C'était une terre désolée, il y avait des cadavres partout. Des épées et des boucliers jonchaient le sol, témoins du terrible carnage qui s'était produit. Ils commencèrent à fouiller entre les cadavres avec un mal de ventre lorsqu'ils entendirent une toux. Miroïr fut le premier à le trouver, Jäwell était gravement blessé, allongé sous un soldat mort qu'il n'avait pas la force de pousser pour se libérer. Une lance lui transperçait la poitrine, et lorsqu'il vit son frère, Jäwell éclata de rire.
"J'ai failli devoir attendre Miro. Qu'est-ce qui t'a pris tant de temps ?"
Miroïr était soulagé. Son frère était blessé mais vivant et c'était le plus important pour lui en ce moment. Zarkhaïm vint les rejoindre et posa une main sur l'épaule de Miroïr.
"Je vois que quelqu'un est en vie et se sent assez bien pour faire des blagues stupides".
Zarkhaïm relâcha la pression et rit. Ils pensaient tous le perdre ce jour-là. Zarkhaïm était incroyablement fort, d'une main il enleva le cadavre qui bloquait Jäwell puis il porta Jäwell sur son épaule. Miroïr était impressionné, il n'avait jamais vu Zarkhaïm utiliser sa force pure. Miroïr utilisa un portail pour les transporter jusqu'au camp et ils furent de retour en un rien de temps. Ils installèrent Jäwell dans son lit. Zarkhaïm sortit la lance et une larme coula des yeux de Jäwell sous l'effet de la douleur. Jäwell commenta tout de même avant d'éclater de rire avec son trou dans le torse.
"Ouh, la grosse épine !
- La ferme, tu es presque mort." répondit Zarkhaïm avec amusement.
Miroïr n'était jamais venu sur le champ de bataille avec eux et il s'étonna de voir que Jäwell était serein malgré le fait que sa blessure était imposante et n'allait lui permettre de retourner au combat que dans plusieurs mois. Miroïr ne comprenait pas pourquoi il gardait autant le sourire et plaisantait. Il connaissait son frère, il était impulsif, impatient et il aimait vivre dangereusement. Il avait toujours pensé que Jäwell ne revenait jamais blessé parce qu'il était chanceux mais il comprit qu'il s'agissait de tout autre chose lorsqu'il vit Zarkhaïm porter son propre bras à sa bouche et le percer avec deux puissantes canines.
Son sang coula dans la bouche de Jäwell. Cela était si naturel pour eux qu'il était facile de comprendre qu'ils avaient déjà fait cela plus d'une paire de fois.
Miroïr regardait la scène avec émerveillement, il était spécialisé dans la magie et les créatures oubliées. Il savait que Zarkhaïm n'était pas un humain mais il n'aurait jamais imaginé cela. En quelques secondes, la blessure de Jäwell fut guérie et il n'avait même pas de cicatrice. Jäwell tomba de fatigue et s'endormit sans ajouter un mot.
Zarkhaïm se couvrit le bras, se retourna et quitta la tente le plus vite possible. En passant à côté de Miroïr, il lui dit d'une voix rauque.
"Il se réveillera demain comme si rien ne s'était passé. Il est en sécurité maintenant."
Miroïr le vit partir sans ajouter un mot, il ausculta son frère et constata qu'il n'était qu'endormi. Sa température, sa poitrine et ses couleurs étaient normales, tout aller bien. Miroïr était soulagé. Il se précipita dehors, il vit sa tente et se courut à l'intérieur. Zarkhaïm était dans un état terrible. Ses cheveux lui couvraient le visage, sa respiration était haletante et il faisait les cent pas. Miroïr ne savait pas ce qui s'était passé. Sa voix tremblait, il pensait qu'il avait probablement fait quelque chose de mal.
"Je suis désolé Zarkhaïm. Merci pour ton aide."
Zarkhaïm s'arrêta et tourna son visage dans l'autre direction, se cachant. Miroïr s'approcha, lui prit l'épaule et le tourna, le roi le laissa faire.
C'est à ce moment que Miroïr découvrit sa véritable nature. L'homme charmant ressemblait à une bête. Ses yeux étaient passés d'une belle couleur sombre et profonde à un rouge sanguin brillant. Des rides étaient présentes tout autour de son visage, il était marqué par les années, la tristesse, et les nombreuses guerres dont il avait été témoin mais le plus impressionnant était ces deux énormes crocs dignes des plus grands prédateurs. Ses mains étaient également différentes. Miroïr remarqua que ses ongles étaient devenus des griffes d'argent extrêmement tranchantes.
Il leva lentement sa main et lui caressa tendrement le visage en lui chuchotant. Il ne pouvait cacher qu'il était surpris mais, contrairement à ce que pensait Zarkhaïm, Miroïr n'était pas effrayé ou dégoûté par lui, il l'admirait. Jamais au monde, il n'avait vu un être comme lui, Miroïr toucha du bout des doigts chaque ride du visage de Zarkhaïm, explorant sa peau et la sensation froide de la mort. Il était en admiration devant lui et sa vraie nature.
Miroïr lui demanda de la voix la plus douce que Zarkhaïm ait jamais entendue.
"Pourquoi te caches-tu ?
Zarkhaïm ravala sa salive, il avait une expression très sévère, regardant partout ailleurs en essayant d'éviter le regard de Miroïr. Miroïr lui sourit, rapprochant son visage de lui doucement jusqu'à ce que ses lèvres soient portées à son oreille.
"Merci d'avoir sauvé mon frère".
À cet instant, Miroïr le comprenait mieux que quiconque. Il était albinos dans un monde où les différences étaient rejetées. Il avait été malade et faible toute sa vie dans un endroit où seuls les forts survivaient. Il avait de la philosophie et des pensées quand seule la force physique comptait. Il était mage quand la population ne croyait pas en la magie, il avait été chassé pour sa différence et sa mère mourut en le défendant. Sans son frère, Miroïr n'aurait jamais tenu aussi longtemps. Zarkhaïm osa tourner son visage vers lui mais Miroïr n'insista pas et s'apprêtait à le laisser seul comme il le désirait lorsque Zarkhaïm l'attrapa et l'enlaça fortement en murmurant.
"Ne me quitte pas."
En un battement de cil, Miroïr se retrouva dans les bras de Zarkhaïm. Il ne pouvait s'empêcher de l'admirer, son cœur battait de plus en plus fort à mesure qu'il sentait les bras froids de Zarkhaïm l'entourer. Zarkhaïm s'avança et déposa un délicat baiser sur ses lèvres. Miroïr attendait cela depuis très longtemps, alors qu'il se pressa contre lui, il put sentir les crocs de Zarkhaïm derrière sa peau.
C'était là la vraie nature de Zarkhaïm, la créature de la nuit cachée derrière le beau roi. Blessé et meurtri par les siècles. Miroïr le voyait tel qu'il était, honnête et sans artifices, c'était là ce qui comptait le plus pour lui. Miroïr se laissa complètement aller dans ses bras, resserrant l'étreinte qu'ils échangèrent. Le monde autour d'eux n'existait plus, ils étaient seuls dans ce moment d'intimité.
Miroïr passa sa main sur la joue de Zarkhaïm et caressa sa peau avec douceur tandis que la poigne de Zarkhaïm se renforça dans le dos de Miroïr, rapprochant leur corps encore plus. Leur baiser dura quelques minutes seulement mais leur parut une éternité.
Zarkhaïm se blottit dans le cou de Miroïr. C'étaient les minutes les plus importantes de sa longue vie. Ils n'avaient plus de barrières. Ils échangèrent de douces caresses, explorant leurs corps sans aucune retenue dictée par les conventions sociales. Zarkhaïm souleva Miroïr et le transporta jusqu'au couchage à leur côté avant d'entreprendre de l'aider à se déshabiller lentement.
Miroïr n'avait jamais osé se montrer à quelqu'un et Zarkhaïm sentit ses doutes. Le roi s'arrêta et glissa ses doigts tendrement dans les longs cheveux blancs de Miroïr.
La voix tremblante de Zarkhaïm résonna dans l'esprit de Miroïr et son souffle chaud se voulait rassurant.
"Je t'ai déjà tellement attendu, j'attendrai que tu sois prêt. "
Miroïr releva la tête vers lui, ses yeux étaient pleins d'admiration pour son roi. Alors que Zarkhaïm prit un peu de distance pour laisser Miroïr souffler, ce dernier fut emporté par une pulsion. S'ils n'osaient s'avouer leurs sentiments par pudeur, cela ne les rendait pas moins puissants.
Miroïr entreprit de caresser Zarkhaïm de façon bien plus intime, renforçant une érection déjà bien difficile à contenir.
Miroïr lui sourit en maintenant son regard.
"Je suis prêt."