<p>On dit que la justice est l'acte légitime de ceux qui ont souffert, mais à quel moment la justice laisse-t-elle place à la vengeance ?<br/><br/>Un coup de feu sec déchira le silence, suivi immédiatement du bruit sourd d'un corps s'écroulant lourdement au sol.<br/><br/>"Lieutenant-colonel, vous venez d'exécuter un soldat ennemi qui venait de se rendre ! C'est un crime de guerre !" hurla un homme, le visage blême de choc.<br/><br/>Le canon encore fumant, la silhouette se retourna lentement, révélant Mia. Elle avait bien grandi, son regard froid et impitoyable contrastant avec son magnifique visage parsemé de gouttelettes de sang. Ses traits, durcis par des années de guerre, ne laissaient transparaître aucune émotion.<br/><br/>"Colonel Prat, fermez-la, ou je vous exécute vous aussi. En guerre, il n'y a pas de place pour la compassion, pour la pitié et encore moins pour vos précieuses règles."<br/><br/>Sa voix était aussi tranchante qu'une lame, glaciale. Ses yeux, bleu perçants, semblant jauger la moindre faiblesse dans ceux de son interlocuteur.<br/><br/>"Vous avez peut-être une escouade entière sous vos ordres, mais je suis votre supérieur. Vous me devez respect et obéissance !" continua le colonel, la voix tremblante de colère.<br/><br/>Mia fit un pas en avant, indifférente à son rang : «"Votre grade m'est bien égal. Maintenant, j'ai un interrogatoire à mener."<br/><br/>Elle se détourna, prête à partir, mais il n'allait pas la laisser s'en tirer aussi facilement. D'un geste brusque, Prat lui saisit l'épaule, tentant de la stopper. En une fraction de seconde, il se retrouva au sol, son corps frappant la terre froide. Un deuxième coup de feu claqua dans l'air, brisant le silence d'une manière brutale. La balle perça son genou, et un cri déchirant s'échappa de sa gorge.<br/><br/>"Ahh putain ! Vous allez finir en cour martiale, lieutenant ! Lieutenant ! MIA !" Cria-t-il de rage en gisant sur le sol.<br/><br/>--<br/><br/>Je m'appelle Mia Shafter, et nous sommes en l'an 2236, pris dans l'engrenage sanglant d'une guerre acharnée contre l'Empire. Cette guerre n'a qu'un but : le contrôle des ressources et la domination absolue. Nous avons tout perdu dans ce conflit notre honneur, nos familles, et pour certains, une part de nous-mêmes.<br/><br/>Le 7 février, en France, un ordre glaçant fut donné : tuer hommes, femmes, et enfants. Ce fut un massacre impitoyable. Des rivières de sang ont inondé les rues alors que des centaines de milliers de Français tentaient désespérément de fuir leur propre terre, devenu champ de mort. L'oppression de l'Empire ne se limitait pas à la France ; ses ambitions avaient déjà ravagé d'autres nations. Cependant, ces attaques provoquèrent l'indignation mondiale, donnant naissance à une coalition résolue à mettre fin à leur règne de terreur. Ainsi débuta une guerre interplanétaire, où l'Empire poursuivait sans relâche son rêve de domination totale.<br/><br/>Chaque matin, je me tiens devant le miroir, les mains tremblantes, éclaboussant mon visage d'eau froide pour chasser les fantômes de la nuit. Mais peu importe combien je frotte, l'image qui me renvoie mon reflet reste celle d'une femme brisée. J'ai tout perdu. Ma famille, mon frère... celui qui avait toujours veillé sur moi, qui s'est sacrifié pour moi. Avec leur mort, c'est toute mon enfance qui s'est envolée, mes souvenirs les plus doux. Tout ce qui me rappelait un bonheur révolu. La Mia que j'étais autrefois est morte avec eux, et elle ne reviendra jamais.<br/><br/>J'ai passé deux années à me cacher, à survivre, jusqu'à ce que je devienne la leader d'un petit groupe de jeunes survivants comme moi. Ensemble, nous avons fini par traverser l'Atlantique pour rejoindre les États-Unis. Là-bas, j'ai fait un choix : m'enrôler. Pas pour servir, non. Pour venger. Pour retrouver la famille Von Kaiser, celle qui a anéanti la mienne, et les tuer de mes propres mains. Grand frère, je sais que c'est égoïste de ma part, de risquer la vie que tu as protégée jusqu'à ton dernier souffle. Mais ne t'en fais pas, je ne mourrai pas. Pas avant de les avoir fait payer.<br/><br/>"La vengeance est mon seul et unique but désormais !"<br/><br/>L'homme à qui l'on prend ce qui lui est cher est le plus dangereux des hommes.<br/><br/>Dans une vaste salle, de nombreux hommes en costumes impeccables se tenaient debout, la gravité pesant sur leurs visages.<br/><br/>« Bien, la séance est ouverte, Monsieur le Président » annonça un homme, laissant la parole à la figure centrale de la pièce.<br/><br/>Le président, un homme au regard froid et calculateur, se leva lentement : "Messieurs, nous sommes entrés dans la phase décisive de cette guerre, après dix longues années d'horreurs et de souffrances. Nous avons tous traversé des moments difficiles. La tristesse, la douleur, puis la haine... Voilà ce qui a marqué ces années. Nous avons perdu nos familles, et orchestré des massacres. Car ne nous mentons pas : aucune guerre n'est jamais propre, ni d'un côté, ni de l'autre. Le sang qui coule sur nos mains n'est pas uniquement celui de nos soldats, mais aussi celui de nos ennemis. Certains diront que cette guerre est une tragédie humaine, que nous sommes tous des hommes après tout. Mais pour moi, un ennemi est un ennemi. Nous ne pouvons pas tolérer leurs actes. Face à l'adversaire, il n'y a ni compassion, ni pitié à avoir. Cette guerre était inévitable."<br/><br/>Un silence pesant s'installa un instant, avant que le général ne prenne la parole : "Vous avez raison, Monsieur le Président. Vos mots sont toujours aussi justes. Après tout, si vous êtes à la tête de cette coalition, ce n'est pas pour rien."<br/><br/>Le président acquiesça d'un signe de tête.<br/><br/>"Merci, Général. Passons à l'ordre du jour, Messieurs du Conseil. Hier soir, à 22 h précises, l'une de nos meilleures équipes, accompagnée de notre meilleur agent et de plusieurs pelotons, a mené une opération cruciale. Ils ont attaqué et pris l'un des points stratégiques de l'Empire : une base frontalière où se trouvaient plusieurs membres influents de l'ennemi. Ces individus ont été capturés avant qu'ils ne puissent s'échapper. Un interrogatoire, supervisé par notre meilleur élément, a déjà eu lieu. Le but de cette mission était clair : obtenir des informations sur l'emplacement de la famille Von Kaiser."<br/><br/>Contrastant avec la grande salle lumineuse où ces hommes se tenaient, dans l'obscurité épaisse, seule une faible veilleuse jetait une lumière vacillante sur les murs d'une petite pièce délabrée. Le sol et les murs, eux, portaient les traces macabres de taches de sang séché. L'air y était lourd, imprégné d'une odeur métallique et suffocante. Au milieu de cette scène morbide, des sanglots se faisaient entendre, résonnant faiblement dans ce lieu sinistre.<br/><br/>"Ah non, pitié, arrêtez ! On vous a déjà tout dit !" implora une voix tremblante, brisée par la terreur.<br/><br/>"Clac !" fit une pince teintée de rouge.<br/><br/>"Aaaaahhh ! J'ai plus de doigts ! J'ai plus de doigts !" hurla l'homme, ses yeux injectés de sang, la morve lui coulant du nez et de la mousse s'accumulant au coin de sa bouche.<br/><br/>Mia, immobile, son visage impassible, le regardait sans l'ombre d'une émotion.<br/><br/>"Allons, allons, un peu de tenue." dit-elle d'une voix glaciale.<br/><br/>"Vous... vous êtes un monstre !" balbutia l'homme, la voix étranglée par la douleur.<br/><br/>"Et à votre avis... qui a fait de moi un monstre ?" répondit-elle avec une froideur mécanique, ses yeux ne quittant pas un instant ceux de sa victime, cherchant à percer ses dernières défenses.<br/><br/>Mia s'accroupit lentement à son niveau, rapprochant son visage du sien.<br/><br/>"Tu sais ce qu'on faisait aux esclaves noirs autrefois ? On les castrait."<br/><br/>Elle prononça ces mots doucement, comme une vérité sinistre, ses yeux brillants d'une lueur glacée.<br/><br/>"Non... non, s'il vous plaît ! Je vous en supplie !" implora l'homme, une terreur absolue dans la voix, ses jambes tremblantes sous lui.<br/><br/>Mia esquissa un sourire cruel, se redressant avec un calme effrayant.<br/><br/>"Ça va bien se passer. Ne t'inquiète pas, ça va juste... piquer un peu."<br/><br/>Sa voix se fit presque douce, comme si elle lui promettait une douleur minime, mais son regard disait le contraire.<br/><br/>"Hiii ! Non ! Pitié ! Tuez-moi !" hurlait-il, sa voix se brisant dans un cri désespéré qui se répercuta contre les murs étroits de la pièce.<br/><br/>Cette nuit-là, des cris et des sanglots déchirèrent la noirceur, s'élevant dans l'obscurité.<br/><br/>De retour dans la salle baignée de lumière, le président reprit la parole, son ton posé contrastant avec la gravité de la situation.<br/><br/>"La famille Von Kaiser se cache en Roumanie, dans un château fortifié, doté d'un bunker dissimulé dans les sous-sols."<br/><br/>Un murmure parcourut la salle avant qu'un des officiers, l'air satisfait, ne prenne la parole.<br/><br/>"Eh bien, tout ça, c'est grâce à cette fille ! Le Président a eu du flair en la prenant sous son aile."<br/><br/>"Effectivement." répondit calmement le président, hochant la tête. "Bien, continuons. Notre cible initiale était la Pologne, puisque nous pensions qu'elle était le centre névralgique de toutes leurs opérations. Nous pensions qu'ils s'y terraient, mais grâce aux informations récentes, nous avons maintenant leur emplacement exact."<br/><br/>Un léger silence, comme pour marquer le poids de cette révélation, envahit la pièce.<br/><br/>"Comme vous le savez." reprit-il. Beaucoup des nations membres de l'Empire sont déjà tombées sous notre contrôle. L'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg... Et surtout l'Allemagne et la République Tchèque, qui nous offrent désormais une ouverture stratégique pour accéder à la Pologne et lancer l'assaut final."<br/><br/>Tous les regards étaient rivés sur lui, l'attention des membres du Conseil exacerbée par l'ampleur de la campagne en cours. Il poursuivit, imperturbable :<br/><br/>"Nous avons également reçu la capitulation d'autres pays appartenant à l'Empire. La guerre en Afrique touche à sa fin, et dans les pays du Proche et Moyen-Orient, nos alliés sont sortis victorieux."<br/><br/>"Et quels sont les gouvernements qui ont sombré dans l'anarchie ?" demanda l'un des membres du Conseil, brisant le silence qui régnait.<br/><br/>"Les deux Corées, la Chine, la Russie, et quelques autres, mais nous avons pris en charge leurs populations, qui étaient livrées à elles-mêmes. Il fallait éviter qu'un dictateur ne s'impose au début du chaos. Nous nous sommes imposés par la force, ces populations nous percevaient sans doute comme des envahisseurs au début. Mais en leur fournissant nourritures et soins, nous avons réussi à leur faire comprendre que nous n'étions pas leurs ennemis." répondit un général à coté du président.<br/><br/>Le général marqua une pause avant de poursuivre : "Ainsi, certains d'entre eux se sont même portés volontaires pour combattre à nos côtés, pour le bien commun."<br/><br/>Le président, impassible, reprit la parole : "Maintenant, messieurs, abordons l'essentiel : la stratégie. Je pense que tout le monde ici a la même idée en tête."<br/><br/>Il laissa son regard parcourir la salle, observant les visages concentrés.<br/><br/>"Nous allons lancer l'offensive majeure pour en finir avec ce qu'il reste de l'armée ennemie, rassemblée en Pologne. Nous y enverrons nos forces d'élite, y compris celle qui a permis de localiser la famille Von Kaiser."<br/><br/>Un murmure d'approbation se fit entendre dans la salle.<br/><br/>"Tout le monde ici semble d'accord. Nous sommes le 5 avril, l'opération sera lancée dans six jours, soit le 11 avril, à 19 heures. "<br/><br/>Le silence qui suivit était chargé de gravité, jusqu'à ce qu'un conseiller prenne la parole, l'air inquiet : "Monsieur le Président, la victoire est proche, mais il est impossible d'ignorer que nous avons perdu près de la moitié de l'humanité. Il va falloir commencer à envisager les projets que nous avons discutés pour garantir la survie de nos peuples, et surtout, pour mettre un terme définitif à ces guerres insensées."<br/><br/>Le président acquiesça lentement : "Oui, c'est une priorité et nous travaillons dessus."<br/><br/>Alors qu'il s'apprêtait à clore la réunion, une voix s'éleva dans la salle : "Attendez ! Nous devons discuter de Mia Shafter.. Elle a tiré sur un supérieur hiérarchique. Que devons-nous faire ?"<br/><br/>Un silence tendu s'installa. Le président répliqua froidement : "Nous ne ferons rien. Il n'est pas nécessaire de rappeler à tout le monde ici qui est Mia Shafter."<br/><br/>Un murmure d'acquiescement parcourut la salle. "Effectivement." reprit un général. "Mia a été l'un des piliers de cette guerre. C'est une héroïne de guerre reconnue de tous, et elle est sous la protection directe du Président."<br/><br/>Un autre membre du Conseil prit la parole : "Elle a mené d'innombrables missions d'infiltration et d'assassinat, de batailles toutes couronnées de succès. On lui doit la reprise de Paris, l'attaque de Berlin, et d'autres opérations décisives qui ont permis de reprendre de nombreux points stratégiques. La liste de ses exploits est si longue qu'il serait trop long à raconter."<br/><br/>Un autre acquiesça, ajoutant : "Sans parler de ses talents de stratège. Elle a siégé à cette table à plusieurs reprises. Si elle n'est pas montée plus haut dans la hiérarchie, c'est simplement parce qu'elle a refusé toute promotion qui l'éloignerait du front. Pas plus tard qu'hier, elle a localisé la famille Von Kaiser et, simultanément, annihilé une base ennemie."<br/><br/>Le président hocha la tête, sa voix froide et tranchante : "Il n'y aura aucune sanction contre elle. Elle mènera l'assaut contre la famille Von Kaiser."<br/><br/>"Mais... et si elle décidait de les tuer au lieu de les capturer ?" continua l'homme.<br/><br/>Le président ne perdit pas son calme : "Elle ne fera pas ça."<br/><br/>"Comment pouvez-vous en être si sûr ?" insista l'homme, sceptique.<br/><br/>Le président se tourna vers lui, le regard perçant. "Monsieur Nolan, étant nouveau au Conseil, il est compréhensible que vous ne soyez pas au courant de l'accord passé avec Mia. Ce marché stipule que..."<br/><br/>Le président se remémora la conversation qu'il avait eu avec elle répétant ce qu'il s'était dit : "Si je capture la famille Von Kaiser, après leur jugement public, je pourrai faire ce que je veux d'eux... et me venger."<br/><br/>"Qu'est-ce qui vous a pris ?" s'exclama Nolan, outré.<br/><br/>"Vous refusez donc à notre icône de guerre le droit de s'occuper de ceux qui ont déclenché ce conflit ?" répliqua calmement le président, sans sourciller.<br/><br/>Nolan resta un instant silencieux, hésitant, avant que le président n'ajoute : "Le Conseil a donné sa parole. Entre des criminels et notre héroïne de guerre, le choix est clair. De plus, nous savons tous que leur jugement est déjà scellé. Ce jugement public ne sera qu'un prétexte pour calmer les foules et offrir un nouveau départ."<br/><br/>"Mais elle va les torturer jusqu'à la mort." protesta Nolan, choqué. "Certes, c'est une héroïne, mais on l'appelle aussi parmi les soldats : le Diable."<br/><br/>Le président répondit avec une froideur implacable : "Ils seront condamnés à mort de toutes les manières. Qu'elle les tue directement ou non, cela revient au même."<br/><br/>"Et les enfants ? C'est un crime de guerre atroce." lança Nolan, désespéré.<br/><br/>Un silence pesant s'installa avant que le président ne lâche d'une voix grave : "Je vous prie de garder le secret sur cela. Que Dieu nous pardonne."<br/><br/>Un murmure traversa la salle, et un autre membre du Conseil murmura : "Beaucoup d'entre nous ont perdu des proches à cause de cette guerre. Cette décision convient à plus d'un ici. Je suis certain que certains seront aux premières loges pour assister à leur fin."<br/><br/>Le président, d'un ton sec, conclut : "Monsieur Nolan, la décision est prise. Mais si cela peut vous apaiser, je parlerai à Mia pour voir si elle accepte de changer d'avis."<br/><br/>"Bien." répondit Nolan, résigné.<br/><br/>"La réunion est désormais close. La victoire sera bientôt nôtre."<br/><br/>Est-ce que la vengeance cicatrise les blessures ?<br/><br/>Le bruit sec de quelqu'un frappant à la porte retentit dans la pièce.<br/><br/>"Entrez."<br/><br/>La porte s'ouvrit lentement, laissant apparaître le président du Conseil, Cristian, se tenant fièrement devant Mia.<br/><br/>"Ah, c'est toi." dit-elle sans surprise, comme si sa venue était attendue.<br/><br/>"Tu ne me fais pas un câlin, Mia ?" lança-t-il en ouvrant grand les bras, un sourire joueur au coin des lèvres.<br/><br/>"Hmph, dans tes rêves." répondit-elle les bras croisés.<br/><br/>"Ohh, tu es toujours aussi froide." se plaignit-il avec une fausse exaspération, tout en refermant la porte derrière lui.<br/><br/>Elle a levé les yeux au ciel, légèrement agacée par son ton détaché : "Arrête tes bêtises et dis-moi plutôt ce qui te vaut la peine de venir ici en personne, Président." soufflait elle, impatiente.<br/><br/>"Eh bien, je suis venu te parler et te faire le compte rendu de la réunion. Puis-je entrer ?"<br/><br/>Mia fit un geste vers la chaise en face de lui l'invitant à s'asseoir. Cristian s'assit tranquillement, prenant son temps comme s'il savourait chaque seconde.<br/><br/>"Merci."<br/><br/>Il se pencha légèrement en avant, son visage soudainement plus sérieux : "La réunion a débouché sur une conclusion. Cette guerre touche à sa fin."<br/><br/>Mia resta silencieuse, attendant la suite.<br/><br/>"Dans six jours, nous lancerons l'assaut final. Ton équipe et toi serez chargés de capturer la famille Von Kaiser."<br/><br/>Elle le fixait, son regard dur et direct avant de s' exprimer : "Vous n'avez pas oublié notre accord, n'est-ce pas ?"<br/><br/>Cristian sourit légèrement. "Bien sûr que non, Mia. Un accord est un accord."<br/><br/>Il se redressa légèrement sur sa chaise, son regard se perdant dans le vide un instant avant de poser une question : "Tu te rappelles du jour où nous nous sommes rencontrés ?"<br/><br/>Elle fronça les sourcils. "Est-ce vraiment important ?"<br/><br/>Il secoua la tête, l'air presque nostalgique. "C'était le jour où je t'ai prise sous mon aile. Je t'en prie, ne sois pas comme ça. Pour moi, c'est comme si c'était hier."<br/><br/>Saut dans le passé<br/><br/>"Monsieur le Président, la mission de secours a été un succès. Nous avons pu sauver un grand nombre de réfugiés français. Les informations fournies par cette informatrice se sont révélées cruciales."<br/><br/>Le président, le regard fixé sur l'horizon, plissa les yeux pour voir la silhouette du bateau se rapprochant : "Le bateau est déjà en vue ? J'ai hâte de la rencontrer. Elle a tenu à cacher son prénom et son âge... Elle se fait appeler IMM."<br/><br/>Sur le quai, l'atmosphère était tendue, les soldats encadrant de près les réfugiés qui descendaient lentement du navire. Certains d'entre eux, le regard encore vide, étaient trop choqués pour réaliser qu'ils étaient enfin en sécurité. D'autres, les jambes tremblantes, semblaient soulagés de fouler la terre ferme après des jours d'incertitude. Les enfants, trop nombreux pour cette tragédie, se tenaient par la main, formant une chaîne silencieuse de petits visages marqués par la peur et la fatigue. Leurs yeux, creusés par l'épuisement,<br/><br/>"Avancez doucement, s'il vous plaît." demanda un soldat.<br/><br/>"Il y a vraiment beaucoup d'enfants. C'est un miracle qu'autant aient survécu... Bon, où est cette fameuse informatrice ?" demanda le président.<br/><br/>Un autre soldat s'approcha, saluant brièvement : "Monsieur, nous avons trouvé la personne qui se fait appeler IMM."<br/><br/>Le président tourna la tête, intrigué. "Eh bien, qu'attendez-vous pour me l'emmener ?"<br/><br/>Le soldat hésita un instant, gêné : "Eh bien, monsieur... c'est que... c'est une enfant. Elle doit avoir à peine 12 ans..."<br/><br/>Le président fronça les sourcils, visiblement surpris. "Quoi ? Comment est-ce possible ?"<br/><br/>"C'est pourtant bien elle. Nous allons finir de faire débarquer tout le monde, et je l'amène à vous immédiatement."<br/><br/>"Très bien." répondit-il, encore perplexe.<br/><br/>1 heure plus tard<br/><br/>Le président, les mains croisées derrière le dos, observait l'enfant qui se tenait devant lui. Petite, maigre, les cheveux en bataille, mais son regard... son regard était loin de celui d'une enfant ordinaire. Il y avait dans ses yeux une maturité sombre, une dureté forgée par les épreuves.<br/><br/>"Quand on m'a dit qu'une enfant de 12 ans était cette fameuse informatrice, j'ai été plus que surpris." dit-il, son ton toujours empreint de doute. "Confirmes-tu que tu es bien IMM ?"<br/><br/>La jeune fille releva la tête, son regard perçant : "Je confirme, c'est moi."<br/><br/>Le président la fixa un instant, silencieux, puis reprit : "Comment te nommes-tu, mais surtout... comment as-tu fait ?"<br/><br/>"Je suis Mia Shafter, alias IMM." répondit-elle d'une voix calme mais ferme. "Il y a environ deux ans, j'ai pris la tête d'un groupe de jeunes survivants. Nous avons mené plusieurs missions, puis j'ai pris contact avec vous. Pour être crédible, j'ai caché mon âge et j'ai adopté le nom d'IMM."<br/><br/>Elle fit une pause, laissant ses paroles s'imprégner dans l'esprit du président.<br/><br/>"Notre première mission était simple : survivre. Mais cela n'a pas été facile, comme vous pouvez l'imaginer. Nous avons appris à nous battre, à nous organiser. Puis, un événement est venu tout bouleverser. Nous avons décidé que la seule chance de survie était de quitter la France."<br/><br/>Le président resta silencieux un moment, observant cette enfant qui, à travers ses mots, semblait bien plus âgée que ses douze ans. Un mélange d'admiration et de tristesse traversa son esprit.<br/><br/>"Par la suite, on a commencé à rassembler des informations importantes sur notre ennemi et on a pris contact avec vous. Nous vous avons transmis des informations fiables pour que vous nous fassiez confiance, et voilà où nous en sommes aujourd'hui, des survivants évacués."<br/><br/>"Si vous voulez l'histoire complète, je peux vous la raconter." proposa Mia, son ton détaché, presque froid.<br/><br/>Le président l'observa en silence avant de répondre : "Pour l'instant, ce ne sera pas nécessaire. Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'une enfant ait pu sauver autant de personnes."<br/><br/>Mia serra les poings, ses yeux brûlant d'une colère contenue.<br/><br/>"Je ne suis plus une enfant !" dit-elle d'une voix tremblante mais ferme. "J'ai vu l'enfer de mes propres yeux. J'ai vu des gens mourir, des familles déchirées, des amis, des camarades tomber sous mes yeux. J'ai lutté pour ma survie, alors je vous prierai de ne pas me traiter d'enfant."<br/><br/>Un silence s'installa dans la pièce, lourd de tension.<br/><br/>Le président resta impassible. "Tu sais qui je suis, n'est-ce pas ?"<br/><br/>Mia haussa les épaules, le regard dur.<br/><br/>"Peu importe qui vous êtes. Vous avez fait votre travail. Je ne vous dois rien, mais vous, vous me devez tout."<br/><br/>Un des officiers, visiblement irrité par son insolence, intervint brutalement : "Surveille tes paroles, gamine ! Je te signale que tu t'adresses au président du Conseil !"<br/><br/>Le président leva une main pour faire taire l'officier.<br/><br/>"Monsieur Scot, laissez. Elle a raison. Est-ce que ce n'est pas une honte pour nous, adultes, qu'elle ait dû prendre les armes et ait accompli plus que nous ?"<br/><br/>Il se tourna de nouveau vers Mia, un soupçon de respect dans le regard.<br/><br/>"Mia, tu seras récompensée pour ce que tu as fait. Tu seras nourrie, logée, mise en sécurité. Tu as bien mérité de quitter cet enfer."<br/><br/>Mais Mia secoua la tête, ses yeux brillant d'une détermination farouche : "Non. J'y reste !"<br/><br/>Le président fronça les sourcils.<br/><br/>"Comment ça ?"<br/><br/>"Je vais m'engager en tant que soldat." déclara-t-elle avec une assurance implacable.<br/><br/>Le président la fixa, perplexe : "Pourquoi retourner dans cet enfer alors que tu pourrais le quitter pour de bon ?"<br/><br/>Mia le regarda droit dans les yeux, sa voix tremblante d'une rage profonde.<br/><br/>"Le jour où j'ai perdu ma famille, la porte de l'enfer s'est refermée, me laissant seule à l'intérieur. Depuis ce jour, je me suis promis que je me vengerai de ceux qui m'ont tout pris."<br/><br/>Le président resta silencieux, mesurant ses paroles : "Tu risques peut-être de mourir avant."<br/><br/>Mia redressa la tête, ses yeux brûlant de défi : "Cela n'arrivera pas."<br/><br/>Retour au présent<br/><br/>"Tu sais, ce jour-là, quand je t'ai rencontrée, j'ai tout de suite remarqué quelque chose." dit Cristian, son regard perçant. "Ta façon de parler, ton regard, ce n'étaient pas ceux d'une enfant."<br/><br/>Mia détourna légèrement les yeux, mais ne répondit pas.<br/><br/>"Pff... et avec tout ce que tu as accompli, j'ai été bien obligé d'accepter ta demande de tuer les Von Kaiser." poursuivit-il, son ton plus grave.<br/><br/>Un silence lourd s'installa, comme si le poids des événements les rattrapait tous les deux.<br/><br/>"Qui aurait cru que la jeune fille que j'avais rencontrée ce jour-là deviendrait une héroïne de guerre ?" dit-il avec un soupçon de nostalgie. "Tu m'as raconté ton histoire, Mia. C'était peut-être une histoire parmi tant d'autres, mais elle m'a touché. Cependant, la vengeance... Elle est devenue ton seul et unique but. Elle t'a changée. Tu as commis des actes qui resteront à jamais gravés dans ton âme. Et ce que tu t'apprêtes à faire à cette famille..."<br/><br/>Mia le coupa brusquement, ses yeux flamboyant de détermination : "Ils vont recevoir ce qu'ils méritent !"<br/><br/>Cristian fronça les sourcils : "Et les enfants ? Qu'est-ce que tu comptes faire des enfants ? Tu vas aussi les torturer ? Ils sont des victimes, Mia. Les victimes de leurs parents."<br/><br/>Mia serra les poings, luttant contre un flot d'émotions refoulées : "Ferme-la, Cristian. Je vais me venger, tu m'entends ? Si je laisse les enfants en vie, tu ne crois pas qu'ils vont m'en vouloir ? Qu'ils ne voudront pas se venger à leur tour ? Il y a un risque qu'ils deviennent exactement comme leurs parents."<br/><br/>Cristian soupira, le visage marqué par l'inquiétude : "ou comme toi Mia."<br/><br/>Il y eu un silence lourd entre les deux avant que Cristian ne reprenne : "tout ce que tu as dit ne sont que des possibilités."<br/><br/>"Je ne prendrai aucun risque." rétorqua Mia froidement, ses yeux brûlant d'une rage glaciale.<br/><br/>Cristian secoua la tête lentement.<br/><br/>"Très bien, je vois où tu en es." Il resta silencieux un instant avant de demander, plus calmement : "Au fait, tu ne m'as jamais dit... pourquoi avoir choisi le pseudonyme IMM ?"<br/><br/>Mia ferma les yeux un moment, comme si elle replongeait dans des souvenirs douloureux : "C'était un manga que mon frère lisait, To Your Eternity. Ça parlait d'un immortel, d'un voyage, de renaissance."<br/><br/>C'était donc pour ça... Mia, tu ne penses pas que cela ferait mal à ton frère de voir ce que tu es devenue ? Il n'a peut-être pas mesuré la portée de ses mots à ce moment-là."<br/><br/>Mia se redressa brusquement, la voix tremblante de colère et de tristesse.<br/><br/>"Ne parle pas de mon frère ! C'est moi qui aurais dû mourir ce jour-là, pas lui !"<br/><br/>Cristian l'observa, l'air grave mais sans jugement.<br/><br/>"Mais ce n'est pas ce qui s'est passé et si tu n'avais pas été là, peut-être que nous ne serions pas où nous en sommes aujourd'hui. Ce qui est arrivé à ta famille... Je sais que c'est difficile à entendre, mais ta vengeance a, d'une certaine manière, permis d'accomplir des choses positives pour beaucoup de gens."<br/><br/>Il marqua une pause, laissant ses mots s'installer dans le silence : "Mais aujourd'hui, cette vengeance t'a transformée en monstre."<br/><br/>Mia, ses yeux durs, répondit d'une voix calme mais glaçante : "Il y a un monstre en chacun de nous, Cristian."<br/><br/>Cristian sourit tristement : "Hum... Cela fait longtemps que tu ne m'as pas appelé par mon prénom. Bien, je pense que nous avons terminé sur ce sujet."<br/><br/>Il se leva lentement l'essentiel ayant été dit.<br/><br/>"Aussi, évite de tirer sur un soldat allié la prochaine fois. Ça nous évitera de remplir des tonnes de paperasse."<br/><br/>Alors qu'il se dirigeait vers la porte, il s'arrêta et se retourna une dernière fois : "Ah, et Mia... Tu devrais commencer à réfléchir à ce que tu feras après tout ça."<br/><br/>Il sortit sans un mot de plus, la porte se refermant doucement derrière lui.<br/><br/>Mia resta immobile, seule dans la pièce, ses pensées hantées par des souvenirs douloureux.<br/><br/>"Ray... c'est bien ça, hein ? Tu as sacrifié ta vie pour protéger ta sœur, mais je ne peux m'empêcher de penser que les mots que tu m'as dits, ce jour-là, étaient peut-être trop cruels..." pensa Cristian en regardant la porte où derrière il entendit des sanglots.<br/><br/>J'ai gravé cela dans la roche, et ma vengeance est écrite dans la poussière du rocher. Edgar Allan poe<br/><br/>Les jours s'étaient écoulés, chacun apportant son lot de tension et de préparation, jusqu'à ce que le moment fatidique arrive enfin. Ce jour où tout allait trouver une fin, où cette guerre, avec son cortège de souffrances et de sacrifices, s'apprêtait à livrer son ultime bataille. Chaque instant avait conduit à ce point de non-retour.<br/><br/>"Ray, c'est bientôt la fin." murmura Mia en fixant son reflet dans le miroir. "J'ai traversé tant d'épreuves... toutes ces nuits où les cauchemars ne me laissaient aucun répit, où je vous revoyais mourir, toi, Maman et Papa. Parfois, j'entendais vos voix, et très souvent, je te voyais apparaître devant moi. Je te parlais, et tu m'écoutais... même si tu n'étais qu'une illusion."<br/><br/>Elle ferma les yeux un instant, une larme glissant doucement sur sa joue.<br/><br/>"Je suis peut-être devenue folle." ajouta-t-elle dans un murmure. "À chaque fois que je me regardais dans le miroir, comme en ce moment... ce n'est pas moi que je voyais, c'était toi. Et tu me montrais ce que j'étais devenue."<br/><br/>Sa voix trembla légèrement alors qu'elle continuait : "Cristian n'a pas tort. Je suis devenue une meurtrière, un véritable monstre, obsédée par la vengeance. Mais c'est cette obsession qui m'a permis de tenir, qui m'a permis d'avancer tout ce temps."<br/><br/>Elle serra les poings, le regard toujours fixé sur son reflet. "Je sais que la vengeance n'apporte rien de bon." souffla-t-elle. "Mais je sais aussi qu'il y a des gens, comme moi, qui ne peuvent pas avancer tant qu'ils n'ont pas accompli leur vengeance."<br/><br/>Elle marqua une pause, laissant ses pensées se frayer un chemin à travers sa douleur.<br/><br/>"Je crois que j'ai enfin trouvé la réponse à ma première question, Ray. La justice... n'est rien d'autre qu'une demande de vengeance. Mais la vengeance... ne ramène jamais ce qui est perdu."<br/><br/>Peut-être que la vengeance vaut bien la justice ? <br/><br/>Les préparatifs pour l'assaut final s'étaient intensifiés tout au long de la semaine, chaque détail soigneusement calculé, chaque arme minutieusement vérifiée. Le jour fatidique était enfin arrivé. L'air était lourd de tension, de ces moments où le silence précède l'orage.<br/><br/>"Mia, c'est l'heure. Toute l'équipe t'attend." dit Matt d'une voix grave, la tête à peine passée par l'entrebâillement de la porte.<br/><br/>Mia tourna lentement la tête vers lui, son visage impassible.<br/><br/>"Merci, Matt. J'arrive." répondit-elle, ses yeux glissant une dernière fois vers le miroir.<br/><br/>Elle inspira profondément, se parlant à elle-même : "Grand frère, c'est l'heure », murmura-t-elle en fixant son propre reflet. « Je sais que tu me regardes à travers ce miroir... alors, à plus tard."<br/><br/>Un dernier regard, puis elle se détourna, prête à faire face à ce qu'elle avait attendu si longtemps.<br/><br/></p>