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Le Mont Larshen - Outil.

Le vent froid du milieu de la nuit se faufila à travers les branches, le feuillage des arbres et les lames d'herbes hautes comme une vague invisible caressant les végétaux dans un seul et même sens. Les oiseaux étaient assoupis, mais certains animaux rampant et marchant se déplaçaient toujours à cette heure tardive, détalant énergiquement ou avançant avec maintes précautions sous un croissant de lune gris pâle.

Cependant, un pas bien plus lourd que celui de tous ces petits animaux martelait aussi le sol de la forêt. Lent et régulier, le bruit de pattes supportant une énorme masse indiquait qu'une gigantesque créature parcourait un des flancs du Mont Larshen sans aucune difficulté ; poussant et écrasant tout ce qui pouvait se trouver sur son chemin.

Un grognement – comme celui d'un cochon – suivi d'un gargouillis, s'échappa d'une gueule aux dents acérées et irrégulières ; parées sur les côtés de deux grosses canines inférieures pointant vers le haut, dépassant des babines sèches et craquelées de la créature.

Au-dessus de cette bouche, se trouvait un nez semblable à celui d'un gros chien ; surmonté de deux petits yeux jaunes aux pupilles fines et verticales, enfoncés dans leurs orbites. Cette tête terrifiante possédait également deux immenses cornes lisses et ondulées émergeant de chaque côté du crâne et ayant poussé vers l'avant sur un bon mètre. Nul doute que n'importe quel obstacle – arbre, maison, animal, ou même être humain – serait balayé ou embroché mortellement par de telles cornes.

Le corps de la bête n'était pas en reste : partant d'un cou épais et court, il était recouvert de poils très longs et se faisait massif aux articulations des membres avant et arrière, mais légèrement affiné au niveau de l'abdomen. Puis, il se terminait par une queue tout aussi épaisse que ses pattes déjà larges comme des troncs d'arbres, mais aussi longue que tout son dos. Une masse tout aussi mortelle si on venait à se faire percuter par elle, que les deux immenses cornes bien plus épaisses et larges que le crâne depuis lequel elles s'étaient développées.

En plus du bruit de ses grosses pattes heurtant le sol, le corps de la bête féroce dégageait une odeur de chair brûlée et de fer émanait de son corps, faisait fuir tous les autres animaux à proximité. Rien qu'en avançant lentement, elle représentait une menace importante : ce qui lui garantissait de ne pas devenir une proie pour les autres prédateurs, même en étant blessée suite à plusieurs combats avec des chasseurs. Qu'il s'agisse de loups, de gréons – une créature aussi grosse qu'un cheval et ayant une apparence proche d'un alligator à grandes jambes – ou encore de larpions – des oiseaux bipèdes géants incapables de voler et possédant à la fois un bec et des dents - ils passaient tous leurs chemins face à ce monstre terrifiant.

Cependant, malgré la nature cauchemardesque et violente de cette créature cornue, il y avait bien un être étant assez téméraire pour s'approcher d'elle, marchant directement vers sa direction.

Ou plutôt, peut-être était-il plus correct d'affirmer que cette personne n'était pas téméraire, mais sûre d'elle et de ses capacités ; sûre d'avoir une force supérieure à celle du monstre qu'elle approchait.

La créature s'arrêta et se mit à grogner, fixant en face d'elle l'humain assez idiot pour se mettre seul sur son chemin.

Un être humain, au visage dissimulé par un masque ovale, lisse et opaque, se tenait immobile sans même éprouver une quelconque crainte. Le monstre prit cela comme une provocation et une atteinte à sa fierté, et enfonçant brièvement ses griffes massives dans le sol, il s'élança en avant avec la tête baissée pour embrocher l'imprudent.

Dans ce genre de situation, où un Béhémoth de taille massive vous fonçait dessus, le bon sens pousserait n'importe qui à prendre ses jambes à son cou, à défaut d'avoir de l'équipement permettant de se protéger ou d'encaisser le choc.

Néanmoins, l'homme qui était pris pour cible ne bougea pas, restant calmement débout au même endroit malgré la masse de muscles qui lui fonçait dessus à toute vitesse. Même quand l'impact fut imminent, il ne fit aucun geste, et au dernier moment, la créature se ramassa sur elle-même et se contorsionna comme un accordéon écrasé, ayant heurté une sorte de mur invisible juste devant sa proie.

Le corps de la bête, et plus particulièrement ses énormes cornes puis son petit crâne, venaient d'entrer en collision avec un ensemble de dalles hexagonales semi-transparentes de couleur blanche ; qui se dissipèrent et redevinrent transparentes et invisibles dès le moment où tout contact avec la créature fut rompu. Cette dernière poussa un grognement féroce, et rua vers l'avant pour tenter d'empaler l'humain avec ses cornes et d'embrocher l'obstacle qui lui bloquait le chemin ; mais chaque nouvel impact avec le mur invisible fit brièvement apparaître les dalles blanchâtres, avant qu'elles ne s'évaporent à nouveau comme si elles n'avaient jamais été là.

De l'autre côté du bouclier, Androanni regarda d'un air impassible le Béhémoth s'agitant et cherchant encore à le tuer. C'était pile ce qu'il lui fallait pour mener à bien son plan : un puissant monstre de catégorie supérieure, au mental faible.

Sans plus attendre, il leva vers la créature une sacoche en cuir, et la jeta sur elle. S'ouvrant au contact de la tête du Béhémoth, elle libéra un nuage de fine poudre jaune qui resta en suspension dans les airs durant quelques secondes. Immédiatement, la créature écarquilla les yeux, et se mit à respirer très fort, comme si elle manquait d'air, tout en perdant l'équilibre et en manquant de tomber. Puis, elle fut soudainement immobile, un regard fixe et terne tourné vers l'homme qui lui faisait face.

Androanni prit la peine de s'avancer vers le Béhémoth, passant sa main sur une des cornes de la créature pour la caresser tandis qu'il approchait de sa tête. Puis, à proximité immédiate de sa gueule et de son museau, il laissa sa main glisser jusqu'au front bossu et osseux pour y plaquer sa paume de main.

Le poison avait fonctionné, et la bête ne pouvait ni bouger ni penser par elle-même, devenant une coquille vide, et donc une marionnette parfaite.

L'homme de main du Cercle récita alors une incantation, et une lueur violette se diffusa entre sa main et le crâne de la créature, avant de colorer d'un éclat lui aussi violet ses pupilles.

La lumière disparut en même temps que le petit cercle magique dissimulé par sa main, et les yeux bleus d'Androanni rencontrèrent ceux teintés de violet du Béhémoth ; tous deux ayant des regards inexpressifs et dénués d'éclat. Puis, l'homme fit un pas en arrière, sans quitter des yeux l'animal lui faisant face, et leva son bras droit. Comme suivant un ordre silencieux, le Béhémoth commença par se tourner avant de se mettre à marcher lentement et régulièrement – presque comme une machine dont tous les mouvements étaient calculés à l'avance – dans la direction d'où il était venu.

Satisfait, Androanni leva les yeux vers le ciel nuageux, et se demanda où le Salamander y volant quelques minutes auparavant avait bien pu aller. Il ne manquait plus qu'à le localiser pour passer à l'action, et ramener à son maître le matériau dont il avait tant besoin.

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