursuivit son entraînement pour créer la gourde magique qu'il n'avait toujours pas réussi à reproduire. Même sans le livre à portée de main, il avait tellement étudié son contenu qu'il n'en avait plus vraiment besoin. Après quelques essais, il se sentit enfin sur la bonne voie.

Ses yeux oranges reflétaient la lumière des lampadaires du parc alors qu'il assemblait les pièces qu'il avait créées. La pompe fonctionnait correctement, et le système de limitation de la capacité de la gourde semblait opérationnel. Il la posa sur ses genoux et la laissa se remplir seule, ses yeux passant au jaune pour vérifier le flux de magie qui y pénétrait.

Miraculeusement, la gourde se referma une fois pleine, et tout sembla normal. Armand n'en croyait pas ses yeux, mais après un moment pour réaliser qu'il venait enfin de réussir, il explosa de joie en se levant brusquement du banc.

"Enfin ! Après presque une semaine, j'ai enfin réussi à en créer une !" s'exclama-t-il. 

Il se retourne pour voir où est Pica afin de lui annoncer la nouvelle, mais il n'est pas là. Armand scrute les alentours et, en levant la tête, aperçoit Pica posé devant une petite cage à oiseau ouverte, perchée au-dessus d'un lampadaire. À l'intérieur de la cage, un oiseau de son espèce mène sa vie. Intrigué, Armand s'approche et il remarque que sur la cage est inscrit : "Cyanocrius à tête rouge : Alarmiste". Les deux oiseaux se saluent en échangeant de petits coups de bec, et l'oiseau semble bien nourri, probablement grâce à l'épicerie située en face du square qui doit le nourrir.

"Alors c'est le nom de l'espèce de Pica ? On dirait qu'ils utilisent ces oiseaux comme alarmes," murmura-t-il, "la cage est ouverte, donc il n'a pas l'air d'être contraint d'y vivre."

Pica revint vers Armand et se posa sur sa touffe de cheveux bouclés, il le caressa un peu avant de retourner vers le banc pour reprendre sa gourde qu'il met dans sa capuche, faute d'espace pour la rangée.

Ils poursuivent leur petite promenade, Armand rayonnant de bonheur suite à sa réussite. La nuit tombe, les horloges de rue indiquent qu'il est bientôt vingt-trois heures. Armand décide de rebrousser chemin vers l'est, en direction de la maison du maître. Cependant, une atmosphère étrange l'envahit soudainement. 

Alors qu'il s'apprête à sortir d'une ruelle vers une rue principale, il entend une foule de gens courir dans celle-ci, accompagnée de bruits de frottement et de grincements d'armure. Armand se cache dans sa ruelle et jette un coup d'œil derrière un mur. il vit un garçon aux cheveux rouges se faire courser puis attraper et mettre à terre par une horde de la garde impériale.

Le garçon semble étrange, ne résistant pas beaucoup. Il porte une grande écharpe jaune autour du cou et arbore un tatouage sur la joue droite, ressemblant à un "L" inversé, comme une larme très abstraite. Au sol, il est attaché et relevé sans opposer de résistance. Les gardes le font monter dans un véhicule tracté par des chevaux, et l'un d'eux ordonne à voix haute de l'emmener à la Forteresse d'Argent. Armand se souvient avoir déjà entendu ce nom lors de sa journée à la bibliothèque d'Auroria, lors du marché macabre de Saukel qu'il n'a pas oublié. 

Il attrape Pica, toujours perché sur sa tête, et lui demande de rentrer à la maison avant lui. Le petit oiseau ne comprend pas, mais Armand le relâche en le lançant en l'air doucement, et instinctivement, Pica s'envole vers la maison. Armand concentre alors une magie rougeâtre au niveau de ses pieds et bondit de mur en mur, fragilisant chaque surface pour atterrir discrètement sur les toits des bâtiments. Le véhicule est déjà loin, mais Armand, qui a décidé de les suivre, parvient à le rattraper en s'enveloppant de son aura bleue, tout en maintenant une certaine distance de discrétion.

Après quelques minutes de poursuite, Armand s'arrête sur un toit au loin. Le véhicule arrive sur une place où les habitations se font plus rares, mais un bâtiment imposant se détache du paysage. Arborant une grande tour au milieu. Le portail s'ouvrit et on pouvait y lire dessus qu'il s'agissait bien de la fameuse Forteresse d'Argent. 

Une femme sortit du bâtiment pour accueillir le cortège, elle avait les cheveux rouges et portait une grande hache sur le dos, puis le véhicule s'ouvrit et les gardes y sortent l'individu avec fermeté. La femme consulte une affiche qu'Armand ne peut pas voir parfaitement de là où il est, puis elle semble comparer l'homme avec cette dernière avant d'acquiescer.

Ils l'emmènent ensuite à l'intérieur avant de refermer le portail derrière eux. Armand, quant à lui, relâche la pression une fois que toute la garde est repartie. Il contemple les murs massifs de la Forteresse d'Argent, se demandant ce qui attend l'homme aux cheveux rouges à l'intérieur.

Armand se saisit de la carte qu'il garde toujours sur lui. Il la déplie, scrutant les rues et les bâtiments. Il ajoute un repère à l'endroit où il se trouve par rapport à la maison du maître. Il la remet ensuite dans sa ceinture après l'avoir enroulée et se dépêche de repartir avant que quelqu'un ne le voit. 

Une fois à distance il retombe au sol dans une ruelle et marche comme si rien n'était en regardant autour de lui, si personne ne le trouve suspect, bien qu'il était déjà minuit passé maintenant et qu'il n'y avait que des fêtards dans les rues et certains agents de nuit vaquant à leurs occupations.

Après un moment à marcher dans les quartiers Nord puis Est, enfin, il revient à la maison du maître. Celui-ci s'est endormi dans sa chaise à bascule, un livre posé sur ses jambes. Pica lui dort paisiblement dans son nid, perché sur l'arbre qui traverse la maison. Armand entre discrètement dans sa chambre, épuisé par cette balade nocturne. Il s'effondre sur le lit, laissant les événements de la soirée tourbillonner dans son esprit.

Fin du chapitre 11.

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