Le Roi Célibataire A Amené Une Femme

Il ne savait pas pourquoi son cœur froid se mettait soudainement à avoir mal pour elle, mais il décida de la prendre avec lui.

Quand il fut prêt à soulever ce corps frêle dans ses bras, seulement à cet instant la petite main délicate qui agrippait sa robe lâcha prise. Il souleva ce corps qui ne pesait rien, sans se soucier de la cendre et de la saleté qui se collaient à lui lorsqu'il le fit.

Encore une fois, il ferma les yeux et se concentra, espérant cette fois pouvoir quitter cette forêt.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, il se retrouva à l'intérieur d'une chambre somptueusement décorée suffisamment grande pour être une demeure en elle-même. Il soupira de soulagement en étant enfin de retour et regarda ensuite ce corps carbonisé.

« Est-ce toi qui m'as appelé là-bas ? »

Il n'y eut aucune réponse de la part de ce petit humain inconscient. Il la déposa sur son lit à baldaquin et la couvrit avec la couverture car presque rien de ses vêtements n'était resté intact. Il tira ensuite sur la cordelette à côté du lit qui était la clochette destinée à appeler son serviteur.

Il ne fallut même pas une minute pour que la porte s'ouvre et qu'un jeune homme aux oreilles pointues et aux cheveux argentés entre dans la chambre.

« Sire, vous êtes de retour. Où étiez-vous... »

Les mots que le jeune serviteur s'apprêtait à dire restèrent coincés dans sa gorge lorsqu'il vit quelque chose—non, quelqu'un allongé au milieu du lit du Roi.

« Faites venir un médecin, Erlos, » ordonna l'homme aux yeux rouges.

Avant que le serviteur puisse dire quoi que ce soit, il entendit son maître ajouter, « Un humain et assurez-vous d'amener également deux servantes. »

« Un humain, sire ? » Les oreilles pointues d'Erlos tressaillirent alors qu'il regardait une fois de plus le corps semblable à du charbon au milieu du lit du Roi.

Ce jeune elfe, Erlos, aurait normalement fouiné pour satisfaire sa curiosité, mais voyant le visage sérieux de son maître, il n'osa poser aucune question. Il s'inclina simplement et partit, s'empressant d'exécuter les ordres du Roi.

Il ne fallut que quelques minutes à Erlos pour revenir avec un jeune homme en blouse blanche qui le suivait maladroitement, une sacoche en cuir remplie de bouteilles à la main. Le jeune homme tremblait de peur, à l'opposé complet des deux servantes du palais qui l'accompagnaient.

« Sire, le médecin est ici, » annonça Erlos, en faisant un geste vers l'humain.

Une paire d'yeux rouges examina ce jeune médecin et le vit se figer sous son regard.

Réalisant que l'attention de l'homme était sur lui, le médecin se courba presque en deux, tel un jouet en bois. « V-Votre Majesté, Roi Draven, vous avez fait appel à ce sujet humble ? »

Draven acquiesça et fit un geste vers son lit en commandant, « Soignez cet humain. »

Ce n'est qu'alors que le médecin eut l'occasion de regarder autour de lui. Il observa le grand lit à baldaquin et réalisa que quelqu'un était allongé là, sur l'épaisse couverture blanche. Même sans s'approcher davantage, il pouvait voir que la personne souffrait de graves blessures. Il avala sa salive.

« V-Votre Majesté, votre serviteur s'est trompé de personne... Je ne suis pas un véritable médecin mais un maître des poisons, » il regarda ensuite le serviteur d'un air accusateur, « J-Je l'ai dit mais il m'a quand même traîné ici de force. »

Draven lança un regard furieux à Erlos, qui cligna des yeux avec une expression débordante d'innocence, « C'est le seul médecin humain des environs, Sire. »

Draven détourna son regard de son serviteur pour le reposer sur ce maître des poisons. L'humain se tut immédiatement. Le regard dans cette paire d'yeux rouges ardents était suffisant pour faire frissonner de sueur froide ce médecin.

Pour détendre l'atmosphère, Erlos demanda au médecin avec un sourire gêné, « Mais vous savez comment soigner, n'est-ce pas ? »

Le maître des poisons sentit que s'il secouait la tête, quelque chose de terrible se produirait, il ne put donc qu'acquiescer à contre-cœur. « Oui, mais ma spécialité c'est les poisons... »

Erlos laissa échapper un rire gêné et dit, « Alors vous êtes un médecin. » Il chuchota ensuite à ce jeune humain. « Si vous voulez garder votre tête sur vos épaules, contentez-vous de la soigner. Cet homme là-bas n'hésitera pas à choisir la violence. »

Le médecin avala sa salive alors qu'il jetait un coup d'œil à l'homme aux yeux rouges qui le regardait toujours avec un regard impassible, comme s'il réfléchissait à la manière la plus violente de le punir.

« J...Je vais commencer le traitement. »

Afin de garder son corps intact, le 'médecin' humain s'avança vers le lit et les deux servantes le suivirent.

Draven regarda Erlos. « Une fois qu'ils auront terminé, informez-moi, » et sortit de sa chambre.

Lorsque le Roi quitta la pièce, le serviteur aux longues oreilles s'approcha du lit. Il était curieux de savoir qui était la personne suffisamment importante pour que son roi la ramène personnellement et la couche sur son propre lit. Il s'avança et allait jeter un œil par-dessus l'épaule d'une servante lorsque quelqu'un le tira en arrière.

« Mais qu'est-ce que tu fais, loup sans vergogne ?! » L'autre servante le repoussa et ferma les rideaux du lit devant son visage, mais il avait eu le temps de voir suffisamment avant d'être éjecté.

'F-Femme ? Le Roi a amené une femme dans sa chambre ? L'homme absolument célibataire que cet univers ait jamais connu, a amené une femme dans sa propre chambre ?' Les yeux d'Erlos s'illuminèrent de réalisation.