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Arc 1 - Épisode 11 : Des Rencontres Singulières.

Deux jours après la débandade du détachement armé de Kigen face à l'impressionnante puissance du Shirenai à pseudonyme, les trois compagnons de voyage marchent ensemble, Rajik en avant. C'est à ce moment-là que Rai tourne ses pensées vers ses amis. Un tel duo, complémentaire et pourtant improbable. Comment est-il né ? D'après les rares témoignages délivrés par le spécialiste de glace, il est impossible que ces deux se connaissent depuis l'enfance. Il faut qu'il en sache plus.

« Yoru, j'ai une question à te poser. Rajik et toi, comment vous êtes-vous connu ? » avance Rai.

« Oh une histoire assez spéciale... Je ne sais pas si ça en vaut la peine que je la raconte. » répond-il, un peu gêné.

Il cède quelques secondes plus tard face au regard insistant lancé par son interlocuteur. Des années auparavant, dans une forêt quelconque, Yoru marchait paisiblement, grimoire sous le bras.

« N'étant plus le disciple du grand Kigzir depuis peu, j'errai sans réelle destination précise en tête. Jamais je n'avais été confronté à une telle situation. » raconte-t-il.

Quand, soudain, trois individus l'encerclent.

« J'avais été pris en embuscade par des malfaiteurs. » poursuit-il.

« Donne-nous ton bouquin, étranger, où tu en paieras les conséquences ! » menace l'un d'eux.

« Tu ne pouvais pas te défendre ? » demande Rai.

« Non. A cette époque, je maîtrisais encore mal mon grimoire. Lancer mes sorts était pénible. Ils allaient me faire la peau quand [...] » lui répond l'Enijiakku aquamancien.

Soudain, Rajik, survenant brusquement d'un buisson, telle une panthère, surgit et saute sur l'un d'eux, lui mordant la poche avec vigueur. Sa pauvre proie le supplie de le lâcher en le ruant de coups qu'il ne sent guère, trop focalisé par ce qu'il se trouve à l'intérieur. L'intervention de ses complices n'y change rien. Pour rien au monde le lion ne desserrera ce qu'il y a entre ses crocs. Après plusieurs secondes d'efforts inutiles, la bête sauvage arrache la poche par les dents et grogne. Supposant fortement que ce détraqué cachait en lui quelconque maladie, la pauvre victime convint ses associés de quitter les lieux le plus vite possible. Chose qu'ils s'empressent de faire illico. Celui à la poche arrachée ne remarque pas qu'il laisse tomber de la nourriture au passage. A ce moment précis, le Zigrik pris en tenaille compris ce qui l'avait fait venir.

« En l'observant scrupuleusement, j'ai remarqué que depuis tout ce moment, et ce même après leur fuite, un flux inhabituel circulait toujours dans son corps. Jamais je n'avais vu une chose pareille. Aussitôt, je pris des notes. Pendant tout ce temps, il ne semblait pas prêter la moindre attention sur moi. Une action si brusque, animale. Trop de questions m'animaient. Je voulais en savoir plus. »

Puis, son futur ami s'approche tout doucement de lui, toujours en train de dévorer en grosses bouchées les denrées abandonnées précipitamment au sol, et lui tend un fruit qu'il avait sur lui. L'étrange nature comportementale mise à nue, Yoru engage le premier contact en l'appâtant avec un fruit qu'il restait dans sa besace. Le sauvage, mal à l'aise face à ça dans un premier temps, trop affamé, décide au bout de quelques secondes de manger ce qui lui est tendu. C'est ce moment clef qui fut le pilier de départ de leur amitié. Une fois cette explication passée, lui et Rai regardent Rajik.

« J'imagine bien leur réaction. » avoue le Shirenai, prêt à ricaner.

Et pourtant, malgré ce moment de légèreté, ils ne soupçonnent pas qu'Alnor se trouve tout près d'eux, lui-même fier d'avoir foutu une raclée honteuse face à un mercenaire, pas n'importe lequel qui plus est. La tension relâchée, il ressent la présence des trois amis. Aussitôt, il déduit directement qu'un Zigrik et un Shirenai sont parmi eux. Sous la panique, il croit de manière instinctive qu'ils sont à la recherche de la signature énergétique singulière de son bracelet. Guidé par cette perspective, il le retire et part se cacher.

« Pour être franc avec toi, je lui dois beaucoup depuis ce jour-là. Nous formons maintenant une véritable équipe. Grâce à lui, j'ai gagné en efficacité et en puissance. Je manie mieux mon élément et mon Obujepawa. » confirme Yoru.

« Et moi avoir appris à mieux taper ! Lui dire et moi faire. Nous avoir toujours agir comme ça. » poursuit Rajik.

« C'est une belle histoire. J'espère faire de même avec vous. »

« Mais déjà avoir fruits ! » relève avec vigueur celui à l'origine de leur formation.

« Tu as encore des lacunes mais c'est compréhensible. Tu ne croiras pas ce qui je vais dire, car même moi je ne me reconnais pas ces mots, mais, Rajik a le pouvoir incroyable, selon moi, de réveiller les aptitudes de ceux qui le côtoient. Sans lui, j'ignore si j'aurais pu acquérir de tels talents au combat malgré ma lacune évidente au corps-à-corps. »

« Vous vous complétez bien en ce sens. Loin de moi l'envie d'être trop insistant, je me pose beaucoup de questions en ce moment et, parmi elles, il y a une chose que j'aimerais savoir. A chaque fois, c'est quand je pose les yeux sur ton grimoire. Dis-moi, les Enijiakkus ont-ils déjà un objet lorsqu'ils apprennent la maîtrise des éléments ? »

« Non. Nous apprenons comment les énergies fonctionnent. Nos connaissances s'étendent sur la flore de Faironne, ses propriétés, sa faune aussi. Nous nous considérons en quelque sorte comme les garants d'un savoir complexe. C'est à nous de développer une maîtrise avec l'objet que nous voulons, en y injectant une part de notre propre énergie ou en la cultivant à l'intérieur s'il n'y en a pas. Parfois ça peut prendre du temps. Quand j'étais plus jeune, je m'entraînais au bord d'une rivière. J'avais tout essayé comme accessoire. Bracelets, aiguilles... J'ai eu énormément de difficultés pour développer mes pouvoirs. »

« A ce point ? »

Un peu honteux devant cette vérité, l'Enijiakku n'ose pas répondre. Tout à coup, Rajik, alerté par son flair aiguisé, part sans crier gare. De peur qu'il n'enclenche une nouvelle catastrophe, Yoru et Rai partent à sa poursuite.

« Nous continuerons notre conversation une autre fois. D'accord ? » propose l'aquamancien dans la course.

Peu après son avance, ils entendent un cri. Une fois arrivés sur les lieux, ils font le peu surprenant constat que, comme lors du souvenir conté par l'actuel propriétaire du grimoire de Kigzir, Rajik a les crocs plantés dans la besace de quelqu'un. Qui d'autre qu'Alnor finirait ainsi ? Personne.

« Lâche ça sale bête ! » s'insurge ce dernier.

« Rajik ! Lâche ça tout de suite ! Sinon je te gèle sur place ! Au pied ! » menace son meilleur ami.

Son intonation dans sa voix et sa gestuelle suffisent à le convaincre d'arrêter et de s'écarter, le regard toujours fixé sur le voyageur dimensionnel. Pour la suite, ce dernier ne remarque pas le Shirenai qui était pourtant son associé avant de devenir amnésique.

« Lui avoir bonne nourriture ! Et moi avoir faim ! »

« Pardonnez-moi. Je n'ai pas su l'arrêter à temps. Tout est de ma faute. Je ne l'ai pas encore complètement dompté. Ce n'est qu'un goinfre qui se rue à la moindre odeur qui arrive à son pif. Vous n'avez rien ? »

La proie malheureuse semble ne montrer aucun signe probant d'énervement ou de frustration. Curieux, Yoru essaye de décoder la moindre de ses expressions, craignant à tout moment d'être sermonné.

« Il a de la chance que je sois de bonne humeur sinon il n'y aurait eu plus aucune trace de son existence. » annonce d'un ton anormalement solennel l'ancien partenaire de Rai, jetant un froid sur l'agresseur.

« Ne vous en faîtes pas. Il sera puni comme il se doit. Puis-je faire quelque chose pour vous afin de me racheter de son comportement bestial ? »

« Non vous ne pouvez rien pour moi merci. J'accepte vos excuses. »

« Je ne veux pas paraître indiscret mais que faîtes-vous par ici ? » poursuit l'aquamancien, très déterminé à faire disparaître de l'esprit de son homologue cette pauvre anicroche.

D'abord voulant juste esquiver cette question en tournant les yeux, il s'aperçoit, à son plus grand malheur, de la désagréable présence d'un être qu'il ne soupçonnait pas croiser si tôt. Il est encore vivant lui ? Comment est-ce possible ? Comment a-t-il fait pour encaisser toute sa puissance ? Pourquoi ne l'a-t-il pas perçu ? Serait-ce dû à son bracelet ? Plus il enchaîne les interrogations dans son esprit, plus la tourmente s'empare de lui, au point de le mettre de plus en plus sueurs.

« Vous semblez perturbé. Quelque chose ne va pas ? » dénote Yoru.

Au premier abord, en y prêtant plus attention, Alnor émet la théorie que Rai ne le reconnaît pas. Que c'est étrange... Il aurait dû l'attaquer !

« Oh ! Je vous parle ! »

« Euh rien rien. Je pensais tout simplement. Il m'arrive parfois de laisser mes pensées s'évader dans l'immensité de l'inconnu. Le traverser de part en part. Découvrir sa limite, si elle existe. Il n'y a rien de plus passionnant que le voyage. »

Ce discours résonne chez le spécialiste de la glace. Quel esprit éclairé ! Quelle belle vérité ! A aucun moment il ne fait la liaison avec la philosophie distillée au sein de son peuple depuis des moments immémoriaux. Bercé par ces mots, il ne trouve rien à ajouter. Rajik n'a absolument rien compris, comme à son habitude face à de tels déchaînements verbeux. Seul Rai essaye de décrypter chaque phrase. Pendant ce temps, Alnor évite à tout prix les yeux du Shirenai et commence à se gratter l'arrière de la tête.

« A vrai dire, je me suis perdu. Ici tout se ressemble alors il devient facile de s'égarer, vous savez. »

« Non, ça pas être difficile de s'y repérer. Moi avoir l'habitude. »

L'ouvreur de failles profite d'un moment d'égarement du trio pour remettre son bracelet discrètement.

« Cela tombe bien. Mes amis et moi comptons nous rendre dans un village pas loin d'ici pour nous reposer un peu et faire le plein. Voulez-vous être des nôtres ? » propose Yoru.

« Euh non je vous remercie mais je m'en sortirais très bien tout seul. Je suis plutôt quelqu'un préférant la solitude. Avis peu populaire, n'est-ce pas ? »

« Pardonnez ma curiosité mais, éthique oblige […] »

« Désolé de vous interrompre, mais, vous venez d'utiliser le mot 'éthique' ? Vous voulez dire que... Vous en êtes un ? » demande Alnor, le regardant un peu de travers.

« Oui, pourquoi ? Vous aussi ? »

« De même. Puis-je voir votre Obujepawa ? »

« Mon grimoire ? Mais avec grand plaisir ! »

« Voilà eux causer avec leurs propres mots... » s'indigne à haute voix l'adepte des coups de poings.

« Rajik, ce n'est pas souvent que je croise de manière pacifique un confrère alors tes remarques tu les gardes ! Surtout qu'en ce moment, d'après ce qu'il se dit, nous avons mauvaise réputation et j'en ignore l'origine. Et si on rajoute toutes les encombres que tu as enclenché, ça ne nous arrange en rien ! »

« Il a raison. Laisse-le profiter de ce moment privilégié entre eux. Mis à part l'invocatrice, nous n'en avons croisé aucun. » souligne Rai.

Sans perdre un seul instant, l'Enijiakku, ignorant quel vrai nom porte son peuple, pris d'un élan indescriptible d'enthousiasme, sort son grimoire. Le voir ainsi réjouit le Shirenai, plutôt habitué à ce que la tristesse, l'amertume, l'énervement, voir même une absence empathie transpirer le long de son visage.

« Un bel objet en effet. C'est… Assez surprenant. D'autant plus que je me demande bien comment vous l'avez eu. »

« C'est un héritage de mon maître. Avez-vous entendu parler d'un certain Kigzir ? »

A l'évocation de ce nom, une profonde stupéfaction anime celui qui veut tant mettre la main sur le Kirioku. Comment ce piètre Zigrik a pu côtoyer un être de ce calibre ? Si ce dernier a reçu ses enseignements, c'est un pur gâchis.

« Monsieur ? » insiste avec une légère inquiétude son ancien élève.

« Je ne le connais que de nom. »

« A ce propos, quel est le vôtre ? »

« Pardon ? »

« Éthique voyons. Tous comme les Shirenais entre eux, nous devons connaître nos noms. Avez-vous oublié nos codes ? »

« Oui oui bien sûr. Excusez-moi. Mon nom est Alnor. »

« Et votre Obujepawa ? »

De peur qu'à la seconde où son ancien associé pose les yeux sur sa précieuse acquisition il ne le reconnaisse, il hésite à le dévoiler. Est-ce réellement une bonne chose ? Mais, après mûre réflexion, il n'aurait rien à craindre de son homologue. Même si l'anomalie Rajik le dérange légèrement, il finit par céder à la demande. S'il est cramé, il saura quoi faire.

« Non... Ce ne serait quand même pas [...] »

« Et non vous ne rêvez pas. Le bracelet d'Orzlon. »

« Incroyable ! Je croyais que […] »

« Et bien non comme vous le voyez. »

« Quelle merveille ! »

Yoru est totalement fasciné par ce qu'il voit. Un monument porté sur le poignet. Une œuvre d'art, d'une complexité sans pareille. Quel honneur que d'arborer une telle beauté ! Alnor regarde brièvement son ancien partenaire, toujours concentré sur le bonheur qui déborde chez son ami.

« Il est vraiment beau. » affirme ce dernier, après que l'aquamancien se soit retiré un instant, toujours sous le choc.

« Il vous plaît ? Je vous remercie. Vos noms ? »

« Je m'appelle Yoru. Voici mes compagnons : Rajik et Rai. »

Comprenant que le premier nom évoqué appartient à l'anomalie sur pattes et à qui est dédié le second, Alnor se retient de rire.

« Quoi toi avoir ? Toi moquer moi ?! »

« Non non, du tout du tout. Excusez-moi, un rictus déplacé. Ça m'arrive souvent de manière incontrôlée. »

Le mot lâché en milieu de sa phrase perd Rajik. En scrutant très attentivement le grimoire, le voyageur inter-dimensionnel se dit qu'il doit contenir des informations précieuses. Le dérober serait la solution ultime à sa quête. Cependant, encore incertain du sort qui accable le prénommé Rai, il préfère faire machine arrière à contre cœur.

« Les présentations faites, vous êtes sûr que vous ne voulez pas un peu d'aide ? » poursuit avec acharnement moral Yoru.

« Veuillez m'excuser de mon impolitesse mais je suis un peu pressé. Je suis toutefois heureux d'avoir fait votre connaissance. Très sincèrement. J'espère que la suite de vos aventures vous apporteront enthousiasme spirituelle, curiosité méritée et bonne augure ! »

« J'espère que ce sera aussi la cas pour vous ! »

Le vœu sincère délivré par celui qui devait l'accompagner dans sa quête aux artefacts parvient presque à déchirer un rire des entrailles de celui qui le reçoit. Le trio d'amis ne comprend pas ce qu'il a. Heureusement pour lui, aucun doute, aucun soupçon ne lui est collé.

« Excusez-moi. C'est nerveux. Cela m'arrive quelquefois sans que je ne sache pourquoi. »

« Yoru pourrait vous soigner. » avance le Shirenai.

« Je peux vous proposer des infusions pour soulager le mal qui vous prend. »

« Non merci. Ça passera. Vous vous faîtes du mauvais sang pour rien. Je vous l'assure. »

« Nous voulons juste vous aider pour se racheter de ce qu'a fait Rajik, vous comprenez. »

« N'insistez pas. Votre attention suffit amplement. »

Le malheureux conquérant Zigrik commence à trouver le temps long à cause de leur insistance bien trop envahissante. Il ne doit pas perdre plus de temps pour des futilités ! Cependant, pour ce cas précis, garder bonne figure est la meilleure solution. Il a Rai du coin de l'œil. Toi m'aider ? Tu as voulu m'embobiner oui ! Enfoiré.

« Nous vous remercions également. Encore navré pour lui. »

« Moi avoir faim ! »

« Oui oui Rajik nous nous pressons. Excusez-nous encore. »

« Ce n'est rien. Quel est le village dans lequel vous vous rendez ? »

« A Nyami. Vous savez où c'est ? »

« Continuez par là. Vous mettrez peu de temps pour y parvenir. Sur ce, je vous souhaite bonne chance pour votre périple ! »

« Merci monsieur Alnor ! » s'exclame Rai.

La franchise spontanée et évidente de ses paroles réussit à provoquer le fameux rictus dont il faisait mention auparavant. Aussitôt, il le cache grâce à sa capuche, le dos légèrement courbé en avant. Les trois compagnons le laissent tout seul. Rajik continue à le regarder fixement tout en marchant.

« C'est moi ou, depuis que je vous connais, chaque personne qu'on a croisé nous fuit parce qu'elle m'a vu ? » dénote Rai, l'air dépité.

« Mais non, voyons. Ne pars pas dans ce genre de conclusions. Cela perturbe tout jugement juste. Ne vas pas vite en besogne. Nous sommes là, nous. En tout cas, en ce qui concerne cet homme, je me demande vraiment comment il a pu l'obtenir. Mon maître m'avait raconté que bon nombre d'Obujepawas ont été confisqués juste après le triste événement survenu il y a deux siècles. Impossible de me souvenir exactement de la liste mais il me semble que le bracelet qu'il porte y figure... C'est louche... Quoiqu'il en soit, je... Je... »

Incapable de terminer sa phrase, un bouillon émotif dans les tripes, Yoru serre son précieux grimoire un peu plus entre ses bras. Le guerrier uniquement connu sous un pseudonyme simpliste dans le vieux dialecte ne peut s'empêcher de ressentir une profonde empathie, comprenant ce qui bouscule son ami. Par respect, il décide de ne rien ajouter.

« Lui avoir drôle attitude ! Vous pas remarquer ? »

Le mouvement vaporeux, relevant de l'égarement, constitue la seule réponse délivrée par l'aquamancien, beaucoup trop pris par la passion du moment. Cette histoire improvisée de rictus nerveux semble normale pour Rai.

« Bon, moi avoir trop faim ! »

Sans consulter ses compagnons de voyage, il part à la recherche de quelconque signe pouvant répondre à son appel. Après quelques secondes à scruter la cime des arbres, il aperçoit de la fumée. Cela n'amène qu'à une seule chose : une bonne viande est en train de cuire. Les babines pleines de salive, Rajik entame la marche. Seul le sabreur le remarque. Lorsqu'il constate que Yoru continue à planer dans sa bulle de bonheur, un peu à contre cœur, afin de ne pas le laisser ainsi, Rai l'attrape par le bras, mettant fin brutalement à son moment.

« Je suis navré de t'interrompre mais Rajik est encore en train de filer. Si tu ne veux pas qu'il cause d'autres soucis, nous ferions mieux de l'intercepter si le cas s'invite. »

Le spécialiste de la glace est surpris de la justesse de son ami. Ainsi, les voilà précipités à rattraper leur ami quelque soit le moyen employé. Pendant ce temps, Alnor prolonge une marche à l'aveugle. Après ressassé de nombreuses fois cette drôle de rencontre au milieu de nulle part, le constat qu'il en tire le fait rire ici et là. Et, c'est quoi ce nom ridicule ? Il est bien servi maintenant avec les deux zigotos qu'il se coltine ! Un type complètement taré et un prétendu disciple du grand Kigzir ! Quelle blague ! Et quelle ironie ! Après tout ce temps sous tension, il laisse exprimer toute l'hilarité qu'il avait contenu. Son émotion est si forte que même les animaux vivants aux alentours quittent les lieux. Tout évacué, il s'écroule de plaisir au sol. Les yeux embués de larmes d'euphorie, il s'évade dans ses souvenirs. Dans la salle des archives, lorsque Rai était avec lui, il consultait des parchemins qu'il avait préalablement sorti.

« Le voilà... Avec ça, la vérité sera rétablie dans tout Faironne... » déclare-t-il, émerveillé par ce qu'il vient de dénicher.

Sur le parchemin est représenté un temple intact.

« Safaiatera, un temple dans lequel un groupe de personnes, ne pratiquant pas la maîtrise élémentaire, avaient l'habitude de se retrouver avant le conflit... Il est écrit : Par le geste salvateur de Ki-Ramen, en ces murs, fut confinée une essence chaotique. Afin que, plus jamais, l'exilé de sévisse sur la vie donnée par la sagesse incarnée... Ridicule ! D'après ce schéma, il serait au centre du triangle formé par Kigen, la forêt du Silence et cette clairière... Mais vu la superficie des deux derniers lieux, ça ne va pas être évident de s'y rendre. »

Une fois ce bref souvenir terminé, Alnor sort des parchemins plus petits d'une de ses poches. Sur eux sont inscrits de multiples sceaux qu'il avait pris soin de dupliquer via les documents découverts sur place, juste au cas où. Après tout, avec la quête qui est la sienne, mieux vaut être prévenant. Maintenant, vue sa position géographique, il le sait, il ne doit plus être aussi loin de son objectif. Une signature énergétique bien spécifique doit lui être maintenant perceptible. Après s'être remis debout, il regarde autour de lui, pour vérifier si personne ne le voit.

« Ingosol ! »

Il emprunte une faille qu'il vient d'ouvrir. Plus tard, il apparaît à quelques mètres des fameuses ruines de Safaiatera. Une fois la confirmation avérée, il s'approche mais se fait repousser violemment. Intrigué et irrité, il tente à nouveau. Même résultat. Seule explication : une barrière élémentaire, d'où cette signature particulière... Peu importe ce qui se dresse devant lui, rien n'ébranlera sa volonté. Encore moins une défense primitive ! Il retire le bracelet et réitère. Troisième échec.

« C'est bien ce que je pensais... Lorsque j'ai combattu cet idiot, j'ai sur-utilisé mon Obujepawa. A trop emprunter cette étrange dimension, cela a trop modifié ma propre énergie. Cette barrière doit sans doute détecter l'anomalie présente... Impossible pour moi de la franchir.... Et merde !... Je ne pourrais y entrer seul sans que cette barrière soit brisée.Il me faut un pion. Peut-être que j'en trouverai un en allant dans le village d'Arne... C'est le lieu habité le plus proche d'ici... Peu de chances mais bon... »

Pendant ce temps, dans la salle du Conseil, les patrouilleurs affrontés par notre trio sont présents, récupérés par un autre détachement de Shirenais.

« Donc... Si je résume bien... Vous vous avez été ridiculisés par un Shirenai non déclaré, de foudre, de la puissance d'un mercenaire. Voir même plus. Accompagné par un Enijiakku affilié à l'eau et un être indeterminé. » récapitule Daigaku.

Les concernés font oui de la tête. Ceux qui ont mis la main sur eux ont décidément du mal à les croire. Devant un tas aussi honteux que déshonorant de bêtises, les deux conseillers se regardent. Un silence prend racine. Les vaincus, angoissés par la sentence qui leur sera prononcée, prient Faironne bien qu'ils savent au plus profond d'eux qu'une seule issue est possible en ce qui concerne les déserteurs comme eux.

« Partez. Tous » ordonne Aritsune.

Aucun jugement ? Point le temps d'en tirer une explication que ceux qui les ont capturé les attrapent par les poignets et les emmènent hors de la pièce.

« Étrange... Mais avec cet Alnor à la recherche du Kirioku... Les choses se profilent bien. » se réjouit Daigaku.

« Tu penses ? Tu sembles oublier qu'il possède cet atrocité sur lui. Il ne peut pénétrer en ce lieu sacré. Il faut qu'il trouve un stratagème pour passer outre. Et hors de question que nous portions un produit du mal. »

« Ne t'en fais pas. Tout est en train de s'aligner. Ceux qui ont recours aux éléments ne peuvent l'arrêter. Continuons notre rôle jusqu'au bout. »

« Espérons que personne ne viendra le déranger. »

« Exact. Continuons l'observation. »

Sur cette déclaration beaucoup trop floue pour n'importe qui d'autre, la hiérarchie suprême de Kigen se retire tranquillement. De quoi peuvent-ils parler exactement ? Pour le moment, rien à en retirer. Ailleurs, sur le littoral de l'Ouest cette fois, un autre individu, vêtu d'un accoutrement atypique, à mi-chemin entre la tenue traditionnelle portée par les mercenaires et un habillement de moine guerrier, semblable sur quelques points avec ce que porte Fraya, pose le pied à terre. Autre détail d'importance : il semble cacher quelque chose sur sa hanche gauche mais impossible d'en déterminer la nature exacte. Son visage est caché par une capuche quasi-identique à celle que porte Alnor. Mais qui est-il ?