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Elle est un peu trop honnête.

Takao s'était levé immédiatement, s'était habillé rapidement, et avait fait d'une traite tout le trajet jusqu'à l'immeuble de Marline, quitte à courir par moments, malgré le fait qu'il n'était pas censé travailler ce jour-là.

Il avait presque traversé pendant que le feu était rouge pour les piétons, avait bousculé quelqu'un en se hâtant, et avait même manqué de se faire ébouillanter par un gobelet de café tenu en main par une femme tout aussi pressée que lui dans la foule.

Il s'était vraiment précipité pour arriver jusqu'ici, jusqu'à en perdre son souffle.

Alors pourquoi est-ce qu'il hésitait tout d'un coup, à faire les cent pas sans arriver à se calmer sur la place située devant le hall de l'entreprise ?

C'était bien beau de dire qu'il n'allait pas se laisser faire, mais concrètement, que pouvait-il vraiment faire pour changer la situation ? Cela, il n'y avait pas vraiment réfléchi…

Pouvait-il vraiment agir en venant à Marline, ou devait-il se rendre au restaurant ? Devait-il prévenir Hana qu'elle allait être convoquée, quitte à la faire paniquer ? Ou devait-il s'assurer en premier lieu de ses souvenirs et de ce qu'elle se rappelait ou non ?

Non, le plus gros problème était qu'il avait aperçu dans le hall le dénommé Serizawa, se tenant près des portiques de sécurité.

L'employé du Service Juridique devait sûrement attendre de pied ferme la jeune femme ; et s'il l'interrogeait maintenant, Hana ne saurait sûrement pas quoi répondre, en plus de n'avoir aucune preuve de son côté. Le plus important était donc de retarder la rencontre de ces deux personnes, coûte que coûte. Il fallait qu'il gagne du temps afin de trouver des preuves, ou le cas échéant, découvrir qui était le second témoin qui s'était manifesté.

Plongé dans une intense réflexion, il faillit presque ne pas remarquer la jeune femme qui passa à côté de lui sans s'arrêter. Toutefois, les très long cheveux noirs de cette personne attirèrent suffisamment l'attention de Takao pour qu'il passe enfin à l'action.

Hana, prête à commencer une nouvelle journée de travail sans même se douter de la menace qui pesait sur elle, était presque arrivée aux portes automatiques du Hall de Marline, quand elle se sentit soudainement retenue en arrière par le bras.

Surprise, elle se tourna et vit qu'Utagawa Takao l'avait attrapée d'une poigne ferme de sa main droite.

Il haletait, respirant bruyamment, son cou et son front brillants de sueur.

Sa chemise était froissée, et sa cravate fixée de travers distrayait Hana loin des yeux écarquillés du jeune homme. Une apparence plutôt négligée.

La jeune femme se demanda s'il n'avait pas couru comme un dératé avant d'arriver sur place, et s'interrogea sur ce qui avait poussé le jeune homme à se presser de la sorte.

« Utagaw- »

« Shinohara-san ! » L'interrompit Takao, tandis qu'il essayait de reprendre son souffle. « Venez avec moi ! »

Sans perdre un instant, le jeune homme commença à l'entraîner derrière lui en la tirant par son poignet. Ils partaient tous les deux dans la direction opposée à l'immeuble de Marline – ce qu'Hana ne comprenait pas – et la poigne du jeune homme lui faisant mal, elle tenta de se libérer en secouant son bras.

Le geste brusque fit se retourner Takao, qui lâcha enfin le poignet de la jeune femme.

« Qu'est-ce que vous faites ?! » S'exclama Hana, un peu paniquée par l'attitude de son collègue de travail.

Dans son agitation, le jeune homme ne s'était même pas expliqué des raisons de son comportement, ce qui avait grandement inquiété la jeune femme.

Il la regarda un moment, respirant toujours bruyamment, et fronça les sourcils en jetant un rapide regard vers le hall de Marline.

Serizawa était toujours là, alors le plus important était de la retarder.

« J'ai… J'ai besoin de vos conseils ! » Prétexta-t-il rapidement.

« Mes… Conseils ? » Répéta Hana, déstabilisée et confuse.

Takao se frappa mentalement. Prit au dépourvu, il avait vraiment inventé n'importe quoi. Et s'il doutait trop de ses propres mots, la jeune femme en face de lui finirait aussi par douter.

« Oui, de vos conseils ! » Insista Takao.

« Le moment est mal choisi… » Dit-elle avec réticence tout en lançant un regard désespéré vers l'immeuble de Marline qu'ils avaient laissé derrière eux.

Elle devait sûrement s'inquiéter d'arriver en retard au travail, et tout à coup, Takao était vraiment moins sûr de lui.

S'il voulait respecter l'accord passé entre Nana et lui, de quoi pouvait-il parler, au juste ? S'il disait aussi de but en blanc être au courant de la future convocation de la jeune femme, comment pouvait-il révéler cette information sans dévoiler lui-même qu'il était son supérieur hiérarchique.

De plus, Hana continuait de lancer des regards en arrière, prête à décamper à tout moment.

Il fallait qu'il trouve de quoi la retenir. N'importe quoi.

Dans la panique, la seule chose qui parvint à sortir de sa bouche fut :

« Devenons amis ! »

Il y eut un silence, bref mais suffisamment brusque pour que Takao ait un tout petit peu envie de se jeter par une fenêtre pour échapper à son embarras. Sauf qu'ils étaient au rez-de-chaussée, et à l'extérieur. Pas de fenêtre, et encore moins d'endroit depuis lequel faire une chute mortelle.

Hana le regardait, ses yeux surpris grand ouverts. Elle était figée sur place, et ne savait pas vraiment quoi dire ou faire.

Takao en déduisit que la proposition était plutôt choquante à ses yeux, ce qu'il ne pouvait pas lui reprocher. Ils s'étaient littéralement rencontrés la veille, après tout.

« C'est… Impossible… Pas vrai ? » Dit-il en souriant d'un air désolé.

Mais à sa surprise, la jeune femme parla enfin, de façon précipitée.

« Non ! Enfin, ce n'est pas ça ! » S'exclama Hana en levant ses mains devant elle, le rose lui montant aux joues.

Elle fit une pause, incertaine de ce qu'elle voulait dire, puis adoptant elle-même une expression gênée, ajouta :

« On ne m'a jamais demandé de devenir ami avec moi, » expliqua-t-elle d'une petite voix. « Alors ça m'a un peu prise au dépourvu... »

Takao sentit immédiatement une douce chaleur envahir sa nuque. L'attitude timide de la jeune femme était désarmante.

Ceci dit, n'avoir jamais été demandée en ami jusqu'à présent, dans le monde du travail, était tout de même assez particulier.

« Mais… Je peux réfléchir un moment, avant de vous donner ma réponse ? » Demanda Hana d'une voix peu assurée.

« O… Oui, » répondit Takao.

Tout d'un coup, il avait l'impression d'être de nouveau au lycée, et d'avoir déclaré ses sentiments à quelqu'un. Sauf qu'il n'était plus au lycée depuis des années, et que c'était une simple demande en ami. Une demande dont il était impatient d'entendre la réponse, au point d'en avoir le cœur battant la chamade.

Non, calme toi, Takao. Tu es venu ici pour une raison particulière.

Reprends-toi !

« Dites, Shinohara-san, à propos d'hier soir- » Commença-t-il à dire.

« Ah, Hana-chan ! » L'interrompit une voix derrière lui.

Il se retourna et vit qu'une des collègues de la jeune femme venait d'arriver, suivie de près par un jeune homme faisant de grands signes avec un sourire niais.

Il n'avait pas encore eu l'occasion de lire toutes les fiches du personnel, mais il était à peu près sûr que l'élégante femme était Hasami Mari, et l'homme au comportement puéril la suivant de près Yamamoto Yuuto.

Les deux employés de Marline les rejoignirent rapidement, et se mirent aussitôt à fixer du regard Takao, curieux de savoir qui était cette personne.

« C'est un ami à toi, Hana-chan ? » Demanda Mari.

La jeune femme s'apprêtait à dire quelque chose, lorsque Takao prit les devants.

« Ah, je suis aussi un employé de Marline, » sourit-il en tendant une main vers la femme plus âgée. « Je ne suis pas encore ami avec Shinohara-san, mais j'espère rapidement le devenir ! »

« Je… Je vois... » Dit Mari tout en prenant la main qui était tendue vers elle pour la serrer.

« Héhé, je vois que tu te fais vite des amis, Shinohara-chan ! » S'exclama Yuuto en serrant à son tour la main de Takao.

Puis, il plissa légèrement les yeux. « Mais… Je vous aurais pas déjà vu quelque part ? »

Takao réprima juste à temps un hoquet de surprise. Se pouvait-il que ce type l'ait reconnu ? Et dans ce cas, savait-il déjà qu'il était leur nouveau Directeur ?

Afin de dissiper les doutes qui émergeaient, Takao répondit rapidement.

« On me dit souvent ça, » dit-il en se forçant à sourire. « J'ai un visage trop familier pour certaines personnes ! »

« Hum, c'est probablement ça, oui ! » Rigola de bon cœur Yuuto. « Maintenant que j'y pense, vous ressemblez un peu à mon frère ! »

Mari regarda rapidement sa montre, et tapa Yuuto dans le dos.

« On va finir par être en retard... » Dit-elle comme si elle réprimandait un enfant.

« Haha, C'est vrai ! » Grimaça Yuuto tout en se frottant le dos.

« Je vois… Bonne journée dans ce cas ! » S'excusa Takao.

Yuuto, Mari et Hana reprirent leur trajet vers l'immeuble de Marline, laissant Takao derrière eux, quand la femme la plus âgée s'arrêta et se retourna pour observer Takao, qui n'avait pas du tout bougé de là où il se trouvait.

Le fixant du regard, Mari fronça les sourcils.

« Vous ne venez pas ? » Demanda-t-elle, confuse.

« Pardon ? » Dit Takao, surpris.

« Vous, » dit-elle en pointant du doigt Takao avant de pointer ensuite vers leur lieu de travail. « Vous travaillez à Marline, non ? »

« Ah, c'est mon jour de repos aujourd'hui ! » répondit-il avant de se rendre compte de ce qu'il venait de dire.

Mari fronça encore plus les sourcils – ce qu'il ne croyait pas possible – et grimaça.

« J-J'avais à faire dans le quartier, » se justifia rapidement Takao.

Malgré cette excuse valable, il avait déjà attiré les soupçons de cette femme. Son comportement louche n'allait pas aider.

Comme pour lui dire qu'elle le tenait à l'œil, Mari leva deux doigts vers ses yeux, avant de les diriger vers le jeune homme. Puis, elle se tourna pour rattraper ses deux collègues qui avaient continué de marcher sans elle.

Takao soupira de soulagement.

Non, attendez une minute…

Cette fois, Takao passa avec frustration sa main dans ses cheveux et tira très fort. Mais quel abruti ! Dans le feu de l'action, il avait totalement oublié la raison pour laquelle il avait cherché la jeune femme !

Avec anxiété, il regarda vers le hall de Marline, et à son soulagement, vit que Serizawa avait disparu. Peut-être n'attendait-il pas la jeune femme, à bien y réfléchir. Peut-être qu'il avait agi dans la précipitation, et demandé à ce qu'Hana soit son amie un peu trop rapidement.

Il n'était pas venu pour se faire des amis, bon sang !

Mais… Pourquoi pas, après tout ?

Non, il devait faire plus que cela. Il devait faire en sorte qu'Hana et Serizawa ne se croisent pas du tout.

Sortant son téléphone portable, il composa rapidement un numéro, et après quelques sonneries, un homme répondit au téléphone.

« Kobayashi à l'appareil. »

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