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Il ne se rend pas compte de l'évidence.

Une fois l'agitation terminée et Mari et sa fille repartie, Hana retourna s'asseoir devant son ordinateur portable.

Elle repensait encore à sa discussion avec l'autre femme, et les craintes que cette dernière avait.

Jusqu'à présent, Mari n'avait pas osé dire à la personne qui l'intéressait qu'elle avait des sentiments pour elle. La peur d'être rejetée car étant une mère célibataire l'avait freinée, et elle s'était alors contentée de simplement côtoyer cette personne sans jamais mettre en évidence par son comportement ou son attitude ce qu'elle ressentait. Même maintenant, elle sentait qu'elle ne pourrait jamais se déclarer ; car sa fille avait grandi entre-temps.

Hana s'était demandée qui pouvait bien être la personne que Mari aimait, mais cette dernière n'avait pas souhaité le révéler, par gêne ou par indifférence. Elle s'était juste résignée à observer de loin, sans entrer dans une relation avec qui que ce soit.

Contrairement à elle, Hana était plutôt chanceuse. Elle ne considérait pas avoir des choses à cacher, bien qu'elle préférait ne pas parler de certains sujets la touchant de trop près. Elle avait aussi l'opportunité de pouvoir approcher directement le Chef Kobayashi, et de trouver un moyen de se faire un peu plus apprécier de sa part.

Avec une motivation renouvelée, elle reprit l'écriture de son email. Elle voulait demander un service à madame Jintani, et avec un peu de chance, elle aurait une réponse positive.

Une fois son message envoyé, elle entrepris de ranger un peu le petit appartement pour s'occuper, puis décida de regarder un peu la télévision pour passer le temps. Elle tomba sur une série plutôt intéressante, et se perdit à suivre une enquête policière où il était question de yakuza, de tueurs à gages, et de policiers infiltrés. Est-ce qu'être employée à Marline juste pour se rapprocher du Chef Kobayashi pouvait être considéré comme une opération d'infiltration ?

Si c'était le cas, alors pour l'instant, elle avait réussi à approcher sa cible sans même se faire percer à jour. Étant donné que Kobayashi Shinsuke ne se souvenait pas de leur rencontre initiale, il ne risquait pas de la reconnaître de sitôt ; ce qui mettait Hana un peu plus à l'aise. Si le Chef Kobayashi se méfiait d'elle, elle aurait d'autant plus l'occasion de lui prouver qu'il avait tort.

Cependant, elle avait constaté hier soir que l'homme dont il était question avait peut-être déjà commencé à changer son attitude envers la jeune femme. Elle ne savait pas trop ce qui avait pu l'influencer en si peu de temps, mais il était sûr que cela représentait une opportunité à ne pas laisser passer. Tant qu'il était encore de bonne humeur, elle devait faire tout son possible pour se rapprocher de lui.

Dernièrement, elle avait eu des doutes sur la façon de procéder, mais aussi sur la nature de ses sentiments. Elle lui était très reconnaissante, et l'appréciait énormément, au point de le suivre jusque sur son lieu de travail. Même s'il était colérique et plutôt brusque, son image actuelle n'arrivait pas à empiéter sur celle que Hana conservait dans ses souvenirs.

Pour elle, il était encore cet homme qui lui avait adressé la parole dans cette chambre d'hôpital, et qui l'avait suffisamment encouragée et réprimandée pour lui faire changer sa façon de penser. Il la connaissait encore moins aujourd'hui qu'à l'époque, où ils étaient déjà des étrangers l'un pour l'autre. Pourtant, ce lien n'avait pas changé aux yeux d'Hana : Kobayashi Shinsuke était quelqu'un qui l'avait sauvée, et était aussi quelqu'un pour qui elle avait des sentiments.

Certains diraient que c'était peut-être mal placé de ressentir ça pour un parfait inconnu, qui plus est bien plus âgé qu'elle, ou encore que le comportement de la jeune femme avait tourné à l'obsession. D'autres pourraient aussi dire que ce n'était qu'une attirance passagère et superficielle, et parfois, Hana en doutait aussi. C'était tout à fait normal de douter, en ce genre de circonstances ; mais même si ces doutes étaient présents, ils n'étaient pas assez prononcés pour la décourager.

La seule chose qui aurait pu éventuellement l'arrêter dans tout cela, était le Chef Kobayashi lui-même. Si c'était lui qui lui disait d'arrêter, de s'éloigner, et de l'oublier, alors elle le ferait sans hésiter une seule seconde. S'il montrait le moindre signe d'être plus malheureux en sa présence, alors Hana n'hésiterait pas à disparaître sans perdre un seul instant. Tout simplement parce que le bonheur de Kobayashi Shinsuke passait avant tout, y compris ses sentiments persistants.

L'épisode présentait à présent une scène de combat entre des dizaines d'hommes de main, quand le portable d'Hana, resté sur le comptoir de la cuisine, se mit à vibrer. Elle se leva pour aller consulter le message qu'elle venait de recevoir, et à sa grande surprise, vit qu'il provenait d'un numéro inconnu.

Avec curiosité, elle ouvrit le message pour en afficher le contenu, et eut un hoquet de surprise.

[Salut Hana ! Ça va depuis le temps ? Ton père m'a dit que tu avais trouvé un travail dans une grande ville, et je compte y passer dans les prochains jours ! Ça te dis qu'on se donne rendez-vous pour aller manger quelque chose ensemble ? - Jun.]

Elle ne s'attendait pas du tout à recevoir un message de la part de ce garçon avec qui elle n'avait pas reparlé depuis qu'elle était partie faire ses études supérieures, et ce, même si son père continuait de recevoir des lettres papier de sa part à leur domicile. Son père avait dû donner au jeune homme son nouveau numéro de téléphone portable depuis le temps, et sachant que Jun et elle ne s'étaient pas vus depuis au moins trois ans, c'était peut-être l'occasion de renouer contact.

Pendant ce temps, Ogawa Saizo et Kobayashi Shinsuke étaient en train de terminer leur pause de midi. La journée avait été encore une fois agitée, et le fait que Shinsuke se trouvait la tête un peu dans les nuages n'arrangeait rien.

Tous les deux assis à la table d'un restaurant chinois, les deux hommes terminaient une marmite de fondue aux légumes et à la viande ; Saizo préférant le côté très épicé du double conteneur, tandis que Shinsuke piochait avec une louche du côté aromatisé au bouillon de poulet.

« Ah, heureusement que toutes les semaines ne sont pas comme celle-ci, » soupira Saizo en portant à sa bouche un fin morceau de viande.

« On a pourtant déjà eu des semaines bien plus chargées que ça, niveau dossiers à traiter, » dit nonchalamment Shinsuke.

« Hum… S'il ne s'agissait que de ça, je serais d'accord avec toi, mais là... » Dit pensivement Saizo, en mâchant sa viande.

« Tu veux dire quoi par là ? » Demanda Shinsuke tout en buvant un peu d'eau.

Même s'il avait évité le côté épicé de la marmite, le bouillon au poulet restait tout de même trop relevé pour sa langue. Il espérait donc calmer le feu qui rongeait sa bouche avec le liquide, sans pour autant y parvenir. Dépité, il tira la langue. Plus jamais il ne laisserait Saizo choisir quelque chose à manger pour lui.

« Entre l'affaire de Kubo Touma et le malaise de Shinohara Hana hier, c'était vraiment éprouvant, » dit Saizo. « Je me souviens pas avoir déjà eu une semaine aussi folle, et je dois me douter que ça t'affectes plus que tu ne veux bien le montrer. »

« Je dirais pas que ça m'affecte, » répondit sèchement Shinsuke.

« Tu m'avais l'air pourtant bien dans la lune ce matin, » répliqua Saizo. « Se pourrait-il qu'il se soit passé quelque chose, hier soir ? »

« Me cherches pas, Saizo, » le menaça Shinsuke.

« Je ne fais que faire part de mon inquiétude à ton sujet, » dit l'autre homme en sortant un paquet de nouilles au konjac de la marmite pour les mettre dans son bol.

Shinsuke gromela quelque chose d'inaudible et reprit une gorgée d'eau. Il avait vraiment la bouche sèche à cause de ce plat.

« Tu sais que ce n'est pas ta faute, au moins ? » Lui demanda Saizo. « Une réaction allergique, ça peut arriver à tout le monde... »

« Ouais je sais, » répondit Shinsuke. « Ça n'empêchera pas les gens d'en parler comme si j'étais coupable. »

« Peut-être... » Concéda Saizo. « Et donc, qu'est-ce qui s'est passé après l'hôpital ? »

« Quoi ? »

« Je parie que tu as raccompagné Shinohara chez elle, pas vrai ? » Sourit l'autre homme.

« Et ? Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ? » S'impatienta Shinsuke.

« Hum, je ne sais pas…. Juste que tu as l'air différent, aujourd'hui... » Dit pensivement Saizo. « Ne me dis pas que tu te sens déprimé parce que ton interne favorite n'est pas là aujourd'hui ? »

Shinsuke faillit s'étouffer en avalant une gorgée d'eau, et tout en toussant, protesta vivement.

« Pardon ?! J'te signale que jusqu'à peu, je détestais cette fille ! »

« Les gens changent, tu sais. » Dit avec malice Saizo. « Puis c'était ton tort de t'en faire un antagoniste dès le départ. »

Sur ce point, l'autre homme avait complètement raison, et Shinsuke ne put rien faire d'autre que grogner de mécontentement en pinçant ses lèvres l'une contre l'autre.

« J'ai juste réalisé que je n'avais pas de vraie raison de la détester... » Maugréa-t-il à voix basse.

« Hum, je vois… Et qu'est-ce que tu comptes faire, à présent ? »

« De quoi tu veux parler ? »

Saizo se resservit un bol de bouillon épicé, en prenant soin d'y ajouter lentement les légumes et la viande, manifestement pour impatienter son ami. Puis, une fois son bol prêt, il releva les yeux vers l'homme assis en face de lui.

« Tu n'as pas remarqué quelque chose depuis que Shinohara Hana est arrivée ? » Demanda-t-il avec malice.

« Remarquer quoi ? » Râla Shinsuke.

« Ma parole, tu es bien plus obtus que ce que j'aurais pensé... » Dit Saizo avec un air faussement choqué.

« Je suis quoi maintenant?! » S'offusqua Shinsuke.

Ah, c'était beaucoup trop drôle pour que Saizo lui donne immédiatement la réponse. Il s'amusait trop à les observer, tous les deux, mais sentait aussi qu'un petit coup de pouce pouvait parfois être le bienvenu.

« Je t'ai vu observer un peu plus Shinohara, mais je penses que tu ne te concentres pas sur les détails qui comptent... »

« N'importe quoi... » Dit avec embarras Shinsuke.

« Si tu veux mon conseil, tu devrais essayer de l'observer aussi pendant son temps libre, mais pas seulement. » Lui dit Saizo. « Que dis-tu d'essayer d'avoir une conversation polie avec elle ? »

Shinsuke haussa les sourcils en se demandant ce que ce type avait derrière la tête, et Saizo ne put s'empêcher de glousser de rire face à la personnalité ignorante de son ami.

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