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Elle est folle, et elle est de retour.

«Prête à commencer le travail, CHEF!» Une forte voix cria presque.

Wah, il avait failli faire une crise cardiaque, là. Il avait presque sauté hors de sa chaise avec cette soudaine explosion vocale provenant de la jeune femme qui avait les yeux braqués sur lui.

Il espérait juste que personne n'avait vu l'air surpris sur son visage. Mais il était à peu près sûr que personne n'oserait regarder dans sa direction.

Se ressaisissant, il leva les yeux de son bureau pour regarder à sa gauche, et bien sûr, elle était là : une jeune femme – peut-être une jeune fille ? Elle semblait assez jeune – qui le fixait si intensément qu'elle aurait pu percer un trou dans sa tête.

Peut-être pensait-elle qu'elle était intimidante, parce qu'elle se tenait debout alors qu'il était assis à son bureau. C'était peut-être d'où lui venait sa confiance, pour le regarder si intensément.

Mais… Ce visage… Attendez un instant…

«Hein… Vous… Vous êtes…?» Demanda-t-il troublé, mais non le moins du monde impressionné.

La jeune femme, probablement dans la vingtaine, avait de longs cheveux noirs séparés en plein milieu, et assez longs pour descendre jusqu'au milieu de son dos. Ses yeux gris se dirigèrent vers lui comme si elle essayait vraiment de mémoriser ses traits. Ou peut-être le maudire. Ça, ou elle avait besoin de lunettes.

Mais il ne pouvait pas oublier un tel visage, n'est-ce pas? Alors, où l'avait-il déjà vue?

«Je suis la nouvelle recrue sous votre direction, Chef Kobayashi!» Dit-elle en lui balançant un grand sourire.

'Ah, elle est beaucoup trop énergique pour moi, celle-là. Et j'ai déjà vingt personnes à gérer, ils peuvent pas me laisser un peu tranquille, là?' Pensa-t-il. 'Et pourquoi son visage me rappelle-t-il autant…'

«êtes-vous sûre de ne pas vous être trompée, mademoiselle…?» Demanda-t-il en lui adressant un regard sévère.

'Elle interrompt mon travail, et ne se présente même pas avant ça...' Se plaint-il mentalement.

«Je suis Shinohara Hana, chef,» dit-elle d'une voix solennelle. Puis, elle le regarda à nouveau avec des sourcils froncés, comme si le voir lui déplaisait. «J'ai été affectée à votre section, à partir d'aujourd'hui. Je suis une nouvelle recrue, mais j'espère me montrer utile dès maintenant.»

'Erk, elle me regarde trop. Je suis pas habitué à ce que les gens maintiennent un long contact visuel avec moi. Essaie-t-elle peut-être de me faire reculer? Ou d'établir sa position? Et c'est quoi cette façon qu'elle a de me regarder?' Pensa-t-il.

'Attendez… La façon dont elle me regarde?'

«Dans ce cas, vous dérangez actuellement l'environnement paisible de cette section, Shinohara-san,» menaça-t-il en lui renvoyant un regard noir. «Alors vous feriez mieux de vous trouver une place, sinon je me débarrasserai de vous sur le champ.»

Il lui fit signe de la main, pour la chasser avec ce geste. Les sourcils de la jeune femme semblaient encore plus se froncer, comme si ce qu'il venait de dire et de faire lui avait beaucoup déplu.

'Hé, qui s'en soucie. Si t'es pas contente, t'as qu'à t'en aller.'

Mais elle finit par détourner le regard, scrutant de ses yeux l'espace partagé occupant la moitié de l'étage. Il y avait beaucoup de bureaux, parfois côte à côte, parfois face à face. Mais tous séparés par des écrans de partition gris clair. Certains d'entre eux étaient occupés, d'autres non. Parfois, il y avait des photos collées sur l'écran de séparation, parfois des petites plantes vertes en pot. Ou même une peluche, un jouet. Chaque petit détail qui disait « quelqu'un travaille ici », quand l'écran de l'ordinateur n'affichait rien d'autre que du noir ; ou s'il n'y avait pas de plaque nominative affichée.

Elle repéra alors un bureau vide, sans effets personnels.

Le regard de Kobayashi Shinsuke suivit celui de la jeune femme, atterrissant sur un bureau à deux rangées de sa propre place assise.

'Ah oui, le bureau de Shingo. Ça fait déjà un mois qu'il a démissionné, hein?'

Il passa rapidement sa main sur son menton, sentant sous ses doigts sa barbe de trois jours quasi-permanente.

Pourtant, il ne pouvait pas se débarrasser d'un sentiment de terreur imminente, provenant directement de ses tripes.

Il la connaissait. Mais d'où ? Et de quand ?

La jeune femme lui lança alors un autre regard intense, et Shinsuke ressentit un frisson. On aurait dit qu'elle allait le décapiter sur le champ. Pourtant, elle ne le fit pas, et bientôt, elle s'était assise au bureau qu'elle avait eu pour cible ; allumant déjà l'ordinateur devant elle.

C'était un peu troublant. La façon dont elle le regardait glaça le sang dans ses veines. Presque comme s'il se sentait menacé par l'attention soudaine sur sa personne. Il n'aimait vraiment pas ça. Alors plus vite elle se concentrait sur quelque chose à faire plutôt que de le fixer du regard à n'importe quelle occasion, mieux ce serait.

Mais il n'allait rien lui donner à faire pour le moment, car elle devait s'habituer à la position de son bureau, et tout le reste. Il était un abruti et était connu comme tel, mais il avait des manières et le bordel qui allait avec.

« manières »… Le mot résonna dans son esprit. Il l'avait entendu il n'y a pas si longtemps. Peut-être qu'il avait encore un peu la gueule de bois à cause d'hier… Mais peu importe.

Bientôt, Shinsuke s'était à nouveau concentré sur le devis sur lequel il travaillait, lorsqu'un son clair et net résonna plusieurs fois dans l'étage. Comme un écho se répandant partout dans les airs, reliant par un fil invisible tous les postes de travail. Provenant même de son propre ordinateur.

C'était pas le système de notification des e-mails?

Il réduisit la fenêtre du programme de comptabilité et chercha le raccourci pour ouvrir la boîte de réception d'e-mails. Et ça s'y trouvait. Un e-mail discret avec des émoticônes d'étoiles dans le champ « objet ».

Qu'est-ce que c'était que ça ?

Ouvrant ledit e-mail, il n'y vit que trois lignes de texte à l'intérieur.

'De : shinohara.h@marline-insurance.co.jp

Objet : (étoile) (étoile) Bonjour !

Salut ! Je suis la nouvelle recrue !

Ravie de tous vous rencontrer !

Je voudrais fêter ça en vous offrant à tous quelque chose à boire, alors dites-moi si vous aimeriez quelque chose pour la pause de ce matin!'

Quelle manière audacieuse de se présenter soi-même à ses collègues. Mais une manière inappropriée. Elle l'avait même inclus lui, son supérieur direct, dans sa liste de diffusion. Et c'était quoi ces émoticônes mignonnes ?

Il frissonna…

Pas moyen…

Levant les yeux de son ordinateur, et au-dessus de l'écran de partitionnement, il la vit là. Le regardant à nouveau avec ses yeux gris . Tout du long depuis le bureau vide sur lequel sa silhouette élancée était maintenant assise.

Une vue claire et directe depuis un endroit plus élevé. Il sentit presque les poignards qu'elle lui jetait mentalement dessus.

«Shinohara-san, t'es pas un singe bordel, alors descends de là!» Hurla-t-il, irrité et agacé à la fois.

Sa voix en colère surprit bon nombre de gens, et en particulier ceux dont le bureau était le plus proche du sien. Mais pas la cible qu'il visait.

Elle fit un sourire mauvais avant de descendre de son bureau nouvellement acquis, et de s'asseoir correctement sur son siège.

Ah, quel bordel…

Il grogna pour lui-même, puis reprit son travail de comptabilité, ne répondait même pas à l'étrange e-mail de la jeune femme. Ça ne faisait que dix minutes tout au plus qu'elle était là, et il devait déjà lui crier après. Il avait la mère de toutes les migraines, et cela n'allait certainement pas l'aider dans son travail.

Elle va certainement être difficile à maîtriser, celle-là.

Il entendit quelques bavardages et quelques rires réprimés, et ne put s'empêcher de regarder à nouveau au-dessus de l'écran de partitionnement. Elle avait commencé à discuter avec l'homme et la femme qui avaient leurs bureaux de chaque côté du sien. Et même avec le gars juste en face d'elle. Une vraie pipelette, produisant son sourire déconcertant à quiconque lui répondrait. Ce sourire… C'était synonyme de mauvaise nouvelle pour lui.

Ce… Sourire ?

Maintenant, il en était sûr. Il avait vu cette femme hier.

Elle essayait avec tellement d'efforts de faire connaissance avec ses collègues. Mais il lui avait déjà transféré une douzaine d'e-mails sur lesquels travailler. Ne rien lui donner à faire ? Ses fesses, oui. Si elle parlait ça et là avec tout le monde, elle pourrait tout aussi bien déjà travailler sur certains trucs. Et par-là même l'oublier lui complètement.

Elle ferait mieux de commencer à travailler tout de suite, sinon…

Finalement, la pause du matin arriva, et la nouvelle sortit rapidement, prenant l'ascenseur pour quitter l'étage. Plus de bavardages ou de sourires lancés à tout le monde à tout moment.

Il soupira.

«Elle rayonne vraiment celle-là, hein?» Dit l'homme de grande taille occupant le bureau à sa droite.

Shinsuke lui lança un regard distrait : Ogawa Saizo. Attitude insouciante et décontractée, cheveux mi-longs couleur sable, lunettes rectangulaires encadrant des yeux verts. Un des très rares, sinon le seul, capable de résister à sa 'mauvaise humeur', comme les commérages aimaient à dire à son sujet.

Mais en réalité, il imposait juste leur travail à juste à tous ceux qui se relâchaient.

«Tu veux quoi, Saizo?» Cracha-t-il, les sourcils froncés, mais plutôt par agacement que par confusion.

L'homme vêtu d'un complet trois pièces gris clair, orné d'une cravate vert foncé, s'appuya en arrière sur son siège ; assez pour que son visage dépasse de la cloison entre les deux bureaux.

«Je dis juste,» sourit-il. «Elle est mignonne!»

En même temps, il repoussa avec sa main des mèches de cheveux lâches qui étaient tombées devant ses yeux et ses lunettes à cause de sa posture penchée en arrière.

«Mignonne mon cul,» dit-il. «Elle n'a rien fait d'autre que bavarder toute la matinée.»

Et me regarder de travers, pensa Shinsuke.

Me regarder… De travers ?

Puis, tout lui revint en mémoire.

La boite de nuit.

Les cris.

Et ce regard furieux.

Cette femme…

C'était la tarée d'hier soir !

Comment est-ce qu'il avait pu oublier ça? Et ne s'en souvenir que maintenant ?!

Il déglutit lentement.

«Ben tu sais, elle vient juste de commencer aujourd'hui, et c'est une nouvelle recrue, après tout. Pas quelqu'un transféré depuis un autre département,» déclara Saizo ; cherchant son paquet de cigarettes dans ses poches.

Ayant trouvé un paquet dans l'une des poches avant de son pantalon, il se leva de son siège et murmura une dernière chose avant d'aller lui-même vers l'ascenseur.

«Tu sais, tu ne peux pas renvoyer quelqu'un dès leur premier jour, alors tu ferais mieux de garder ton sang froid.»

Garder son sang froid ? Il avait du sang froid. Tellement de sang froid que les gens parlaient de lui dans son dos comme d'un connard avec un glaçon à la place du cœur.

Oui. Garde ton sang froid, Kobayashi Shinsuke.

De plus, il ne la renverrait pas parce qu'elle souriait tout le temps et lui lançait des regards noirs. Ou du moins, ce ne serait pas la raison officielle. Il la licencierait parce qu'elle n'était pas « à la hauteur de la tâche ».

Plus que ses sourires, ce qui le mettait mal à l'aise, c'était la façon dont elle le regardait. Comme s'il était un sac poubelle. En souriant.

Peut-être cachait-elle ses véritables intentions, à agir comme si rien ne s'était produit hier.

Peut-être avait-elle déjà eu vent de toutes les rumeurs à son sujet ; peut-être qu'elle essayait de se jouer de lui.

Mais peu importe…

En fin de compte, il était le patron de tout le monde à cet étage ; et il serait le tyran de tout le monde, si cela aidait à ce que le travail soit fait d'ici 18 heures.

Son fil de pensées fut coupé par une mince main posant juste devant lui un grand gobelet en carton de boisson, sur son bureau.

«Tenez, Kobayashi-san,» Dit la voix troublante.

Elle était déjà de retour, et il n'avait même pas besoin de la regarder pour savoir qu'elle le fixait à nouveau de toutes ses forces. Il se leva de son siège et la regarda. Elle était plus petite que lui ; peut-être même d'une tête entière plus petite. Il dut donc baisser le regard pour la fixer droit dans les yeux avec les siens. Des yeux doux mais ardents.

C'était le pire. Il pouvait voir qu'elle essayait d'être gentille. Et cela le mettait tellement en colère.

«C'est quoi ça?» Demanda-t-il, ne prenant même pas la peine de jeter un œil à la boisson.

En fait, il était plus grand que presque tout le monde à cet étage ; mesurant 1,95m. Ce détail avait sûrement contribué à répandre l'image menaçante et imposante que les gens avaient de lui. Mais encore une fois, il s'en moquait.

Cette fois, c'était lui qui la regardait de haut.

Elle le regarda droit dans les yeux. Mais ensuite, son regard se balada sur son cou et ses épaules, comme si elle cherchait quelque chose. Finalement, ses yeux regardèrent ses bras et ses mains, avant de revenir sur le visage de Shinsuke.

«Quelque chose à boire pendant votre pause, Kobayashi-san!» Rayonna-t-elle.

Ah, il ne savait plus.

Souriait-elle exprès ? Avec un agenda caché ? Son sourire était-il vrai, ou faux ?

Elle n'avait pas le même maquillage ni la même coiffure qu'hier, mais c'était définitivement elle. Jouant avec ses nerfs.

«Je n'ai rien commandé,» dit-il en fronçant les sourcils.

Si elle voulait tellement jouer à ce petit jeu, ils pouvaient tout aussi bien être deux à y jouer.

« Je sais, » répondit-elle en ne souriant plus. Mais toujours en le fixant. Comme s'il était une sorte de paysan, et elle un seigneur féodal.

Presque comme si elle voulait le gifler. Mais cela n'allait pas fonctionner. Il avait la peau dure. Il était à l'abri de tout ce qui lui était lancé, qu'il s'agisse de remarques mesquines, de jurons, de regards méchants ou de critiques sévères. Il avait déjà tout eu. Alors quelques petites broutilles de la sorte en plus ne lui feraient plus aucun mal.

«J'en ai pas besoin,» dit-il catégoriquement, prenant la tasse dans sa main et la tendant d'un mouvement rapidement à la jeune femme.

Un geste qui n'aurait pas pu dire plus clairement 'laisse-moi tranquille et retourne travailler!'.

Réticente, elle reprit la boisson chaude et lui lança un dernier sale regard avant de retourner à son propre bureau.

Ouais. Il ne se ferait plus blesser de la sorte…

«Aww, pourquoi t'es si vicieux, Kobayashi-san?» Dit Saizo en faisant la moue, de retour de sa pause fumeur ; et tombant lourdement si son siège.

«Je suis pas vicieux, je suis professionnel,» répondit-il, pas le moins du monde ému par les gémissements de son subalterne.

Du moins, il avait essayé de ne pas l'être. Mais son cuir chevelu blessé disait le contraire, le poussant à être un parfait enfoiré envers la jeune femme.

«Mais Shinohara-san a eu la gentillesse de t'apporter quelque chose,» continua Saizo.

«La gentillesse ne t'amènera nulle part dans ce monde,» dit sèchement Shinsuke, sans même regarder du côté de Saizo. «On est pas payés pour être gentils, ici.»

C'est vrai.

La gentillesse.

Elle pouvait aussi revêtir cet aspect, envers les gens.

«Peut-être oui, mais cela ne veut pas dire que tu dois être aussi impoli, Kobayashi-san,» rétorqua Saizo. «Tout n'est pas forcément fait sous prétexte, tu sais.»

Cette dernière phrase lui valut un sale regard de la part de son supérieur, et il sut qu'il en avait trop dit. Ce genre de regard menaçant qui pouvait vous faire fermer votre gueule d'un seul coup.

Non, jamais.

Il ne ferait plus jamais ça.

Et si elle continue à faire ça, alors il n'aura pas le choix. Elle avait posé le pied pile dans son territoire. Il était le patron ici, et elle n'allait pas s'en tirer avec ce qu'elle lui avait fait la veille.

«Cette fille dingue, je dois la faire démissionner,» marmonna-t-il, juste assez fort pour que lui seul puisse l'entendre.

Je pense que c'est la pire situation qui puisse arriver : s'embrouiller avec quelqu'un pour découvrir le lendemain que vous êtres à présent collègues au travail! Le malaiiiise!

Shinsuke a du soucis à se faire!

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