Après avoir ouvert les yeux, elle toucha son pendentif, la chaîne était en or, mais l'était-elle avant ? Elle n'était pas en mesure de le dire, son esprit était confus. Ce pendentif était autour de son cou depuis si longtemps qu'elle n'avait pas remarqué comment était la chaîne. Ce n'était qu'un rêve. Un rêve où elle était à nouveau quelqu'un d'important, où quelqu'un se souciait d'elle, et ce fut un rêve apaisant, le premier depuis de nombreuses années.
Elle ne voulut pas se lever tout de suite, puis elle entendit que Typhon l'attendait dehors. Elle décida finalement de le rejoindre.
Ils se rendirent ensemble au bureau. L'homme qui l'avait fait sortir de sa cellule était là. Elle comprit qu'il s'agissait du "Général". Il donna une carte à Typhon et les ordres de mission dans une enveloppe.
"Typhon, je te confie une petite mission sans grande rémunération car c'est sa première mission. Prends soin d'elle et nous verrons plus tard si je peux te donner quelque chose de mieux."
Typhon acquiesça et ils partirent immédiatement. En chemin, Typhon ouvrit la lettre.
"Nous devons tuer un fermier, il est soupçonné d'être affilié à l'armée de la peste. Nous aurons peut-être quelques cadavres à combattre sur place. Rien de bien costaud, ne t'inquiètes pas."
Elle entendit le mot : cadavre et son visage devint livide. Il y a quelques années, personne n'avait jamais entendu parler de ranimer des morts et maintenant, c'était comme une chose normale dont on parlait. Il remarqua son expression et lui expliqua d'une voix douce.
"Bien sûr, nous devons être discrets. Pas de témoin. Personne ne doit savoir qu'ils existent"
La chaleur des pensées de son rêve se dissipa brutalement dans son esprit et laissa place à la tristesse. Ils atteignirent le village après deux jours de voyage. Typhon l'observait avec sérieux. Même si elle s'entraînait très dur dans sa cellule, elle n'était pas en bonne condition physique.
"Tu n'es pas fatiguée d'avoir tant marché ? C'est ta première mission, nous avons besoin d'un peu de repos."
Elle resta silencieuse, le suivant. Ils prirent place dans une auberge. Typhon s'inquiétait pour elle, c'était un homme profondément gentil. Il commanda deux bières et lui en apporta une. Arja n'avait jamais bu d'alcool auparavant. Elle n'avait que quatorze ans lorsqu'elle avait quitté le palais et n'avait pas eu l'occasion de boire de la bière dans sa vie, Ulrich était toujours là avec elle lors des fêtes. Elle prit le verre et le goûta avec appréhension. Ce fut une véritable surprise pour elle, elle apprécia le goût du liquide et termina son verre d'une traite. Typhon rit de la voir faire.
"Tu n'as jamais bu de bière ? C'est rare."
Arja n'avait encore prononcé aucun mot en sa présence. Elle ne se sentait pas à l'aise pour parler. Elle avait un peu honte de sa voix rauque et préférait se taire. Pour une raison inconnue, elle se sentait plus détendue ce soir. Elle pensait que l'alcool l'avait peut-être aidée. Elle voulait lui demander depuis un moment pourquoi un homme aussi gentil était là avec elle mais elle avait terriblement peur qu'il lui demande la même chose en retour. Ce soir, elle décida de ne pas se soucier des conséquences, elle posa la question.
"Pourquoi fais-tu tout ça ?"
Typhon fut surpris d'entendre enfin sa voix, après tant de temps. Il pensait simplement qu'elle ne pouvait pas parler du tout. Il se mit à rire de bon cœur.
"Pour que tu puisses parler ! Je suis heureux de t'entendre."
Puis son visage devint plus sérieux.
"J'ai rejoint les services d'élite pour arrêter la peste. Ma jeune sœur a été contaminée par un partisan. Je l'ai tué et un agent est venu me voir pour me proposer de les rejoindre. Bien sûr, j'ai accepté, si je peux aider une seule personne à éviter un drame, alors je serais heureux. Tu verras, nous faisons de grandes choses, nous sommes les derniers remparts de l'humanité contre les cadavres."
Arja l'écouta attentivement. Elle comprit qu'elle rejoignait une sorte d'organisation qui combat l'envahisseur. Ces mêmes envahisseurs qui eurent détruit son royaume. Après tout, cet endroit était peut-être le bon pour elle. Peut-être avait-elle trouvé sa place dans le monde ?
Sans s'en rendre compte, elle souriait. Il la fixa un moment, elle savait qu'il voulait lui poser la même question. Elle décida de rompre le silence avant qu'il ne puisse le faire.
"Je suis heureuse d'être avec toi."
Il était intelligent, il comprit et ne dit rien, puis elle se leva et alla dans sa chambre. Il resta un moment assis à table et la regarda alors qu'elle montait les escaliers de l'auberge jusqu'aux chambres. Elle se sentait étourdie. Elle posa sa main sur le mur pour se guider jusqu'à sa chambre. Une fois à l'intérieur, elle ferma la porte et se laissa glisser le long du bois pour s'asseoir sur le sol. Un torrent d'émotions la submergea soudain.
Elle pleura de toutes les larmes de son corps en regardant la petite étoile dans le ciel par la fenêtre.
"Petite étoile… Que suis-je devenue ?"