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Arc 1 - Épisode 3 : Bien Plus Qu'une Simple Connaissance.

Le tout récent trio d'aventuriers continue son périple à travers le monde de Faironne. Ses membres traversent une forêt. Le soleil brille énormément. Les oiseaux délivrent leurs plus beaux chants. Glissé parmi eux, le grondement lourd de l'estomac de Rajik vient briser leur harmonie. Sensiblement affamé, ce dernier se met à renifler, à la recherche désespérée de mettre n'importe quoi sous la dent. Le Shirenai, son duel encore bien en tête avec l'homme baraqué, a les yeux rivés sur son sabre. Bien évidemment, mille questions se bousculent dans son esprit.

« Je ne reconnais aucun arbre fruitier ni buisson. Il faudrait que je pense à répertorier les espèces présentes ici. » laisse remarquer Yoru.

Soudain, le nez de Rajik est attiré ailleurs par une odeur de cendres. Lorsqu'il lève les yeux, il aperçoit de la fumée. L'image de viandes rôties à la perfection s'incruste en lui, la bave sur le coin droit de la bouche. Toujours dans la démarche de mieux comprendre dans quel univers il évolue, reviennent dans la mémoire du sabreur toutes les explications fournies précédemment par Yoru.

« Vous aviez dit que nous sommes capables de maîtriser les éléments qui composent notre monde ? Quel est le vôtre ?

- Je suis ce qu'on appelle un affilié à l'eau, plus particulièrement dans la maîtrise de sa forme solide : la glace. Je vais tout vous expliquer. »

Il ouvre son grimoire et, comme la fois où il présenta la composition détaillée de Faironne, s'arrête sur une autre double page qu'il montre à l'inconnu. Ce dernier découvre quatre sphères alignées horizontalement sur celle-ci.

« Je te présente le feu, la terre, l'eau et la foudre. Avec chacun un rôle bien précis pour chacun d'entre eux. Le feu détruit, la terre soutient, l'eau embarque et la foudre connecte. »

En-dessous de celles-ci, deux croquis représentant deux personnes. Celle de gauche porte une épée basique et l'autre portant ce qui semble être des sortes de bijoux.

« Les personnes capables de les manipuler sont les Shirenais comme toi, un peuple utilisant des armes contondantes pour les matérialiser. Et les Enijiakkus comme moi, utilisant d'autres objets divers pour arriver au même résultat. Dans les deux cas, il suffit qu'une infime partie d'un des quatre éléments se trouve dans l'objet en question et soit identique à celui de son utilisateur pour qu'un lien se crée. Voilà pourquoi nous sommes capables de les manipuler suivant des formules précises selon l'utilisation souhaitée. »

Après avoir si gracieusement fourni ces croustillantes explications pour calmer la faim de savoir de son interlocuteur, le spécialiste de la manipulation de la glace referme son ouvrage. L'apparence de ce dernier intrigue l'homme sans nom.

« Comment avez-vous mis la main dessus ?

- Loin de moi de paraître soudain mais maintenant que nous nous côtoyons quotidiennement, nous pouvons nous tutoyer.

- D'accord. Comme vous... Euh pardon... Comme tu veux. dit-il, un peu gêné.

- Avant ma rencontre assez rocambolesque avec Rajik, il était mon unique ami. Encore avant ça, il appartenait à celui qui m'a tout appris sur mes capacités. J'aurais souhaité l'acquérir dignement. Cependant... Ce n'est pas ce qu'il s'est produit... Une histoire disons...

- Compliquée ? »

Yoru n'ose pas répondre mais sa gestuelle, la pointe d'amertume dans sa voix lorsqu'il a évoqué son héritage et le mutisme qui s'en est suivi le trahissent un peu. Alors qu'ils continuent de marcher, le Shirenai entend un crépitement. Intrigué, il se tourne vers ses deux compagnons de voyage, qui ne semblent pas percevoir la même chose que lui. Ignorant ce qui pourrait en être la cause, il ne prend pas le réflexe de demander au manieur d'eau de consulter son puits de savoir. Point le temps d'attendre une autre confirmation de ce qu'il a perçu que Rajik s'arrête brusquement.

« Qu'y a-t-il Rajik ? lui demande l'Enijiakku.

- Moi sentir présence !

- Où ? questionne le Shirenai avec une pointe de stress dans la voix.

- Autour de nous ! »

Les deux seuls membres aptes à utiliser les éléments pour attaquer ou se défendre regardent attentivement autour d'eux.

« Je ne vois rien du tout. affirme l'homme atteint d'amnésie.

- Aucun flux particulièrement perceptible de mon côté. Mais... »

En se concentrant plus, il perçoit des courants verts, rouges, bleues et gris présents sur le sol. D'autres aux teintes azur et jaunes circulent dans l'air.

« Étant affilié à l'élément eau, je suis capable de détecter ce que nommait mon mentor des débits d'énergie. Pour te faire une image plus simple, c'est comme si le débit d'une rivière ou d'une cascade habillait ma vue. Je te rassure. Je ne vois pas tout le temps comme ça. Ce serait extrêmement gênant au bout d'un moment. C'est la propriété des personnes affiliées à cet élément... Rajik, es-tu sur de toi ?

- Moi être sûr ! Toi savoir d'où venir ? »

Convaincu par sa sincérité, en allant plus en profondeur dans son analyse, Yoru remarque une surprenante dispersion parmi les flux. Très étrange. Le mystérieux crépitement revient aux oreilles du sabreur. Soudain, des entités de terre, à silhouette humaine et portant un sceau sur le front, surgissent d'un seul coup du sol, tout autour d'eux, comme pour les encercler. Leur apparition brusque amène quelques sueurs froides dans le dos du Shirenai.L'homme au grimoire est focalisé sur les étranges dessins qu'elles arborent.

« Rajik, tu sais ce que ça veut dire ? » amorce-t-il avec un petit air joyeux.

Aussitôt, son ami laisse exprimer un large et franc sourire, sourcils légèrement froncés, torse bombé en avant.

« Castagne !! »

Aussitôt, le Shirenai entend un bruit venteux provenant du combattant adepte du corps-à- corps, plus particulièrement à l'arrière de ses jambes. L'objet le plus précieux de Yoru émet une très légère lumière bleue claire. Lorsqu'il pose les yeux dessus, l'amnésique capte cette fois le son émis par une rivière. Tous ces phénomènes lui sont incompréhensibles et accaparent toute son attention, comme un nouveau né lorsqu'il découvre ses sens. Des petits morceaux de glace se forment à quelques mètres au-dessus de leurs têtes.

« Charge Bestiale ! »

Rajik fonce sur l'une des étranges entité de pierre tout en chargeant son poing droit. A chacun de ses pas, le sol craquelle partiellement. La vivacité avec laquelle il réalise ceci impressionne le Shirenai.

« Poing Bestial ! »

Il lui assène un coup de poing si puissant en plein visage qu'il l'éclate immédiatement. Sur le moment, le sabreur se demande si sa victime a réellement disparu. Seul l'homme le plus intelligent du trio reste perplexe malgré cette impressionnante démonstration de force. Doute quasiment tout de suite confirmée avec l'apparition de deux entités de terre naissant derrière l'Enijiakku.

« Ular Ilwaï ! » prononce-t-il.

Les morceaux de glace, qui s'étaient formés avant l'assaut du combattant adepte au corps-à- corps, tombent du ciel d'une traite sur les deux assaillants, transpercés en passant par leurs sceaux. Amenant ainsi chez eux à un effondrement presque instantané. Ce détail le pousse à consulter son grimoire. En s'arrêtant sur l'une de ses pages, il tombe sur le sceau particulier qui figurait sur les assaillants. Une sorte de silhouette humaine est dessinée autour de lui.

« Des invocations. Des êtres qui obéissent aux volontés d'un autre être qu'on appelle invocateur. Les sceaux correspondants sont si complexes que même mon maître n'a pas su en reproduire un seul. explique-t-il à ses compagnons.

- Quel... Quel incroyable pouvoir ! Tu crois que tu pourrais faire pareil ?

- Malheureusement... Non. Une telle prouesse implique une seconde source que je suis incapable de manier aussi bien. »

Sur la page suivante, Yoru pose les yeux une multitude de pentagrammes complétée par d'autres symboles circulaires.

« Ce que tu viens de découvrir, ce sont des sceaux. Un autre moyen que les miens développèrent il y a fort longtemps. Mon mentor me raconta que de nombreux procédés, interdits par les tiens aujourd'hui, viennent d'un lointain savoir que mes ancêtres ont perfectionné, frôlant même parfois avec les limites vitales et naturelles de Faironne. L'invocation en est une. Avant d'en être témoin aujourd'hui, j'ai toujours cru que c'était une légende. Je t'expliquerai le principe d'une formule plus tard. »

Suivant ces connaissances, Yoru procède à une analyse détaillée des alentours. Cependant, la dispersion des flux empêche de dénicher la position exacte du responsable de cet encerclement.

« Hé ! L'invocateur ! Montre-toi ! provoque-t-il une fois à court d'options.

- Alors, comme ça j'ai affaire un confrère affilié à l'élément de l'eau qui, de plus, exploite la variante la plus incisive, j'aurais du distribuer de l'énergie à mes serviteurs... » répond la voix d'une inconnue.

Rajik et le possesseur du sabre, qui ne s'attendaient forcément pas à cette réaction, sont étonnés. Un détail de grange importance n'a pas échapper à l'intellect de l'Enijiakku. Distribuer de l'énergie ? A quoi fait-elle référence ? Par prudence, comme une sorte d'imitation de l'image qu'incarnent les membres de son peuple, le Shirenai se remet en position près de lui.

« Oh j'en ai oublié mes bonnes manières, mes chères petites proies du jour. Je m'appelle Endalia. Et je vous viens vous dépouiller de vos possessions mais, apparemment, vous valez plus que ça. Tant mieux ! »

Alors que l'étrange déclaration de celle qui les encercle amène mille questions dans son esprit, Yoru perçoit soudainement un flux grisâtre se concentrer avant d'être subdivisé en trois parts égales, sur trois points précis au sol. Après avoir brièvement tourné les yeux vers son ami amnésique, il comprend tout de suite qu'il est le seul à être capable de percevoir le phénomène en cours. Et, par conséquence, qu'ils ne partagent pas le même élément.

« Onozal Épeyon ! »

Trois sceaux identiques apparaissent. De la terre s'élève avant de former trois nouvelles entités à partir de ceux-ci. Quelques feuilles se désintègrent aux alentours.Les créations d'Endalia semblent arborer une peau plus blindée, notamment alimentée par l'énergie précédemment perçue par celui qui s'est spécialisé dans la maîtrise de la glace. Désormais, riche de ces nouvelles informations, il pose le diagnostic suivant : l'élément natif de l'attaquante ne peut être que celui de la terre pour la modeler avec tant de facilités.

« Nodoyon Énar ! » enchaîne-t-elle.

A leurs pieds, de l'énergie, sous la forme de petites étincelles grises, vient s'incruster en eux.Rajik et le sabreur ne comprennent rien sur les phénomènes provoqués par l'invocatrice. Voilà donc ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle voulait en distribuer.

« Chargez ! » hurle-t-elle.

Aussitôt, ses créations lancent l'assaut simultanément. L'homme baraqué ne perd pas un seul instant pour les intercepter. Alors, prêt à bondir, tel un félin guettant le bon moment pour agir, la même énergie utilisée par l'invocatrice se concentre dans ses bras. A cet instant, le sabreur entend à nouveau un vent, plus fort, plus bruyant, limite apte à lui provoquer de brusques frissons.

« Impact Bestial ! » vocifère-t-il à pleins poumons, imitant un peu le rugissement d'un tigre.

Une onde de choc, projetée en avant, produite par un coup qu'il porte au sol, tel un mur d'air faisant bloc, repousse les trois assaillants. Le tandem qu'il compose avec son ami Enijiakku entre en action.Des morceaux de glace apparaissent dans les airs.

« Ular Ilwaï ! » énonce leur créateur.

Avec une frappe chirurgicale, les invocations s'effondrent à cause de la pluie glacée.

« Onozal Épeyon ! »

Grâce à la réitération de cette formule, trois nouvelles entités apparaissent en face au Shirenai et ses deux compagnons de voyage. Aucun ordre n'est donné concrètement mais cela ne les empêche pas d'attaquer, comme s'ils étaient contrôlés à distance. Encore un autre détail qui n'échappe pas à l'œil avisé de Yoru

« Tu n'as que ça à nous offrir ? Tu ne fais pas dans l'originalité, invocatrice. » provoque-t-il.

Les amis de longues dates réitèrent la tactique employée précédemment. Mais, au moment où Yoru lance son sort, une quatrième invocation, restée bien cachée sous le radar à flux qu'incarne l'affilié à l'élément de l'eau, fait irruption dans le dos des trois compagnons et se rue celui qui n'a toujours pas répliqué. Rajik et Yoru, totalement pris par surprise, ne comprennent pas comment celui-ci a pu les tromper. Alors que l'assaillant allait le toucher, les sens du Shirenai ressurgissent. De l'électricité réapparaît à l'endroit où la femme qu'il pourchassait en compagnie d'Alnor l'avait touché. L'apparition soudaine de cet élément interpelle directement l'homme au grimoire. Ni une, ni deux, celui qui apparemment fut un soldat de Kigen décoche alors un poing en plein sur le plexus solaire de l'invocation. De très légères lignes jaunes translucides se dévoilent sur la partie des doigts qui touche l'attaquant.

« Kameraï ! » crie-t-il.

Une puissante décharge éclate la création d'Endalia en un mélange de sable et de cailloux. Face à cette incroyable démonstration de force insoupçonnée, ses deux compagnons sont stupéfaits.

« Ai-je bien entendu ? » interroge l'invocatrice.

Le processus amenant à l'émergence de trois de ses créations se répète encore une fois. Sauf que, comparé aux précédents, elle apparaît auprès de ses trois créations, habits à motifs tribaux, manches amples, peau un peu mâte, une longue natte noire pendant sur sa droite. Sous le choc de la performance qu'il vient de réaliser, le manieur de sabre ne comprend absolument pas ce qu'il vient de se passer, les yeux débordant de frayeur rivés sur son poing. Yoru et Rajik viennent le rejoindre.

« Qu'est-ce que je viens de faire ? » bégaie-t-il, complètement déboussolé.

- Tu viens d'utiliser ton élément d'attaque : la foudre. Sans ton arme. En principe, c'est impossible...

- Ça avoir été un bon coup de poing !

- Hé le Shirenai ! Retourne-toi ! » exige-t-elle.

Naïvement, à cause de l'adrénaline hors de son contrôle, il obéit à l'interpellation de celle capable de modeler la terre. Dès que son visage lui apparaît entièrement, son sang ne fait qu'un tour chez Endalia. Ahurie devant cette révélation, elle se frotte les yeux. Est-ce la réalité ? En tout cas, l'étrangeté de son attitude met la puce à l'oreille de l'Enijiakku du trio d'aventuriers.

« Que fais-tu avec ces deux guignols ?! blâme-t-elle.

- De qui toi parler ?! » répond Rajik dans la seconde, piqué par l'insulte.

En portant plus d'attention sur sa tenue, désireux de savoir par quel moyen elle réalise ses invocations, Yoru ne dénote aucune présence évidente d'Obujepawa. Voilà une drôle de curiosité.

« Hé ! C'est à toi que je cause ! insiste-t-elle, visant clairement avec son index droit l'affilié à la foudre.

- Moi ?

- Oui ! Toi ! Qui d'autre ?! Tu ne me reconnais pas ?! »

Une nouvelle fois, le vide émotif exprimé sur son visage suffit comme réponse, vite complété avec un mouvement de tête horizontal. Le malaise conféré par son attitude jette un sacré froid entre elle et le trio. Il n'en faut pas plus pour appuyer la confirmation d'une profonde amnésie selon Yoru. Comment quelqu'un peut pousser la comédie à ce point ? Non, impossible.

« Tu te fous de moi là ? relance Endalia.

- Absolument pas. »

Il l'a oublié ? Non, c'est inconcevable dans l'esprit de l'invocatrice. La seule explication qui lui vient tout de suite est que ceux qui l'accompagnent lui ont lavé le cerveau. Il faut les écarter et vite. Poussée par cette pensée, elle passe sa main gauche dans l'une des poches intérieures composant sa longue veste en lin. En sort un petit parchemin qu'elle cache le long de sa manche. Grâce à la grande discrétion avec laquelle elle parvient à réaliser ça, personne parmi ses ennemis ne peut soupçonner quoique ce soit. Afin d'appuyer ce sentiment en eux, d'un claquement de doigt, elle détruit ses propres créations. Cette manœuvre tape dans le mille avec Rajik. Synonyme d'un arrêt total de la castagne. Seul Yoru reste un minimum alerté. En effet, aucune formule n'a été prononcé. Le Shirenai est juste paumé. Rassurée que cette façade pacifiste fonctionne pour au moins deux d'entre eux, elle prononce quelques mots à voix basse, imperceptibles pour ses opposants, même pour le sabreur. La seconde suivante, elle disparaît subitement. Tout de suite, l'effet de surprise passé, Rajik s'appuie sur ses sens aiguisés. L'homme au grimoire part à la recherche de tout flux suspect. Après quelques secondes sans résultat, l'invocatrice apparaît subitement à côté du baraqué.

« Rajik ! A ta droite ! » alerte son ami.

- Prapalyon ! »

Non désireuse de lui laisser le temps de se défendre, grâce à la même énergie utilisée pour donner forme à ses invocations, en un coup, elle le projette quelques mètres plus loin. La rapidité démontrée impressionne les deux autres hommes. Sachant maintenant qu'elle est sa principale force, Yoru se dit que peut-être qu'en gelant le sol, il lui infligera un énorme handicap. Malheureusement son ingénieuse stratégie part en lambeaux. L'invocatrice apparaît en face de lui. Après avoir subi exactement le même sort, il atterrit à côté de son ami de longue date. Forte de sa polyvalence à toute épreuve, elle fait appel à trois autres invocations, encerclant les deux compagnons de voyage du Shirenai.

« Itiwer Ukukoyon ! »

Un nouveau sceau, dont le périmètre s'arrête aux pieds des entités de terre, apparaît sous Yoru et Rajik.

« Quoi elle avoir fait à nous ?! »

Une barrière en demi-lune, quasi-transparente, vient prendre le duo en otage. Le spécialiste de la glace ouvre son grimoire afin d'étudier la technique employée par leur redoutable adversaire.

« Quoi toi faire ?

- J'essaye d'identifier ce que c'est. »

Au lieu de chercher intelligemment une solution comme l'Enijiakku, Rajik préfère avoir recours à sa force. Malgré la puissance de ses coups, leur prison ne cède pas. A coté de cette brutalité irréfléchie, Yoru compare l'un des dessins présents dans son grimoire avec celui qui se trouve sous leurs pieds. Une fois la nature de ce dernier identifiée, il se met à feuilleter frénétiquement. Ne pouvant que constater l'extrême inutilité de ses coups, envahi par une profonde frustration, l'amoureux des combats tente de s'en prendre à une des trois invocations, en vain.

« Attaques à moi pas fonctionner sur truc à eux ! Quoi toi faire ?

- Les sceaux ont beau être de puissants outils, ils ne sont pas parfaits. Tout réside dans l'agencement des points d'énergie. Selon leur disposition et l'élément utilisé, il est possible d'obtenir l'effet souhaité. Nous avons affaire à un sceau de neutralisation. Il suffit qu'un seul point présente une carence en énergie et il devient possible de le briser. »

Malgré cette explication ô combien détaillée, Endalia semble très sûre d'elle. En aucun cas il ne pourra l'annuler, notamment à cause de la liaison qu'elle a effectué entre l'énergie de la terre et la seconde source qu'elle puise.

« Qu'est-ce que vous leur avez fait ? » exige de savoir le sabreur.

Cette confiance en elle-même se métamorphose en une forme d'arrogance. Ses gestes sont plus chaloupés, se délectant de chaque once de panique émise par ses proies. Désormais convaincue d'être débarrassée de deux gêneurs, elle se retourne vers le Shirenai.

« Je te retrouve enfin, mon cher Yukito.

- Qui appelez-vous ainsi ?

- Non mais j'hallucine, c'est pas possible. C'est moi ! Endalia ! »

Un de ses souvenirs ressurgit. Enfants, ils se promenaient dans une cité à l'allure médiévale, enneigée. Apparemment, ils avaient l'habitude de prendre tous les deux des épées en bois, simulant des combats. Leurs parents, vêtements quasiment similaires à ceux que porte l'homme atteint d'amnésie dans le présent, les regardaient, la joie transpirant sur leurs visages.

« Ton amie ! Ta sœur d'armes !

- Non. »

Évidemment, ignorant totalement le terrible sort qu'il a subit avant sa rencontre avec Yoru et Rajik, cette réponse la frustre au plus profond d'elle-même. Sentant des larmes venir, elle les empêche de couler, se secoue la tête un instant et serre les poings.

« Non. Vraiment. Je n'y crois pas. Si c'est un jeu que tu joues, c'est vraiment pas marrant. Tu ne peux simplement pas m'oublier. »

Dans le but de stimuler quelconque émotion chez celui qu'elle semble bien connaître, elle se rapproche de lui.

« Nos entraînements... L'altercation... »

De retour dans le passé, pour une raison encore inconnue, leurs pères se firent face, auras actives, verte pour son paternel et jaune pour celui du sabreur. Une flaque de sang fut projetée sur la neige.

« Ce qu'il s'est passé là-bas...

- Non vraiment ! Je vous assure ! Je ne vous connais pas !

- Tu vas arrêter de me vouvoyer oui ! Arrêtes de faire semblant ! Tu ne peux pas avoir oublié ça !

- Mais puisque je vous dis que vous avez tort ! » insiste-t-il avec plus d'intensité.

Exaspérée de ce triste spectacle qui la blesse profondément, elle jette un bref regard sur ses deux prisonniers. Lui vient alors une idée.

« Je ne vois qu'un moyen pour te remettre les idées en place ! »

Le sceau qu'elle a déployé sur eux est répliqué sur la paume de sa main droite. Le Shirenai entend un vent plus fort que lorsque Rajik chargeait son poing.

« Itiwer Zifitan ! » crie-t-elle sous l'émotion.

Elle s'efface d'un seul coup. Cela surprend énormément le Shirenai de foudre. Comme la fois précédente, il est incapable de déterminer sa position. Son adversaire profite de cet état d'instabilité pour apparaître dans son dos et l'attaquer à plusieurs reprises, à l'aide de propulsions d'énergie, avant de s'arrêter un court instant pour matérialiser un autre sceau, sous les yeux médusés des pauvres prisonniers.

« Prapalyon ! »

Comme avec Rajik et Yoru, elle le projette quelques mètres plus loin. Le spécialiste de la glace ne peut que constater l'incroyable polyvalence de l'invocatrice, soulignée par sa grande maîtrise de sceaux à distance ou au corps-à-corps.

« Moi pas arriver à sortir de là ! Nous devoir aider notre ami !

- Je sais Rajik ! Pas moyen de créer un contre parfait à son sort ! »

Après s'être léchée le dos des mains, la malicieuse Endalia ne peut se retenir d'admirer ce qu'elle a infligé à celui qu'elle nomme Yukito : l'être envers qui, lorsqu'elle n'était qu'une simple petite fille, elle éprouvait une admiration sans faille dans ses compétences d'apprenti épéiste.

« Alors ça te revient ? Tu te souviens de moi maintenant ? Ou faut-il que je te frappe encore et encore pour que ce piètre jeu auquel tu veux me faire participer honteusement prenne fin ? »

L'amnésique, inquiet, regarde ses compagnons essayer tant bien que mal de se libérer du sceau d'Endalia afin de venir à son secours. Malgré leurs efforts témoins de leur bonne volonté, rien ne brise leur prison. Celui qui semble être affilié à la foudre est bien conscient que s'il reste les bras croisés, ils resteront coincés. Ces deux hommes qui l'ont accueilli à bras ouverts. Non, il ne doit pas les abandonner.

« Encore intéressé par eux ? Laisse ces cloportes de côté !

- Je ne te laisserai pas les insulter !

- Sinon quoi ? Ils sont si importants que ça ? Plus importants que moi ? »

Un autre souvenir s'invite à la fête. Seule dans la nature couverte d'une épaisse couche de neige, elle tenait fermement un sac fabriqué à partir d'une peau animale entre ses bras.

« Retrouvez-la ! » crie un homme.

Elle se retenait de pleurer. Un autre Shirenai, épée ordinaire à la main, la cherchait inlassablement. Elle déballa un peu le contenant, laissant entrevoir cinq lames fines.

« N'oubliez pas de récupérer son Obujepawa ! » continue-t-il.

Il s'approchait dangereusement d'elle, obligée de retenir son souffle.

« Montre-toi ! Enijiakku ! »

Ce mot, cette allocution précise, la ramène dans le présent. Au bord de l'implosion, elle regarde son ami d'enfance droit dans les yeux.

« Tu... Es... Vraiment... Sérieux. »

Vient un petit silence qui en révèle long sur les sentiments bouillonnants qui l'animent. Poussée par eux, soudain, elle vise les proies qu'elle a piégé.

« Ukukoyon ! »

Le sceau présent sous eux émet une lumière. De l'énergie provenant des alentours vient s'agglomérer sur les créations de l'invocatrice. Celui présent sur leurs fronts clignote au même rythme qu'un cœur au repos. Plus, elle vient s'accumuler en eux, plus ces battements accélèrent.

« Cher Rajik, je crains que, d'ici peu, le flux grandissant que je perçois tout autour de nous finisse par nous réduire en poussière. »

- Moi pas vouloir mourir ! »

Sous le coup du désespoir, Rajik tente une nouvelle fois de les atteindre. Sans succès. Au contraire, les forces engagées dans ses attaques viennent rejoindre celles déjà réunies.

« Arrête ! Ce que tu fais nous précipite encore plus vers la mort ! Réfléchissons. Je trouverai la solution. Mais, par pitié, n'aggrave pas plus la situation.

- Arrêtes ça ! » supplie le Shirenai, prêt à poser les genoux à terre.

Peu convaincue, et préférant se délecter de lui être enfin supérieure, elle accélère le processus en cours.

« Arrête ! »

- Puisqu'ils sont plus importants que moi, lorsqu'ils seront morts, j'utiliserai leurs gueules pour donner une nouvelle apparence à mes chéris ! Ce sera la première fois qu'un confrère deviendra mien ! A toi de choisir ! Eux ! Ou moi ! »

Próximo capítulo