Peu après, la rumeur se répandit dans tous les villages. Tout le monde se rendit au château pour voir si c'était vrai. Tous ceux qui vinrent étaient captivés par le château restauré et par ce maître des ombres.
L'économie des villages environnants s'améliora considérablement. En quelques semaines à peine, après avoir bloqué l'accès aux gardes du Royaume en place et ainsi empêché les collecteurs de taxes de venir chercher les biens des habitants, les gens purent manger à nouveau à leur faim. Une époque très prospère suivit. Le village autour du château était à nouveau vivant.
Les bruits des marchands et des enfants jouant dehors emplissaient les rues comme cela avait pu être jadis, avant l'ascension du roi Arak'thor. Beaucoup voulaient vivre près du mystérieux dandy et la population grandissait. Ses adorateurs n'en finissaient plus de venir, peu importe si le château était recouvert d'un voile noir d'origine inconnue. Ils avaient de quoi se nourrir à nouveau et pouvaient espérer un futur pour leurs enfants.
Les soldats en patrouille furent repoussés et les collecteurs d'impôts furent attaqués avant qu'ils ne puissent atteindre les citoyens. La région gagna très vite son indépendance, les hommes engagés dans l'armée régulière et originaires des montagnes désertèrent et donnèrent leur loyauté à ce nouveau maître.
Le maître des ombres gagna chaque jour en popularité, tout le monde parlait de lui.
Melinda ne quitta pas le dandy, elle fut la première de ses adorateurs et elle resta à ses côtés à l'admirer. Un mois seulement s'était écoulé quand il lui demanda de gérer l'auberge qui se trouvait près du château. Elle fut ravie de se voir confier des responsabilités. Toutes les femmes étaient folles de lui. Pour la première fois, un homme riche donnait une affaire à tenir à une femme. C'était révolutionnaire et la place des femmes dans la société devint forte et plus importante.
Le maître des ombres se rendait tous les soirs à l'auberge pour boire avec les habitants. Chaque soir, il était ivre mort et Melinda le portait à l'étage de la chambre pour qu'il se repose avant de rentrer au château au milieu de la nuit.
Le village était une place très joyeuse jusqu'à ce que le premier escadron envoyé par Arak'thor n'arrive pour négocier, tout le monde attendait avec excitation de voir ce que l'auto proclamé maître des ombres allait faire.
Il descendit seul du château, fit face au général qui se trouvait devant lui et lui dit calmement.
"Vas dire à ton roi qu'il n'a plus aucun pouvoir ici."
Le général lui rit au nez.
"Pour qui te prends-tu ? Tu as de l'argent et tu as manipulé les gens d'ici. Jeune homme, nous sommes venus t'arrêter. S'il te plaît, ne te mets pas dans l'embarras et viens avec nous de ton plein gré."
Le maître des ombres sourit et répondit simplement d'un air arrogant alors que ses yeux pétillaient.
"Non."
Les soldats se mirent en formation autour de lui, le pointant avec leurs lances. Ils furent surpris lorsque la population se mit à hurler d'excitation. Des hommes criaient.
"Ça va bientôt commencer ! Dépêchez-vous !"
Les femmes portaient leurs enfants dans les bras pour avoir une meilleure vue. Ce n'était pas l'effet escompté. Le général s'effraya, il pensa qu'ils avaient tous perdu la tête. Il donna l'ordre d'assaut.
Puis, la nuit arriva brutalement en plein milieu de la journée. Le maître des ombres leva les bras.
"Vous tous comprendrez bientôt pourquoi mon peuple ne craint pas l'obscurité alors que le vôtre aura peur de dormir."
La nuit devint épaisse et une silhouette noire se mit à bouger. Le général ne pouvait pas tout voir, l'obscurité était trop épaisse et la lumière ne passait plus. Au milieu des cris de ses hommes, il entendait les rires des villageois. Son sang se glaça, et il sentit brusquement une main sur son épaule. Le Maître des ombres se tenait devant lui.
"Je te laisserai vivre pour raconter à ton roi ce qui s'est passé ici."
Puis il posa ses doigts sur son menton et tourna délicatement la tête du général. Les corps de ses hommes étaient complètement ravagés comme s'ils avaient été attaqués par une bête sauvage. Le général observa avec des yeux exorbités le corps de ses hommes démembrés au sol. Il se mit à trembler et à suer.
Les ténèbres s'enroulèrent autour d'eux comme des serpents et les soulevèrent. Dans un rugissement, les cadavres revinrent à la vie avec toutes leurs parties manquantes. Le général mouilla son pantalon, le maître des ombres rit doucement. Il murmura à son oreille.
"Maintenant, tu peux courir."
Le général n'attendit pas, il courut sans attendre une seconde de plus. Il ne s'arrêta pas pendant les quelques jours de trajet et se précipita dans le palais pour faire son rapport à son roi. Le roi était terrifié et devenait de plus en plus pâle en l'écoutant. Il demanda à des gardes de venir chercher le général et de l'emmener en prison. Le général ne comprit pas pourquoi, il supplia le roi.
"Je ne dirai rien à personne si c'est ce que vous voulez, mon roi ! Je vous en prie, libérez-moi ! Laissez-moi libre !"
Mais le roi était sans voix, il avait des larmes de peur dans les yeux. Les gardes arrivèrent avec des lances, ils tremblaient en conduisant le général à sa cellule.
Il se rendit compte qu'il n'avait pas bu depuis plusieurs jours et que, même s'il n'avait pas soif, il devait boire un peu.
Quand il s'approcha de l'eau dans le sceau à sa disposition dans sa cellule. Il vit.
Il vit que la moitié de ses joues avait disparu, et il vit que ses yeux étaient blancs. Il vit du sang noir couler de son cou, comme le voile du maître des ombres. Le général vit deux trous, semblables aux canines d'un animal. Le général comprit. S'il pouvait courir si longtemps, s'il n'avait pas soif, si son roi avait pleuré en le voyant. Tout cela était parce qu'il était déjà mort, ne bougeant que par la volonté du maître des ombres comme un pantin.
Il entendit des rires dans sa cellule, et juste après, une douce voix résonna dans sa tête.
"Tu m'as bien servi. Je te remercie. Je te libère maintenant."
Le général tomba. Les gardes le retrouvèrent une heure plus tard.
Le général était mort.