Curieux

Libro détourna son regard du moniteur de l'ordinateur et soupira, "Ça va être un très long chemin pour lui s'il insiste pour continuer."

"Oncle, pourquoi est-ce que ça te concerne tant ? Tu comprends la séparation entre le Monde Mortel et le Monde de Cultivation mieux que quiconque. C'est impossible pour lui de réussir. Le fait qu'il ait même pu venir ici est déjà un miracle suffisant, nous ne pouvons pas en attendre plus."

Si Dyon avait été là, il aurait remarqué que celui qui parlait c'était Pertinacis. Il regardait son oncle d'un air perplexe. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi son oncle s'intéressait autant à ce Dyon.

Bien sûr, Pertinacis avait personnellement assisté à la prestation de Dyon ce jour-là. Mais, après avoir analysé calmement la situation, il avait réalisé que l'exploit de battre Mayumi ne pouvait définitivement pas être répété. Et, de la même manière, il était également parvenu à la conclusion, tout comme Dyon, que ce dernier ne pourrait pas trimballer un piano partout avec lui, n'est-ce pas ?

Il n'avait pas tout à fait tort dans son évaluation ; le Monde Mortel et le Monde Martial partageaient la même planète, chacun sur leur propre moitié, mais ils auraient tout aussi bien pu appartenir à deux mondes complètement différents. Si ce n'était pas pour le fait que le Monde Mortel ne possédait pas d'énergie de cultivation, le rendant ainsi sans valeur à leurs yeux, les mortels auraient déjà été éradiqués depuis longtemps.

Qui savait comment Dyon avait même réussi à éveiller une petite capacité à cultiver ?

"Pertinacis, combien de temps t'a-t-il fallu pour maîtriser la technique de lecture rapide ?"

Au lieu de répondre à la question, Libro en posa une autre.

"Euh, je ne l'ai pas fait. Pourquoi me demandes-tu cela oncle ? Tu sais que seuls les membres de la famille de niveau cristal ont maîtrisé le premier niveau de la technique. Clair que je n'ai même pas atteint ce niveau, encore moins maîtrisé. Tu devrais taquiner quelqu'un d'autre si tu t'ennuies."

Pertinacis avait toujours été comme ça. C'était une personne très à cheval sur les règles. Il ne paraissait même pas embarrassé en parlant, se contentant d'énoncer les faits avec désinvolture.

"Il a fallu moins d'une heure à Dyon pour atteindre une compréhension rudimentaire du premier niveau, et c'était seulement parce que c'était la seule partie de la technique que je lui avais donnée. S'il faisait partie de notre famille, il serait déjà de niveau cristal."

"Quoi ?!" Pertinacis regarda son oncle avec stupéfaction.

Libro semblait tirer une certaine satisfaction à voir son neveu stoïque montrer enfin un signe d'émotion. Il ne se comportait pas du tout selon son âge.

Une fille sans prétention dans le coin de la salle de surveillance leva les yeux de son livre. Ses cheveux brun étaient relevés en chignon, ses yeux dorés scintillaient à travers ses lunettes à monture en carbone. Elle portait un cheongsam d'un magnifique violet avec des lys blancs. Il épousait étroitement ses cuisses, soulignant sa silhouette parfaite. Ses lèvres étaient pleines, peintes d'un rouge éclatant qui complétait sa peau claire.

Sa beauté était, sans aucun doute, au-delà des mots, comme si sa simple présence imposait une pression indicible sur le monde autour d'elle pour l'adorer en louange. Pourtant, d'une manière ou d'une autre, cette beauté semblait être émoussée en raison de son apparence légèrement pâle.

La voix douce de la jeune fille s'éleva. "Tu lui as donné la technique Oncle ?"

Entendant une telle question, Libro ne put s'empêcher de rougir légèrement.

"Je l'ai fait. J'ai honte de dire que la seule raison était parce qu'il l'a demandé. Je trouvais ça plutôt impressionnant qu'une personne qui n'avait jamais eu de contact avec le monde martial avant puisse supposer qu'une telle technique existait, alors je lui ai donné une chance. Jamais je n'aurais pensé qu'il serait capable de la maîtriser en si peu de temps. Son talent est stupéfiant."

"Père ne sera peut-être pas trop content de cela," répondit légèrement la fille en violet.

"Haha, je ne t'ai jamais vue si inquiète pour un garçon, ma chère Madeleine."

Madeleine ne semblait pas trop embarrassée par ce que son oncle disait. Elle ne fit qu'un léger sourire, son aura telle une rosée rafraîchissante. Contrairement à son jeune frère, Pertinacis, elle avait le calme tempérament qui n'avait pas peur de s'ouvrir au monde.

Un rire doux emplit la pièce. "Tu es toujours tellement déterminé à faire les mariages, oncle."

"Mais bien sûr, il n'y a rien que je veuille voir plus que mes belles nièces avec un homme digne d'elles."

"Nièces ? Tu en as une autre," dit Madeleine, en riant à nouveau.

Libro jeta un regard mystérieux, "Notre petite princesse Delia, et la petite rusée Meiying, semblent aussi s'intéresser à lui."

Delia, assise en face de Madeleine et à côté de Meiying, regarda. "Ne plaisante pas comme ça, oncle Libro. Nous sommes seulement amis."

Meiying gloussa alors qu'elle continuait à tripoter une boussole étrange qu'elle avait devant elle.

Madeleine les regarda d'un air interrogatif.

"Ne me regarde pas comme ça grande sœur, comment pourrais-je être avec un homme plus faible que moi ? Nous devrions nous tenir en tant qu'égaux, à tout le moins. Courir partout, à la poursuite des jupons sans avoir de pouvoir à lui. C'est pathétique. De plus, même s'il était aussi fort, je n'ai aucun intérêt pour ce genre de chose," dit Delia, en roulant des yeux.

Libro claqua sa langue. "Je ne sais pas si tu as raison là-dessus Delia. La chasse aux jupons est la voie de tous les hommes, certains ont juste plus de hardiesse que d'autres. Mais, tous les hommes ne peuvent pas passer des jours sans fin enterrés dans leurs études… Surtout pas avec un corps mortel."

Delia se figea, la pierre à aiguiser qu'elle utilisait pour affûter son épée émit un son métallique croustillant.

Libro sourit avec connivence, "s'il ne meurt pas d'abord, tu pourrais ne plus être plus forte que lui pendant très longtemps. Vous avez tous entendu, il aurait pu prendre le dédain des Têtes de Pilier avec une tête baissée et une bouche fermée, pourtant il ne l'a pas fait. La détermination est exactement ce qu'il faut pour être fort."

Les yeux de Meiying pétillèrent d'intérêt. Elle connaissait son amie mieux que personne et était bien consciente que Delia se sentait quelque peu indignée pour Dyon aussi. Mais, lorsqu'il s'agissait des affaires du Monde Martial, il n'y avait pas beaucoup de personnes qui comprenaient sa cruauté mieux que Delia.

'Tu vas devoir être honnête avec toi-même, tu sais que tu es une douce. Tu essaies d'être quelqu'un que tu n'es pas depuis que ta mère a disparu… ça me fait mal que tout ce que je puisse faire c'est regarder de côté. Peut-être fuir de nouvelles relations est exactement ce dont tu n'as pas besoin.' Meiying pensa en elle-même.

C'était assez déconcertant. Il semblait que celle qui paraissait être la plus enfantine parmi elles était peut-être la plus mature.

Libro se tourna vers un moniteur avec un air pensif sur son visage. Tout ce qu'il voyait était du statique. L'interférence ne lui permettait pas de voir dans la pièce.

'Il semble que sa technologie soit assez intéressante. Espérons qu'il va bien.'

Madeleine observait curieusement ceux qui étaient les plus proches d'elle. Son frère de sang, deux jeunes filles qu'elle considérait comme ses petites sœurs, son oncle de sang…

Chacun d'entre eux pensait d'une manière ou d'une autre à un garçon mortel qui venait juste d'apparaître dans leur vie. Logiquement, il aurait dû être rien de plus qu'un point éphémère, mais il avait déjà tant d'emprise sur eux.

Elle ne pouvait s'empêcher d'être curieuse. Elle se demandait si son chemin croiserait un jour celui de ce Dyon Sacharro.