L'aventure d'Ale: ascension d'un aventurier

La nuit était d'un calme étrange, presque oppressant. Les étoiles semblaient retenir leur souffle, observant d'un œil distant le drame qui se déroulait en dessous. Dans l'obscurité, le château impérial, imposant et majestueux, se découpait comme une ombre contre le ciel noir, ses tours touchant presque les cieux.

À l'intérieur, les couloirs étaient silencieux, à l'exception de quelques murmures étouffés. Devant une porte massive ornée de dorures, un jeune homme au visage tiré faisait nerveusement les cent pas. Le prince héritier Hadrien, l'avenir de l'Empire, attendait avec impatience des nouvelles de l'intérieur. Derrière cette porte, sa femme luttait pour donner naissance à leur enfant, leur premier héritier. Mais le calme apparent du château ne faisait qu'accentuer l'angoisse qui étreignait son cœur.

À côté de lui, son général et garde personnel, Valen Ardyn, un homme d'une loyauté inébranlable, surveillait la scène d'un œil inquiet. L'atmosphère était lourde, chargée de présages sombres. Le général finit par rompre le silence, sa voix grave trahissant l'urgence de la situation.

« Mon prince, il faut partir. Le roi... il vous soupçonne de trahison, de fomenter un coup d'État. Les soldats encerclent déjà le château. » Le prince, abasourdi, secoua la tête, refusant d'accepter l'idée.

« C'est impossible... Je n'ai rien fait de tel ! »

« Je le sais, mon prince, » répondit le général d'un ton ferme. « Mais les ordres sont clairs. L'empereur veut que vous vous rendiez. Des nobles de la cour royale, ainsi que des témoins proches de vos alliés, vous ont accusé d'un complot de coup d'État. Je ne sais pas jusqu'où s'étend cette trahison, mais les accusations sont graves. Résister ne servirait à rien, cela ne ferait qu'aggraver votre situation. Nous devons partir, maintenant. »

Le prince sentit une boule se former dans sa gorge. L'idée même que tout cela puisse être vrai lui semblait impensable. Le doute, insidieux, s'infiltrait dans son esprit, si pesant qu'il en avait du mal à respirer.

«Si seulement Redès était là… peut-être que père retrouverait sa raison.» Son frère, qu'il considérait comme son meilleur ami, celui qui l'avait protégé et chéri durant toute leur enfance, était absent à ce moment crucial. Envoyé en mission loin de la capitale quelques jours plus tôt, il aurait tant souhaité pouvoir compter sur lui pour apaiser leur père.

Le prince jeta un regard vers la porte, déchiré entre le devoir et l'amour.

« Si je fuis maintenant, ne serait-ce pas accorder raison à ceux qui m'ont trahi ? » murmura-t-il, la voix brisée par le doute.

Le général, le regard grave, posa une main ferme mais réconfortante sur son épaule. « Votre innocence pourra être prouvée en temps voulu, mon prince. Mais si vous restez ici, vous ne vivrez pas assez longtemps pour défendre votre honneur. Fuyez maintenant, votre vie en dépend.»

Le prince hésitait, son esprit embrouillé par les événements qui se précipitaient autour de lui. Le château, autrefois symbole de sécurité et de pouvoir, se transformait en une prison mortelle.

Soudain, un cri déchira le silence oppressant du château. Un cri nouveau, fragile, mais porteur d'une vie qui venait de naître. Le prince héritier se figea, son cœur battant à tout rompre. Un héritier était né. Était-ce un prince ou une princesse ? Peu importait. Il ne pouvait plus attendre.

D'un geste fébrile, il ouvrit la porte de la chambre, espérant serrer dans ses bras sa femme et leur enfant. Mais à peine était-il entré que la scène qui s'offrit à lui le cloua sur place. La sage-femme, le visage grave, lui tendait un nourrisson emmailloté. Autour du lit, les servantes pleuraient, des larmes silencieuses roulant sur leurs joues, leurs corps secoués par des sanglots étouffés.

Le prince s'approcha lentement, presque en état de choc. Sa femme, la princesse, était là, étendue, son visage d'une pâleur inquiétante. Elle n'avait pas survécu à l'accouchement. Le monde du prince s'effondra en un instant. Ses yeux se remplirent de larmes, mêlant une tristesse profonde à la joie déchirante de devenir père.

Il prit doucement l'enfant des mains de la sage-femme, le tenant contre lui comme s'il était la chose la plus précieuse au monde. Les larmes coulaient librement sur ses joues alors qu'il se penchait pour déposer un dernier baiser sur le front glacé de sa bien-aimée.

Le cœur lourd, il se redressa et se tourna vers son fidèle garde royal, Valen, qui se tenait en retrait, observant la scène avec une tristesse muette. Le prince tendit doucement le bébé vers lui. Le prince retira le précieux collier de son cou et le passa délicatement autour du cou de son enfant.

« C'est le collier que ta mère m'a offert lors de notre premier rendez-vous, symbole de notre amour et de notre promesse de toujours veiller l'un sur l'autre. Qu'il te protège, comme elle l'a fait pour moi. »

« Valen, » murmura-t-il, sa voix brisée par l'émotion, « emmène cet enfant. Éloigne-toi d'ici par le passage secret. Élève-le comme s'il était le tien. Protège-le de tout cela. Vis une vie paisible et tranquille, loin de cette tragédie. »

Valen prit l'enfant avec une infinie délicatesse, ses yeux embués de larmes. Il ne dit rien, mais son visage trahissait une promesse silencieuse, celle d'une loyauté inébranlable. Il inclina profondément la tête, en signe de respect et d'adieu, avant de se retourner et de se précipiter dans le couloir sombre. Pourtant, au dernier instant, il jeta un regard en arrière, comme s'il voulait dire quelque chose. Mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Finalement, il s'éclipsa dans les ombres, l'enfant serré contre lui.

Le prince resta là, seul dans la chambre glaciale, le poids de sa perte l'écrasant. Le destin venait de lui arracher tout ce qu'il avait de plus cher, et pourtant, il savait que son devoir n'était pas terminé. Il se devait de protéger cet enfant, son enfant, même au prix de sa propre vie.

Le prince, accablé par la douleur, la colère et la trahison, se sentait de plus en plus acculé. Il savait que, quel que soit son choix, l'étau se resserrait sur lui. Mais avant de prendre une décision fatale, il devait s'assurer que la vérité soit connue et que son enfant soit protégé.

Dans l'intimité de sa chambre, le prince saisit un morceau de parchemin. Une détermination froide se lisait dans ses gestes alors qu'il entaillait sa main, laissant son propre sang tracer les mots qui seraient son ultime message.

Chaque lettre était imprégnée de la douleur de la trahison, mais aussi de la force inébranlable de ses convictions. Il proclamait son innocence avec une clarté déchirante, dévoilant les preuves qu'il avait accumulées contre ceux qui avaient comploté pour le renverser.

Méfiant et incertain, il ne savait plus à qui accorder sa confiance, même parmi ses plus proches alliés, les Cinq Génies avec qui il avait combattu des années durant. Ensemble, ils avaient forgé la légende de la grande expansion, repoussant les monstres et les fidèles de l'esprit des ténèbres. Mais maintenant, le doute l'assaillait.

Le prince fit alors appeler ses soldats les plus loyaux et leur ordonna de diffuser cette lettre au-delà des frontières, dans une nation neutre, loin des intrigues de l'empire. Il voulait que la vérité éclate au grand jour, que le monde entier sache ce qu'il s'était réellement passé.

« Publiez cette lettre ouvertement, » leur dit-il d'une voix calme mais résolue. « Que tout le monde sache que je suis innocent. Un jour, mon enfant devra connaître la vérité, et ce sera à vous de veiller à ce que cette vérité survive. »

« À vos ordres. Nous accomplirons notre mission, quoi qu'il arrive, même au péril de nos vies. » Les soldats lui prêtèrent serment, puis se dispersèrent.

Une fois les ordres donnés, il sut que le moment était venu. Le prince se redressa, son visage marqué par la résolution. Il ordonna à ses hommes de le suivre, non pas pour se battre, mais pour l'accompagner dans ce qui serait son dernier acte en tant que prince.

Ils marchèrent ensemble dans les couloirs sombres du château, le bruit de leurs pas résonnant dans un silence lourd. Lorsqu'ils atteignirent la grande cour, le général envoyé par l'empereur les attendait, entouré de soldats en armure, prêts à capturer le prince.

Le prince s'avança seul, se tenant droit devant le général, le regard fier malgré la douleur qui l'envahissait. Il s'adressa à lui avec une dignité qui fit taire les murmures des soldats présents.

« Je vous supplie d'épargner mes hommes, » dit-il d'une voix ferme. « Ils n'ont fait que me suivre par loyauté. »

Le général, bien que pris de court par la gravité de la situation, resta silencieux. Il connaissait le prince depuis longtemps et savait que cet homme ne se rendrait jamais sans condition.

Le prince, sans attendre de réponse, tira lentement son épée. Les soldats autour de lui se figèrent, incertains de ce qui allait se passer. Avec un dernier regard vers la chambre où reposait sa femme, il leva l'épée à hauteur de sa gorge. Il inspira profondément, fermant les yeux un instant pour rassembler son courage.

Puis, dans un geste rapide et décisif, il trancha sa propre gorge. Le sang jaillit, et le prince s'effondra au sol, son corps inerte devant le général et ses propres soldats, sidérés par la scène tragique qui venait de se dérouler.

Le silence qui suivit était assourdissant, chaque soldat réalisant l'ampleur du sacrifice auquel ils venaient d'assister. Le prince était mort, mais il avait choisi sa fin. Il avait préservé son honneur et laissé derrière lui les clés pour rétablir la vérité.

Le général, secoué, ordonna aux soldats de ne pas toucher au corps du prince et de laisser ses hommes partir en paix, respectant ainsi la dernière volonté de cet homme qui avait préféré la mort à la soumission.