Chefs se rencontrent (2)

Kami fut le premier à parler, la fureur teintant ses mots. « Je ne laisserai pas cela passer. Mon garçon ne s'est toujours pas rétabli. Outre la douleur qu'il a endurée, le coût des médicaments nécessaires pour assurer que ces blessures n'affecteraient pas son avenir est astronomique. »

« Ne fais rien d'impulsif, Kami. Si ton garçon n'avait pas essayé de tuer le commun, il n'aurait jamais souffert », la voix de Patia-Neva était compréhensive mais ferme. Il ne pouvait pas laisser la haine de Kami fermenter.

« Je m'en fiche. Depuis quand la famille Kami a-t-elle besoin de la permission pour tuer ? Il paiera pour cette humiliation. »

Duco prit la parole. « N'oublie pas la raison pour laquelle il a obtenu le quota pour se produire en premier lieu, Kami. Le garçon peut être médiocre ici, mais il est d'une grande valeur pour les gens du commun. En fait, il est une sorte de célébrité dans le monde mortel. S'ils apprennent qu'il a été tué, et surtout si peu de temps après être venu à nous, cela déclenchera une guerre. »

« Duco a raison, nous avons d'autres problèmes à régler. Faire la guerre avec les gens du commun n'est pas quelque chose que nous pouvons nous permettre, et il semble que le garçon le sache. De plus, si l'on considère les missions dangereuses que les élèves de l'Académie Focus entreprennent à partir du 4e grade, il pourrait mourir naturellement. » Bai s'exprima en accord.

Le rire léger de Sapientia emplit la salle dans l'espoir de dissiper la tension. « D'après ce que je peux déduire, ce garçon pourrait ne pas rester médiocre très longtemps. » Il répondit au commentaire de Duco. « Je vois que notre Bibliothécaire résident a déjà pris ce garçon en affection. »

« Quoi ?! »

La colère de Kami s'intensifia. L'importance de la bibliothèque pour cette école ne pouvait être sous-estimée. Si Dyon parvenait à se mettre Libro de son côté en tant que mentor ou ami, ses progrès seraient bien plus rapides.

« Pas d'inquiétude Kami, Libro ne briserait pas les règles de l'académie… Cependant, il semble que la fille de Patia-Neva a donné au garçon l'accès aux 600 premiers niveaux pendant quelques heures. » Le père de Delia se raidit à ces mots.

Kami soupira de soulagement. Personne ne pouvait faire grand-chose avec juste quelques heures, même avec l'accès à 600 niveaux.

« Eh, je ne serais pas si soulagé à ta place. Il semble que l'une des techniques qu'il a apprises soit la technique de lecture rapide de mon clan. »

« Appris ? Ne joue pas avec nous Sapientia. Tu viens de dire qu'il n'avait eu que quelques heures, que veux-tu dire par appris. Et une technique de si haut niveau qui plus est ? » Tempête dit, brisant son silence.

Sapientia soupira. « Il semble qu'il ait une certaine affinité pour les techniques de mon clan. Vous savez que le monde mortel m'a toujours fasciné. Leur capacité de réflexion et de recherche est à certains égards bien au-delà de la nôtre. »

Les poings de Kami se serrèrent.

En réalité, il semblait étrange que des experts de leur stature soient si préoccupés par un garçon. Cependant… Il y avait des tabous très stricts sur l'interaction entre le monde martial et le monde mortel. Le contrôle des talents cérémoniels qu'ils permettaient au monde mortel tous les cinq ans n'était jamais censé déboucher sur des talents réels. Ils ne pouvaient comprendre comment Dyon avait réussi.

La voix de Patia-Neva retentit. « Les grandes alliances d'écoles mettent trop de pression sur nous. Nous pouvons avoir de nombreux génies prometteurs dans cette génération, mais les années passées n'avaient peut-être qu'un ou deux.

« Si nous voulons que cette école survive, et ainsi assurer l'avenir de nos familles, nous ne devrions pas ostraciser les génies. Le garçon est intelligent. Il ne serait pas difficile pour lui de découvrir qu'il y aurait d'autres écoles prêtes à le recruter. Des écoles plus... disposées à ignorer les tabous.

« Je suggère que nous nous écartions d'un plan visant à l'étouffer nous-mêmes. Les élèves de cette école suffiront amplement à cela. De cette manière, s'il réussit malgré tout, nous avons un génie. S'il échoue, alors nous aurons éliminé un problème. Nous avons d'autres affaires à régler, telles que préparer les génies de nos familles pour le Tournoi des Classements de l'Alliance et...»

Bien que Patia-Neva n'ait pas prononcé les dernières parties de ses pensées, les autres chefs de famille savaient très bien à quoi il faisait allusion.

Au-delà de cela, la vérité était que les chefs de famille n'agissaient contre Dyon que parce que c'était la voie la plus facile et la plus directe. S'il était embarrassé au point de partir sans qu'ils aient à lever le petit doigt, ce serait le scénario idéal pour eux. Ils n'avaient aucun moyen de deviner qu'il aurait rencontré Delia pour lui donner accès à la bibliothèque, ni même qu'il serait capable d'apprendre ce qu'il avait appris en si peu de temps.

Kami avala sa colère, choisissant de croire que son fils obtiendrait sa propre revanche.

Alors que la pression dans la salle retombait, les chefs de famille acquiescèrent avec résolution. Ce n'était pas la peine d'agir eux-mêmes. Ils savaient que Dyon serait ralenti par son propre manque de ressources. En fait, il ne pourrait même pas se voir offrir une technique de cultivation décente puisque celle démontrée dans les prochaines classes serait la version la plus basique et la plus brute possible.

Même les chefs de famille ignoraient quels calamités les attendaient à l'avenir. Tout ce qu'ils savaient, c'était que le pouvoir prime sur tout. Et en ce moment, ils n'en avaient pas assez.