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Cauchemars

Ravina passa le reste de sa journée entre le laboratoire et l'inventaire. Elle ne mangea ni ne prit de pause et son oncle, qui lui en faisait habituellement la remarque, était en voyage. Bram la laissait s'enterrer dans le travail, sachant qu'elle souffrait trop pour avoir du temps libre qui lui aurait permis de penser à d'autres choses, comme à l'endroit où se trouvait sa sœur.

Ravina se concentra sur le développement des inventions de son père. La plupart nécessitaient de la précision et beaucoup de pratique. Ravina voulait en simplifier l'utilisation afin que plus de soldats puissent les utiliser. Elle avait déjà développé une utilisation plus simple du clamp. Le feu avait été l'aspect le plus dangereux du combat contre les dragons et c'est pourquoi le clamp était crucial dans la lutte contre eux.

Maintenant, elle se concentrait sur la manière de développer le terroriseur pour un but plus grand et plus précis. Si elle y parvenait, alors son développement serait également utile pour le graviton et le clamp.

"Il est tard maintenant, Ravina. Tu devrais aller dormir." dit Bram. "Peut-être manger avant cela."

"Je n'ai pas encore terminé." dit-elle en gardant les yeux sur le projet.

"Je ne pense pas que tu auras fini de si tôt, alors autant que tu ailles dormir."

Elle poussa un grognement de frustration en mettant tout de côté. Quand elle se leva, elle gémit de douleur. Son dos et son postérieur étaient douloureux d'avoir été assise tant d'heures.

"D'accord. Bonne nuit alors." dit-elle avant de retourner dans sa chambre.

"Ma Dame," sa femme de chambre Ester semblait l'avoir attendue. "Vous n'avez pas mangé et avez travaillé toute la journée." dit-elle avec inquiétude. "Je vais vous apporter quelque chose à manger."

"Non. Je veux juste dormir." Ravina lui dit. Elle était fatiguée et rien que l'idée de manger lui donnait la nausée. Penser à autre chose que le travail lui donnait la nausée.

Ester la regarda avec préoccupation. "Est-ce à cause de ce que la reine vous dit tout le temps?"

"Ester, m'as-tu déjà vu me soucier de ce que les autres pensent ? La vieille dame s'ennuie et n'a rien de mieux à faire." Ravina se moqua pendant qu'elle commençait à enlever sa robe. Ester vint l'aider.

"Je sais que tu ne te soucies pas d'elle. Tu devrais malgré tout faire attention à toi."

"Je vais bien. Je n'ai aucune intention de mourir pour le moment, alors ne t'en fais pas." Ravina rassura.

Une fois en chemise de nuit, elle se coucha. Ester lui souhaita bonne nuit et souffla les bougies en sortant. Maintenant que Ravina était seule sans rien d'autre pour occuper son esprit, ses pensées furent remplies de sa sœur.

Corinna. Sa jumelle. Son autre moitié. Elles étaient inséparables jusqu'à ce qu'elles soient séparées. Jusqu'à ce qu'elle la perde. En tant qu'ainée, c'était à elle de veiller sur elle. Ou peut-être que cela n'avait rien à voir avec ça. C'était juste la façon dont sa famille était construite. Ravina était dure et calculatrice comme leur père. Corinna était toujours douce et gentille comme leur mère, c'est pourquoi Ravina se sentait protectrice envers elle.

Elle ferma les yeux, essayant d'échapper à ses propres pensées qui la tourmentaient, mais elle savait que le sommeil ne lui apporterait pas la paix. Ses cauchemars revenaient toujours plus forts chaque fois qu'un dragon était amené ici et celui-ci lui faisait avoir les pires d'entre eux. Le cauchemar qu'elle détestait le plus. La mort de ses parents.

Ravina rêvait à la façon dont la vraie terreur commençait lorsqu'une grande ombre se projetait sur eux. Un dragon volant juste au-dessus, prêt à les réduire en cendres. Ravina avait couvert sa sœur comme si cela allait aider et attendait de sentir le feu brûler sa peau lorsque son père vint à leur secours.

"Prends ta sœur, Ravina. Fuis !"

Ravina fit ce que son père lui avait dit tandis qu'il distrayait le dragon loin d'elles. Son cœur battait fort alors qu'elle courait le plus vite possible, traînant sa sœur par le bras. Mais elle ne pouvait pas simplement laisser leur père derrière elle et dans un moment d'inquiétude, elle ralentit et regarda derrière. Les soldats étaient morts et le dragon avait sa queue enroulée autour de leur père. Ravina regarda avec horreur alors qu'il mettait son père dans sa gueule.

"Non !" Ravina essaya de courir vers son père mais fut soudainement arrêtée par quelques hommes de confiance de son père. "Non ! Laissez-moi ! Père !" Elle essaya de se libérer mais il était trop tard. Elle assista à la manière dont la bête enfonça ses dents acérées dans son père, l'écrasant, le mâchant avant de le cracher.

La douleur aiguë dans sa poitrine la réveilla. Elle ouvrit les yeux, le cœur battant et avec une respiration lourde. Elle fixa le vide dans l'obscurité essayant de se calmer mais quelques larmes mouillèrent son visage.

Ravina les ignora et essaya de se rendormir, mais dès qu'elle fermait les yeux son esprit dévalait l'allée des souvenirs sombres. De ce qui s'était passé après la mort de son père, et comment sa mère était également morte devant ses yeux. Comment, tout comme la bête l'avait promis, sa race avait réduit sa mère en cendres, ne laissant presque rien derrière pour l'enterrer.

Ravina se retourna dans son lit, la poitrine lourde, la douleur rendant la respiration difficile. Elle s'était empêchée de pleurer tant de fois. Promis qu'elle ne pleurerait pas tant qu'elle n'aurait pas vengé ses parents et qu'elle se serait assurée que les inventions et les efforts de son père n'allaient pas être vains. Jusqu'à ce qu'elle garantisse que son peuple n'aurait plus à vivre dans la peur.

Les dragons s'étaient retirés mais ils tentaient encore de temps en temps de reprendre le contrôle. Ils avaient tué des milliers de personnes lors de cette tentative. Les gens craignaient toujours que leur village soit le prochain à être réduit en cendres.

Ravina voulait que l'invention de son père soit facilement accessible et utilisée afin que les gens puissent se défendre. Son père les avait libérés mais ils étaient encore tous prisonniers.

"La liberté n'est pas gratuite, Ravina." Il lui avait dit.

Il avait raison. Lui et beaucoup d'autres avaient payé de leur vie et un jour, elle paierait de la sienne. Son père était dévoué. Il lui avait montré qu'avec patience et sagesse, l'ennemi pouvait être vaincu.

Si seulement elle avait la même patience et le même courage que son père mais elle n'était pas comme lui. Il était un homme bon, mais elle ne pouvait pas être bonne. Elle avait grandi pour être froide et cruelle. Pour vaincre les monstres, elle devait devenir un monstre plus grand.

Alors pourquoi ? Pourquoi pleurait-elle ? Un monstre n'était pas censé se sentir triste ? Elle s'était entraînée durement pour rester froide. Pourquoi ?! Elle laissait même se faire provoquer. Pourquoi ?

Elle enfouit son visage dans son oreiller. Cela devait être à cause de sa sœur. Dieu, comme elle lui manquait. Ravina avait vraiment besoin qu'elle soit en vie car c'était elle qui avait besoin d'être sauvée. Celle qui devait être épargnée de cette existence vicieuse.

Elle sanglota dans l'oreiller pour étouffer le son de son cri mais maintenant qu'elle avait commencé, elle ne pouvait s'arrêter. Cela s'aggravait seulement. Sa tête et ses yeux commençaient à faire mal et puis elle n'était plus certaine de savoir quand elle s'était endormie.

Le matin arriva plus tôt qu'elle ne l'espérait. Elle avait travaillé toute la journée d'hier et aujourd'hui elle ne voulait que dormir.

"Ma Dame. Vous devez manger." lui dit Ester, quand elle continua de dormir jusqu'à l'heure du déjeuner.

Ravina l'ignora et ne se leva de son lit que lorsqu'elle fut prête à affronter la journée. Elle descendit à la salle à manger, où on lui servit quelque chose entre le déjeuner et le dîner. Elle mangea rapidement et se hâta de retourner au laboratoire, prête à terminer son projet.

La pièce était éclairée mais Bram était introuvable. Elle s'approcha de la table et trouva son cahier ouvert. Ravina le saisit. D'après la date en haut, elle savait qu'il avait pris ces notes hier. Elle vit le mot prisonnier sous la date.

Malachi.

Son nom de famille suivait.

Azar

Il était du clan Azar ? C'était pour cela que Bram avait marqué une pause lorsqu'il avait découvert son nom. Il le reconnaissait.

Malachi. Il venait du clan des barbares. Ceux qui semaient la terreur et régnaient par l'oppression. Ceux qui causaient le plus de souffrances. C'était le clan que son père voulait vaincre en premier.

Maintenant elle comprenait pourquoi son oncle le gardait malgré le danger. Au fil des années, il avait capturé des dragons de plus en plus puissants et maintenant il avait finalement attrapé l'un des plus dangereux. Cela ne lui plaisait pas. Elle avait l'impression qu'il pourrait avoir des arrière-pensées et s'être laissé capturer volontairement. Mais pourquoi ferait-il cela ? Il doit savoir qu'attaquer le château serait une mission suicidaire.

Le château avait été reconstruit pour résister à la chaleur et était équipé pour la défense. Aucun dragon ayant essayé d'attaquer le château n'avait réussi. Il y avait des soldats en garde depuis les plus hautes tours jour et nuit, à l'affût de toute menace. Si quoi que ce soit était détecté dans l'atmosphère, alors ils étaient prêts à attaquer.

Ravina remit le cahier tel qu'il était. Elle prit ensuite son propre cahier avant d'aller trouver le prisonnier.

Les gardes à l'entrée du tunnel l'arrêtèrent.

"Votre Altesse, nous n'avons pas le droit de laisser entrer qui que ce soit."

"Y a-t-il un risque de danger ? N'est-il pas bien sécurisé ?"

"Il l'est."

"Alors ne vous inquiétez pas." Elle feignit un sourire. Elle n'avait pas l'habitude de sourire. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas souri sincèrement. "Tenez." Elle leur donna une bourse de pièces et ils la laissèrent entrer.

Ravina traversa le tunnel sombre avec son cahier qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser. À l'intérieur, elle avait caché un poignard. Cela ne serait pas d'une grande utilité. Elle n'allait pas se laisser provoquer cette fois.

Lorsqu'elle arriva à la grotte où il était enchaîné, elle le trouva assis près du graviton.

Il tourna la tête à son arrivée. Elle savait qu'ils avaient des sens très développés.

'Je peux sentir ta peur' ses mots rudes résonnèrent dans son esprit.

Eh bien, voyons s'il pouvait sentir sa peur aujourd'hui.

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