Pendant ce temps, dans la dimension du Kirioku, l'étrange silhouette humaine, composée de feu noir a toujours sa main sur la tête de Fraya. Étant persuadé d'avoir senti, l'espace d'un instant, une forte perturbation en visitant l'un de ses souvenirs, il décide d'aller plus loin. Fraya frôle maintenant la vingtaine. Elle est aux côtés de son père, en train d'étudier d'anciens écrits. Quand à Ki-Igno, toujours sous le mélange d'angoisse et de colère qu'il éprouve quand au manque de manifestation du pouvoir de sa fille, ne peut s'empêcher de lui jeter quelques regards par ci par là. Tout à coup on cogne à la porte.
« Vénérable ! C'est une urgence ! »
« Qu'y a-t-il ? »
« Un élémentaliste a été détecté ! Il s'approche de nos côtes ! »
Cette information lui est tellement stupéfiante qu'il se lève d'un seul coup, quitte à en faire tomber sa chaise.
« Père, c'est quoi un élémentaliste ? »
« Un être dépourvu de bon sens. N'y allez pas. Je vais m'en occuper personnellement. »
Ce dernier rejoint les gardes. Une plage de galets. La mer chante. Le bruit d'une barque, d'abord discret, se rapproche, faisant progressivement de l'ombre aux chœurs des vagues. Un seul homme, portant un cape marron foncé à capuche, visage en partie cachée, la dirige. Il finit par poser pied sur le littoral.
« M'y voilà enfin. Le Continent de l'Ouest. » déclare-t-il.
Alors qu'il entame à peine sa marche, un sceau apparaît devant lui. Son premier réflexe est de poser sa main droite là où est sensée se trouver une arme de Shirenai, sauf qu'il n'y a rien. Ce qui l'étonne ensuite c'est que ce qu'il voit en face à l'air d'être plus complexe que tout ce qu'il a vu auparavant, l'effrayant légèrement.
« Repars tout de suite d'où tu es venu ! »
« Du calme. Je suis venu en paix. »
« Aucune paix lorsque quelqu'un comme toi ose venir ici ! »
« N'ayez crainte. Je n'appartiens plus à Kigen. Je ne suis officiellement plus un Shirenai. » affirme son interlocuteur.
« Mensonge ! Je sens un élément très développé en toi. Notre terre n'accueille pas ceux qui abusent de Faironne. Pars immédiatement ! »
L'assurance vive que témoigne le père de Fraya intrigue son interlocuteur, lui étant une preuve d'une grande force. Piqué par sa supposée valeur, l'ancien membre de l'armée de Kigen active son aura, aussi jaune qu'un soleil en plein zénith, et se met en garde.
« Quelle attitude belliqueuse... C'est bien votre particularité. A force de toujours vouloir montrer sa soit-disant puissance, on se laisse dominer par des instincts gonflés par un incontrôlable orgueil. »
Aussitôt cette pique terminée, le guerrier à vive allure vers lui en réalisant la technique "Charge éclair", malheureusement facilement esquivée par sa cible. Même constat pour toutes les tentatives de son agresseur. Le calme imperturbable du chef Kiyuza déconcerte le Shirenai forcé à l'exil. Après cet échec, il reprend son souffle, ne remarquant aucune faiblesse, même infime, chez le père de Fraya. Pour parvenir à l'atteindre, il entame mentalement une stratégie, basée sur les mouvements qu'il a pu apercevoir. Soudain, un brutal coup de poing au ventre, réalisé en une fraction de secondes, l'interrompant sèchement dans sa réflexion.
« Pars. » répète Ki-Igno.
La douleur est telle qu'elle force le guerrier à poser genoux à terre.
« C'est ça l'implacable armée sensée défendre Faironne ? Que c'est pitoyable. Ce qu'il s'est passé il y a deux cents ans ne vous a pas suffit ? Vu le niveau actuel, la noble action du vénérable Ki-Ramen était encore plus justifiée. Vous êtes une insulte envers ce que Faironne a donné. Sois ravi de voir que je suis assez clément pour ne pas te renvoyer moi-même d'où tu viens. »
Ils se regardent intensément. Lorsqu'il trouve enfin la force de surpasser la douleur, l'ancien Shirenai désactive son aura.
« Pourquoi cette hostilité malgré la clémence que vous autoproclamez ? En quoi est-ce un mal d'avoir un élément en soir, surtout si nous l'avons depuis la naissance ? En quoi est-ce un mal de défendre Faironne grâce à ce qu'elle nous a offert ? A quoi faîtes-vous référence exactement ? Ne nous mettez pas tous dans le même panier. » répond-il.
Cette déclaration, assez inattendue, surprend le chef des Kiyuzas.
« Pourquoi es-tu venu ici ? »
« Enseignez-moi tout ce qui concerne ce qu'on appelle l'énergie neutre. »
L'étrange demande de l'exilé marque un silence entre eux. Impressionné par la détermination dont il fait preuve et son attitude malgré les menaces et la morale qu'il lui a donné, l'esprit de Ki-Igno est tiraillé entre ce que son titre de vénérable incarne, l'histoire de Ki-Ramen et la sincérité du porteur de foudre.
« Uniquement ça ? » demande-t-il, pour se rassurer.
« Oui. » répond immédiatement le Shirenai.
« Moi, vénérable Ki-Igno, accepte ta présence sur notre terre. Quel est ton nom ? »
« Je m'appelle Kenshiro. »
« Quelqu'un qui t'enseignera les bases. Tu seras logé et nourri selon nos traditions. Si tu t'écartes de l'une d'elles, tu seras expulsé sur le champ. Voilà mes conditions. »
« Je les accepte. »
« Prouve que tu es digne de confiance. Ce sera mon unique conseil. »
Il lui tourne le dos. Le futur apprenti se relève. Un fort bruit de vent vient le perturber.
Ki-Igno réutilise le sceau qui lui a permis de se rendre auprès de l'ancien mercenaire, disparaissant d'un seul coup. Plus tard, Le chef Kiyuza revient auprès de sa fille.
« Comment était cet élémentaliste ? »lui demande Fraya.
« Insignifiant au premier abord. Par contre, son caractère et sa motivation m'intriguent. »
« Que voulait-il ? »
« Devenir plus fort. »
La réponse apportée par son paternel a le don de piquer sa curiosité. Ki-Igno s'assoie en tailleur sur un petit tapis circulaire, avec un lotus en guise de motif, dans le but de commencer une séance de méditation.
« Peux-tu me laisser ? J'ai besoin de récupérer. Ce n'est pas demain la veille qu'un être de son espèce n'effleurera notre niveau. A croire que les rares individus à nous frôler sont rarissimes au sein de leurs peuples. Et tant mieux d'ailleurs. Faironne aurait été encore plus en danger. De mémoire, un seul parmi eux a pu se hisser à une telle maîtrise. Il s'appelait Densetsu. C'était un Shirenai affilié à l'élément de la terre et possédait une puissance hors du commun. D'après les témoignages de l'entourage du vénérable Ki-Ramen, il était différent des autres. Ce qui les avait le plus marqué c'est son humilité. Après mûre réflexion, il aurait été un excellent Kiyuza. »
Fraya, plutôt focalisée sur la motivation avancée par son père, n'a pas prêté attention le reste.
« Tu m'as écouté ? »
« Euh oui oui. Oui oui, père. »
« Non, tu ne l'as pas fait... Tu m'exaspères Fraya. A quoi ça sert que je te raconte tout ça alors que tu restes sans talent ? »
La vérité cinglante qu'il lui balance en pleine tronche l'abat, lui faisant baisser la tête, seule réaction qu'elle trouve sur l'instant.
« Nous sommes sensés poursuivre l'héritage du grand Ki-Ramen, pas la nier. Notre famille a reçu l'approbation ultime. Tu es la suivante. Ne l'oublie pas. » poursuit-il.
« Je... Je... » murmure-t-elle en se pinçant légèrement les lèvres.
« Laisse-moi. Tu as cours d'éveil du ki. En espérant que cette fois-ci, nous serons témoins du merveilleux pouvoir qui dort en toi. »
Ne sachant pas quoi répondre, elle s'en va sans lui adresser la parole, submergée par une profonde amertume. Elle longe à nouveau un couloir. De nouvelles fissures semblables à celles étant apparues au souvenir précédent apparaissent sur les murs. Le Kirioku, les percevant, prend brièvement le contrôle. Il se dit alors qu'il est peut-être sur la bonne voie et redonne le relais à son otage. Elle arrive alors au bord d'un petit jardin, bordé par des colonnes antiques. Quelques Kiyuzas effectuent des mouvements lente et amples, en parfaite harmonie. Elle s'imagine alors pouvoir faire de même. Après un bref instant à se demander si elle en serait capable, la prétendante au titre de vénérable reprend sa marche. C'est à ce moment-là qu'elle croise un homologue en train de préparer un matériel de voyage.
« Salutations Kozana Fraya, comment allez-vous ? »
« Ça peut aller. Qu'est-ce que vous faîtes ? »
« Ah ça. Votre père m'a chargé d'une étrange missive. »
« Laquelle ? »
« J'ignore si j'ai la permission de vous la communiquer. Pardonnez-moi, Kozana. »
Le Kiyuza poursuit sa préparation. Frustrée par ça, Fraya scrute avec mesquinerie ce qu'il fait. Elle s'aperçoit alors que l'attirail est composé de provisions pour deux personnes, prévu pour quelques jours, de parchemins et d'habits traditionnels.
« Père vous a expulsé ? »
« Pas du tout. »
« D'accord... »
Ils ne se quittent pas du regard. Son homologue comprend alors ce qu'elle tente de faire et arrête temporairement son activité. Ne sachant pas ça, Fraya feinte de s'en aller. Il l'observe s'éloigner un petit moment jusqu'à être totalement rassuré. Il emballe soigneusement tous les composants du matériel de voyage, ne prêtant pas du tout attention qu'elle soit revenue entre temps.
« Ça concerne l'intrus, n'est-ce pas ? » demande-t-elle.
Pris de peur, il se relève d'un seul coup.
« Ne prétendez pas que votre Kozana soit conne, merci. »
« Il... Il vous l'a dit ? » bégaie-t-il, la sueur au front.
« Juste qu'il l'a affronté. Rien de plus. Tout ça, là, c'est pour lui, non ? Donc, si j'ai bien compris, il ne l'a pas renvoyé, n'est-ce pas ? »
« Exactement. »
« Pourquoi ? »
« Je n'en sais rien, Kozana Fraya. On m'a juste chargé de le rencontrer avec des directives précises. »
« Vous pouvez me le dire. »
« Mademoiselle, je ne veux ni attirer la colère de votre père ni la vôtre. »
« Il n'en saura rien. Je ferai tout pour devenir vénérable le plus vite possible pour que rien ne puisse vous arriver. Vous ne connaîtrez pas la punition de notre chère Faironne. Je vous le promets. »
Convaincu par son avance, il se retourne vers elle et se courbe pour prouver sa fidélité.
« Kozana Fraya, votre père exige que j'aille entraîner et faire respecter nos traditions à l'élémentaliste. Il souhaite apprendre nos pratiques. Je recevrais comme récompense une tentative d'éveil dans la demeure de Ki-Ramen. »
Cette annonce plaît fortement à la future vénérable, désireuse de rencontrer pour la première fois de sa vie une personne venant d'un autre Continent que le sien et maîtrisant une énergie qu'elle ne connaît pas. C'est alors que lui vient une idée. Elle repart de là où elle est en venue, en trombes. Plus tard, de retour dans la salle où se trouve Ki-Igno, toujours assis en tailleur, les yeux fermés, en pleine méditation, elle débarque brutalement.
« Père ! » interpelle-t-elle.
« Qu'est-ce que tu as encore Fraya ? Tu ne vois pas que je suis en train de restaurer mon ki ? Je te préviens. Si tu m'annonces autre chose que l'éveil de ton talent, tu peux déguerpir directement ! »
Lassée d'entendre toujours ce sujet sortir de sa bouche, elle ose s'avancer.
« Père, je pense qu'il pourrait se manifester si j'approche notre intrus. »
« Ah oui ? Tiens donc. Et quel sursaut de génie est venu frapper ton esprit pour oser me dire quelque chose d'aussi probablement éclairé ?! » ironise-t-il.
« Pouvez-vous me dire quel élément l'habite ? »
« La foudre. »
Cette affirmation fait sourire la Kozana. C'est alors qu'elle fait une révérence, mains posées à plat devant la tête, frôlant elle-même de quelques millimètres le sol de marbre noir.
« Vénérable père, laissez-moi y aller. Je vous en supplie. »
S'enclenchent chez lui plusieurs réflexions sur la proposition de sa fille. Serait-il possible que son pouvoir puisse se manifester en entrant en contact avec cet intrus ? Ne connaissant pas ce qu'elle cache en elle, son talent aurait-il besoin d'une proximité avec un élément pour se dévoiler ? Et d'autres questions de ce type le harassent. Guidé par son angoisse et sa frustration, il pose les yeux sur sa fille. Ses deux sentiments laissent place à une surprenante tendresse. Ainsi, il indique la porte de son index droit. Réjouie de cette maigre réponse, elle se relève.
« Merci, père. »
Elle quitte la pièce. Une fois isolé, son père se dirige vers une fenêtre et laisse évader son regard vers le ciel, les mains jointes.
« O Faironne, lakmazu okma kupar. Vesazu kifzer orazu niyazum syé okma édamar. » ( = écoute ma prière. Révèle le don que tu as offert à ma fille.)
Depuis tout ce temps, Kenshiro patientait tranquillement là où Ki-Igno l'avait rencontré, la tête tournée vers l'horizon, se remémorant sa confrontation verbale avec les conseillers Aritsune et Daigaku.
« Hé toi ! » interpelle un inconnu.
L'ex-mercenaire se retourne, apercevant Fraya, vêtue dans un long vêtement blanc, mi-toge, mi-kimono, derrière le Kiyuza qu'elle avait croisé en train de préparer tout ce qu'il fallait. Le bleu pur de ses yeux fait mouche. Il la trouve d'une beauté éclatante.
« Tu viens bien de Kigen ? » lui demande-t-il.
« Affirmatif. » répond le Shirenai.
« Bien. Se trouve en face de toi la fille de notre vénérable qui est venu te rencontrer. Kozana Fraya. »
« En... Enchanté. » salue-t-il en se courbant.
« Alors, comme ça, tu voudrais intégrer l'apprentissage de la maîtrise de notre énergie. C'est bien ça ? » questionne-t-elle.
« Affirmatif. »
« Peut-on savoir pourquoi ? » poursuit-elle.
« En réalité, j'ai toujours été fasciné par ce qui ne provenait pas de tout ce qu'on inculque là d'où je viens. Je pense que, si nous nous intéressons pas à ce qui existe, nous perdons beaucoup de choses, à la fois sur nous-mêmes, les autres et le monde. Je souhaite effectivement devenir plus fort. Notre Code insiste sur le fait qu'il faut protéger notre monde. Vous comprendrez que ma requête est amplement justifiée. » déclare-t-il sans s'être relevé.
La vérité délivrée par l'électromancien la convint.L'autre Kiyuza dépose le matériel qu'il transportait et commence à déballer le contenu. Des vêtements sont tendus vers l'ancien membre de Kigen.
« Vous êtes chez nous. Vous êtes obligé de porter ceci. » lui annonce-t-il.
« Puis-je être seul un petit instant ? »
Fraya et son confrère s'éloignent un peu afin que Kenshiro puisse se changer.
« Kozana, croyez-vous en ce qu'il vient de dire ? Ça pourrait être une stratégie des élémentalistes pour nous envahir, non ? »
« Nous n'en savons rien. Cependant, le discours de cet homme ressemble en quelques points aux commandements de Ki-Ramen. J'avoue que ça me plaît. »
Surpris par sa dernière remarque, le Kiyuza la regarde de côté, se demandant qu'est-ce qui aurait pu attirer à ce point son attention. Tous les deux reviennent vers le prétendant à l'énergie neutre. Ce dernier a laissé ses anciens habits bien pliés au sol et arbore ceux du peuple dirigé par Ki-Igno. Son nouvel accoutrement tape dans l'œil de Fraya.
« Nous allons pouvoir commencer. Tout d'abord, pouvez-vous me confirmer quel élément vit en vous ? »
« La foudre. »
« Bon. Déjà, avant toute chose, il faut que vous sachez quelque chose. Deux énergies ne peuvent cohabiter dans un corps. Pour que vous puissiez vous éveiller au ki, je suis désolé de vous l'annoncer, vous devez abandonner votre élément. »
« Il n'y a vraiment pas d'alternative ? » répond-il.
« Premier commandement, est complice de l'interdit celui qui s'empare de puissances multiples. » lui annonce Fraya.
« Si telle est la loi, je la respecterai. Comment procède-t-on ? Vous n'allez quand même pas me tuer pour que ma foudre retourne à son donneur et me réanimer ensuite ? Vous pouvez faire ça ? »
« Troisième commandement, est contraire à Faironne celui qui transgresse les lois de la vie et de la mort. » poursuit la Kozana.
« Avec tant de règles, l'abandon de votre pouvoir et l'assimilation de la philosophie transmise par Ki-Ramen, éternellement le meilleur d'entre nous, êtes-vous sûr de vouloir poursuivre ? »
Pour leur manifester son consentement, l'ancien Shirenai s'incline.
« Nous n'allons pas vous tuer. Vous n'avez rien à craindre.Avec ceci, nous allons pouvoir démarrer votre apprentissage. Tout d'abord, pour rentrer en contact avec le ki endormi en vous, il va falloir relâcher votre esprit. »
L'élève ne semble rien comprendre aux explications données. Cela fait légèrement sourire Fraya. Constatant que le Shirenai est complètement perdu, le Kiyuza s'assoie en tailleur.
« Je vais vous montrer. »
Il ferme les yeux. Après un petit instant, un bruit venteux arrive aux oreilles de Kenshiro. Il en déduit alors que, sans être dans une posture défensive ou offensive, sans prononcer quelconque formule, l'homme devant lui est en train de laisser exprimer son ki. Il fait alors de même. Malheureusement, seule la foudre surgit en se manifestant sous la forme classique d'une aura jaune.
« Première leçon, tout être vivant ou non possède en lui un ki endormi. Lorsque toute vie cesse, elle rend l'énergie qu'elle lui a été donnée. Si vous voulez qu'il se réveille, vous devez faire en sorte que votre élément cesse d'être présent. Il restera en vous, endormi à son tour. Pour y parvenir, focalisez votre esprit sur tout ce qu'il se passe dans votre corps. Coupez-vous de lui. Viendra en vous le précieux don de Faironne. »
En ayant attentivement suivi ce qu'il vient de détailler, après de multiples respirations longues et prononcées, l'aura diminue progressivement, jusqu'au point de n'être plus visible. Fraya est impressionnée par la performance délivrée, limite en train de la dégoutter.
« Vous comprenez rapidement. Dès que votre ki sera présent, nous pourrons passer à la suite. Je reste ici pour surveiller vos progrès, en accord avec ce que m'a confié le vénérable Ki-Igno. »
« Bon... Je vais raconter tout ça à mon père. »
« Très bien, Kozana Fraya. Avez-vous prévu de revenir ? »
Ne souhaitant pas répondre, elle commence à s'en aller, l'air amer. Kenshiro ouvre légèrement les yeux, remarquant alors sa fuite. Une fois totalement disparue des lieux, la foudre du Shirenai revient un peu.
« Attention. Vous êtes en train d'annuler les progrès précédents. »
« Pardon... J'ai cru comprendre qu'elle est quelqu'un d'important. Pouvez-vous m'en dire plus ? »
« Kozana Fraya est la fille de l'homme qui est venu vous voir. Elle sera notre prochaine vénérable, en théorie... »
L'inquiétude émanant du visage de son enseignant l'interpelle.
« Pardonnez mon indiscrétion. Il y a un problème ? »
Le Kiyuza marque un temps, ne sachant pas s'il est autorisé à parler de certains sujets à cet inconnu défiant les lois de son peuple.
« Permettez-moi de vous avouer quelque chose. Si je suis venu, ce n'est pas uniquement pour vouloir devenir plus fort. Je suis navré de vous avoir plaquer ce motif simpliste. En réalité, j'ai été chassé des miens. Comme je l'ai expliqué envers votre supérieur, je ne suis officiellement plus un Shirenai. Je ne suis plus autorisé à exister sur le Continent Central. Après, vous me direz que j'aurais pu migré vers le Nord, l'Est ou le Sud. Sauf que, d'une part je ne connais personne, et, d'autre part, certains territoires, notamment celui de l'Est, ont décrété qu'ils ne voulaient plus rien à avoir avec Kigen. Je me suis tourné vers le seul endroit encore inconnu des miens. Voilà la vérité. »
La sincérité débordante des paroles de Kenshiro viennent impacter le Kiyuza en plein cœur.
« Il me reste bel et bien un ami mais lui aussi a décidé de séparer de Kigen, pour les raisons qui l'importent. Sinon, je n'ai plus personne vers qui me tourner. Vous n'êtes pas obligé de me croire et je vous comprendrais. » poursuit l'exilé en inclinant la tête.
Convaincu par ce dernier et choqué par la situation qui l'accable, il se décide à transgresser les règles implicites dues à sa mission.
« Nous possédons aussi ce qu'on appelle des talents. Des capacités diverses, allant d'une simple accélération des mouvements à des sens aiguisés. La puissance d'un Kiyuza se mesure certes à la quantité de ki exprimée, mais aussi au talent qu'il possède. Tout ça pour vous dire que Kozana Fraya n'a pas éveillé le sien. Pour lui succéder, son talent doit être présent. Je sais de source sure, qu'en ce moment, notre vénérable actuel est extrêmement furieux. Ça se comprend parfaitement. La famille d'où elle et son père sont issus a été désignée par Ki-Ramen en personne pour le succéder. Normalement, ça aurait dû être sa descendance qui devait prendre le flambeau. Mais l'énorme sacrifice qu'il a réalisé il y a deux cents face aux énergies nocives a changé la donne. »
« Les énergies nocives ? Qu'est-ce que c'est ? »
« Je vous en dirai plus une fois votre apprentissage arrivé à un stade beaucoup plus avancé. Désolé. »
Les révélations qu'il vient d'ingérer lui font sens maintenant. Cependant, en observant son visage avec plus d'attention, il sent que le Kiyuza cache quelque chose d'autre au sujet de Fraya mais, ne voulant pas creuser la question maintenant, il reprend sa concentration là où elle devait être, faisant disparaître à nouveau son aura issue de son élément. Quand à son enseignant, il repense à tout ce que Kenshiro lui a dévoilé. Il suggère que Ki-Igno devrait revoir certaines règles et qu'il serait bon d'intégrer de nouvelles choses pour traiter ce genre de cas. Beaucoup plus tard, la Kozana revient auprès de son père et reprend machinalement sa lecture.
« Alors, cette rencontre avec cet élémentaliste ? »
Toujours amère d'avoir constaté qu'un élémentaliste est meilleur qu'elle dans l'éveil du ki, elle fait mine de n'avoir rien entendu. Ceci a le don d'irriter Ki-Igno.
« Fraya, je t'ai posée une question. Peux-tu me répondre, s'il te plaît ? »
L'esprit de la Kozana est focalisé sur Kenshiro. Tout en lisant, elle émet l'hypothèse qu'elle pourrait tirer profit de sa présence pour pouvoir échapper au funeste destin qu'il lui est réservé. Le fait que si cet inconnu, pourtant envahi par un élément, est capable de telles prouesses, elle pourrait développer autre chose. L'envie même de vouloir une autre vie commence à naître dans sa réflexion.
« Fraya ?! » insiste-t-il.
Seul le silence assourdissant comme réponse. Lassé de n'avoir aucun retour, Ki-Igno se lève, marche d'un pas assuré vers elle et, une fois arrivé à sa hauteur, la gifle violemment, la faisant basculer de sa chaise.
« Je suis plus que ton père, Fraya. Je suis également ton supérieur. Alors, quand j'exige quelque chose de ta part, tu dois répondre. Dis-moi ce que tu as tiré de cette rencontre. Tout de suite. »
« Absolument rien, père. » lui répond-elle, encore allongée sur le sol, la joue rouge.
« Encore une déception. Bien habituelle venant de toi de toute façon. Ne me demande plus de telles choses à l'avenir. »
Il revient à l'endroit où il était en train de méditer. Cette brutale action et ces déclarations cinglantes la convainquent de suivre l'envie naissante de fuir. Après avoir posé une main sur sa joue, s'être relevée et avoir posé les yeux sur son agresseur, une haine viscérale envers lui grandit en elle. Sous l'action de celle-ci, les lieux se craquellent de toute part, beaucoup plus que toutes les fois précédentes. Alerté et aguiché par ce phénomène, le Kirioku revient. A ce moment-là, il devine le point sensible à explorer dans l'esprit de sa prisonnière. Il décide de revenir dans l'espace où il l'a enfermé dans le présent. Certaines parties de son corps, au niveau de ses bras, ses jambes et ses côtes ont disparu. Il en déduit alors qu'il est en bonne voie.