À l'aube suivante, l'heure était enfin venue de quitter la caverne. Noctis, ayant déjà exploré une bonne partie de celle-ci en traquant le guide de la horde, en connaissait déjà une bonne partie, ce qui facilita leur traversée. Cependant, ils demeuraient tous sur leurs gardes, conscients des créatures redoutables qui rôdaient dans les profondeurs obscures.
Les rumeurs disaient souvent que les monstres les plus terrifiants hantaient les hauteurs du ciel, les abîmes insondables des océans et les entrailles les plus sombres de la terre, des cavernes où le jour ne perçait jamais. Certes, bien des récits reposaient davantage sur la peur de l'inconnu que sur des preuves tangibles. Pourtant, on pouvait difficilement écarter l'idée de puissantes entités, aussi puissantes et énigmatiques que les Célestes, cachées sur des territoires profanes jamais foulées par l'homme. Mais peut-être n'y avait-il rien du tout. Quoi qu'il en soit, rester en alerte ne coûtait rien.
La caverne, large et profonde, baignait dans un silence oppressant, seulement rompu par le son régulier de gouttes d'eau s'écrasant sur la pierre, et les ossements disséminés sur le sol ajoutaient une atmosphère lugubre. Après un long moment de marche, Noctis estima qu'ils s'étaient suffisamment enfoncés dans l'obscurité pour présenter Candélabre à ses compagnons.
À peine l'idée formulée, huit flammes d'un bleu spectral jaillirent de nulle part, illuminant faiblement leurs alentours. Loyd sursauta, tandis qu'Artémis, fidèle à elle-même, resta impassible, habituée à être surprise.
- « Bon sang ! Tu sais que je vois dans le noir, abruti ? » Grogna Loyd, encore un peu secoué. « Pas besoin de me faire surgir un chandelier d'outre-tombe sous le nez pour ça ! »
Dédaigneux, Candélabre réagit en crachant une petite braise en direction de Loyd, qui l'esquiva avec aisance, sourire aux lèvres, dévoilant ses crocs.
- « Oh, il veut jouer les courageux, celui-là ? Si je le faisais fondre pour en faire un cure-dent d'argent ? » Menaça Loyd d'un ton amusé.
Les flammes bleutées de Candélabre pâlirent aussitôt, et il fila se réfugier derrière Artémis, qui éclata de rire.
- « On ne fait fondre personne, compris ? » Intervint-elle, avec un sourire en coin. « Allez, avançons. »
Désormais, Candélabre flottait devant le groupe, guidant leur progression d'un air fier. Mais chaque fois que Loyd lui lançait un regard chargé de menaces, il revenait prestement se cacher derrière Artémis, les faisant beaucoup rire. L'ambiance resta légère jusqu'à la sortie de la grotte.
Après trois longues heures de marche, ils perçurent un souffle chaud, une bouffée d'air brûlant qui traversa la caverne, signalant la proximité de l'extérieur. Au bout d'un long moment, la grotte déboucha enfin sur quelque chose. Le trio fut d'abord aveuglé par l'intense lumière, puis une effroyable vision les assaillit.
Devant eux, un désert immense s'étendait à perte de vue, son horizon ondulant sous la chaleur écrasante. Il était comme un océan figé, ses dunes comme des vagues pétrifiées par le temps, et ils pouvaient presque entendre le silence brûlant du désert leur murmurer la sécheresse à la bouche.
Le sable doré reflétait le soleil, semblable à une déité immolente régnant en monarque tyrannique et solitaire dans ses cieux vides de nuages, et baignant le monde de cette lumière éclatante.
Le sable doré était balayé par le vent brûlant, qui était le Hérault du désespoir en ce royaume d'or et de feu, en ce paradis pour démons.
Noctis rappela aussitôt Candélabre, et la chaleur baissa légèrement.
- « Comment... » murmura-t-il, « comment la chaleur et le paysage peuvent-ils autant changer, rien qu'en étant séparés par une chaîne de montagne ? »
Il ne faisait pas froid dans la jungle infernale, mais la chaleur n'y était pas écrasante non plus. S'ils n'avaient pas eu la théière d'argent miraculeuse d'Artémis, ils n'auraient même pas osé imaginer traverser le désert.
- « Tout va bien, » dit Artémis. « Cette grotte a été creusée de main humaine, donc il doit y avoir une civilisation par ici. »
- « Ouais, une civilisation peut-être éteinte depuis longtemps, » rétorqua Loyd. « On risque de ne trouver que des ruines. »
- « On ne va pas se décourager ! » Intervint Noctis. « On devrait... explorer, et essayer de trouver une civilisation. S'il n'y en a pas, nous partirons vers l'est, comme convenu. »
Aucun des deux n'avait quelque chose à redire à cela. C'était de toute façon le meilleur plan à appliquer, car voyager directement vers l'est serait désastreux s'ils se heurtaient directement à la mer bordière de l'océan Ulmo. Si une civilisation était présente dans le désert, ils pourraient tirer des informations sur l'endroit exact du continent où ils se trouvaient.
C'est ainsi qu'ils entamèrent la traversée du désert. Ils avaient beau avoir une source d'eau inépuisable, la chaleur n'en était pas moins insupportable, et la mer de sable semblait réellement interminable. À certains endroits, les dunes étaient plus nombreuses et beaucoup plus hautes, formant des petites forêts de sable dont les arbres étaient des dunes. Aucun point de repère ne pouvait être fait, car ils savaient que le moindre coup de vent un peu fort pouvait changer le paysage, le rendre totalement méconnaissable.
Il y avait bien sûr des monstres, dont des insectes géants qui se cachaient dans le sable en espérant engloutir des proies dans de profonds trous préalablement creusés, des vers des sables gros de dix mètres de hauteur qui avaient heureusement la peau et la chair molles et facilement transperçables, et enfin des Crocs du désert, des loups noirs, géants et à rayures blanches avec une grande queue de scorpion, comme celui que Noctis avait croisé dans la grotte.
Toutes ces créatures étaient évidemment carnivores, et il en existait sûrement de bien pires rôdant dans les profondeurs immolées de la mer de sable. Il leur arrivait, lorsqu'ils oubliaient trop longtemps de boire, de voir des mirages qui représentaient toujours de grandes cités débordantes de vie ou des oasis luxuriantes. Heureusement, leurs physiques robustes de Maîtres leur permettaient de mieux résister à la chaleur écrasante que la plupart des gens ordinaires, ainsi ne ralentissaient-ils jamais dans leur avancée.
Au bout d'une longue bataille contre le désert infernal, ils tombèrent enfin sur une chose. Malheureusement, cette chose n'allait pas arranger leur morale.
C'était un cadavre humain.
Et un cadavre avec un visage familier.