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J'aimerais le revoir un jour.

« Oui, je comprends, oui. Non, ne vous en faites pas pour ça, c'est tout à fait naturel de vous proposer une réduction dans ce cas de figure, » dit Takao.

Il remercia son interlocuteur à l'autre bout du fil, puis raccrocha avant de soupirer.

Une bonne chose de faite. Il avait réussi à convaincre le client de rester chez eux, et même de signer un contrat plus conséquent.

Restait encore à découvrir exactement ce qui s'était passé dans ce fichu local de tri. Hana avait-elle vraiment détruit ce document par erreur ? Et si oui, à qui en revenait la faute ?

Certes, il s'était présenté comme le responsable de cette erreur, mais c'était quelque chose qu'il avait fait sur le coup, sans réfléchir. Il était donc important qu'il demande des explications à Hana sur ce qui s'était exactement passé, et si elle était vraiment fautive ou non.

Baissant les yeux, il se mit à fixer du regard le tas informe de lamelles de papier placées sur son bureau et qui avaient été sorties du broyeur, et plus particulièrement les documents qu'il avait reconstitués grâce à elles. C'était comme reconstituer d'énormes puzzles, excepté que toutes les pièces étaient mélangées indifféremment, et se ressemblaient toutes. Par le hasard et la chance, mais aussi par entêtement, il avait réussi à résoudre le puzzle qu'était devenu le contrat détruit par accident.

Cependant, il n'avait pas encore réussi à résoudre le puzzle qui importait le plus pour lui : Shinohara Hana.

Pour lui, c'était déjà difficile de comprendre là où Hana s'arrêtait et où Nana commençait, et inversement. Même en étant récemment devenu ami avec elle, il se demandait ce que la jeune femme pouvait bien penser de lui. Il n'avait pas l'habitude d'être autant conscient de lui-même. Du moins, il ne l'avait pas été depuis le lycée et la fac.

Est-ce que c'était parce que Hana était aussi une femme, et pas seulement une amie ? Peut-être se sentait-il trop scruté parce qu'elle était du sexe opposé, et qu'il était inconsciemment nerveux à l'idée de paraître sous son mauvais jour à ses yeux.

Peut-être se sentait-il aussi nerveux à cause du fait qu'il devait faire face à deux personnes différentes en une seule. Ou peut-être encore que lui avoir caché son poste de Directeur le rendait plus alerte et prudent ?

Il pouvait y avoir plusieurs causes, mais pour l'instant, ce n'était pas ce qui importait ; car il ne pouvait pas s'empêcher de repenser au visage grave de la jeune femme, tandis que le Chef Kobayashi lui hurlait dessus.

Même si elle n'avait pas pleuré, ou n'avait pas montré un visage apeuré, Takao avait bien reconnu de la peine sur son visage ; et se demandait comment elle allait maintenant. Même si elle n'avait rien montré, il se doutait qu'elle devait être blessée, tout comme la fois où le Chef Kobayashi avait mal parlé d'elle, sans se douter qu'elle était derrière lui et pouvait l'entendre.

Est-ce qu'elle était encore déprimée ? Est-ce qu'elle était triste, ou déçue ?

Jusqu'à présent, il s'était occupé de réparer les dégâts, et avant cela, avait demandé à ce qu'on lui amène le contenu du broyeur à papier. Il avait rapidement échangé des emails avec les deux Chefs de Section, Kobayashi et Tsukasa, et chacun des messages avait été bref et neutre, purement professionnel. L'énervement du Chef Kobayashi n'avait pas été perceptible, tout comme sa propre rancune à lui. Pourtant, il avait tout de même senti que l'hostilité latente que les phrases courtes et brusques portaient.

Takao était aussi sûr que le Chef Kobayashi savait que ce n'était pas vraiment lui le coupable, mais il n'allait pas lui faire le plaisir de lui avouer. Il ne devait rien à ce type, que ce soit sur un plan personnel ou professionnel. Surtout pas des explications.

Jetant un regard dédaigneux à son écran d'ordinateur, où sa boîte email était encore ouverte, il fit la moue puis se leva. Maintenant qu'il pouvait un peu se relâcher après avoir résolu ce problème, c'était le moment de partir à la recherche de la jeune femme pour s'assurer qu'elle allait bien.

Pendant ce temps, Shinsuke et Saizo continuaient leur conversation ; toujours à l'écart des autres employés.

« Donc voilà, tu sais comment tenter de te faire pardonner, » sourit Saizo.

« Umph, » souffla Shinsuke. « Pas la peine d'avoir cet air de monsieur-je-sais-tout. »

« Et pourtant, tu as parfois bien besoin qu'on te dises les choses, » continua son ami.

Shinsuke grimaça, le sourire moqueur de Saizo le contrariant un peu.

« Je pense aussi que tu devrais éviter de t'emporter autant, » dit Saizo. « Ça fait déjà un moment que je te dis de garder ton calme. Est-ce que c'est à cause de la date qui se rapproche ? »

Shinsuke ne répondit rien, mais Saizo se douta que cet élément était aussi en partie responsable de l'état mental actuel de son ami. Les choses empiraient toujours à cette période de l'année, et il craignait à présent que le mauvais regard des employés ne rendent l'état mental de Shinsuke encore plus instable.

Ce type était obtus et brusque en surface, et d'autant plus fragile intérieurement.

Cependant, le pire était probablement que Shinsuke lui-même refusait de voir l'état dans lequel il se trouvait. Il refusait de voir la faiblesse en son fort intérieur, tout comme il refusait de reconnaître celle des autres. Cela lui jouait occasionnellement des tours, car il finissait par toujours en faire trop, jusqu'à ce que Saizo le rappelle à l'ordre. Son ami, aussi têtu qu'il l'était, ne se rendait jamais compte qu'il allait mal, jusqu'à ce qu'on lui mette les faits sous le nez.

'Ah, si j'étais pas là, ce type ferait vraiment n'importe quoi,' pensa Saizo.

Ils se connaissaient depuis longtemps, tous les deux, et par conséquent, ils se connaissaient très bien. Ce n'était pas une amitié superficielle, mais un véritable lien fraternel que les deux hommes entretenaient. Ils étaient aussi proches que cela, et par conséquent, Saizo avait toujours ressenti le besoin de veiller sur Shinsuke.

Néanmoins, ce besoin n'avait jamais été aussi fort que ces cinq dernières années.

Au départ, Shinsuke et lui étaient partis chacun de leur côté après la faculté d'économie, car recrutés dans des entreprises différentes, dans deux villes différentes.

Saizo s'était marié à sa petite amie rencontrée juste après, et Shinsuke avait aussi fini par fréquenter quelqu'un. Selon lui, c'était la bonne personne, et il comptait aussi l'épouser. Il avait un poste d'analyste qui payait bien, quelqu'un à qui il tenait, et tout semblait parfait.

Puis, sans prévenir, les choses avaient brusquement changé, et cinq ans auparavant, Shinsuke avait appelé Saizo en pleine nuit, avec une voix si grave et peinée que si Saizo ne lui avait pas répondu, peut-être que quelque chose de grave se serait produit.

Le garçon puis le jeune homme qu'il avait côtoyé jusqu'à la fac n'était plus : il avait été remplacé par un type qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Quelqu'un de très sensible à tout ce qui pouvait le toucher, mais complètement indifférent face à la situation d'autrui. Ce gars qui était si gentil et si avenant envers les autres était devenu égoïste, cynique, et renfermé sur lui-même.

En l'espace de quelques mois, Saizo avait assisté à sa transformation, rapide et inéluctable. Il avait vu son ami être réduit en poussière comme de la pierre friable râpée contre une roche plus résistante. Puis, une fois qu'il n'y avait plus aucune résistance, le sable obtenu avait été balayé sur le côté, et oublié là.

Shinsuke était à présent comme cela : une pièce vide dans laquelle il ne restait que du sable et de la poussière abandonnés sur le côté. Il n'y avait plus rien de superflu, plus rien de significatif. Que des débris et des souvenirs.

Tous ces morceaux, Saizo n'avait pas pu les recoller, malgré tous ses efforts. Shinsuke n'était plus le même, et il se fichait bien de ce qui pouvait se passer autour de lui.

Alors quand la jeune interne était arrivée, il y avait vu une opportunité. Pour la première fois, Shinsuke semblait se focaliser sur quelqu'un, bien que ce soit pour de mauvaises raisons. Pour ce qui était de la jeune femme, elle semblait quant à elle vouloir se rapprocher de lui, ce qui amusait Saizo.

Il ne fallait pas se méprendre : Shinsuke s'énervait déjà avant son arrivée, mais cela n'avait rien de personnel. C'était purement un responsable qui réprimandait un subordonné.

Toutefois, dans le cas de Shinohara Hana, Shinsuke avait fait preuve de rancune et même d'immaturité. Comme un jeune homme, il avait cherché à se venger de façon puérile, et même à mener la vie dure à la jeune femme. Encore plus surprenant, il avait dit de vive voix la détester, avant de finalement faire marche arrière.

C'était définitivement quelque chose de nouveau. Sans savoir comment elle avait fait, Saizo avait vu la jeune femme entrer dans cette pièce poussiéreuse, et commencer à re-coller le totem de la colère, puis avait fracturé celui des regrets. La façon qu'elle avait eue, malgré elle, de réveiller chez lui des choses qu'il avait oubliées et reléguées dans ses souvenirs, était plus qu'impressionnante.

Peut-être que c'était ce dont Shinsuke avait besoin, et que Saizo n'aurait pas pu lui fournir : un point de vue neuf, de la part de quelqu'un qui n'était pas dans son cercle d'amis. Peut-être qu'il avait besoin de quelqu'un allant à l'encontre de la posture protectrice de Saizo.

Si c'était le cas, il devait faire tout son possible pour que ces deux-là se rapprochent, quitte à réprimander à son tour Shinsuke, et à le forcer à s'excuser. Cela risquait d'être compliqué, mais sachant que Shinsuke lui-même avait des regrets à propos de son comportement, c'était en bonne voie.

Alors, Saizo ne pouvait qu'espérer. Il ne pouvait qu'attendre et observer ce qui allait se passer, en espérant que Shinsuke arriverait enfin à laisser derrière lui et à leur place les choses qui entravaient son présent. Il espérait, même si ce n'était qu'un moindre espoir, un jour revoir le Kobayashi Shinsuke qu'il avait toujours connu.

Si cela lui permettait de retrouver ce gars toujours souriant et bienveillant, il était même prêt à mettre son ami dans des situations désagréables ou qu'il détestait ; du moment que cela lui remettait les idées en place. Pour cela, Shinohara Hana était parfaite dans le rôle de l'élément perturbateur.

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