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À l’Aube d’une Nouvelle Aventure

Lissandra dévisagea la guerrière sans réfléchir à sa proposition, relevant l'intérêt certain qui brillait dans les yeux émeraude de cette inconnue intimidante.

Elle est magnifique…

Captivée par la beauté si noble et le charisme prononcé de celle-ci, Lissandra se mit à rougir contre sa volonté. Continuant d'observer ses traits de la sorte, elle remarqua que la peau de son interlocutrice était bien plus bronzée que la sienne, mais tout de même plus claire que la plupart des autres aventuriers de la Guilde. De son point de vue, c'était une fille avec une assurance notable qui ne devait pas essuyer beaucoup de refus. 

— Hé ! Tu m'écoutes ?! 

Alors que son admiration ne tarissait pas, le regard azuré de l'élémentaliste vira soudain à la jalousie quand il se posa sur ses formes. Elle se rendit compte que cette guerrière - déjà pourvue d'une taille supérieure à la sienne - avait des atouts féminins bien plus prononcés qu'elle malgré le port de sa tenue lourde. 

— J'ai une tache sur mon armure ? demanda cette dernière en se reluquant devant l'air envieux de Lissandra.

— E-Excusez-moi ! J-J'étais… distraite… Tout va bien !

L'élémentaliste fit un large sourire pour noyer ce qui paraissait être un gros poisson d'orgueil, puis revint au sujet de conversation avec un naturel déconcertant :

— Je… Je pensais chasser des sangliers dans la forêt proche à vrai dire...

— Chasser des sangliers ?! s'exclama l'aventurière avec stupéfaction avant de rire aux éclats. Quelle idée stupide ! Tu ne progresseras jamais comme ça !

Une aura meurtrière se fit sentir au niveau du comptoir. Sans se retourner, Lissandra imagina la colère noire se propageant sur le visage de l'intendante de guilde qui avait tout entendu. Elle esquissa par la même occasion un sourire gêné devant le manque de tact de son interlocutrice qui ne semblait pas soucieuse quant à l'impact de ses propos. 

— Chasser des sangliers, c'est pour les débutants ! affirma cette dernière.

Hé bien... il se trouve que je suis une débutante...

— Tu ne veux pas faire quelque chose de plus exaltant ?!

— Je… Je ne sais pas... Je suis une fille assez prudente... donc commencer en douceur ne me dérange pas, rétorqua Lissandra avec candeur.

Cette réponse innocente préserva l'expression arrogante de la guerrière. Elle tapa sur son épaule sans jauger sa force avant d'exprimer une nouvelle requête :

— Tiens, et si nous échangions nos cartes d'aventuriers ?

Nom : Artoria

Rang : Bronze

Classe : Paladin

Race : Humain

Sexe : Femme

Âge : 20 ans

Taille : Environ 1m70

Cheveux : Blond - Longs ondulés

Yeux : Verts

Affinité(s) : Lumière

Jugeant intérieurement son interlocutrice comme une brute épaisse, Lissandra récupéra finalement le carton tendu et commença à le déchiffrer avec une admiration soudaine. 

Mais… Elle a presque atteint le rang argent ! De plus... C'est un paladin !

Le Paladin est une classe supérieure, parmi les plus rares et fortes existantes pour les guerriers. Elle nécessite une affinité de Lumière et des compétences physiques avancées. Cette aventurière pouvait donc gérer toutes les positions au combat, que ce soit l'attaque, la défense ou le soutien.

Je pourrai apprendre énormément à ses côtés, mais quand je vois son caractère... Je reste assez... perplexe.

— Oh ! Ta carte est vraiment pas mal pour une élémentaliste débutante, tu maîtrises des sorts de soins et les barrières ? demanda Artoria.

— Oui... C-Ce sont les premiers enseignés à la kabbale pour cette affinité.

— Ah... Tu sors de l'école de magie ?! C'est une bonne chose ! Personnellement, je suis autodidacte, déclara-t-elle avec fierté. 

Face à cette prétention assumée, son regard envers le paladin devint à la fois hostile et envieux. 

À quel niveau le degré de perfection de cette fille s'arrête-t-il ? 

— Bon... Trêve de bavardage ! Avec mon groupe, nous comptons nous rendre au vieux donjon en ruine. Celui situé au cœur de la forêt. 

— Le… Le Temple du Solarium ?

— Tu le connais ?

— Hé bien… Oui, j'en ai déjà entendu parler.

— D'accord ! Ça tombe bien, c'est à côté de l'endroit où tu souhaitais effectuer ta balade champêtre !

Ces provocations, et le ton moqueur qu'Artoria employa, froncèrent les sourcils de la jeune fille, dénaturant son visage doux et immature.

— Est-ce que ma proposition t'intéresse ? réitéra-t-elle.

Être épaulé par des aventuriers plus expérimentés que soi est bénéfique et Lissandra en avait conscience. Les yeux plissés, elle fixa Artoria avec intensité, comme si elle cherchait des réponses dans ses traits. Les battements de son coeur résonnaient dans ses oreilles, alors qu'elle pesait les implications de cette décision qui se voulait capitale :

Les donjons sont réputés pour abriter des richesses lorsqu'ils sont encore occupés par des monstres. C'est dangereux, mais cela permettrait d'accélérer les choses pour moi… Avec elle, on ne craint rien à mon avis…

Malgré cette pensée matérialiste, ce n'était pas la seule raison qui poussait Lissandra à accepter cette requête si soudaine. Elle sentait le besoin qu'Artoria exprimait au travers de son beau regard vert. Elle souhaitait apporter son soutien et sa contribution face à une telle détermination de sa part.

— D-D'accord… Je vais vous accompagner… acquiesça-t-elle après une courte réflexion.

— Génial ! s'exclama Artoria en la soulevant de joie comme si c'était une enfant. Par contre, il faudra être moins timide si tu veux profiter au maximum de tes aventures !

La jeune fille dégageait de la honte, son visage rougissant montrait déjà des signes de regrets.

— Désormais, tu peux m'appeler "Artoria" ! proposa-t-elle en la reposant délicatement au sol.

— D-D'accord… Enchantée, Dame Artoria. Je... Je suis Lissandra.

— Hé ! Pas de ça entre nous, "Artoria" suffira ! Pour résumer la situation : nous allons faire une quête d'exploration. Et d'ailleurs... il faut que j'aille la valider à la réception ! En attendant, tu peux faire connaissance avec les autres.

Elle semblait satisfaite de ce recrutement de dernière minute. La démarche assurée qu'elle entreprit jusqu'au comptoir de guilde ne faisait que l'affirmer. 

Arrivée au niveau de l'intendante, Artoria lui brandit l'affiche avec fougue. L'élémentaliste n'entendait pas leur conversation, mais celle-ci se montrait agitée. 

Je ne devrais pas m'inquiéter plus que ça... Après tout, cela doit être lié à ce qu'elle a dit vis-à-vis de la chasse au sanglier, pensa-t-elle avec un autre sourire gêné.

En attendant que sa nouvelle coéquipière revienne, Lissandra alla se présenter auprès du groupe. Celui-ci était constitué de filles en majorité. Le seul garçon était un guerrier, les deux autres étaient une rôdeuse et une mage à ne pas s'y méprendre. Ils paraissaient jeunes et portaient tous une plaque de cuivre autour du cou.

On dirait que nous sommes tous des aventuriers débutants...

— Hé ! Comment tu te sens, Kevin ?! demanda la rôdeuse au guerrier. C'est ta première quête et te voilà déjà entouré d'un harem, petit veinard ! 

Elle lui tirait la joue telle une gamine jalouse devant cette constatation.

— J'ai l'impression que tous les beaux gosses sont pris dans d'autres groupes... C'est frustrant ! soupira-t-elle cette fois-ci avec un air désespéré.

Le garçon blond - au physique peu avenant - finit par se dégager de sa poigne habile.

— Raaah, lâche-moi, Clara ! Si je suis ici, c'est parce qu'Artoria est la seule qui ait bien voulu me recruter. Je crois que tout le monde a dépassé le rang Cuivre dans cette cité... Même Nami a galéré à en trouver un ! s'exclama-t-il en pointant sa camarade magicienne du doigt.

— Tant qu'il y a des magnus d'or à se faire, n'importe quel groupe me conviendra, répondit cette dernière avec une nonchalance avisée.

Observant le comportement extravagant de ses nouveaux compagnons, Lissandra soupira à son tour. 

Au moins, on peut dire que leurs ambitions sont divergentes... 

Son regard finit par se poser sur sa consœur. Elle remarqua aussitôt l'équipement de bonne facture que celle-ci revêtait pour une supposée débutante.

— Quelle est ton affinité ? demanda l'élémentaliste dans un élan de curiosité.

Cette question - qui n'était pas si indiscrète que cela - figea son interlocutrice un instant. 

— Le… Le Vent… déclara-t-elle finalement d'un air complexé.

Oh... 

Sa réponse et son expression embarrassèrent Lissandra. Toutes les deux savaient que c'était de loin la pire affinité pour une classe de mage, car elle s'avère difficile à exploiter pour eux. Avant d'atteindre un niveau de maîtrise avancé, celle-ci puise toute sa puissance au corps-à-corps. Or, c'est une position à laquelle ils sont le plus vulnérables.

— Tu es donc une aéromancienne... 

— Oui… soupira Nami avec dépit. Cette affinité conviendrait mieux à un magelame, mais malheureusement je ne suis pas assez forte et habile…

En effet, cette dernière se montrait chétive et légèrement plus petite que Lissandra. Elle paraissait faible au premier coup d'œil malgré son imposant chapeau de magicienne qui faisait de l'ombre à son entourage.

Alors qu'un silence de malaise s'installait entre elles, Artoria finit par revenir auprès du groupe. Son sourire arrogant - qu'elle ne se lassait pas d'arborer jusqu'à présent - s'était dissipé et laissait place à une expression bien plus amère. Sans autres explications sur la quête qu'ils allaient entreprendre, elle dirigea les jeunes aventuriers à l'extérieur :

— Je vois que tout le monde est prêt. Allons-y, mauvaise troupe ! s'écria-t-elle en passant la porte de la guilde d'un air déterminé.

*

À l'orée de la forêt, non loin de la cité d'Horizon, se présenta un sentier menant au Temple du Solarium. Dépourvue de toute présence humaine, la végétation galopante reprenait ses droits sur sa terre battue. Seule la faune locale animait les lieux, entre gazouillis et petits grognements bestiaux. 

— B-Beaucoup d'aventuriers fréquentent ce donjon ? demanda timidement Lissandra à Artoria.

— Hélas non... Il a été vidé de fond en comble depuis longtemps déjà, donc plus personne ne s'y risque.

— Dans ce cas... P-Pourquoi y allons-nous ?

— Hé bien… Une rumeur affirme que le peu de personnes qui vont l'explorer n'en reviennent jamais.

Malgré le ton serein que le paladin employait, l'inquiétude équivoque se lisant sur son visage interpella l'élémentaliste :

— Vous… Vous n'avez pas l'air dans votre assiette.

— Si ! Ça va... Je me suis juste pris le bec avec l'intendante tout à l'heure... Elle se plaignait que j'emmène des novices avec moi ! Tsss… Il faut dire qu'aucun autre aventurier ne voulait se rabaisser à faire cette exploration.

En effet, partir seule doit être difficile… mais est-ce que la situation sera différente avec des débutants ?

— Cela fait plusieurs fois que j'aperçois cette quête sur le tableau d'affichage. Elle est régulièrement actualisée, il doit bien se tramer quelque chose là-bas !

Fait-elle cela juste pour la gloire, ou est-ce par simple inquiétude ? songea Lissandra d'un regard dubitatif.

Elle ne connaissait pas Artoria. Ce fait ne lui procurait qu'un avis incertain sur ses intentions, tout autant qu'un étrange sentiment de malaise. 

Plus le groupe avançait sur ce chemin étroit et plus elle se sentait troublée. Une désagréable sensation parcourait le creux de son dos, telle une intuition alarmiste. Cependant, elle l'ignora, mettant cela sur le compte du stress.

***

Le groupe de jeunes aventuriers atteignit sa destination. Étant à pied, le temps de trajet dura un long moment, mais l'esprit convivial et leurs discussions le firent passer sans qu'ils ne s'en rendent compte.

De l'extérieur, les ruines prenaient la forme d'une grande pyramide avec un symbole religieux à son sommet. Il devait s'agir d'un temple bâti par un culte tout aussi antique. 

L'entrée, quant à elle, laissait place à un gigantesque escalier s'engouffrant dans les profondeurs de l'antre. Le silence pesant et intimidant qui s'en dégageait s'estompait parfois par le sifflement du vent qui y pénétrait. 

— Préparez vos torches et faites attention où vous posez les pieds, commanda Artoria en sortant la sienne.

La pente ne se montrait pas avantageuse au vu de l'état des lieux et le moindre faux pas pouvait se concrétiser par une chute mortelle. Mais sans hésitation, ils s'y immiscèrent avec lenteur, tout en gardant une main agrippée à la paroi graveleuse qui se prêtait à ses abords.

Pendant leur progression, une odeur désagréable commença à chatouiller leurs narines. Indescriptible au départ, elle s'avérait de plus en plus marquée et reconnaissable à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les ténèbres. Finalement, celle-ci s'apparentait à un gaz putride mélangeant excréments et chair pourrie. Ses effluves toxiques contraignaient les aventuriers dans leur traversée, altérant leurs sens et perturbant leur concentration. Elles alimentaient leurs torches d'un crépitement intimidant.

Une fois arrivée en bas, Lissandra prit un air soulagé. Elle se rappelait avoir l'outil idéal pour contrer cette gêne permanente. En fouillant dans sa sacoche, elle sortit un masque de tissu pour couvrir sa bouche et son nez des émanations. 

Ce geste simple, révélateur d'une adaptation fulgurante, interpella bien assez tôt Artoria qui l'observa stupéfaite : 

— Tu es plus futée que tu en as l'air !

Ce nouveau manque de tact fit basculer le regard doux de l'élémentaliste vers un autre bien moins sympathique.

— C'est une bonne idée, tu en as d'autres comme ça ? quémanda l'intéressée avec l'espoir d'une réponse favorable. 

La jeune fille fouilla de nouveau dans sa sacoche jusqu'à constater que ce n'était pas le cas :

— Non. J-Je… Je n'ai que des bandages, mais…

— Mais ?

— Ils… Ils seront moins efficaces qu'un masque ordinaire... À vrai dire, je… je ne m'en sers que pour panser les blessures lorsque je ne peux plus utiliser mes miracles.

— Ne t'inquiète pas, je maîtrise aussi la magie curative. Tout ira bien !

Devant ces paroles rassurantes, Lissandra confectionna méticuleusement des protections de fortune à base de bandage et les distribua aux autres aventuriers. 

— Tu es plutôt habile pour une mage, s'exclama la rôdeuse en admiration devant son savoir-faire.

— Oui... Je… J'adore la couture alors ce n'est pas grand-chose...

Même si les masques leur apportaient un tant soit peu de confort, la puanteur ambiante commençait à avoir raison d'eux. Ils étaient pâles, démontrant un crucial manque d'expérience pour ce genre de milieux hostiles. 

Nami semblait la plus impactée par ces émanations. Elle avait beau vouloir se cacher sous son grand chapeau, son teint livide ne trompait pas son état, même dans cette dense obscurité. 

De son côté, Artoria resta impassible. Elle n'éprouvait aucun signe de faiblesse pour ne pas usurper le rang que la Guilde lui attribua. Pour motiver ses compagnons à reprendre l'exploration, elle exprima une autre directive :

— Tout le monde est prêt ? Comme pour la descente, faites attention où vous marchez, car cette fois-ci il pourrait y avoir des pièges.

Próximo capítulo